ARRÊT DU
28 Juin 2023
AB / NC
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N° RG 22/00397
N° Portalis DBVO-V-B7G
-C72R
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SARL LES FRUITS DE BELY
C/
SARL POMMES [L] [R] HEINEMANN (PB2H)
SA AXA FRANCE IARD
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 283-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SARL LES FRUITS DE BELY pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS AGEN 805 024 080
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me François DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau d’AGEN
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 12 avril 2022, RG 15/02330
D’une part,
ET :
SARL POMMES [L] [R] HEINEMANN (PB2H) exerçant sous l’enseigne ‘Pépinières MARTAILLAC’, pris en la personne de ses représentants légaux audit siège
RCS AGEN 420 071 433
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Elodie SEVERAC, membre de la SELARL ACTION JURIS, avocat au barreau d’AGEN
SA AXA FRANCE IARD pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
RCS NANTERRE 722 057 460
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Erwan VIMONT, substitué à l’audience par Me Florence COULANGES, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Laurent FAIVRE VERNET, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉES
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 mai 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l’appel interjeté le 17 mai 2022 par la SARL LES FRUITS DE BELY à l’encontre d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 12 avril 2022.
Vu les conclusions de la SARL LES FRUITS DE BELY en date du 28 novembre 2022.
Vu les conclusions de la SARL POMMES [L] HUBERT HEINEMANN (PB2H) en date du 22 décembre 2022.
Vu les conclusions d’AXA FRANCE IARD en date du 25 octobre 2022.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 mars 2023 pour l’audience de plaidoiries en date du 3 mai 2023.
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La SARL LES FRUITS DE BELY a acquis en 2014 auprès de la SARL PB2H 133.000 plants de fraisiers au prix de 65.237,57 euros, plants mis en production sous serres équipées de panneaux photovoltaïques et qui n’ont pas eu le rendement espéré. Le solde de la facture soit 37.614,92 euros est demeuré impayé.
Par acte d’huissier en date du 21 octobre 2015, la SARL LES FRUITS DE BELY a assigné la SARL PB2H en paiement avec exécution provisoire des sommes de :
– 37.614,92 euros
– 5.000,00 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice économique
– 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par acte d’huissier en date du 3 mars 2016 la SARL LES FRUITS DE BELY a assigné en intervention forcée AXA FRANCE IARD aux fins de la voir condamner à garantir la SARL PB2H les condamnations prononcées contre cette dernière à son profit.
Par ordonnance en date du 16 mars 2016, le juge de la mise en état a ordonné une expertise. L’expert a déposé son rapport le 2 août 2017.
Par jugement en date du 12 avril 2022, le tribunal judiciaire d’AGEN a :
– condamné la SARL LES FRUITS DE BELY à payer à la SARL PB2H la somme de 37.614.92 euros.
– condamné la SARL LES FRUITS DE BELY à payer à AXA FRANCE LARD la somme de 800,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– rappelé que la décision est exécutoire par provision.
– condamné la SARL PB2H et la SARL LES FRUITS DE BELY aux dépens de l’instance.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d’appel.
La SARL LES FRUITS DE BELY demande à la cour, le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de :
– confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté la SARL PB2H de sa demande de paiement d’une somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts et d’une somme de 1.500,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions,
– statuant à nouveau :
– déclarer les conditions générales de vente invoquées par la SARL PB2H, et la clause exonératoire de responsabilité qu’elles comportent, inopposables à la SARL LES FRUITS DE BELY ;
– au principal : dire que la SARL PB2H a manqué à ses obligations d’information et de conseil, tant dans le cadre de la vente de plants de fraisiers spécifiquement destinés à la culture sous serre photovoltaïque, que dans le cadre du suivi technique qu’elle s’était engagée à assurer ;
– condamner la SARL PB2H et la Société AXA France IARD, in solidum, au paiement de la somme de 74.245,32 euros HT en indemnisation du manque à gagner résultant de la perte de rendement et la perte qualitative subies par la SARL LES FRUITS DE BELY du fait du manque d’enracinement des plants de fraisiers observé durant la campagne 2015 ;
– condamner la SARL PB2H et la Société AXA France IARD, in solidum, au paiement de la somme 4.708,00 euros en indemnisation des frais bancaires générés par la privation de trésorerie subie par la requérante des suites du sinistre ;
– statuer ce que de droit sur la demande de paiement de la SARL PB2H tendant au paiement du solde de sa facture N° 141353 en date du 19 décembre 2014 pour un montant de 37.614,92 euros TTC et 31.462,62 euros HT ;
– ordonner la compensation entre les créances respectives des parties ;
– dire que, après compensation, la SARL PB2H sera tenue de payer à la SARL LES FRUITS DE BELY la somme de 74.245,32 euros HT + 4.708,00 euros – 31.462,62 euros HT = 47.490,70 euros HT
– condamner la SARL PB2H et la Société AXA France IARD, in solidum, au paiement d’une somme de 6.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris ceux de l’incident et les frais d’expertise judiciaire.
-subsidiairement : avant dire droit sur le montant de l’indemnisation allouée à la SARL LES FRUITS DE BELY, ordonner une expertise comptable, confiée à tel expert qu’il plaira, dont la mission sera de déterminer, par référence aux documents comptables de la concluante, le taux de marge brut et le taux de marge net applicables au chiffre d’affaires réalisé par celle-ci, notamment lors de l’exercice clos le 31 juillet 2016, ainsi que de donner au Tribunal tous éléments permettant de déterminer le manque à gagner résultant de la perte de chiffre d’affaire endurée sur la même période du fait du dépérissement des plants vendus par la SARL PB2H ;
– surseoir à statuer dans l’attente du dépôt de son rapport par l’Expert.
– débouter la SARL PB2H et la Société AXA FRANCE IARD de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
La SARL PB2H demande à la cour de :
– à titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SARL PB2H de ses demandes plus amples ;
– sur ce point, statuant de nouveau :
– condamner la SARL LES FRUITS DU BELY au paiement des intérêts au taux légal sur la somme principale de 37.614,92 euros à compter de la date d’assignation, soit le 21 octobre 2015 ;
– condamner la SARL LES FRUITS DU BELY au paiement d’une somme de 5.000,00 euros au titre du préjudice économique subi ;
– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la responsabilité de la SARL PB2H était retenue :
– dire que la SARL LES FRUITS DU BELY a commis une faute d’imprudence qui exonère au moins partiellement la SARL PB2H de sa responsabilité ;
– dire que la SARL LES FRUITS DU BELY ne rapporte pas la preuve des préjudices qu’elle invoque ;
– à tout le moins ramener ces préjudices à de plus justes proportions ;
– condamner la SA AXA France IARD à garantir et relever indemne la SARL PB2H de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
– ordonner la compensation entre les créances respectives des parties ;
– en tout état de cause : condamner la SARL LES FRUITS DU BELY au paiement d’une somme de 6.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SARL LES FRUITS DU BELY au paiement des entiers frais et dépens de 1ère instance et d’appel, y compris les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Elodie SEVERAC.
AXA FRANCE IARD demande à la cour de :
– à titre principal : confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la SARL LES FRUITS DE BELY de l’ensemble de ses demandes et notamment celles élevées à son encontre ;
– statuer ce que de droit sur la demande reconventionnelle de la SARL PB2H à l’encontre de la SARL LES FRUITS DE BELY,
– condamner la SARL LES FRUITS DE BELY à lui verser la somme de 6 000,00 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise.
– à titre subsidiaire : dire que la créance de la SARL LES FRUITS DE BELY sur la SARL PB2H en termes de préjudice toutes causes confondues ne saurait dépasser la somme telle que retenue par l’Expert Judiciaire multiplié par le taux marge admissible multiplié par le taux de perte de chance pouvant être fixé à 2/3 soit 66 % soit 49 489,30 euros HT x 61,5 % x 66 % = 20 081 euros
– débouter la SARL LES FRUITS DE BELY de toute demande plus ample ou contraire notamment dirigée à l’encontre d’AXA FRANCE.
– laisser à la charge de la SARL LES FRUITS DE BELY les dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La créance au titre du solde de la facture d’acquisition des pieds de fraisiers n’est pas contestée pour un montant de 37.614,92 euros TTC et 31.462,62 euros HT. Les intérêts sont dus sur cette somme à compter de l’assignation soit le 21 octobre 2015.
1- Sur l’obligation de conseil du vendeur :
Vu les articles 1147 et 1315 du code civil, il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue.
Il convient de relever que la culture de fraisiers sous serres équipées de panneaux photovoltaïques était en 2014 et 2015 un mode de culture expérimental nécessitant une assistance technique fine.
Sont versées aux débats les pièces suivantes :
3- Offres / Contrat / Non-réussite de la culture :
3-1 les pépinières de MARTAILLAC ne sera lié par le présent contrat qu’à partir du moment où il aura confirmé la commande par écrit
3-2 les commandes de tout matériel végétal qui au moment de l’achat n’est pas encore au terme de sa croissance, ne seront acceptées que sous réserve de la moyenne normale de croissance d’un matériel végétal de bonne qualité et de bon aspect. Un échec en tout ou partie de la culture, ou son pourrissement en tout ou partie pendant son stockage pour quelque raison que ce soit, dégagera les pépinières de MARTAILLAC de son obligation de livrer et de ses autres obligations à moins que cela ne soit imputable à une faute lourde de sa part.
En outre les pépinières de MARTAILLAC aura le droit d’effectuer une livraison de remplacement. Cette livraison de remplacement aura lieu dans les mêmes conditions que celles convenues à l’origine.
3-3 si, pour quelque raison que ce soit, il lui est impossible de livrer la variété commandée, les pépinières de MARTAILLAC aura le droit de livrer une variété de qualité équivalente ou bien d’annuler la commande si la variété commandée n’est pas livrable ou si l’acheteur n’accepte pas une autre variété
3-4 ne sera pas imputable à la faute des pépinières de MARTAILLAC :
3-4-1 tout dommage causé par des produits de quelque nature que ce soit qui lui auront été fournis (exemple : terreau ; plaques de culture, pots, peinture, etc …)
3-4-2 tout dommage causé par cas de force majeure, telles que maladies et épidémies, grèves, guerre et danger de guerre, dommages provoqués par le feu l’eau, le gel et la tempête, occupation de l’entreprise, culture ayant échoué, perturbations dans la croissance, coupures dans l’apport d’énergie, pannes de machines dommage dû à la qualité de l’éclairage, tout ceci survenant tant dans l’entreprise des pépinières de MARTAILLAC que dans celles de tiers (sous traitants).
8- Garanties :
8-1 le vendeur garantit à l’acheteur la fourniture d’une marchandise loyale saine et marchande et ce, en l’état de la connaissance technique lors de la période de production
8-2 : le comportement du produit livré est largement conditionné par les soins donnés à l’arrivée, des facteurs difficiles ou impossibles à apprécier ou à prévoir pouvant varier suivant les régions, l’environnement, les conditions agronomiques et atmosphériques, les techniques et opérations culturales.
8-3 en conséquence, la reprise des végétaux et les résultats obtenus ne dépendent pas uniquement de la qualité des produits livrés et le vendeur ne saurait apporter une garantie de reprise de la récolte, même après avoir proposé des conseils et suggestions
8-4 cependant, les pépinières de MARTAILLAC examinera avec attention toute réclamation qui pourrait lui être adressée par suite d’erreurs de sa part et, le cas échéant, les pépinières de MARTAILLAC ne refusera pas de remplacer tout ou partie du lot de plants incriminé.
9- Conseil
9-1 Les conseils et informations seront toujours fournis de la meilleure façon possible, cependant sans pour cela engager la responsabilité des pépinières de MARTAILLAC.
Les options retenues pour le démarrage du projet mentionnent : – conduite de la culture en s’appuyant lors du premier exercice sur l’expérience de notre voisin producteur de fraises confirmé.
– 9 visites sur site et 11 communications téléphoniques et 23 mails de M. [T] [L] ou de M. [I] [R] cogérants de la sarl PB2H
– les conseils prodigués sont précis : exemple : mars et avril 2015 :
* 3 mars : installer les ruches 2+4+4 consigne à respecter EC apport + drainage= 3,2 monter apport ec = 1,7 maintenir un taux de drainage entre 20 et 35 %, effectuer un traitement anti puceron attendre pour anti oïdium gestion du climat de la serre il faut obtenir 2 à 3h/jour 75 % hygro avec 16°c mini pour que le pollen soit sec et viable
* 18 mars : réaliser un prépeignage rapide sans effeuillage du collet pour ne pas pénaliser le système racinaire, commencer par ciflorette
* 21 mars : calypso faire un arrosage journalier 6 à 8 minutes, dès pleine floraison si nuit > à 8°c et nuages, laisser ouvert.
* 25 mars : protection phyto à faire associer nimrod est switch, puis nimrod tous les 10 jours maxi 3
* 3 avril : le calypso n’a pas été suffisant, les températures sont maintenant plus élevées, utiliser Pirimor pour éliminer les derniers pucerons
* 7 avril : nitrate k*2, fe/2 nitrate de ca/2 ammoniatrate=0, acide phosphorique=0 baisser EC à 1,5 baisser apport d’eau pour éviter la montée d’EC dans le substrat
* 11 avril maintenir la protection avec nimrod, ne pas traiter ciflorette car moins sensible alterner si besoin avec systhane
* 24 avril visite de [R] problème phytotoxicité kartane ; communication téléphonique [L] réaliser dès que possible anti oïdium luna (nouveau produit très efficace)
* 30 avril : faire pose sur 12/61.
– l’itinéraire technique doit se faire de façon fine, toutes les conditions de culture nécessitent un suivi technique régulier avec déplacement fréquent du technicien, à fortiori quand le producteur est débutant.
– le sinistre résulte d’un défaut d’enracinement des plants, les avis divergent sur la cause de ce défaut : mauvaise conduite culturale, (gestion de l’irrigation), ensoleillement insuffisant en 2015, réduction de l’ensoleillement du fait des panneaux photovoltaïques
– M. [L] confirme devant l’expert qu’il ferait bénéficier la sarl LES FRUITS DE BELY d’un suivi technique. Les solutions nutritives ont été élaborées par la sarl PB2H ainsi que tous les conseils nécessaires à la conduite de la ferti irrigation. L’expert relève que la convention de suivi technique proposée par la sarl PB2H n’est pas produite mais qu’il est courant en agriculture qu’il n’y ait pas de contrat écrit en ce qui concerne les contrats de conseil.
– le gérant de la sarl LES FRUITS DE BELY assurait lui-même les travaux dans la serre encadrant une équipe de saisonniers, il prenait ses décisions après échanges avec son voisin [E] et la sarl PB2H. Les contacts téléphoniques de la SARL PB2H ont été nombreux mais les déplacements beaucoup moins, et les conseils ont été des réponses aux questions posées par le producteur sans vérifications sur place. Il ne s’agit pas d’un véritable suivi technique, bien que la sarl LES FRUITS DE BELY ait insisté pour avoir plus de visites. Le non-développement des racines à l’intérieur du substrat démontre qu’aucun suivi régulier n’a été prodigué. Le représentant de la sarl PB2H a indiqué qu’il ne disposait pas d’un recul suffisant concernant la culture sous serres équipées de panneaux photovoltaïques pour proposer le suivi technique habituel et que son opinion sur les causes du problème rencontré s’est forgée au fur et à mesure des problèmes. L’expert n’a pu vérifier si les préconisations du fournisseur étaient systématiquement mises en oeuvre.
Il ressort de ces pièces que la sarl LES FRUITS DE BELY :
– était novice dans la culture de fraises sous panneau photovoltaïque laquelle était elle-même une technique non encore maîtrisée par les acteurs du secteur et en particulier la sarl PB2H
– a prévu dans son étude prévisionnelle qu’elle comptait sur l’expérience d’un proche voisin producteur de fraises confirmé M. [S] [E] – que la sarl PB2H cite dans son catalogue à l’appui d’une publicité pour l’installateur de panneau photovoltaïque. Cette mention ne vaut pas renonciation au bénéfice de l’obligation de conseil du vendeur
– a commandé des plants spécifiquement adaptés à une culture sous panneaux photovoltaïques
– n’a pas commandé par écrit de suivi technique des plantations facturé, étant relevé qu’il est fréquent en agriculture qu’il n’y ait pas de contrat écrit en ce qui concerne les contrats de conseil.
– n’a pas signé les conditions générales de vente, étant relevé que le devis produit sous forme de photocopies, ne permet pas de vérifier que celles produites ont été effectivement communiquées de sorte que les limitations de garanties mentionnées ne sont pas opposables à l’acquéreur.
– a été livré de pieds ‘très initiés’ c’est à dire très avancés en végétation
– a planté ces pieds sans assistance technique de la sarl PB2H, la plantation ayant été suivie par [S] [E] mais avec trois communications téléphoniques avec consignes très détaillées de M. [L] entre le 13 et le 19 décembre 2014
– a été régulièrement suivie par MM. [L] et [R] de la sarl PB2H et a reçu plus de visites sur site que n’en offre la sarl PB2H dans ses conventions d’aide technique.
Il en résulte que la sarl PB2H a de facto délivré à la sarl LES FRUITS DE BELY une assistance technique, que cette assistance lui était imposée par ses obligations de vendeur devant être en mesure d’informer l’acquéreur quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue.
L’expertise établit que ce suivi -rendu d’autant plus nécessaire face à un mode de culture expérimental de pieds qualifiés de ‘photovoltaïques’- a été insuffisant malgré les nombreuses visites du fournisseur ; que les préconisations téléphoniques n’ont pas été données en fonction de l’examen des plants mais en réponse aux questions de l’exploitant ; et que l’exécution de ces préconisations n’a pas été vérifiée. Il apparaît que ce suivi nécessitait une attention particulière alors que les pieds fournis étaient très avancés en végétation pour une plantation encore expérimentale sous des serres portant des panneaux photovoltaïques.
Il en résulte que cette assistance technique a été défectueuse et que ces carences constituent une faute de la sarl PB2H de nature à engager sa responsabilité.
C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la sarl PB2H a manqué à ses obligations de venderesse professionnelle.
2- sur le lien de causalité :
Le préjudice est constitué d’une perte sur le prix et d’une perte de rendement. La cause de ce préjudice réside -dans cette culture expérimentale- dans un problème d’enracinement lié à la fourniture de pieds très initiés, à des difficultés de conduite culturale par un exploitant manquant d’expérience et à problème d’ensoleillement. Il est relevé qu’à la période critique aux alentours du 15 mars 2015 alors que les pieds présentaient un état qui nécessitait de vérifier leur enracinement, les représentants de la sarl PB2H en visite sur le site n’ont pas procédé à cette vérification qui les aurait conduit à dispenser des conseils mieux adaptés.
Le préjudice est en lien direct avec le manquement, il n’y a pas lieu de retenir une perte de chance.
Le défaut d’enracinement à l’origine du préjudice résulte donc du manquement à l’obligation de conseil du vendeur.
3- Sur le préjudice :
Il ressort des éléments recueillis par l’expert que l’année 2015 a connu un déficit d’ensoleillement et des conditions météorologiques qui ont pénalisé la consommation en mars, en avril on connaît un pic le week-end pascal puis les ventes redeviennent modérées, le pic de production des variétés précoces est atteint à la mi-avril et en mai apparaissent des litiges sur la qualité des fraises et leur mauvaise tenue.
Les données 2016 ne peuvent être retenues les conditions météorologiques et de production étant sensiblement différentes.
Au vu de ce bilan de la campagne de fraises 2015 et des prix des gariguettes et ciflorettes du Sud Ouest de mars à juin 2015 relevés par la chambre d’agriculture, l’expert retient pour 133.000 plants, une production de 0,230 kg par plant, et une différence de prix entre le prix du marché et le prix pratiqué par la sarl LES FRUITS DE BELY de 1,03 euros par kilo soit une perte de chiffre d’affaire de 133.000 x 0,230 x 1,03 = 31.507,70 euros.
Sur la perte de rendement, les données relevées par l’expert établissent que l’année 2015 a été moins productive que les années précédentes de 7 % en moyenne qu’il peut donc être retenu une production moyenne de 0,320 kg par plant qu’il convient de diminuer de 20 % en raison de la présence des panneaux photovoltaïques, soit 0,256 kg par plant. A été obtenue une production de 0,230 kg par plant, la perte de rendement est de 0,026 kg par plant soit, au total 133.000 x 0,026 x 5,20 = 17.981,60 euros.
Soit la somme de 49.489,30 euros.
Le taux de marge de la sarl LES FRUITS DE BELY au vu de son bilan 2016, dont les parties ont pu débattre devant la juridiction, est de 61,16 %. Le manque à gagner est donc de 49.489,30 x 61,16 % = 30’267,65 euros.
Sur le préjudice financier, la sarl LES FRUITS DE BELY justifie de la souscription de deux prêts : un prêt de trésorerie de 95.000,00 euros sur un an et un prêt de consolidation de 60.000,00 euros sur cinq ans. L’objet de ces prêts n’est pas précisé, les montants souscrits sont disproportionnés par rapport au préjudice subi de sorte que la souscription de ces prêts ne paraît pas être en lien de causalité avec ledit préjudice. La demande de ce chef est rejetée.
Le préjudice subi est donc de 30’267,65 euros, somme à laquelle la sarl PB2H est tenue en réparation à son manquement à son obligation de conseil du vendeur, in solidum avec la compagnie AXA FRANCE IARD, assureur responsabilité civile professionnelle de la sarl PB2H qui relèvera cette dernière indemne de cette condamnation.
Le montant de la créance non contestée de la sarl PB2H sur la sarl LES FRUITS DE BELY est de 37.614,92 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la date d’assignation, soit le 21 octobre 2015, il convient d’ordonner la compensation de ces deux sommes.
4- Sur les demandes accessoires :
Sur la demande en dommages intérêts de la sarl PB2H pour préjudice économique, cette société ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct de celui que répare l’octroi des intérêts, sa demande de dommages intérêts complémentaires est rejetée.
Chacune des parties succombe, chacune d’elles supporte ses dépens de première instance et d’appel, l’équité commande qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile. Les frais d’expertise sont mis à la charge de la sarl PB2H relevée indemne par AXA FRANCE IARD.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– condamné la SARL LES FRUITS DE BELY à payer à la SARL PB2H la somme de 37.614.92 euros,
– débouté la sarl PB2H de sa demande en dommages intérêts pour préjudice économique,
Y ajoutant dit que la somme de 37.614.92 euros porte intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2015,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que la sarl PB2H a manqué à son devoir de conseil du vendeur et que ce manquement est à l’origine directe du préjudice subi par la sarl LES FRUITS DE BELY,
Condamne la sarl PB2H in solidum avec AXA FRANCE LARD à payer à la sarl LES FRUITS DE BELY la somme de 30’267,65 euros en réparation de son préjudice,
Ordonne la compensation de ces deux sommes,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supporte ses dépens de première instance et d’appel,
Dit que les frais d’expertise sont supportés par la sarl PB2H relevée indemne par AXA FRANCE IARD.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,