Conditions Générales de Vente : 28 février 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06176

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Conditions Générales de Vente : 28 février 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06176

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 82

N° RG 20/06176 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RFQO

S.A.S. ENERIA

Société MARINE PERFORMANCE

C/

M. [N] [M]

S.A.S. MASSON MARINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me VERRANDO

Me JARRY

Me GICQUELAY

Me GOSSELIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Février 2023 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTES :

S.A.S. ENERIA, immatriculée au RCS d’EVRY sous le numéro B 352 774 079, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Christine LIAUD-FAYET de la SELARL MOUREU ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

SARL MARINE PERFORMANCE, immatriculée au RCS de VANNES sous le numéro 514 746 270, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Isabelle JARRY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur [N] [M]

né le 13 Mai 1968 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Delphine GICQUELAY de la SCP KERMARREC-GICQUELAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

S.A.S. MASSON MARINE, immatriculée au RCS de SENS sous le numéro 485 090 302, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me François-xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Florence NATIVELLE de la SELARL NATIVELLE AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCEDURE :

M. [M] est propriétaire depuis 2006 du chalutier « L’ALCATRAZ » construit en 1986 et long de 11,98 mètres. Avec un équipage de deux marins, il pratique deux types de pèche : pèche de poissons avec un chalut simple, pèche à la langoustine avec des chaluts jumeaux.

Par devis du 1er août 2011, M. [M] a passé commande à la société Marine Performance du remplacement du moteur du navire, une fêlure ayant été constatée sur le moteur en place.

La société Marine Performance a commandé un moteur de marque Caterpillard à la société Eneria et un réducteur-inverseur à la société Masson Marine (la société Masson).

Dans le cadre de cette remotorisation, la société Marine Performance a ainsi mis en place :

– un moteur de marque Caterpillar C2 à régulation électronique,

– un réducteur de marque Masson de type NFB.

Du 5 au 16 septembre 2011, la société Eneria a procédé aux essais du moteur et établi le certificat EIAPP IMO à 162 kW, certificat international de prévention de la pollution de l’atmosphère du moteur réglé à 162 kW, soit la puissance administrative autorisée du moteur, suivant l’acte de francisation et le permis de mise en exploitation du navire.

Les travaux ont été réalisés du mois de février jusqu’à fin avril 2012.

Au cours de cette période de travaux, M. [M] a fait intervenir d’autres

entreprises :

– Le chantier naval de Magouer pour la dépose/repose des treuils et du panneau de pont et pour des travaux d’entretien et/ou de réfection de coque,

– La société Ty-Boat a réalisé la réfection de l’installation électrique,

– La société Sani-Ouest a procédé au nettoyage des cuves gasoil le 14 février et le gasoil a été remis dans les cuves le 20 février 2012.

Cette remotorisation a été effectuée pour un prix total de 109.384 euros.

Le 3 mai 2012, le navire a subi une avarie due à la pollution du gasoil, avec présence de rouille, eau, dépôts boueux dans les préfiltres et filtres, provenant d’un nettoyage insuffisant des cuves de gasoil du navire.

Il a donc été procédé au remplacement de l’ensemble de l’injection : pompe de gavage, injecteurs pompes, bloc filtres.

M. [M] a ensuite constaté :

– des vibrations anormales,

– des chutes de puissance lors des opérations de chalutage,

– une consommation non conforme à ce qui avait été annoncé pour ce moteur à régulation électronique.

La société Marine Performance en a été informée et en juillet 2012, à la suite d’un défaut apparu sur le tableau de bord, la société Eneria a pris la décision de remplacer le module de régulation électronique dénommé ECM.

En novembre 2012, une nouvelle avarie s’est produite sur le réducteur, avarie prise en garantie par la société Masson via la société Marine Propulsion service.

En décembre 2012, M. [M] a constaté une autre avarie sur les batteries.

La société Marine Performance a procédé au remplacement des batteries sans que la cause de la défaillance ne soit identifiée.

A compter de mars 2013, M. [M] a signalé à la société Marine performance des vibrations et indiqué qu’il ne péchait plus de façon satisfaisante.

Le 12 mai 2013, la société Marine Performance a remplacé un raccord sur le filtre à eau.

Début juillet 2013, M. [M] a indiqué que le bateau ne péchait plus et que des vibrations étaient de nouveau ressenties.

Le 20 septembre 2013, du lest a alors été installé sous toute la longueur de la quille par le chantier naval du Magouer pour compenser le poids inférieur du moteur Caterpillar par rapport au précédent moteur de marque Poyaud.

En novembre 2013, le réducteur a de nouveau subi une avarie.

La société Marine Propulsion service a pris la décision de déposer le réducteur inverseur pour réparation en atelier.

Les interventions successives des sociétés Marine Performance et Eneria n’ayant pas pu remédier aux différentes avaries, et notamment au défaut de performance du moteur, M. [M] a, par actes des 14 et 15 avril 2014, assigné les sociétés Marine Performance, Masson et Eneria en désignation d’un expert.

Par ordonnance du 22 mai 2014, le juge des référés du tribunal de commerce de Lorient a désigné M. [O] comme expert.

L’expert a déposé son rapport.

M. [M] a assigné les sociétés Marine Performance, Masson et Eneria en réparation de ses préjudices tels que figurant dans le rapport d’expertise.

Par jugement avant dire droit du 27 janvier 2020, le tribunal de commerce de Lorient a :

– Avant-dire droit,

– Enjoint à M. [M] de communiquer aux sociétés Marine Performance, Eneria et Masson les documents suivants sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir 10 jours ouvrés aprés la signification de la présente décision et jusqu’au 18 mars 2020, date de rappel de l’affaire à l’audience de mise en état :

– les bilans des comptes de résultat des années 2017 et 2018,

– le protocole et les relevés des essais réalisés le 28 octobre 2017 qui sont visés en page 5 du rapport d’expertise de M. [L],

– l’étude et des calculs de dimentionnement réalisés par le constructeur de la nouvelle hélice 5 pales mise en place sur le navire L’Alcatraz après dépôt du rapport de l’expert,

– le permis de mise en exploitation du navire L’Alcatraz,

– le relevé de navigation de M. [M],

– les déclarations de mouvement des marins pour 2015 et 2016,

– Dit qu’à défaut de communication des pièces dans ce délai, les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson seront en droit de faire liquider l’astreinte devant la présente juridiction, conformément à l’article L.131-3 du code de procédures civiles d’exécution,

– Sursis à statuer dans l’attente de la communication de ces pièces et renvoyé les parties à l’audience de mise en état du mercredi 18 mars 2020 à 9h00,

– Réservé l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 novembre 2020, le tribunal de commerce de Lorient a :

– Dit que M. [M] a satisfait de manière exhaustive à son obligation de communication des pièces en vertu des dispositions du jugement avant dire droit en date du 27 janvier 2020,

– Débouté en conséquence les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson de leur demande de liquidation de l’astreinte,

– Dit que M. [M] n’a commis aucune fraude à l’armement et est recevable en son action,

– Rejeté la demande de la société Eneria visant à faire ordonner une nouvelle mesure d’instruction financière afin qu’un expert se prononce sur la réalité et le quantum des dommages matériels et immatériels,

– Dit que le moteur C12 Caterpillar vendu par la société Eneria par l’intermédiaire de la société Marine Performance présentait des vices cachés le rendant impropre à une utilisation normale,

– Condamné en conséquence in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à payer à M. [M] :

– La somme de 82.100 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

– La somme de 167.741,72 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Dit que le réducteur inverseur type NFB vendu par la société Masson par l’intermédiaire de la société Marine Performance présentait des vices cachés le rendant impropre à une utilisation normale,

– Condamné en conséquence in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à payer à M. [M] :

– La somme de 5.358,04 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

– La somme de 10.077,52 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Débouté la société Masson de son appel en garantie contre les sociétés Marine Performance et Eneria,

– Débouté M. [M] de sa demande tendant à voire condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à lui payer une somme de 10.807,80 euros au titre des intérêts sur le prêt bancaire qu’il a pu souscrire dans le cadre du financement de son nouveau moteur,

– Débouté M. [M] de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à lui payer une somme de 30.000 euros au titre d’un préjudice moral,

– Débouté M. [M] de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l’intervention de M. [L],

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement à charge pour M. [M] de fournir une caution bancaire limitée à 250.000 euros au profit de la société Eneria couvrant en cas d’exigibilité le remboursement éventuel des sommes versées,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à verser à M. [M] la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à verser à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson aux entiers dépens de l’instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 172.82 euros TTC,

– Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en a déboutées.

La société Marine Performance a interjeté appel le 17 décembre 2020.

Les dernières conclusions de la société Marine Performance sont en date du 4 janvier 2023. Les dernières conclusions de la société Eneria sont en date du 3 janvier 2023. Les dernières conclusions de la société Masson sont en date du 1er septembre 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société Marine Performance demande à la cour de :

– Réformer le jugement,

Statuant de nouveau :

A titre liminaire :

– Constater que M. [M] n’a pas déféré à l’injonction de communiquer :

-Les déclarations de mouvements des marins pour 2015 et 2016, afin de déterminer le nombre de jours de pêche en mer du navire,

– Le protocole et des relevés des essais réalisés le 28 octobre 2017 qui sont visés en page 5 du rapport d’expertise de M. [L],

– L’étude et des calculs de dimensionnement réalisés par le constructeur de la nouvelle hélice 5 pales mise en place sur le navire « L’ALCATRAZ » après dépôt du rapport de l’expert,

– En tirer toutes conséquences de droit et de fait,

– Liquider l’astreinte à hauteur de 100 euros par jour de retard à compter des 10 jours ouvrés ayant suivi la signification du jugement intervenue le 11 février 2020, soit depuis le 25 février 2020.

A titre principal :

– Constater la fraude de l’armateur,

– Débouter M. [M] de sa demande en résolution de la vente :

– Fondée sur le vice caché,

– Fondée sur la non-conformité du moteur au type de pêche pratiqué,

A titre subsidiaire :

– Constater que M. [M] ne justifie pas de l’existence de préjudice,

– En cas de condamnation in solidum au profit de M. [M], fixer la charge et la part contributive de chacune des sociétés Marine Performance et Eneria à la dette de réparation de l’ensemble des préjudices.

– Réduire les prétentions de M. [M], au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause :

– Condamner M. [M] à payer à Marine Performance la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Le Condamner aux entiers dépens, qui comprendront ceux d’expertise.

La société Eneria demande à la cour de :

– Déclarer la société Eneria recevable et fondée en ses appels principal et incident, et y faisant droit,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– Dit que M. [M] a satisfait de manière exhaustive à son obligation de communication des pièces en vertu des dispositions du jugement avant dire droit en date du 27 janvier 2020,

– Débouté en conséquence les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson de leur demande de liquidation de l’astreinte,

– Dit que M. [M] n’a commis aucune fraude à l’armement et est recevable en son action,

– Rejeté la demande de la société Eneria visant à faire ordonner une nouvelle mesure d’instruction financière afin qu’un expert se prononce sur la réalité et le quantum des dommages matériels et immatériels,

– Dit que le moteur C12 CATERPILLAR vendu par la société Eneria par l’intermédiaire de la société Marine Performance présentait des vices cachés le rendant impropre à une utilisation normale,

– Condamné en conséquence in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à payer à M. [M] :

o La somme de 82.100 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

o La somme de 167.741,72 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à verser à M. [M] la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à verser à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté la société Eneria de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson aux entiers dépens de l’instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 172.82 euros TTC,

– Dit toutes autres demandes, fins et conclusions de la société Eneria injustifiées et en tout cas mal fondées, l’en a déboutée,

Et statuant à nouveau :

– Dire et juger que M. [M] n’a pas été déféré à l’intégralité des demandes de la juridiction selon jugement du 27 Janvier 2020,

– Dire et juger que ne sont pas produites les pièces suivantes :

o Le protocole des essais réalisés le 28 octobre 2017,

o L’étude et les calculs de dimensionnement réalisés par le constructeur de la nouvelle hélice 5 pales mise en place sur le navire Alcatraz, après le dépôt du rapport de M. [O],

o Le permis de mise en exploitation,

o Les déclarations de mouvements des marins,

En conséquence :

– Liquider l’astreinte conformément au dispositif du jugement avant dire droit, la signification étant intervenue le 19 février 2020 à la requête de la société Eneria,

– Dire et juger la fraude de l’armateur démontrée,

– Déclarer M. [M] irrecevable pour défaut de droit et d’intérêt à agir,

Au fond :

– Dire et juger que la demande de M. [M] relève exclusivement de l’action en garantie des vices cachés prévue aux articles 1641 et suivants du code civil,

– Dire et juger que la demande de résolution du contrat de motorisation confiée par M. [M] à la société Marine Performance suppose la restitution des matériels mis en ‘uvre,

– Dire et juger que cette restitution des pièces et matériels mis en ‘uvre, dans le cadre de la remotorisation confiée à la société Marine Performance, est impossible du fait de la décision de M. [M] de procéder à la remotorisation de son navire, après dépôt du rapport de l’expert judiciaire,

– Dire et juger que M. [M] ne peut prétendre à la résolution du contrat de motorisation et ou à la résolution du contrat de vente du moteur C 12 et au versement de dommages et intérêts, à défaut de restitution matérielle,

– Dire et juger que les conditions de résolution du contrat de vente du moteur ne sont pas fondées ; preuve n’étant pas rapportée par M. [M] de l’existence d’un vice caché antérieur à la vente du moteur CATERPILLAR C12 affectant sa destination,

– Dire et juger que la preuve d’un vice caché affectant le moteur du navire et sa régulation n’est pas rapportée,

– Dire et juger que la société Eneria, distributeur et non fabricant du moteur Caterpillard a livré à la société Marine Performance, un moteur conforme à la commande reçue,

– Dire et juger que M. [M] ne rapporte pas la preuve d’une inexécution contractuelle imputable à la société Eneria,

En conséquence :

– Déclarer M. [M] de plus fort irrecevable, et en tous cas non fondé en son action en résolution du contrat de remotorisation et /ou du contrat de vente du moteur C 12 fondée sur l’existence d’un vice caché, en ce qu’elle est dirigée à l’encontre de la société Eneria, ainsi qu’en sa demande de dommages et intérêts, l’en débouter,

– Débouter M. [M] de sa demande de condamnation fondée sur la non-conformité du moteur, la démonstration d’un manquement à l’obligation de délivrance conforme n’étant pas rapportée,

– Débouter M. [M] de sa demande de condamnation fondée sur une inexécution contractuelle ou un défaut de conseil,

Sur l’appel incident de M. [M] :

– Dire et juger que M. [M] a renoncé, en appel, à ses prétentions, au titre de l’indemnisation de ses dommages matériels et pertes d’exploitation, en l’absence de toute demande à ce titre au dispositif de ses écritures,

– Dire et juger que les demandes de condamnation, en ce qu’elles sont formées à l’encontre de la société Eneria, portent exclusivement sur la prise en charge des intérêts financiers, au titre de l’emprunt souscrit, sur le préjudice moral et sur le remboursement des frais et honoraires de M. [L],

– Juger que la cour n’est pas saisie pour statuer sur appel incident au-delà de ces seules prétentions,

En conséquence :

– Infirmer le jugement en ce qu’il a alloué des dommages matériels et pertes d’exploitation à M. [M],

– Déclarer M. [M] irrecevable et en tout état de cause le débouter de son appel incident,

En conséquence :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

o Débouté M. [M] de sa demande, au titre des intérêts bancaires,

o Débouté M. [M] de sa demande, au titre de la réparation d’un préjudice moral,

o Débouté M. [M] de sa demande de remboursement des honoraires de M. [L],

– Débouter M. [M] de sa demande, au titre des frais de stockage du moteur C 12,

Subsidiairement sur le quantum :

– Dire et juger qu’en application de l’article 9 de ses conditions générales de vente, l’engagement de la société Eneria à réparer les préjudices matériels et immatériels prétendus subis par M. [M], se limite exclusivement au prix du moteur Caterpillar, soit 46.720 euros TTC,

– Débouter M. [M] de toute autre demande à son encontre,

En toute hypothèse :

– Condamner la société Marine Performance, cocontractant de M. [M] au titre du contrat de remotorisation est tenue au coût de la remotorisation et de l’ensemble des dommages matériels.

– Dire et juger que les dommages matériels ne sauraient être supérieurs à la somme de 54 354 euros correspondant au strict coût de la remotorisation, tel que figurant sur la facture de la société Marine Propulsion Service du 27 octobre 2017, à l’exclusion de toute autre prestation,

– Dire et juger qu’en l’absence des éléments comptables, la juridiction ne pouvait apprécier les préjudices immatériels,

– En conséquence, réformer la décision sur ce point et débouter M. [M] de toutes ses prétentions, au titre des pertes d’exploitation et autres préjudices immatériels,

A défaut :

– Ordonner toute mesure d’instruction financière utile à l’évaluation des préjudices,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– Dit et jugé que seules les sociétés Marine Performance et Masson devaient répondre des désordres affectant le réducteur inverseur et autre embrayeur et des leurs conséquences financières (matérielles et immatérielles),

– Débouté M. [M] de ses demandes matérielles et immatérielles, au titre de la pose du lest, soit respectivement 8.768 euros et 9.962 euros,

– Dire et juger que les intérêts légaux commenceront à courir à compter du jugement du 23 Novembre 2020,

– En cas de condamnation in solidum au profit de M. [M], fixer la charge et la part contributive de chacune des sociétés Marine Performance et Eneria à la dette de réparation de l’ensemble des préjudices,

– Réduire les prétentions de M. [M], au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner tout succombant à verser à la société Eneria la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

M. [M] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

– Dit que M. [M] a satisfait de manière exhaustive à son obligation de communication des pièces en vertu des dispositions du jugement avant dire droit du 27 janvier 2020,

– Débouté en conséquence les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson de leur demande de liquidation d’astreinte,

– Dit que M. [M] n’a commis aucune fraude à l’armement et est recevable en son action,

– Dit que le moteur C12 Caterpillar vendu par la société Eneria par l’intermédiaire de la société Marine Performance présentait des vices cachés le rendant impropre à une utilisation normale,

– Dit que le réducteur inverseur type NFB vendu par la société Masson par l’intermédiaire de la société Marine Performance présentait des vices cachés le rendant impropre à une utilisation normale,

– Rejeté la demande de la société Eneria visant à faire ordonner une nouvelle mesure d’instruction financière afin qu’un expert se prononce sur la réalité et le quantum des dommages matériels et immatériels,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à payer à M. [M] la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à payer à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson aux entiers dépens de l’instance,

Infirmer le surplus et statuant à nouveau :

– Condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à payer à M. [M] la somme de 10.807,80 euros au titre des intérêts sur le prêt bancaire qu’il a pu souscrire dans le cadre du financement de son nouveau moteur,

– Condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à payer à M. [M] la somme de 4.743 euros au titre des frais de stockage du moteur C12,

– Condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à payer à M. [M] la somme de 30.000 euros au titre d’un préjudice moral,

– Condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à payer à M. [M] la somme de 15.000 euros au titre de l’intervention de M. [L],

– Condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à payer à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel,

– Condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à payer à M. [M] aux entiers dépens comprenant ceux de référés, expertise, 1 ère instance et appel.

La société Masson demande à la cour de :

– Recevoir la société Masson en son appel incident et la déclarant recevable et bien fondée,

– Réformer le jugement du 23 novembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Lorient en ce qu’il a :

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à payer à M. [M] :

o La somme de 5.358,04 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

o La somme de 10.077,52 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à verser à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau :

A titre principal :

– Déclarer M. [M] irrecevable en l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

– Débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Masson,

– Débouter M. [M] de ses demandes au titre du prêt bancaire, au titre du préjudice moral et du remboursement des frais d’assistance technique de M. [L],

En tout état de cause :

– Condamner M. [M] ou tout autre succombant à payer à la société Masson la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la formulation des demandes des parties devant la cour :

M. [M], dans le dispositif de ses dernières conclusions, après avoir demandé la confirmation du jugement sur certaines dispositions qu’il détaille, demande à la cour d’infirmer le jugement pour le surplus.

Il apparaît ainsi qu’il demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a :

– Condamné en conséquence in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à payer à M. [M] :

– La somme de 82.100 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

– La somme de 167.741,72 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Condamné en conséquence in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à payer à M. [M] :

– La somme de 5.358,04 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

– La somme de 10.077,52 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Débouté la société Masson de son appel en garantie contre les sociétés Marine Performance et Eneria,

– Débouté M. [M] de sa demande tendant à voire condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à lui payer une somme de 10.807,80 euros au titre des intérêts sur le prêt bancaire qu’il a pu souscrire dans le cadre du financement de son nouveau moteur,

– Débouté M. [M] de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à lui payer une somme de 30.000 euros au titre d’un préjudice moral,

– Débouté M. [M] de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l’intervention de M. [L],

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement à charge pour M. [M] de fournir une caution bancaire limitée à 250.000 euros au profit de la société Eneria couvrant en cas d’exigibilité le remboursement éventuel des sommes versées,

– Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en a déboutées.

La cour est tenue par les demandes de M. [M] ainsi exposées. Il en résulte que M. [M] abandonne devant la cour ses principales demandes indemnitaires.

Il convient de noter en outre que M. [M] ne demande pas l’annulation des conventions.

Sur la production de pièces :

Par jugement avant dire droit du 27 janvier 2020, le tribunal de commerce de Lorient a enjoint à M. [M] de produire certaines pièces.

Certaines de ces pièces n’ont pas été communiquées telles que demandé par le tribunal. Les productions de M. [M] sont cependant suffisantes pour permettre à la cour de statuer et il conviendra, le cas échéant, de tirer toutes conséquences d’éventuels manquements de M. [M] à la charge de la preuve qui lui incombe.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur l’intérêt à agir de M. [M] :

La société Masson fait valoir que M. [M] ne justifierait pas d’un intérêt a agir. Elle indique en ce sens qu’il ne justifierait pas d’une autorisation d’utiliser à la pêche un navire équipé d’un moteur d’une puissance supérieure à 162 kW.

Il apparaît que c’est un moteur d’une puissance de 162 kW qui a été commandé. Le moteur livré a été, à l’origine, bridé à cette puissance.

Le fait que M. [M] utilise en pratique ce moteur en position débridée n’est pas de nature à le priver d’intérêt à agir pour invoquer un vice caché de ce même moteur mais utilisé à puissance bridée à 162 kW.

Il y a lieu de rejeter les demandes tendant à déclarer M. [M] irrecevable en son action.

Sur l’existence de vices cachés du moteur :

M. [M] fait valoir que le moteur installé aurait comporté des vices cachés le rendant impropre à une utilisation normale.

Selon lui, le moteur présentait des variations de régime entraînant un défaut de constance de la vitesse du navire. Ce défaut aurait une incidence sur l’ouverture du chalut ou encore sur son positionnement par rapport au fond de la mer. La capacité de pêche s’en trouverait affectée.

L’ancien moteur, de marque Poyaud, avait une puissance nominale de 250 kW, présentée comme réglée à 162 kW.

Le devis de changement du moteur en date du 1er août 2011 prévoyait la fourniture d’un moteur Caterpillar C12, 254 kW, soit 345 cv, à 1.800 tr/min.

Ce moteur est doté d’une régulation électronique assurée par un système de commande appelé ECM (Electronic Control Module). Cette commande ECM peut être bridée.

La société Marine Performance a commandé un tel moteur Caterpillar à la société Eneria. Pendant la période du 5 au 16 septembre 2011, la société Eneria a essayé le moteur avant d’émettre un certificat EIAPP IMO à 162 kW.

Le 16 janvier 2014, un technicien de la société Marine Propulsion service est intervenu à bord à la demande de M. [M] pour relever les paramètres moteur et effectuer un essai en mer et en pêche. Il a constaté 53 interventions sur l’ECM, soit des changements de paramètres, alors qu’il n’y avait eu que 9 interventions à bord avec mise en place de la valise de contrôle.

Des essais en mer ont été effectués le 12 mars 2014, en présence de M. [M] et d’un représentant de la société Eneria. Au cours de ces essais, il a été constaté que l’écartement des panneaux du chalut, normalement de 39 mètres, variait de 39 à 31 mètres, que le navire chutait en vitesse, sans modification du régime moteur.

Le 9 avril 2014, la société Eneria a prêté un ECM réglé à 287 kW. A la date de cette première réunion d’expertise, le navire était encore équipé de cet ECM.

La société Marine Performance a indiqué à l’expert qu’un ECM réglé à 285 kW avait été mis en place, à la demande de M. [M], en novembre 2014.

Il apparaît ainsi que depuis au moins avril 2014 le navire utilise un moteur à une puissance nettement supérieure à celle maximale autorisée administrativement.

L’expert a réalisé des essais en mer, en présence des parties, le 24 septembre 2014. Au cours de ces essais, il n’y a pas eu de modification anormale de la vitesse du navire, la vitesse étant maintenue entre 3,4 et 3,6 n’uds lors du trait de chalut allant dans le sens du courant et entre 3,0 et 3,2 n’uds lors du trait allant contre le courant. Dans le sens du courant l’écartement des panneaux s’est établi à 35 mètres, avec une faible variation, et dans le contraire au courant, à 40 mètres restant stable. L’expert note que cet écartement ne correspondait pas à l’écartement théorique, qui aurait dû être de 60 et 67 mètres, mais qu’il était resté stable.

L’expert a analysé un enregistrement DVD du tableau de commande et du navigateur GPS réalisé à bord du navire le 16 novembre 2014. Sur une vidéo, la variation maximale du régime moteur constatée y a oscillé entre 1433 et 1444 tr/min, soit une variation inférieur à 1%, sur une autre, entre 1425 et 1458, et sur une autre entre 1424 et 1450 en quelques secondes. L’expert note que ces variations sont furtives, de l’ordre de quelques secondes, sans modification des autres paramètres.

L’expert note que des essais de traction ont été effectués avec deux ECM, l’ECM 340 d’origine réglé à 254 kW, l’ECM 380 en prêt à 283 kW.

L’expert a analysé des relevés effectués lors d’opérations de pêches en septembre et octobre 2015. Un relevé du 9 octobre 2015 indique une variation du régime moteur de plus ou moins 10 tours durant les traits de pêche, avec quelques oscillations ponctuelles plus élevées. L’expert a noté deux baisses de charge, sans modification du régime moteur.

L’expert a effectué des essais en mer le 5 et 6 juillet 2016, embarquant ainsi pendant deux journées. Il a pu constater une chute brutale de la vitesse du navire, de 3,7 à 0,3 nd, sans modification de cette situation en augmentant le régime moteur jusqu’à 1560 t/min, les deux panneaux s’envasant. Il a noté d’autres variations de vitesse, quelques envasements et une indication de modification furtive du régime moteur de 1430 à 1470 tr/min.

Au cours de ces essais, l’expert a ainsi noté la survenance de variations de vitesse malgré un maintien satisfaisant du régime moteur. Il a relevé deux chutes brutales de vitesse avec envasement lors de man’uvres de giration.

L’expert estime que les fluctuations de vitesse à l’origine des problèmes rencontrés en pêche ne peuvent trouver leur origine que dans la réponse du moteur C12 aux contraintes liées au type de pêche pratiquée bien qu’aucune anomalie n’ait été constatée dans les relevés de fonctionnement du moteur, à l’exception de quelques variations de régime inexpliquées mais ayant lieu sur de courtes périodes de fonctionnement.

L’expert explique les différences entre la régulation du nouveau moteur et celle de l’ancien. Le nouveau moteur est doté d’une régulation électronique ECM, qui adapte le fonctionnement en fonction notamment à la consigne de régime moteur, du facteur de charge et au respect des normes de pollution. L’ancien moteur était équipé d’une régulation classique dont la particularité était que sa réponse à une augmentation de charge n’était pas bridée par le respect de normes de pollution et permettait d’injecter une quantité de combustible supérieure à la quantité nécessaire.

Selon l’expert, les essais réalisés n’ont pas révélé d’anomalies de fonctionnement du moteur C12 à l’exception de quelques variations de vitesse furtives et inexpliquées, mais que ces essais ont permis de constater que les réglages de ce moteur n’étaient pas adaptés pour répondre aux contraintes liées à la pêche pratiquée par ce navire.

En réponse à un dire des parties, l’expert a noté que d’autres navires équipés du même moteur ne rencontrent pas de difficultés, mais que les conditions spécifiques d’utilisation de l’ensemble de propulsion de ces navires peuvent être différentes de celles du navire L’Alcatraz : régime de fonctionnement, rapport de réduction.

Il apparaît ainsi que l’expert n’a pas caractérisé un défaut propre au moteur mais une éventuelle inadaptation de l’ensemble propulsif installé sur le navire L’Alcatraz.

Il résulte du rapport amiable de M. [L] que le moteur litigieux a été débarqué en septembre 2017 alors qu’il affichait une durée totale d’utilisation de 28.185 heures. Il apparaît ainsi que M. [M] est parvenu, sur une période de près de cinq ans, à utiliser un moteur qu’il allègue vicié pendant un nombre d’heures représentant plus de trois années d’utilisation en continu.

M. [M] fait valoir qu’il a depuis fait remotoriser le navire, faisant installer un moteur de marque Scania. Il ajoute que depuis la reprise d’activité en novembre 2017, ces changements ont permis de tracter les engins de pêche dans de meilleurs conditions, à un régime moteur plus faible, avec une amélioration de 10% de la traction en pêche.

Il apparaît que la remotorisation s’est accompagnée de la mise en place d’une nouvelle hélice à rendement supérieur, équipée de 5 pales au lieu de 4 auparavant. Cette nouvelle hélice est le fruit de calculs qui n’ont pas été produits aux débats malgré une demande de la société Eneria. En outre, lors de cette nouvelle remotorisation, l’arbre porte hélice a été changé. Le nouveau moteur est également à régulation électronique, ce qui conforte le fait que le recours à une telle régulation n’est pas, en soi, à l’origine des dysfonctionnements allégués par M. [M].

Il apparaît que le nouveau moteur dispose d’un couple supérieur à celui installé par la société Marine Performance.

Il est à noter que l’expert avait relevé des défauts sur l’ancienne hélice. Après correction de ces défauts au cours des opérations d’expertise, de nouveaux essais avaient aboutis à un gain de traction de 10% à 100% de charge et néant au régime usuel de pêche avec le moteur équipé de l’ECM 340, réglé à 254 kw, et à un gain de plus de 20% à 100% de charge et de près de 30% au régime usuel de pêche avec le moteur équipé de l’ECM 380 réglé à 283 kW.

Il apparaît ainsi que les caractéristiques et le choix de l’hélice avaient une incidence notable sur les caractéristiques de la force de traction de l’ensemble propulsif. En tout état de cause, ces essais ont été réalisés sur un moteur dont la puissance avait été augmentée alors que la puissance maximale admise réglementairement était de 162 kW.

Il résulte des constatations de l’expert que la carte ECM peut être réglée sur une plage de puissances. Cette possibilité de réglage après installation est à rapprocher de l’anomalie constatée le 16 janvier 2014 par un technicien de la société Marine Propulsion qui a relevé 53 interventions sur l’ECM, soit des changements de paramètres, alors qu’il n’y avait eu que 9 interventions à bord avec mise en place de la valise de contrôle.

L’expert n’a apporté aucune remarque sur l’utilisation, dans la durée, d’un moteur réglé pour une puissance dépassant notablement la puissance maximale administrativement autorisée.

Il peut être remarqué qu’au vu des expertises et essais ainsi étudiés, il apparaît que les parties et les experts n’ont même pas envisagé que le navire puisse mener ses opérations de pêche avec un moteur réglé sur la puissance administrative autorisée de 162 kW. Aucun essai avec une telle puissance n’a été réalisé. Les difficultés notées par l’expert résultent avant tout d’une insuffisance de puissance du système propulsif au regard de la puissance nécessaire aux opérations de pêche pratiquées. Si le nouveau moteur donne satisfaction à M. [M], il ne peut qu’être souligné que ce résultat n’est obtenu qu’avec un moteur dont la puissance effectivement réglée est bien supérieure à celle de 162 kW. Ainsi, M. [L] a noté dans son rapport amiable que le moteur Scania D I 13 était taré à 350 cv, soit une puissance de plus de 250 kW.

Il apparaît que les puissances administratives ne sont pas respectées. La difficulté principale est celle de réussir à utiliser les engins de pêche dont est doté le navire L’Alcatraz avec une puissance de seulement162 kW, quel que soit le type de moteur utilisé.

En tout état de cause, aucun vice inhérent au moteur Caterpillar litigieux n’est caractérisé.

Il y a lieu de rejeter les demandes formées au titre des vices allégués de ce moteur.

Sur l’existence de vices cachés du réducteur-inverseur :

M. [M] fait valoir que le réducteur installé par la société Marine Performance, et fourni par la société Masson, avait connu de nombreuses avaries.

Il apparaît que l’ensemble réducteur-inverseur a été en avarie du 29 octobre au 9 novembre 2012 et du 19 novembre 2013 au 6 décembre 2013.

L’expert indique que ces avaries doivent être considérées comme consécutives à des défaillances internes du réducteur dont la remise en état a été prise en charge par la société Masson, constructeur de ce matériel.

Il résulte du rapport amiable de M. [L] que l’ensemble embrayeur-réducteur fourni par la société Masson a été rénové en 2017 lors du nouveau changement de moteur. Il en résulte que ce réducteur donne suffisamment satisfaction pour que son remplacement n’ait pas été réalisé à cette occasion.

Cet ensemble était donc affecté d’un vice qui a été réparé par son fournisseur.

Sur le préjudice :

Devant la cour, M. [M] se prévaut d’un préjudice afférent aux intérêts payés pour financer l’achat d’un nouveau moteur et d’un préjudice moral.

Aucun vice propre au moteur litigieux n’étant caractérisé, il y a lieu de rejeter la demande formée au titre du préjudice allégué résultant des conditions de son stockage après débarquement et du financement du moteur de remplacement.

M. [M] ne justifie d’aucun préjudice moral. Les diverses interventions mécaniques sur son navire sont inhérentes à l’utilisation d’engins motorisés complexes. M. [M], pêcheur professionnel, et motoriste diplômé, ne justifie pas d’un préjudice l’ayant personnellement affecté moralement. Il est en outre à noter qu’il ne se prévaut d’aucun préjudice qu’il pourrait avoir ressenti du fait de l’utilisation d’un moteur d’une puissance supérieure à celle à laquelle il a droit.

M. [M] a choisi de se faire assister de M. [L] au cours des opérations techniques. Un expert judiciaire avait pourtant été nommé. Ces frais d’assitance doivent rester à la charge de M. [M]. Sa demande formée à ce titre sera rejetée.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. [M] aux dépens de première instance et d’appel, y compris les frais de l’expertise judiciaire, et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de sa saisine et des demandes des parties :

– Infirme le jugement en ce qu’il a :

– Dit que le moteur C12 Caterpillar vendu par la société Eneria par l’intermédiaire de la société Marine Performance présentait des vices cachés le rendant impropre à une utilisation normale,

– Condamné en conséquence in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à payer à M. [M] :

– La somme de 82.100 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

– La somme de 167.741,72 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Condamné en conséquence in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à payer à M. [M] :

– La somme de 5.358,04 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice matériel,

– La somme de 10.077,52 euros outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 avril 2014, date de l’assignation en référé expertise, au titre du préjudice immatériel,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Eneria à verser à M. [M] la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance et Masson à verser à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés Marine Performance, Eneria et Masson aux entiers dépens de l’instance,

– Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Dit que l’existence d’un vice caché du moteur Caterpillar n’est pas établi,

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne M. [M] aux dépens de première instance et d’appel, y compris des frais de l’expertise judicaire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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