Conditions Générales de Vente : 27 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03648

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Conditions Générales de Vente : 27 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03648

N° RG 21/03648 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LAI3

C3*

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT

Me Bernard BOULLOUD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG 21/00010)

rendue par le Tribunal judiciaire de VIENNE

en date du 18 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 09 août 2021

APPELANTS :

Mme [Y] [K] épouse [T]

née le 04 juillet 1985 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

M. [Z] [T]

né le 25 août 1982 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentés par Me Olivier DORNE de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Charlotte JEANTET, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

E.U.R.L. HISPANOA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Philippe MARCHAL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 mai 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 25 novembre 2019 Mme [Y] née [K] épouse [T] et M. [Z] [T] ont réservé sur la centrale de réservation en ligne Hispanoa un séjour familial pour 15 personnes du 11 au 25 juillet 2020 dans une villa dénommée «’DA-PEDRA’» située à [Localité 5] en Espagne moyennant le prix total de 4991 euros.

Un premier acompte de 1192 euros a été payé le jour de la réservation.

M. et Mme [T] se sont inquiétés des conséquences de l’épidémie de COVID 19 survenue au cours du mois de mars 2020 et ont échangé à plusieurs reprises sur ce sujet avec la plateforme au cours du mois de mai 2020.

Ils été informés de la nécessité de verser le solde du prix du séjour pour éviter l’annulation de la réservation et ils ont reçu l’assurance qu’en cas de restriction de circulation l’acompte serait transformé en avoir et le deuxième paiement remboursé.

Les époux [T] ont versé la somme complémentaire de 3799 euros le 25 mai 2020.

Par lettres recommandées des 11 juin 2020 et 6 juillet 2020 ils ont sollicité l’annulation de leur voyage et le remboursement des sommes versées.

La SARLU Hispanoa n’a pas accédé à cette demande en faisant valoir qu’il n’existait aucune impossibilité de voyager, les frontières espagnoles ayant été rouvertes.

C’est dans ce contexte que par acte d’huissier du 5 janvier 2021 Mme [Y] [T] et M. [Z] [T], se fondant sur l’article L. 211’14 du code du tourisme ainsi que sur l’article premier de l’ordonnance n° 2020’315 du 25 mars 2020, ont fait assigner la société Hispanoa devant le tribunal judiciaire de Vienne à l’effet d’obtenir le remboursement intégral du prix du séjour pour un montant de 4991 euros, et subsidiairement la remise d’un avoir valable pendant 18 mois pour une prestation identique, et d’entendre condamner la société Hispanoa à leur payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La société Hispanoa s’est opposée à l’ensemble de ces demandes dont elle a soutenu qu’elles seraient irrecevables à défaut de tentative préalable de résolution amiable du litige et subsidiairement infondées en l’absence de circonstances exceptionnelles et inévitables ouvrant droit à la résolution du contrat sans frais.

Par jugement en date du 18 juin 2021, le tribunal judiciaire de Vienne a

déclaré recevable l’action en justice de M. [Z] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T],

débouté M. [Z] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T],

de leur demande principale en remboursement intégral du prix de la réservation

de leur demande subsidiaire tendant à l’obtention d’un avoir,

de leur demande en dommages et intérêts pour résistance abusive,

condamné M. [Z] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T], à verser à la société Hispanoa la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [Z] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné les mêmes aux entiers dépens.

Le tribunal a considéré en substance :

que la demande était recevable alors que les prétentions réunies excédaient la somme de 5000 euros en-deçà de laquelle une tentative préalable de règlement amiable du litige est imposée par l’article 750’1 du code de procédure civile,

que le séjour réservé par les époux [T] se trouvait hors période de confinement tant en France qu’en Espagne, tandis que la réouverture sans conditions des frontières françaises et espagnoles avait eu lieu le 21 juin 2020,

que la preuve n’étant pas rapportée de la présence de personnes vulnérables, le séjour pouvait se dérouler dans des conditions normales de sécurité dans le respect des mesures sanitaires et de distanciation sociale,

qu’il n’était donc pas justifié de circonstances exceptionnelles et inévitables ayant des conséquences importantes sur l’exécution du contrat au sens des articles L. 211’14 II et L. 211’2 V 3° du code du tourisme.

Mme [Y] [T] et M. [Z] [T] ont relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 9 août 2021 aux termes de laquelle ils critiquent le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré leur action recevable.

Vu les conclusions récapitulatives n°1 déposées et notifiées le 3 mai 2022 par Mme [Y] [T] et M. [Z] [T] qui demandent à la cour, par voie de réformation du jugement :

A titre principal

de dire et juger que des circonstances exceptionnelles et inévitables justifient l’annulation du voyage sans frais en application de l’article L. 211’14 du code du tourisme,

de condamner en conséquence la société Hispanoa à leur rembourser la somme de 4991 euros et à titre subsidiaire d’émettre à leur profit un avoir portant sur une prestation identique valable pendant 18 mois avec obligation de restituer le montant payé en l’absence de proposition de séjour adéquate pendant ce délai,

A titre subsidiaire

de condamner la société Hispanoa à leur payer la somme de 3493,70 euros, ou à défaut celle de 1497,30 euros en application des conditions générales de vente,

En tout état de cause

de condamner la société Hispanoa à leur payer les sommes de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

que dans le cadre de la crise sanitaire consécutive à l’épidémie de COVID 19 l’ordonnance n° 2020’315 du 25 mars 2020 a prévu, par dérogation aux dispositions de l’article L. 211’14 du code du tourisme, qu’en cas de demande d’annulation d’un séjour fondée sur des circonstances inévitables l’opérateur pourra proposer un avoir d’un montant équivalent au prix du voyage,

que les conditions générales de vente de la société Hispanoa prévoient que l’acompte est perdu en cas d’annulation du fait du client plus de 60 jours avant la date d’arrivée, que l’indemnité s’élève à 70 % du coût du séjour en cas d’annulation entre le 59e jour et le 28e jour et que la pénalité est de 100 % du coût du séjour en cas d’annulation après le 28e jour, ramenée à 30 %, sous déduction des frais de dossier, en cas de relocation aux mêmes dates,

que dès leur mail du 3 mai 2020 ils ont demandé l’annulation du contrat de réservation en informant clairement la société Hispanoa qu’ils n’envisageaient plus de partir, étant observé que le recours à une lettre recommandée n’était pas nécessaire puisqu’il a été accusé réception de leur message dès le lendemain,

que bien que leur demande d’annulation soit intervenue plus de 60 jours avant la date du séjour, la société Hispanoa a exercé une pression déloyale pour obtenir le versement du solde du prix et s’opposer ensuite à toute restitution,

qu’à la date de la première demande d’annulation du 3 mai 2020 il existait des circonstances exceptionnelles et inévitables au sens de l’article L. 211’14 du code du tourisme et de la directive européenne du 25 novembre 2015 (considérant 31 et article 3), alors que l’épidémie de COVID 19, à l’origine de très nombreux décès dans le monde et particulièrement en Espagne, présentait et présente toujours un risque élevé pour la santé des voyageurs, notamment pour les personnes vulnérables, qui étaient invitées à limiter leurs déplacements ainsi que les regroupements sociaux, étant observé que le séjour était destiné à fêter le 60e anniversaire de Mme [K] (mère et belle-mère des réservants), qui compte tenu de son âge et de son déficit immunitaire était une personne vulnérable,

que la commission européenne avait d’ailleurs elle-même confirmé que la COVID 19 créait un risque important pour la santé humaine et devait être ainsi considérée comme caractérisant des circonstances inévitables et extraordinaires,

que d’ailleurs au jour de la demande d’annulation les frontières espagnoles étaient fermées, tandis que la mauvaise situation sanitaire dans le sud de l’Espagne au cours du mois de juillet 2020 a conduit à de nouvelles interdictions, étant observé que les mesures sanitaires imposées par les autorités (distanciation sociale, port du masque obligatoire sur les plages et éventuelles nouvelles mesures de confinement) étaient de nature à modifier les conditions initiales du voyage,

que tant la commission européenne dans sa recommandation du 13 mai 2020 que le médiateur tourisme et voyage ont rappelé le droit des voyageurs au remboursement en cas d’annulation justifiée,

que la société Hispanoa ne peut se prévaloir de la modification illégale et inopposable de ses conditions générales de vente intervenue au cours du confinement limitant le remboursement sans frais ou l’émission d’un avoir aux seules réservations qui seraient impactées par la période de confinement ou de fermeture des frontières,

qu’en toute hypothèse, conformément aux conditions générales de vente de la société Hispanoa, l’annulation du séjour étant intervenue le 3 mai 2021, plus de 60 jours avant la date d’arrivée du 11 juillet 2021, ils ont droit au remboursement des sommes versées sous déduction de l’acompte, soit la somme de 3493,70 euros, ou à tout le moins à la restitution de la somme de 1497,30 euros correspondant à 30 % du prix total du séjour,

que la société Hispanoa a résisté abusivement à la demande de restitution en multipliant les procédés déloyaux.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 3 février 2022 par l’EURL Hispanoa qui sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté purement et simplement les époux [T] de l’ensemble de leurs demandes et la condamnation de ces derniers à lui payer une nouvelle indemnité de procédure de 4000 euros.

Elle fait valoir :

que n’exerçant qu’une activité de centrale de réservation rémunérée à la commission, elle a versé les fonds à l’agence locale du propriétaire espagnol dès le paiement du solde du prix du voyage,

que c’est par dérogation aux dispositions de l’article L. 211’14 du code du tourisme que l’ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 prévoit que l’organisateur peut proposer au voyageur un avoir à la place du remboursement des sommes versées, mais sans modifier les conditions d’annulation du voyage, de sorte que conformément au II de l’article L. 211’14 le voyageur ne pouvait prétendre résoudre le contrat sans frais qu’en présence de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci et ayant des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination,

que la réouverture des frontières dans l’union européenne, annoncée dès le 4 juin 2020 pour la date du 1er juillet 2020, a finalement été avancée au 21 juin 2020,

que l’annulation du voyage n’a pas été demandée par mail du 3 mai 2020, alors qu’en application des conditions générales de vente toute annulation doit être notifiée par lettre recommandée et ne prend effet qu’à la date de réception, qu’aux termes de leur assignation les époux [T] indiquent eux-mêmes que le contrat a été annulé le 11 juin 2020, et que antérieurement ils n’ont émis que des craintes et des doutes, que le versement le 25 mai 2020 du solde du prix a nécessairement validé la réservation et que leur propre conseil a d’ailleurs retenu expressément le 11 juin 2020 comme date d’annulation,

qu’à cette dernière date les époux [T] n’ignoraient pas que le voyage ne serait pas impacté par les restrictions liées à l’épidémie, puisque dès le 4 juin 2020 la réouverture des frontières était annoncée,

qu’aucune circonstance exceptionnelle et inévitable ne faisait donc obstacle à l’exécution normale du contrat dès lors qu’un sentiment subjectif de peur, même justifié, ne suffisait pas à caractériser une telle circonstance, que le transport était possible, que la villa louée était disponible et que le risque de contamination n’était pas plus important en Espagne,

que c’est la modification des dates de congés de M. [T] qui constitue en réalité le motif effectif de l’annulation, ce qui a été expressément reconnu dans le courrier recommandé du 11 juin 2020,

que cet événement ne constitue cependant en rien une circonstance exceptionnelle et inévitable au sens des dispositions légales,

que les époux [T] ne peuvent prétendre enfin à aucun remboursement en application des conditions générales de vente, alors que l’annulation n’a pas été demandée le 3 mai 2020 et que la lettre recommandée du 11 juin 2020, intitulée « report location villa’» ne constitue pas plus une demande d’annulation claire et précise, étant observé que conformément aux dispositions contractuelles l’acompte n’est pas remboursable et que la réclamation ne pourrait en toute hypothèse porter que sur 30 % du prix diminué de l’acompte, soit sur la somme de 1139,70 euros.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 16 mai 2023.

MOTIFS

Le jugement qui n’est pas critiqué sur ce point sera confirmé en ce qu’il a déclaré l’action recevable.

Sur la demande d’annulation du contrat ou de délivrance d’un avoir

Aux termes de l’article L. 211’14 du code du tourisme «’ I.-Le voyageur peut résoudre le contrat à tout moment avant le début du voyage ou du séjour. Dans ce cas, le vendeur peut lui demander de payer des frais de résolution appropriés et justifiables. Le contrat peut stipuler des frais de résolution standard raisonnables, calculés en fonction de la date de résolution du contrat avant le début du voyage ou du séjour et des économies de coûts et des revenus escomptés du fait d’une remise à disposition des services de voyage concernés. En l’absence de frais de résolution standard, le montant des frais de résolution correspond au prix moins les économies de coûts et les revenus réalisés du fait d’une remise à disposition des services de voyage. A la demande du voyageur, le vendeur justifie le montant des frais de résolution.

II.-Le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire’».

L’article premier de l’ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 prise dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID 19, qui est applicable aux résolutions de contrats notifiées entre le 1er mars 2020 et une date antérieure au 15 septembre 2020, décide en son paragraphe II que «’ Par dérogation aux dispositions de la dernière phrase du II de l’article L. 211-14 du code du tourisme et de la première phrase du III du même article, lorsqu’un contrat mentionné au 1° du I du présent article fait l’objet d’une résolution, l’organisateur ou le détaillant peut proposer, à la place du remboursement de l’intégralité des paiements effectués, un avoir que le client pourra utiliser dans les conditions prévues par les dispositions des III à VI du présent article’».

L’ordonnance susvisée, qui était destinée à alléger la charge financière des annulations pour les entreprises du secteur du voyage, n’a pas modifié les conditions de résolution sans frais des contrats de voyage posées par l’article L. 211’14 II du code du tourisme . Pour y prétendre le voyageur devait donc toujours justifier de circonstances exceptionnelles et inévitables ayant des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers.

Par mail du 3 mai 2020 Mme [T] s’est inquiétée du probable maintien de la fermeture des frontières jusqu’en octobre 2020 et a informé la société HISPANOA qu’elle n’envisageait plus de partir, mais que n’entendant pas perdre l’acompte déjà versé, elle souhaitait maintenir sa réservation avec un report à une date ultérieure.

La société HISPANOA a répondu le 4 mai 2020 que selon les annonces gouvernementales les restrictions de circulation devaient prendre fin le 22 juin 2020 et qu’en toute hypothèse les sommes versées seraient conservées à titre d’avoir à valoir sur le prix d’un autre séjour, en précisant que le solde du prix du voyage devait cependant impérativement être versé au plus tard le 20 mai 2020.

Le 11 mai 2020 Mme [T], se prévalant de l’ordonnance du 25 mars 2020, a expliqué que même si le voyage était possible aux dates prévues, elle n’était plus certaine de vouloir voyager compte tenu des risques sanitaires encourus et qu’elle envisageait donc de reporter le séjour sous forme d’avoir valable 18 mois, ou à défaut d’obtenir le remboursement de l’acompte sans avoir à verser le solde du prix.

Elle a conclu ce message en demandant à la société Hispanoa d’attendre la date du 2 juin, fixée par le gouvernement pour l’annonce des perspectives de la saison d’été 2020, pour refaire le point sur la situation afin d’y voir plus clair.

Le même jour la société Hispanoa lui a répondu que dès lors que la période du séjour n’était pas concernée par les mesures de fermeture des frontières, le versement du solde du prix devait intervenir pour éviter l’annulation de la réservation avec perte de l’acompte, ajoutant que l’acompte serait transformé en avoir et le deuxième paiement retourné si le séjour était effectivement rendu impossible par des interdictions de circuler.

À la suite de ces échanges M. et Mme [T] ont versé la somme de 3799 euros correspondant au solde du prix du séjour.

Le 11 juin 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [T] a cependant écrit «'(qu’elle se voyait) dans l’obligation d’annuler et de reporter notre location’», après avoir expliqué que les congés de son mari venaient d’être suspendus et reportés à une date ultérieure à partir du mois de septembre 2020, ce qui constituait un élément nouveau.

Aux termes de ce même courrier elle a sollicité l’établissement d’un avoir d’un montant de 4991 euros.

Comme le tribunal, la cour considère que les mails des 3 et 11 mai 2020, qui expriment seulement les inquiétudes des époux [T] sur la faisabilité du voyage dans le contexte de la crise sanitaire,qui n’évoquent que la possibilité d’un report du séjour et qui demandent qu’un nouveau point soit fait sur la situation le 2 juin 2020, ne traduisent pas la volonté ferme et définitive des réservants d’obtenir la résolution du contrat, ce que confirme le paiement du solde du prix du séjour le 25 mai 2020.

Outre le fait qu’aucune demande d’annulation n’a été formée les 3 et 11 mai 2020 dans les formes prévues par les conditions générales de vente (LRAR), les époux [T] ont d’ailleurs eux-mêmes expressément reconnu aux termes de leur assignation introductive d’instance que n’obtenant pas l’avoir réclamé ils ont demandé l’annulation du voyage par lettre recommandée du 11 juin 2020, ce que leur avocat a également confirmé par lettre de mise en demeure du 6 juillet 2020.

La volonté ferme et définitive des époux [T] de renoncer le 11 juin 2020 à leur réservation n’est cependant pas sérieusement discutable, puisqu’ils ont écrit à cette date qu’ils étaient « dans l’obligation d’annuler le contrat » et que dès le 12 juin 2020 la société HISPANOA a elle-même accusé réception de leur «’courrier d’annulation et de demande de report’».

Selon l’article L. 211’2 V 3° du code du tourisme, fixant les conditions générales applicables aux ventes de voyages et de séjours, est constitutive d’une circonstance exceptionnelle et inévitable «’une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises’».

Il s’agit donc d’un événement extérieur et insurmontable.

Dès lors qu’il est constant que le séjour litigieux (du 11 au 25 juillet 2020) se situait en dehors des périodes de confinement et qu’au jour de la demande d’annulation (11 juin 2020) la réouverture des frontières dans l’union européenne était annoncée pour la mi juin et a finalement eu lieu le 21 juin 2020, le tribunal a ainsi justement considéré que le voyage et le séjour ne se heurtaient à aucun obstacle insurmontable, puisqu’aux dates considérées la liberté de circulation entre la France et l’Espagne était assurée et qu’aucune restriction n’affectait le lieu d’hébergement.

À cet effet la cour observe que la recommandation du 13 mai 2020 de la commission européenne, qui ne concerne que les caractéristiques des bons à valoir que les transporteurs ou les organisateurs peuvent proposer aux passagers ou aux voyageurs comme alternative au remboursement en espèces, ne traite nullement de l’interprétation qu’il convient de faire de la notion de circonstances exceptionnelles et inévitables dans le contexte de l’épidémie de COVID 19.

De la même façon si le médiateur du tourisme a recommandé dans ce contexte particulier d’apprécier au cas par cas les demandes d’annulation sans frais, il a cependant rappelé que la résolution sans frais en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables n’est possible que lorsque l’événement survient au lieu de destination ou à proximité immédiate et qu’il interdit ou limite sérieusement le transport et l’hébergement, précisant d’ailleurs qu’un sentiment subjectif de peur, même justifié, ne peut fonder une demande d’annulation.

L’état de santé de Mme [K] (mère et belle-mère des réservants), qui devait fêter son 60e anniversaire en Espagne avec sa famille, ne peut pas plus constituer l’événement exceptionnel et inévitable prévu et défini aux articles L. 211’14 II et L. 211’2 V 3° du code du tourisme. Le certificat médical versé au dossier daté du 6 mars 2020 ne qualifie, en effet, nullement Mme [K] de personne particulièrement vulnérable au virus de la COVID 19, puisqu’il n’y est mentionné qu’un état dépressif, étant observé qu’en toute hypothèse sa vulnérabilité prétendue ne pourrait constituer une circonstance inévitable, puisque des gestes barrières pouvaient être mis en ‘uvre.

Le tribunal a également considéré à juste titre que le motif d’annulation tiré de la modification des dates de congés de M. [T], dont il a été fait état pour la première fois le 11 juin 2020, ne constituait qu’une contrainte personnelle insusceptible d’être qualifiée de circonstance exceptionnelle et inévitable.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de remboursement de l’intégralité des sommes payées ou de délivrance d’un avoir reposant sur les mêmes conditions légales.

Sur la demande subsidiaire de remboursement d’une partie du prix

Aux termes des conditions générales de vente de la société HISPANOA l’annulation du contrat du fait du client entraîne les frais suivants :

perte de l’acompte lorsque l’annulation intervient plus de 60 jours avant la date d’arrivée,

70 % du coût du séjour lorsque l’annulation intervient entre le 59e et le 28e jour

100 % du coût du séjour lorsque l’annulation intervient entre le 28e jour et le jour de l’arrivée.

Il est également stipulé que si le bien est reloué aux mêmes dates 70 % des sommes payées sont restituées sous déduction des frais de dossier ou d’assurance.

La demande d’annulation ayant été formée le 11 juin 2020, soit entre le 59e et le 28e jour avant la date du début du séjour (11 juillet 2020), les frais d’annulation à la charge du voyageur correspondent donc à 70 % du coût du séjour, étant observé que contrairement à ce qui est soutenu il n’est nullement stipulé que l’acompte est toujours retenu quelle que soit la date d’annulation, ce qui implique que la pénalité de 70 % doit être calculée sur le coût total du séjour d’un montant de 4991 euros et que par voie de conséquence la somme à rembourser correspond à 30 % de ce coût.

Les appelants ne peuvent en revanche prétendre à une minoration de l’indemnité de résiliation en faisant valoir qu’il appartiendrait à la société Hispanoa de justifier de l’absence de relocation aux mêmes dates, alors qu’ils n’apportent aucun élément de nature à établir que le bien a pu être reloué entre le 11 juillet et le 25 juillet 2020 et qu’il ne peut être mis à la charge de la centrale de réservation une preuve négative.

Il sera par conséquent fait droit à la demande en remboursement à concurrence de la somme de 1497,30 euros (4991 X 30%).

Sur les demandes accessoires

Obtenant pour l’essentiel gain de cause au principal, la société Hispanoa n’a pas résisté abusivement à la demande en remboursement et ne saurait donc être condamnée à de quelconques dommages et intérêts.

L’équité ne commande pas en revanche de faire à nouveau application en cause d’appel de l’article 700 du code de procédure civile à son profit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré M. [Z] [T] et Mme [Y] [T] recevables en leur action , débouté ces derniers de leur demande principale en remboursement de l’intégralité du prix de la réservation, ainsi que de leur demande subsidiaire d’obtention d’un avoir d’un montant de 4991 euros, rejeté la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive et condamné les demandeurs au paiement d’une indemnité de procédure de 600 euros,

Ajoutant au jugement:

condamne la SARLU Hispanoa à payer à M. [Z] [T] et Mme [Y] [T] la somme de 1497,30 euros après application d’une indemnité de résiliation de 70 % du coût total du séjour,

déboute M. [Z] [T] et Mme [Y] [T] du surplus de leur demande de remboursement,

dit n’y avoir lieu en cause d’appel à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties,

Condamne M. [Z] [T] et Mme [Y] née [K] épouse [T] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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