Conditions Générales de Vente : 28 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00693

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Conditions Générales de Vente : 28 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00693

MINUTE N° 305/23

Copie exécutoire à

– Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA

– Me Claus WIESEL

Le 28.06.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 28 Juin 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/00693 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HYVZ

Décision déférée à la Cour : 26 Novembre 2021 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de STRASBOURG – Greffe du contentieux commercial

APPELANTE :

LA FAENZA

prise en la personne de son représentant légal

Cooperativa Ceramica d’Imola S.C [Adresse 5]

[Localité 2] (ITALIE)

Représentée par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

INTIMEE :

Compagnie d’assurance AXA FRANCE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société La Faenza a vendu du carrelage à la société Forgiarini au prix de 4 461,93 euros selon facture du 11 décembre 2014, que celle-ci a revendu selon facture du 31 janvier 2015 à M. [L], lequel aurait constaté l’apparition de défauts, l’expert constatant que la seule possibilité d’y remédier serait de remplacer l’ensemble du carrelage. La société Forgiarini ayant déclaré le sinistre à son assureur AXA, celui-ci a accepté de prendre à sa charge l’intégralité du sinistre pour la somme de 64 148,15 euros.

La société AXA France, agissant en tant que subrogée dans les droits de la société Forgiarini, a assigné la société La Faenza devant le tribunal judiciaire de Strasbourg en paiement de la somme de 64 148,15 euros à titre de dommages-intérêts outre une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société La Faenza a soulevé une exception d’incompétence du tribunal judiciaire de Strasbourg au profit du tribunal de Bologne, considérant que la loi italienne était applicable.

Par ordonnance du 26 novembre 2021, le juge de la mise en état de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société La Faenza, s’est déclaré incompétent pour trancher la question de la loi applicable au litige, dit qu’il sera statué sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens de l’incident, en même temps que sur les frais et dépens de la procédure principale et renvoyé l’affaire à une audience de mise en état.

Le 15 février 2022, la société La Faenza en a interjeté appel par voie électronique.

Par ordonnance du 14 mars 2022, elle a été autorisée à assigner la partie adverse à comparaître à l’audience du 26 septembre 2022.

Par acte d’huissier de justice délivré le 21 mars 2022, à la requête de la société La Faenza, ont été signifiés, à la société AXA France, l’ordonnance du juge de la mise en état, la requête au Président et conclusions du 15 février 2022, la déclaration d’appel, le récapitulatif de la cour et l’autorisation d’assigner.

Le 31 mars 2022, la société AXA France s’est constituée intimée par voie électronique.

Par conclusions du 15 février 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 31 mars 2022, la société La Faenza demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a statué ainsi qu’il a été dit,

Et statuant à nouveau :

– dire et juger que le tribunal judiciaire de Strasbourg est incompétent pour connaître du litige,

– dire et juger que la loi italienne est la loi applicable au présent litige,

En conséquence :

– se déclarer incompétent au profit du tribunal de Bologne,

– débouter la société AXA de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

– condamner cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,

et ce, en soutenant, en substance :

– l’existence d’une clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de vente, qui est opposable à la société Forgiarini, faisant valoir à cet égard, que l’acceptation tacite des conditions générales de vente est admise en présence de relations d’affaires, qu’en l’espèce, les parties sont toutes deux commerçantes, leurs relations contractuelles ne sont régies par aucun contrat spécifique, leurs relations sont anciennes et la société Forgiarini a ainsi pris connaissance et accepté depuis de nombreuses années ses conditions générales de vente, notamment en réglant diverses factures faisant expressément référence aux conditions générales de vente et que le caractère régulier de ces factures démontre que la société Forgiarini a tacitement accepté les conditions générales de vente dont elle avait connaissance, et ajoutant qu’il ressort des usages commerciaux entre les parties, que la liste des prix applicables auxquelles sont annexées les conditions générales de vente, est toujours délivrée par les agents de la société Faenza au sein de la société Forgiarini et que plusieurs emails adressés à celle-ci en 2014, démontrent qu’elle était bien en possession des listes de prix 2014 et donc des conditions générales de vente, et encore que la société Forgiarini ne prouve pas qu’elle aurait contesté ou refusé lesdites conditions générales de vente,

– en l’absence de clause d’attribution de compétence opposable à la société Forgiarini, elle devait être assignée devant les juridictions italiennes, étant domiciliée en Italie, en application de l’article 4 du règlement n°1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,

– la loi italienne est applicable, conformément aux conditions générales de vente, ou à défaut, en application de l’article 4 du règlement de Rome III.

Par ses conclusions du 19 juillet 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 20 juillet 2022, la société AXA France demande à la cour de :

– déclarer la société La Faenza mal fondée en son appel,

– l’en débouter,

– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

– condamner la société La Faenza à payer à la Compagnie Axa la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l’instance,

et ce, en soutenant, en substance,

– que l’article 48 du code de procédure civile dispose que la clause attributive de compétence n’est opposable qu’à la partie qui en a eu connaissance et l’a acceptée au moment de la formation du contrat, que la société La Faenza ne démontre pas que la société Forgiarini a accepté, au plus tard au moment de la commande, ses conditions générales, que les pièces 1 et 2 ne comportent aucune clause concernant la compétence ou le droit applicable, que si la pièce 3 fait référence à des conditions générales, aucun document ne démontre qu’elles lui ont été communiquées et dès lors acceptées même tacitement, que les pièces 4 et 5 ne sont pas signées de la société Forgiarini.

– qu’en application de l’article 7 du règlement CE n°1215 du 12 décembre 2012, les tribunaux français sont compétents, la France étant le lieu où la marchandise a été livrée et les parties étant liées par un contrat de vente,

– les conditions générales ne lui étant pas opposables, le droit français s’applique selon l’article 15 du règlement CE 593/2008 du 17 juin 2008.

A l’audience du 26 septembre 2022, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 22 mars 2023, à laquelle l’affaire a été appelée et retenue.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur l’exception d’incompétence :

1.1. Sur la clause attributive de juridiction :

S’agissant d’une vente conclue entre une société domiciliée en France (la société Forgiarini) et l’autre domiciliée en Italie (la société La Faenza), le lieu de livraison étant en France, il convient d’appliquer l’article 25 du règlement n° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui prévoit :

‘1. Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

2. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.’

En l’espèce, il est constant que les deux sociétés sont commerçantes et que leurs relations contractuelles ne sont régies par aucun contrat écrit. L’intimée ne conteste pas que les relations de ces deux sociétés étaient anciennes.

La société La Faenza produit, en pièces 7 à 16, des factures émises entre 2013 et 2021 à l’ordre de la société Forgiarini, indiquant en bas ‘veuillez faire référence à nos conditions générales de vente’, ainsi que des justificatifs de virement de paiement provenant de la société Forgiarini.

En pièce 5, elle produit une liste des prix 2014 à laquelle est annexée les conditions générales en différentes langues, dont le français, qui précisent : ’10. Tribunal compétent et loi applicable – Tout litige est soumis à la compétence exclusive du Tribunal de Bologne conformément à la loi italienne. Cooperativa Ceramica d’Imola S.c se réserve le droit d’intenter d’éventuelles actions en justice dans le lieu de résidence de l’acheteur, en Italie ou à l’étranger’.

En pièce 1, elle produit un courriel du 12 mars 2014 par lequel la société La Faenza avec l’enseigne Cooperativa Ceramica d’Imola, indique adresser à la société Forgiarini : ‘en annexe fiche 2014 valable à partir du 1er avril 2014’. A ce courriel est joint un document daté du 1er avril 2014 indiquant avoir pour ‘objet : ‘Conditions spéciales d’achat 2014 – La Faenza Ceramica’ et précisant transmettre la nouvelle liste des prix spéciaux/conditions.

Ce document indique ‘conditions générales’, les mots étant soulignés. Toutefois, il ne comporte aucune mention d’une clause attributive de juridiction ; et il n’est pas démontré que les conditions générales étaient communiquées avec ce document.

Elle produit également, en pièce 2, un document daté du 3 mars 2014, similaire à celui précité du 1er avril 2014, avec le nom Forgiarini, mais sans démontrer qu’il a été adressé à la société Forgiarini. Il n’est pas plus démontré que la pièce 3 datée du 5 décembre 2014 ait été communiquée à la société Forgiarini.

En pièce 4, elle produit un courriel du 10 février 2015 adressant à la société Forgiarini ‘les nouvelles listes de prix 2015’, auquel est joint un document paginé sur 4 pages du 3 février 2015 indiquant avoir pour ‘objet : ‘Conditions spéciales d’achat 2015 – La Faenza Ceramica’, et précisant transmettre la nouvelle liste des prix spéciaux/conditions et contenant en page 3 et 4 les conditions générales de vente contenant l’article 10 précité.

Cependant, cette pièce est inopérante dans le présent litige concernant une vente réalisée suivant facture du 11 décembre 2014.

L’existence de relations anciennes entre les parties et la communication et l’acceptation de factures renvoyant aux conditions générales, mais sans aucunement faire référence à l’existence d’une clause attributive de compétence, ni démontrer que lesdites conditions générales, et a fortiori l’existence de ladite clause, ont été portées à la connaissance de la société Forgiarini avant l’acceptation de la facture litigieuse ne suffit pas à établir la connaissance et l’acceptation de la clause attributive contenue dans lesdites conditions générales.

Celle-ci n’est donc pas opposable à la société Forgiarini.

Il s’agit donc de déterminer, selon les règles de compétence applicables, quelle est la juridiction compétente pour statuer sur cette action, introduite par la société Axa France agissant en qualité de subrogée dans les droits de la société Forgiarini, et qui consiste en une action en matière contractuelle dirigée contre la société La Faenza, vendeur de marchandises.

1.2. Sur les règles de compétence applicables :

Le règlement précité prévoit :

– en son article 4 :

‘1. Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

2. Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l’État membre dans lequel elles sont domiciliées sont soumises aux règles de compétence applicables aux ressortissants de cet État

membre.’

– en son article 5 :

‘1. Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.

2. Ne peuvent être invoquées contre les personnes visées au paragraphe 1 notamment les règles de compétence nationales que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l’article 76, paragraphe 1, point a).’

– et en son article 7 :

‘ Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1)

a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande;

b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

– pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

– pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas.

(…)’

Ainsi, le demandeur bénéficie d’une option de compétence et peut, en matière contractuelle, attraire un défendeur domicilié sur le territoire d’un État membre devant ‘la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande’, si ce lieu se trouve lui-même dans un État membre autre que celui où est situé le domicile du défendeur, sauf si ce dernier est domicilié dans un Etat tiers.

En l’espèce, la société La Faenza ne conteste pas que les produits vendus ont été livrés en France, plus précisément au siège social de la société Forgiarini à [Localité 4] comme le soutient la société Axa France.

Dès lors, étaient compétents les tribunaux français, et en particulier la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg.

L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence.

2. Sur la loi applicable :

Aucune disposition ne donne compétence au juge de la mise en état pour statuer sur la loi applicable au litige.

En conséquence, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a

déclaré incompétent le juge de la mise en état pour trancher la question de la loi applicable au litige.

3. Sur les frais et dépens :

Il convient de confirmer l’ordonnance, en ce qu’elle a dit qu’il sera statué sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’incident, en même temps que sur les frais et dépens de la procédure principale.

S’agissant des dépens de la présente instance d’appel, la société La Faenza, qui succombe, les supportera.

L’équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef présentées à hauteur d’appel seront donc rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 26 novembre 2021,

Y ajoutant,

Condamne la société La Faenza à supporter les dépens de la présente instance d’appel,

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d’appel.

La Greffière : la Présidente :

 


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