2ème Chambre
ARRÊT N°127
N° RG 20/01304
N° Portalis DBVL-V-B7E-QQI7
Mme [I] [U]
C/
S.A.R.L. NORDALA
Autre décision avant dire droit
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me PARENT
– Me BONTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 Janvier 2023
devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [I] [U]
née le 24 Août 1948 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Gwenaela PARENT de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
S.A.R.L. NORDALA
[Adresse 5]
[Adresse 4]
Représentée par Me Mikaël BONTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Charles OGER de la SELARL ARMEN, plaidant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant devis du 24 juillet 2014 et facture du 8 octobre 2014, Mme [I] [U] a, moyennant le prix de 5 098,96 euros TTC, fait installer à son domicile par la société MGFR, devenue société Nordala, un poële à granulés blanc Baltic de marque Brisach, et d’une puissance de 9 Kw.
Le prix a été entièrement acquitté, et la société Nordala a assuré l’entretien de l’appareil jusqu’en octobre 2016.
Courant 2017, Mme [U] a eu recours aux services de la société Chenais Eco Energie (la société CEE), qui l’a alertée sur une déformation du foyer du poële nécessitant une intervention.
Après avoir vainement mise en demeure la société Nordala de procéder à la réparation ou au remplacement du poële par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 2018, Mme [U] l’a, par acte du 16 août 2018, fait assigner devant le tribunal d’instance de Nantes aux fins de condamnation à réparer ou remplacer ledit poële, et, subsidiairement, aux fins d’organisation d’une mesure d’expertise.
Estimant que la preuve de la responsabilité contractuelle de la société Nordala n’était pas établie, le premier juge a, par jugement du 19 novembre 2019 :
débouté Mme [U] de sa demande,
condamné Mme [U] aux dépens, et à payer à la société Nordala la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires.
Mme [U] a relevé appel de ce jugement le 24 février 2020, et aux termes de ses dernières conclusions du 28 octobre 2020, elle demande à la cour de l’infirmer et de :
constater le manquement contractuel de la société Nordala,
en conséquence, condamner la société Nordala à procéder à la réparation ou au remplacement à ses frais du poële défectueux, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
subsidiairement, désigner un expert avec pour mission notamment de :
décrire les désordres affectant le poële à granulés Baltic de marque Brisach,
déterminer les causes et circonstances des désordres affectant le poële à granulés,
déterminer et chiffrer le montant de la réparation ou du remplacement du poële à granulés, et des préjudices subis par Mme [U],
en toutes hypothèses, condamner la société Nordala à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d’expertise judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions du 17 août 2020, la société Nordala conclut à la confirmation du jugement attaqué, et sollicite la condamnation de Mme [U] au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle demande de lui décerner acte qu’elle ne s’oppose pas à la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire par Mme [U], mais formule les plus expresses protestations et réserves d’usage, et demande que Mme [U] fasse, dans cette hypothèse, l’avance des frais d’expertise.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 10 novembre 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Au soutien de son appel, Mme [U] fait valoir que la société Nordala aurait manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas les termes de la garantie contractuelle de cinq ans mentionnée dans les conditions générales de vente, et que, d’autre part, contrairement à l’appréciation du premier juge, elle rapporterait la preuve du dysfonctionnement du poële, tant par le diagnostic émis par la société CEE, les photographies qu’elle aurait prises le 20 octobre 2017, et le constat d’huissier établi le 18 mars 2019.
La société Nordala soutient de son côté que la clause dont se prévaut Mme [U] dans les conditions générales de vente mentionne comme garant du poële, la société Brisach, qui n’est pas à la cause.
La clause des conditions générales de vente de la société MGFR, devenue société Nordala, mentionne sous le § 5 ‘garantie 5 ans : poëles à buches de bois, poëles et inserts à granulés, brûleurs gaz, inserts et foyers éthanol’ que ‘Brisach garantit aux propriétaires de ces appareils pendant 5 ans qu’ils sont dépourvus de défaut de matière ou de fabrication […]’
Si cette clause mentionne effectivement que la société tenue à garantie est le fournisseur du poële, la société Brisach, il demeure cependant que la facture éditée le 8 octobre 2014 par la société Nordala, anciennement MGFR, mentionne également la dénomination commerciale de la société Brisach avec son logo comportant le rappel de la garantie contractuelle de 5 ans.
La société Brisach n’est donc pas identifiée de manière distincte de la société Nordala, qui utilise la dénomination commerciale de cette dernière.
Il s’ensuit que Mme [U], profane en la matière de vente d’appareil de chauffage, a pu légitimement croire que la société Nordala, qui commercialisait la vente des poëles de la société Brisach, en était la garante commerciale et était par conséquent engagée, au même titre que la société Brisach, par la garantie de cinq ans mentionnée dans les conditions générales de vente, et rappelée de surcroît, de manière très apparente, sur le logo commercial de la société Brisach figurant sur la facture de la société Nordala du 8 octobre 2014.
Il s’ensuit que la société Nordala qui a laissé créer à l’égard de Mme [U] une apparence de garant commercial de la société Brisach, est tenue, au même titre que cette dernière, d’exécuter les engagements au titre de la garantie commerciale de cinq ans contractée par elle, cette garantie lui étant ainsi opposable.
Au soutien de sa demande de réparation ou de remplacement du poële, Mme [U] produit trois photographies non datées et une attestation du gérant de la société CEE selon lequel, le 29 mars 2018, son technicien aurait constaté une déformation du foyer.
Surtout, Mme [U] produit pour la première fois devant la cour un constat d’huissier effectué le 18 mars 2019 aux termes duquel celui-ci a constaté, au-dessus de la coupelle recevant le granulé pour la combustion, ‘que la plaque en fonte est totalement déformée et cassée en ses deux angles en partie basse (et que) le matériau se délite et tombe dans le foyer’, ces constatations étant illustrées par des clichés photographiques.
Puis, après qu’il a été procédé à la mise en chauffe du poële, l’huissier a constaté ‘que les flammes passent devant la plaque mais également derrière.’
L’huissier a enfin relevé que ‘les désordres majeurs sur la plaque, ces déformations, ne constituent pas une usure normale du poële et constituent un risque majeur lors de son utilisation.’
Ce constat n’est cependant pas suffisant pour établir que les défauts proviennent d’un vice de fabrication relevant ainsi de la garantie contractuelle de cinq ans mentionnée dans les conditions générales de vente.
Une mesure d’instruction apparaissant dès lors nécessaire, il sera fait droit à la demande subsidiaire de l’appelante.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Dit que la garantie contractuelle de cinq ans à laquelle est tenue la société Brisach envers Mme [U] est opposable à la société Nordala ;
Avant dire droit sur la mise en oeuvre de cette garantie,
Ordonne une expertise et commet pour y procéder M. [G] [L], [Adresse 2] lequel aura pour mission de :
se faire communiquer par les parties tous documents utiles à l’exécution de sa mission,
entendre les parties ainsi que tout sachant à condition de le nommer,
en présence des parties ou celles-ci dûment convoquer, examiner le poële à granulés Baltic de marque Brisach, et les pièces qui le constituent ou l’ont constitué depuis la vente,
décrire les désordres affectant le poële et en rechercher les causes,
préciser notamment s’ils proviennent d’un vice de fabrication, défaut d’entretien ou de toute autre cause,
décrire les travaux propres à remédier aux désordres et en chiffrer le coût, ainsi que le coût de remplacement du poële,
donner tous éléments techniques et de fait permettant, le cas échéant, de déterminer les préjudices subis,
Fixe à la somme de 1 800 euros, la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que Mme [U] devra consigner au moyen d’un chèque CARPA émis a l’ordre du régisseur de la cour d’appel de Rennes, dans le délai de deux mois a compter du jour du présent arrêt ;
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque ;
Dit qu’avant de déposer son rapport, l’expert fera connaître aux parties ses premières conclusions, leur impartira un délai pour formuler dires et observations qu’il annexera avec ses réponses à son rapport ;
Dit que l’expert communiquera aux parties, s’il y a lieu, un état prévisionnel détaillé de l’ensemble de ses frais et honoraires et, en cas d’insuffisance de la provision allouée, demandera la consignation d’une provision supplémentaire ;
Commet le conseiller de la mise en état pour contrôler les opérations d’expertise ;
Dit qu’en cas d’empêchement de l’expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance de ce magistrat rendue sur simple requête ou même d’office ;
Prononce la révocation de l’ordonnance de clôture et renvoie l’affaire à la mise en état ;
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT