Conditions Générales de Vente : 28 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/05111

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Conditions Générales de Vente : 28 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/05111

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 28 JUIN 2023

N° RG 21/05111 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MJYN

Monsieur [B] [L]

c/

S.A.S. CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

S.A.S. CSF

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 août 2021 (R.G. 2020F00533) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 09 septembre 2021

APPELANT :

Monsieur [B] [L], né le 16 Mai 1979 à [Localité 3] (45), de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Marine POILVET de la SELARL MARIE CHAMFEUIL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S.A.S. CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 5]

S.A.S. CSF, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 5]

représentées par Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE – MAILLOT – BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistées par Maître Pauline COSSE, avocat au barreau de l’EURE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat en date du 17 septembre 2018, la société par actions simplifiée Carrefour Proximité France a donné en sous-location gérance à la société à responsabilité limitée [L] Proximité un fonds de commerce d’alimentation générale situé à [Localité 2] (Gironde), ce pour une durée initiale d’une année à compter du 8 octobre 2018 puis, par tacite reconduction, pour une durée indéterminée.

La redevance a été fixée à 1,9 % hors taxes du chiffre d’affaires total TTC réalisé dans le magasin, sans pouvoir être inférieure à la somme annuelle de 22.000 euros hors taxes.

La société [L] Proximité a, le 8 octobre suivant, conclu onze conventions avec les sociétés CSF et Carrefour Proximité France portant sur l’achat du stock existant, l’approvisionnement, la fourniture de services divers, outre un contrat de franchise.

Monsieur [B] [L], gérant et seul associé de la société [L] Proximité, s’est, par deux actes séparés en date l’un et l’autre du 8 octobre 2018, porté caution solidaire pour le remboursement de toutes les sommes dues par sa société à la société CSF d’une part et la société Carrefour Proximité France d’autre part, dans la limite de 58.900 euros et de 3.700 euros.

Par lettres recommandées du 3 décembre 2019, la société [L] Proximité a résilié le contrat de sous-location-gérance à effet du 10 mars 2020.

La société Carrefour Proximité France et la société CSF ont, le 17 juin 2020, fait assigner M. [L] devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement des sommes de 58.900 euros et de 3.700 euros en sa qualité de caution de la société [L] Proximité.

Par jugement contradictoire prononcé le 3 août 2021, le tribunal de commerce a statué ainsi qu’il suit :

– déboute Monsieur [B] [L] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamne Monsieur [B] [L] à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 3.700 euros ;

– condamne Monsieur [B] [L] à payer à la société C.S.F. la somme de 58.900 euros ;

– condamne Monsieur [B] [L] à payer à la société Carrefour Proximité France et à la société C.S.F. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne Monsieur [B] [L] aux dépens.

Monsieur [L] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 9 septembre 2021.

***

Par dernières conclusions notifiées le 4 avril 2023, M. [L] demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 03 août 2021 en toutes ses dispositions,

Par conséquent, jugeant à nouveau,

A titre principal,

– prononcer la déchéance de ses engagements de caution à l’égard des sociétés Carrefour Proximité France et CSF pour cause de disproportion,

– débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre lui,

A titre subsidiaire,

à titre de 1er subsidiaire,

– constater que les engagements de caution pris par lui à l’égard des sociétés Carrefour Proximité France et CSF sont nuls,

– débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre lui,

à titre de 2ème subsidiaire,

– constater que les sociétés Carrefour Proximité France et CSF n’ont pas respecté le bénéfice de discussion en l’assignant en premier,

– débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre lui,

à titre de 3ème subsidiaire,

– constater que les sociétés Carrefour Proximité France et CSF n’ont pas de créance à faire valoir contre la société [L] Proximité,

– débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre lui,

à titre de 4ème subsidiaire,

– annuler les contrats de caution par lui au bénéfice des sociétés Carrefour Proximité France et CSF pour cause de dol,

– débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre lui,

à titre de 5ème subsidiaire,

– constater que les sociétés Carrefour Proximité France et CSF ont manqué à leur devoir de mise en garde à son égard,

– débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre lui,

à titre de 6ème subsidiaire,

– constater que les sociétés Carrefour Proximité France et CSF ont manqué à leurs obligations en matière d’informations sur les pénalités, intérêts et autres frais,

– débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre lui faute de décompte détaillé de leur créance faisant apparaître le principal d’un côté et les pénalités, intérêts et autres frais de l’autre,

A titre reconventionnel,

– condamner la société Carrefour Proximité France au paiement d’une somme de 20.000 euros à lui verser au titre de son préjudice moral du fait des agissements de cette société,

En tout état de cause,

– condamner les sociétés Carrefour Proximité France et CSF in solidum au paiement de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés Carrefour Proximité France et CSF aux dépens dont distraction au profit de Maître Chamfeuil, avocat, sous ses affirmations de droit.

***

Par dernières écritures notifiées le 4 avril 2023, la société Carrefour Proximité France et la société CSF demandent à la cour de :

Vu les articles 2288 et suivants du code civil,

– confirmer le jugement entrepris en tous points,

– condamner M. [L] à payer à la société CSF la somme de 58.900 euros au titre de l’acte de cautionnement en date du 08 octobre 2018,

– condamner M. [L] à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 3.700 euros au titre de l’acte de cautionnement en date du 08 octobre 2018,

– ordonner l’irrecevabilité de la demande subsidiaire de M. [L] tendant à faire constater qu’elles n’auraient pas de créance à faire valoir contre la société [L] Proximité,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [L] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [L] aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. L’article L.332-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.»

2. Au visa de ce texte, M. [L] reproche au premier juge d’avoir rejeté le moyen, qu’il soutenait, tiré de la disproportion de son engagement au regard de la réalité de son patrimoine.

L’appelant explique que, lorsqu’il s’est engagé le 8 octobre 2018 à garantir le paiement de toutes sommes dues par la société [L] Proximité à la société Carrefour Proximité France d’une part et à la société CSF d’autre part, il ne possédait aucun bien immobilier, il était inscrit à Pôle emploi et ne disposait d’aucune épargne, son compte courant étant alors créditeur de 2.394 euros.

Les intimées, qui ne discutent pas être des créanciers professionnels au sens de l’article L.332-1 du code de la consommation, opposent à M. [L] le fait que doivent être pris en compte les parts sociales qu’il détient dans la société débitrice, ainsi que son compte courant d’associé.

Les sociétés CSF et Carrefour Proximité France rappellent que le capital social de la société [L] Proximité est détenu par le seul M. [L] pour un montant total de 8.000 euros ; elles ajoutent qu’il convient de prendre également en considération les revenus escomptés et tirés de ses fonctions de gérant et d’associé unique. Les intimés relèvent enfin que M. [L] ne produit pas les comptes de la société [L] Proximité, ce qui ne permet de vérifier son argumentation au titre de la disproportion de son engagement.

3. A l’examen des pièces produites par les parties, la cour relève que la société cautionnée a été constituée expressément pour la prise en sous-location gérance d’un fonds de commerce d’alimentation générale, ce qui résulte des termes du contrat du 17 septembre 2018 puisque la société sous-locataire gérante y est mentionnée comme étant en cours d’immatriculation au Registre du commerce de Bordeaux.

Or il est constant en droit que la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie, laquelle était au surplus balbutiante puisque créée pour l’occasion.

Il faut observer de plus que, si une attestation sur l’honneur rédigée par M. [L] lui-même ne peut faire la preuve de l’absence d’un patrimoine immobilier ainsi que le font valoir les intimées, il apparaît que l’appelant résidait chez un tiers, Monsieur [S] [L] à [H], lorsqu’il s’est engagé en qualité de caution, ce qui résulte des deux actes de cautionnement du 8 octobre 2018, rapprochés des courriers adressés par les intimées elles-mêmes à M. [L] jusqu’en 2020.

L’appelant produit également le courrier du 6 août 2018 par lequel Pôle emploi lui notifie son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi à une adresse située à [Localité 4]. Il a perçu à ce titre l’allocation d’aide au retour à l’emploi pour un montant mensuel de 884,45 euros en août 2018 et de 1.396,50 euros en septembre 2018. Son avis d’impôt 2019 mentionne que M. [L] a déclaré un total de 13.286 euros au titre de ses revenus de l’année 2018.

La cour relève que la série de conventions conclues le 8 octobre 2018 par la société [L] Proximité avec les sociétés CSF et Carrefour Proximité France organise une situation contractuelle unique en ce que la société cautionnée, sous-locataire gérante de la société Carrefour Proximité France, est également sa franchisée et bénéficie de plusieurs services -rémunérés séparément- proposés par les intimées tels que l’assistance en matière de gestion du personnel et gestion sociale, un réseau intranet, une animation musicale, un back office, un pack informatique et monétique. Le contrat d’approvisionnement et le contrat portant achat du stock initial ont en particulier été conclu avec la société CSF sous l’égide d’un contrat cadre intitulé ‘CSF – conditions générales de vente – Proximité – Réseau Carrefour Express’ en vertu duquel un franchisé du réseau animé par la société Carrefour Proximité France s’oblige à s’approvisionner auprès de la société CSF.

4. Il en résulte que les deux engagements de M. [L] doivent être considérés dans leur globalité soit 62.600 euros.

Dès lors, puisque les revenus de la caution au moment de ces engagements ont été de 13.286 euros, sans que les éléments relatifs à l’absence de patrimoine mobilier et immobilier soient démentis, il apparaît que les cautionnements souscrits par M. [L] étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.

5. Il apparaît enfin que les intimées, qui ont la charge de la preuve du retour de la caution à meilleure fortune au moment où celle-ci est appelée qui lui permettrait de faire face à son obligation, au sens de l’article L.343-4 du code de la consommation, ne prouvent pas ni même n’allèguent que M. [L] serait aujourd’hui en capacité d’honorer son obligation au titre des contrats litigieux.

6. La cour infirmera donc le jugement déféré de ce chef et, statuant à nouveau et retenant que les deux contrats du 8 octobre 2018 sont inopposables à l’appelant, déboutera les intimées de leurs demandes en paiement.

7. Il n’est pas nécessaire d’examiner les autres demandes de l’appelant relatives aux contrats litigieux, qui n’ont été présentées qu’à titre subsidiaire.

8. M. [L] tend par ailleurs à l’allocation d’une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral.

La cour observe que les motifs développés à ce titre par l’appelant portent sur l’espoir déçu d’un jeune entrepreneur qui exprime le ressenti d’avoir été piégé dans un système de franchise contraignant et trompeur, sans possibilité de développement de sa petite société. Or il s’agit d’un éventuel préjudice propre au chef d’entreprise, non à la caution qui est ici poursuivie. La cour déboutera en conséquence M. [L] de ce chef de demande, sur lequel le premier juge a omis de statuer.

9. La cour infirmera enfin les chefs dispositifs du jugement déféré relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens et, statuant à nouveau et y ajoutant, condamnera les sociétés CSF et Carrefour Proximité France à payer in solidum les dépens de première instance et d’appel et à verser à M. [L] la somme de 4.500 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celui-ci.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 3 août 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les sociétés CSF et Carrefour Proximité France de leurs demandes.

Déboute Monsieur [B] [L] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.

Condamne les sociétés CSF et Carrefour Proximité France à payer in solidum à Monsieur [B] [L] la somme de 4.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés CSF et Carrefour Proximité France à payer in solidum les dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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