ARRET N°401
N° RG 22/00065 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOJN
E.U.R.L. EURL BLANC FJ
C/
S.A.S. SOREGIES SERVICES
S.A. AXA FRANCE IARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00065 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOJN
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 décembre 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de NIORT.
APPELANTE :
E.U.R.L. EURL BLANC FJ
[Adresse 1]
[Localité 6]
ayant pour avocat Me Nicolas CHAN de la SELARL ELIGE DEUX-SEVRES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
INTIMEES :
S.A.S. SOREGIES SERVICES
[Adresse 3]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Alexandre BRUGIERE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS substitué par Me Baptiste LE FORT, avocat au barreau de POITIERS
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Marie-thérèse SIMON-WINTREBERT, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller, qui a présenté son rapport
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
La société Fromagerie Blanc fabrique et commercialise des fromages de chèvre.
Elle avait pour objectif d’augmenter sa production annuelle de 90 à 115 puis 300 tonnes de fromages.
Elle a acquis en février 2015 un ancien atelier de transformation de viande situé à [Localité 6].
Elle a confié à la société [I], assurée auprès de la compagnie Axa France Iard (Axa) les travaux d’aménagement de la fromagerie dans les anciens locaux de la SVEP.
Le 13 novembre 2014, la société [I] lui envoyait une ‘intention de commande’ avec acompte, intention qui faisait suite aux réunions des 6, 20 mars, 6 juin, 18 septembre 2014.
‘La présente a pour objet de manifester votre intention de commande concernant les équipements techniques nécessaires à l’opération d’aménagement de votre fromagerie à savoir :
-travaux de construction isothermes
-travaux de réfrigération de process détente directe et eau glycolée
-travaux de plomberie
-travaux d’électricité
-travaux de traitement d’air et de filtration
-travaux d’air comprimé.
L’entreprise ajoutait : ‘Toutefois, en raison de l’ampleur des travaux proposés et de leurs caractères spécifiques, un processus de révision et d’ajustement doit être envisagé’, processus prenant la forme d’avenant.
L’ensemble des plans et études d’exécution seront lancés dès réception du premier acompte de 20 000 euros’.
Des devis complémentaire étaient établis les 8 janvier 2015, 24 février 2015.
Le coût des travaux s’est élevé à 744 919,54 euros TTC .
La société [I] a émis une facture de solde le 28 mai 2015 d’un montant de 744 491,84 euros , facture partiellement réglée.
Le solde restant dû s’élevait à 37 246,10 euros TTC.
Les locaux ont été mis en service les 4 et 5 juillet 2015.
Courant juillet 2015, l’exploitant a constaté l’apparition de défauts organoleptiques des fromages (aspect, goût, texture).
La réception des travaux est intervenue le 18 septembre 2015 avec réserves.
L’eurl Blanc a ensuite mandaté le cabinet CIAA le 21 décembre 2015.
Il a constaté que l’ eau saine à l’arrivée était contaminée en sortie de process, que les arrivées d’air étaient contaminées alors que l’air extérieur était supposé filtré.
L’eurl Blanc a mandaté un huissier de justice aux fins de constat les 8, 11, 12, 20 janvier 2016.
Elle a fait réaliser des travaux en urgence, travaux achevés courant mai-juin 2016 portant sur la ventilation des locaux de production, les flux d’air.
La société Soregies Services (Soregies) venant aux droits de la société [I] a saisi le tribunal de commerce de Niort d’une requête en injonction de payer la somme de 37 291,84 euros.
L’eurl Blanc a formé opposition à l’ordonnance du 28 octobre 2015, demandé qu’une expertise judiciaire soit ordonnée.
Un contrat de maintenance était conclu le 27 septembre 2016.
L’expert [N] désigné par jugement du 6 juillet 2016 a déposé son rapport le 18 avril 2018.
La société Soregies a demandé la condamnation de l’eurl Blanc à lui payer la somme de 37 291,84 euros au titre du solde de son marché, a conclu au débouté des demandes formées par l’eurl.
L’eurl Blanc a conclu au débouté de la demande de paiement du solde, a demandé reconventionnellement la condamnation de la société Soregies et de la société Axa à lui payer les sommes de :
.95 791,82 euros HT au titre des travaux de remplacement du réseau d’eau
.70 082 euros HT au titre des frais exposés du fait des travaux provisoires
.42 923 euros HT au titre des frais exposés
.147 191 euros HT au titre d’un manque à gagner
.50 000 euros au titre de l’atteinte à l’image.
Elle a fondé ses demandes sur la garantie décennale, l’exception d’inexécution.
La compagnie Axa a conclu au débouté des demandes dirigées à son encontre.
Par jugement du 14 décembre 2021 , le tribunal de commerce de Niort a notamment statué comme suit :
«- dit que la SAS SOREGIES SERVICES n’est pas responsable des préjudices subis suite aux travaux qu’elle a réalisés pour le compte de l’EURL BLANC
-dit les demandes de l’EURL BLANC concernant la garantie décennale irrecevables
-dit que la somme de 37.291,48 € correspondant au solde des travaux devra être payé à la SAS SOREGIES SERVICES par l’EURL BLANC
-dit que la société AXA France IARD est hors de cause
-dit qu’il ne serait pas équitable de laisser les frais irrépétibles entièrement à la charge de la SAS SOREGIES SERVICES et AXA France IARD et condamnera l’EURL BLANC à payer la somme de 1.500,00 € à SAS SOREGIES SERVICES et 1.000,00 € à la société AXA France IARD au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-condamne l’EURL BLANC aux entiers frais et dépens de la présente instance dont frais de greffe liquidés pour 135,08 € TTC et de l’injonction de payer ‘
Le premier juge a notamment retenu que :
Les commandes d’équipement ont été partagées entre la société Soregies et l’eurl Blanc.
Cette dernière a gardé la maîtrise du choix d’un certain nombre d’équipements ce qui fait que la responsabilité de la société Soregies n’était pas totale et exclusive.
Les travaux étaient suivis et coordonnés par M. Blanc et M. [E], salarié de l’eurl Blanc.
L’eurl ne prouve pas que la société Soregies avait la maîtrise d’oeuvre.
Les désordres proviennent en premier lieu des canalisations d’eau non changées.
L’eurl Blanc n’a réagi ni lors de la réception, ni dans l’année qui a suivi, a réagi lorsque la société Soregies a fait valoir une injonction de payer.
L’ensemble des productions établit qu’il s’agit d’un problème de process de fabrication, les fromages ayant été contaminés par l’eau utilisée, l’air ambiant.
L’expert n’écarte pas un problème de process de fabrication lors du transfert dans le nouvel atelier.
Lors d’un transfert, il est de bonne pratique de prévoir un plan de démarrage comprenant des essais préliminaires des équipements, une montée en régime de l’installation, un plan de contrôle.
Un temps de mise en route est toujours nécessaire lors de l’exploitation d’un nouvel outil.
Un producteur de fromages depuis plusieurs années, professionnel de ce métier, ne pouvait ignorer ces bonnes pratiques, n’en fait nullement état.
Il en résulte un premier contrôle de la qualité de l’eau trop tardif en décembre 2015, six mois après le démarrage.
L’air non plus n’a pas fait l’objet de vérification.
Aucune réserve n’a été émise lors de la réception alors que les difficultés étaient patentes.
Le solde des travaux à hauteur de 37 246,10 euros est dû.
LA COUR
Vu l’appel en date du 10 janvier 2022 interjeté par l’eurl Blanc
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 1er avril 2023 , l’ eurl Blanc a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles, 1792 et suivants du Code Civil,
Vu les anciens articles 1134, 1135 et 1147 du code civil.
Vu le rapport d’expertise judiciaire de Madame [N],
-DECLARER l’EURL BLANC recevable et bien fondée en son appel.
-REFORMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau,
1)Sur les demandes de la société BLANC
-A titre principal
JUGER que la responsabilité décennale de la société SOREGIES SERVICES est engagée envers la société BLANC en ce qui concerne les désordres affectant la fromagerie
-CONDAMNER in solidum les sociétés SOREGIES SERVICES et Axa à lui payer les sommes suivantes, majorées de la TVA applicable au jour du jugement :
– 95.791,82 Euros HT au titre des travaux de remplacement du réseau d’eau,
– 70.082 Euros HT au titre des frais exposés au titre des travaux provisoires,
– 42.923 Euros HT au titre des frais exposés
– 147.191 Euros HT au titre d’un manque à gagner
– 50.000 Euros au titre de l’atteinte à l’image
JUGER que les condamnations prononcées au titre des travaux de remplacement du réseau d’eau et des travaux provisoires seront indexées sur l’indice INSEE du coût de la construction et de l’habitation, l’indice de référence étant le dernier publié au jour du dépôt du rapport d’expertise le 18 avril 2018 et le nouvel indice, le dernier publié au jour du complet paiement.
A titre subsidiaire
JUGER que la responsabilité contractuelle de la société SOREGIES SERVICES est engagée envers la société BLANC en ce qui concerne les désordres affectant la fromagerie
-CONDAMNER in solidum les sociétés SOREGIES SERVICES et Axa à lui payer les sommes suivantes, majorées de la TVA applicable au jour du jugement :
– 95.791,82 Euros HT au titre des travaux de remplacement du réseau d’eau,
– 70.082 Euros HT au titre des frais exposés au titre des travaux provisoires,
– 42.923 Euros HT au titre des frais exposés
– 147.191 Euros HT au titre d’un manque à gagner
– 50.000 Euros au titre de l’atteinte à l’image
JUGER que l’ensemble des condamnations prononcées au titre des travaux de remplacement du réseau d’eau et des travaux provisoires seront indexées sur l’indice INSEE du coût de la construction et de l’habitation, l’indice de référence étant le dernier publié au jour du dépôt du rapport d’expertise le 18 avril 2018 et le nouvel indice, le dernier publié au jour du complet paiement.
Sur la demande en paiement de la société SOREGIES SERVICES
Juger que la société BLANC est bien fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution
-Débouter la société SOREGIES SERVICES de toutes ses demandes fins et conclusions à l’encontre de l’EURL BLANC.
En tout état de cause
-DEBOUTER les sociétés SOREGIES SERVICES et AXA de toutes leurs demandes fins et conclusions à l’encontre de l’EURL BLANC.
-CONDAMNER in solidum la société SOREGIES SERVICES avec son assureur aux dépens de 1ère instance et d’appel en ce inclus les frais d’expertise qui s’élèvent à la somme de 27.539,66 Euros et constats d’huissier qui s’élèvent à la somme de 1.928,48 Euros.
A l’appui de ses prétentions, l’eurl Blanc soutient en substance que :
-Des produits ont été refusés, d’autres déclassés.
-Les prélèvements réalisés le 16 décembre 2015 aux fins d’analyse ont démontré la contamination de l’eau et des fromages en bactéries.
-Le tribunal a dénaturé le rapport d’expertise pour exonérer la société Soregies.
-L’expert a constaté les désordres, les dysfonctionnements, en impute clairement la responsabilité à l’entreprise.
-L’expertise a établi un défaut de conception du traitement de l’eau et de l’air, un défaut de dimension des réseaux d’eau, des incohérences, un non-respect des règles de l’art, une exécution défectueuse, une non-conformité aux documents contractuels.
-Les réseaux d’eau n’ont pas été contrôlés.
-Le processus de production n’avait pas été modifié. Le personnel n’a pas changé.
-La société Soregies n’a pas conseillé le remplacement des réseaux d’eau, ne l’a pas chiffré.
-Les tuyaux étaient calorifugés, non apparents, cachés sous l’isolant. Elle seule pouvait se rendre compte de leur état lors de la réalisation des travaux.
-Les devis postérieurs ont tous été acceptés. Elle pouvait financer des travaux supplémentaires s’ils avaient été préconisés.
-Elle n’est ni concepteur, ni constructeur de fromagerie, avait défini ses attentes et ses besoins.
-Le fait de ne pas recourir à un maître d’oeuvre n’est pas une faute.
-L’expert [B] a rappelé que c’est la société Soregies qui a conçu les travaux, les a conduits, a proposé la réception.
-La société Soregies devait comme professionnelle relever l’inadaptation des équipements notamment des réseaux d’eau.
-Les désordres sont de nature décennale.
-L’expert dit que l’outil est non-conforme à sa destination en ce que les objectifs sanitaires et d’environnement nécessaires à la fabrication des fromages ne pouvaient être atteints.
-L’intimée entretient la confusion entre désordres de l’installation et les dommages consécutifs.
-Les désordres de l’installation n’ont été connus qu’en décembre 2015.
Pour qu’un vice puisse être considéré comme apparent, il doit l’être dans sa cause et ses conséquences dommageables.
-Elle a dû réaliser des travaux temporaires en urgence sauf à cesser son activité.
-Subsidiairement, elle fonde ses demandes sur la responsabilité contractuelle pour fautes.
L’action est recevable, tend aux mêmes fins.
-sur les préjudices
L’amélioration que constitue le remplacement des réseaux d’eau est nécessaire à la réparation du dommage.
Il faut remplacer la totalité des réseaux d’eau par de nouvelles canalisations dont le coût s’élève à 95 781,82 euros.
L’ atteinte à l’image a été évaluée par l’expert-comptable à 50 000 euros.
Elle a dû détruire des produits finis. L’évolution du chiffre d’affaires a été retardée par les désordres. Elle chiffre son préjudice à la somme de 147 191 euros.
-S’agissant de l’exception d’inexécution, les réserves n’ont jamais été levées.
-Elle est fondée à ne pas régler le solde.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 2 janvier 2023, la société Soregies Services a présenté les demandes suivantes :
Vu les dispositions des anciens articles 1134 et 1147 du code civil applicables au présent litige
Vu les dispositions des articles 1792, 1792-6 et 1793 du code civil
Vu les dispositions des articles L.113-1 et L.241-1 du code des assurances
-Dire l’EURL BLANC mal fondée en son appel et l’en débouter
En conséquence,
-Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de NIORT en son entier dispositif
Y ajoutant,
-Condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
En tout état de cause,
Dire que l’EURL BLANC conservera à sa charge une part de responsabilité pour moitié des préjudices allégués
-Limiter la demande formulée par l’EURL BLANC au titre du manque à gagner à la somme de 113 732, 23 €
-Rejeter l’ensemble des autres demandes de l’EURL BLANC comme étant mal fondées
-Condamner la société AXA à la garantir et relever indemne de l’intégralité des sommes qui viendraient être mises à sa charge au titre des réclamations de l’EURL BLANC
A l’appui de ses prétentions, la société Soregies Services soutient en substance que :
-Elle demande la confirmation du jugement.
-La société Blanc ne pouvait conserver que 5 % du solde du prix, solde qui aurait dû être consigné.
-Les désordres étaient apparents au jour de la réception, n’ont pas été réservés, ce qui exclut toute action en responsabilité.
-Les désordres ne sont pas imputables à ses travaux.
-Le lien n’est pas établi avec certitude.
-L’expert n’a pas exclu un défaut du processus de fabrication.
-Les problèmes de fabrication peuvent être liés à la mise en route d’un nouvel outil de production. La société Blanc a drastiquement modifié son mode de production.
-Cela a généré des perturbations. Elle aurait dû mettre en place un plan de démarrage.
-L’application de la garantie décennale est exclusive de l’action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun.
-Seule la responsabilité décennale pourrait être engagée au regard de la nature des désordres.
-Subsidiairement, la responsabilité n’est que partielle, sera limitée à la moitié des préjudices.
-Les travaux de remplacement des réseaux d’eau existants n’ont jamais été prévus, commandés.
-Ce n’était pas un marché à forfait.
-La société Blanc ne pouvait ignorer la vétusté des réseaux, la nécessité de les rénover.
-Elle n’était pas en mesure de financer des travaux supplémentaires.
-La société Blanc a mal défini ses besoins en raison notamment de contraintes économiques.
Sur les préjudices
-Les frais exposés ne sont pas établis. Les seuls éléments de calcul produits émanent de l’eurl. -Les charges exceptionnelles ne sont pas démontrées.
-La demande au titre des frais d’huissier fait double emploi avec la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
-Il y a eu une hausse du chiffre d’affaires en 2016.
-Le manque à gagner est au maximum de 113 732,23 euros.
-L’ atteinte à l’image n’est pas établie.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 8 juillet 2022, la compagnie Axa France iard (Axa) a présenté les demandes suivantes :
Vu les conclusions n°4 de première instance de l’EURL BLANC ne contenant aucune action en responsabilité et en garantie contractuelle de droit commun, action autonome, l’action étant uniquement limitée à la responsabilité décennale,
Vu l’absence d’une quelconque référence dans la déclaration d’appel à la mise en ‘uvre d’une action en responsabilité contractuelle de droit commun,
Vu les conclusions d’appel du 08/04/22 dans lesquelles il est présenté pour la première fois une action spécifique en responsabilité contractuelle de droit commun,
Vu les conclusions de la société SOREGIES du 25/05/2022,
-sur l’action en responsabilité contractuelle de droit commun
Vu les articles 564 et suivants du Code de Procédure Civile :
Vu le rapport d’expertise judiciaire de Madame [N] du 18 avril 2018,
Vu les pièces des parties,
– Déclarer irrecevables comme nouvelles toutes demandes telles que développées dans le cadre des demandes nouvelles présentées « à titre subsidiaire » par l’EURL BLANC et la société SOREGIES au titre d’une action en responsabilité contractuelle de droit commun, s’agissant d’une action autonome relative à des vices apparents et apparus en cours de chantier alors que l’action engagée devant le Tribunal de Commerce était une action en garantie de vices cachés.
-Rejeter en tout cas, comme non fondées, toutes demandes contre la société AXA l’absence de réserve à la réception du chef des vices apparents litigieux empêchant toute action en responsabilité de la part de la Sté BLANC, et tenant compte par ailleurs, de l’absence d’une quelconque clause mobilisable de responsabilité contractuelle de droit commun dans le contrat souscrit auprès d’AXA.
-Débouter l’EURL BLANC et la société SOREGIES de toutes demandes dirigées à l’encontre de la société AXA.
-Condamner l’EURL BLANC et la société SOREGIES in solidum à payer à la société AXA France IARD la somme de 4.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
-Condamner l’EURL BLANC et la société SOREGIES in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel mais dire que conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile pour ceux d’appel, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître SIMON-WINTREBERT, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans en avoir reçu provision
Sur l’action en garantie décennale,
Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu le rapport d’expertise judiciaire de Madame [N] du 18 avril 2018,
Vu les pièces des parties,
-Prononcer la mise hors de cause de la société AXA dont la clause de garantie décennale n’a pas vocation à s’appliquer, considérant que les désordres litigieux sont survenus dès la mise en service de l’installation antérieurement au procès-verbal de réception et que ces désordres apparents n’ont pas fait l’objet de réserves à la réception.
-Débouter la société SOREGIES SERVICES de son appel en garantie dirigé à son encontre
-Débouter l’EURL BLANC de ses demandes dirigées à son encontre.
-Rejeter toutes demandes contre la société AXA .
-Condamner l’EURL BLANC et la société SOREGIES in solidum à payer à la société AXA France IARD la somme de 4.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
-Condamner l’EURL BLANC et la société SOREGIES in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel mais dire que conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile pour ceux d’appel, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître SIMON-WINTREBERT, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans en avoir reçu provision.
DANS L’HYPOTHESE où il serait fait droit à l’action en garantie décennale ou à l’action en responsabilité contractuelle droit commun
-Rejeter toutes demandes de l’EURL BLANC au titre de l’indexation en fonction de l’évolution du coût de la construction tant pour le poste des travaux provisoires réalisés antérieurement au dépôt du rapport d’expertise et qui n’ont donc pas lieu d’être actualisés puisque déjà réalisés, comme au titre des frais exposés puisque comme le demandeur l’indique lui-même, il s’agit de sommes déjà réglées.
-Rejeter toute demande d’actualisation en fonction de l’indice BT 01 présentée au titre du manque à gagner.
-Rejeter la demande de l’EURL BLANC au titre des travaux de remplacement de canalisation du réseau d’eau dont le coût doit rester à sa charge exclusivement.
-Rejeter toute demande à ce titre dirigée contre la société AXA France IARD s’agissant d’un ouvrage non réalisé par son assuré, hors du champ contractuel.
-Rejeter la demande de l’EURL BLANC au titre des charges exceptionnelles s’agissant de poste de réclamation faisant double emploi avec les dépens et les frais irrépétibles.
-Rejeter la demande de l’EURL BLANC au titre de l’atteinte à l’image comme étant irrecevable s’agissant d’une demande forfaitaire et en toute hypothèse, non justifiée en l’absence du moindre élément objectif de nature à établir la réalité et l’étendue du préjudice allégué.
-Limiter la somme réclamée au titre du manque à gagner à 50 % de 113.732,23 €.
Dire et juger que pour ce préjudice allégué et le surplus des réclamations, l’EURL BLANC conservera à sa charge la moitié des sommes réclamées, considérant le partage de responsabilité à retenir entre l’EURL BLANC et la société SOREGIES SERVICES venant aux droits de la société [I].
Dire que toutes condamnations qui interviendraient à l’encontre de la société AXA France IARD se feront sous déduction des franchises applicables, soit :
– 6.000,00 € à réindexer au titre des dommages matériels
– 6.000,00 € à réindexer au titre des dommages immatériels.
-Condamner tous succombants in solidum à payer à la société AXA France IARD la somme de 4.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile du Code de Procédure Civile.
-Condamner tous succombants in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel mais dire que conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile pour ceux d’appel, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître SIMON WINTREBERT, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans en avoir reçu provision
A l’appui de ses prétentions, la société Axa soutient en substance que :
-Les prétentions nouvelles de l’eurl Blanc et de la société Soregies sont irrecevables.
-L’action en responsabilité contractuelle de droit commun a été présentée pour la première fois en appel.
-La société Axa, assureur décennal est fondée à opposer un refus de garantie.
-L’expert judiciaire dit que les désordres sont apparus dès la mise en service. La première analyse d’eau est du 21 juillet 2015.
-La réclamation au titre de la perte d’exploitation concerne l’activité du second semestre 2015.
-Les désordres sont apparus avant réception, n’ont pas été réservés.
Cela fait obstacle à toute responsabilité sur le fondement décennal comme contractuel.
-Subsidiairement, elle ne couvre pas la responsabilité contractuelle de droit commun.
-L’eurl Blanc récupère la TVA.
-Le coût des travaux provisoires, la perte d’exploitation ne sauraient être actualisés.
-Le partage de responsabilité s’impose. L’eurl doit conserver à sa charge la moitié des préjudices allégués.
-Le sinistre a des causes multiples, notamment des dysfonctionnements inhérents au processus de fabrication, difficultés de mise en route d’un nouveau système.
-La société Soregies n’avait pas de mission de maîtrise d’oeuvre.
-L’eurl Blanc a été négligente. Le contrat de maintenance a été souscrit 16 mois après la mise en service le 1er novembre 2016. La qualité de l’eau n’était pas suivie.
-Les travaux de remplacement des canalisations d’eau doivent rester à sa charge intégrale.
Le remplacement des réseaux d’eau n’était ni prévu, ni commandé, ne relève pas du champ contractuel.
-Les travaux dits provisoires ont été suffisants, ont mis fin aux désordres.
-Même sans sinistre, une période d’adaptation était inévitable.
-Le manque à gagner est limité à 113 732,23 euros.
-La demande forfaitaire au titre de l’atteinte à l’image est irrecevable et injustifiée.
-Les limites de garantie, franchises sont opposables à l’assurée et à l’eurl Blanc s’agissant des dommages immatériels (garantie facultative).
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 avril 2023.
SUR CE
-sur les désordres
Des désordres sur les fromages ont été constatés dès juillet 2015.
Ils présentaient des défauts organoleptiques, de consistance, de couleur et de goût.
Les analyses réalisées à partir des prélèvements effectués en décembre 2015 et janvier 2016 ont démontré que ces défauts avaient pour cause le développement de levures, moisissures et pseudomonas sur les fromages.
Elles ont également démontré que l’eau froide et chaude utilisée dans le process de production et de nettoyage était contaminée, que l’air était contaminé en flore totale, levures et moisissures.
L’expert judiciaire [N] confirme le risque sanitaire, précise que les contaminations perturbent le développement des ‘souches désirables’, en créant une compétition en surface et au coeur du fromage.
Les analyses sur les prélèvements réalisés en janvier 2016 ont révélé des taux de germe Escherichia Coli élevés, indicateur d’ un problème d’ hygiène.
Ils peuvent entraîner des diarrhées chez l’homme, caractérisent un risque de pathogénicité.
Des fromages ont été déclassés, rappelés, ont dû être détruits.
-sur les causes des désordres
La pollution de l’eau est imputable aux anciennes canalisations en acier galvanisé dans les combles.
Les réseaux d’utilité en partie récupérés ont été source de contamination des nouveaux équipements.
L’expert indique que le réseau galvanisé existant était à risque cela d’autant plus que l’audit du matériel existant, de l’environnement, des canalisations avec analyse bactériologique et désinfection pourtant prévus par le contrat n’ont pas été faits.
La société Soregies n’ a pas justifié de la réalisation de l’audit, des analyses, de la désinfection préalables en dépit des demandes réitérées du sapiteur et de l’expert .
Mme [B] estime que le remplacement des canalisations en acier galvanisé par des canalisations en inox ou PVC était souhaitable, constituait une ‘bonne pratique’.
Elle relève en outre les insuffisances du traitement de l’eau, de l’air.
Le traitement de l’eau était insuffisant en l’absence de traitement des réseaux en boucle et permanent. Il ne garantissait pas une eau potable.
L’adoucisseur installé a créé un risque de corrosion supplémentaire.
La pollution de l’air résulte d’une mauvaise gestion des flux d’air, d’une filtration insuffisante, d’un dysfonctionnement du système de dépression/surpression.
La technique d’humidification par buses imposait un traitement hygiénique de l’air comprimé et du réseau d’eau qui n’a pas été fait.
Les prises d’air dans les combles ne sont pas conformes aux règles de l’art.
Les flux d’air ne garantissaient pas un cheminement de l’air propre.
La régulation de la température et de l’ hygrométrie est insuffisante.
L’expert note en outre que les codes d’accès au programme de régulation n’ont pas été communiqués à l’Eurl qui n’a pas non plus bénéficié d’une formation à la conduite et à l’entretien des équipements.
Ces conclusions circonstanciées et argumentées ne sont pas contredites. Elles sont convaincantes.
-sur la gravité des désordres et l’ atteinte à la destination de l’immeuble
L’article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendent impropre à sa destination.
En l’espèce, il est constant que l’intégralité de l’eau et de l’air utilisés par l’installation était contaminée, polluée.
L’expert judiciaire comme le cabinet ACIAA ont confirmé l’existence d’un risque sanitaire pour les usagers.
La qualité du traitement de l’air et de l’eau environnant les fromages conditionne leur évolution, leur qualité.
La société Soregies admet que les désordres sont de gravité décennale en ce qu’ils portent atteinte à la destination de la fromagerie.
Elle soutient en revanche que les désordres étaient apparents, connus et qu’ils n’ont pas été réservés lors de la réception.
La société Axa conclut pareillement au caractère apparent des désordres.
-sur le caractère apparent des désordres
La garantie décennale ne s’applique pas aux vices apparents non réservés.
Elle ne s’applique pas non plus aux vices faisant l’objet de réserves lors de la réception sauf si les défauts signalés à la réception ne se sont révélés qu’ensuite dans leur ampleur et leurs conséquences.
Le maître de l’ouvrage peut demander sur le fondement de la garantie décennale réparation des désordres qui se sont révélés dans l’année suivant la réception.
Il est certain que des désordres sont apparus sur les fromages dès la mise en service des installations , dès la fin de l’affinage courant juillet 2015 avant la réception des travaux.
S’agissant des malfaçons, non-façons, finitions , le procès-verbal de réception du 18 septembre 2015 énonce 23 malfaçons, défauts d’ouvrage, quelques désordres importants qualifiés de ‘point bloquant ‘ et notamment le manque de pression d’eau, l’insuffisance du débit d’eau froide.
Le fait que le procès-verbal de réception ne mentionne pas les fromages défectueux s’explique par deux raisons.
D’une part, la réception portait sur les seuls travaux de transformation confiés à l’entreprise Soregies.
D’autre part, le lien entre les travaux réalisés par la société Soregies et les défauts des fromages n’a pas été établi immédiatement.
Lorsque les premiers défauts sont apparus, l ‘eurl consciente que des causes plurielles pouvaient expliquer les désordres n’a pas critiqué les travaux réalisés.
Le cabinet CIAA précise qu’elle a d’abord mis en cause son personnel, les producteurs de lait, le processus de production.
Ce sont les résultats des analyses effectuées en décembre 2015 et janvier 2016 qui lui ont permis d’ appréhender les causes des désordres constatés.
Les raisons des défauts des fromages, la contamination de l’eau et de l’air n’ont été connues qu’après réception des résultats des analyses précitées.
La comparaison du procès-verbal de réception, du rapport établi par le cabinet CIAA , puis du rapport d’ expertise judiciaire démontre que le maître de l’ouvrage n’avait absolument pas pris la mesure à la date de la réception des travaux des défauts de conception de l’installation, de l’importance et de la multiplicité des malfaçons, et de leurs conséquences.
Le rapport rédigé par le cabinet CIAA mandaté le 15 décembre 2015 est détaillé, explicite, technique.
Il met en évidence la plupart des non-conformités, manquements qui seront ensuite inventoriés, confirmés par l’expert judiciaire.
L’impropriété à destination de l’installation, ses causes et ses conséquences ont été appréhendées par le maître de l’ouvrage au plus tôt le 21 décembre 2015, date de rédaction du rapport CIAA, et donc postérieurement à la réception des travaux, dans l’année de la garantie de parfait achèvement.
Les désordres étaient donc cachés à la date de la réception le 18 septembre 2015 contrairement à ce que soutiennent les sociétés Soregies et Axa et contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges.
-sur l’imputabilité des désordres
Le tribunal a considéré que les désordres résultaient du processus de fabrication, estimé que la conception de la transformation avait été partagée entre l’entreprise et le maître de l’ouvrage.
La société Soregies demande la confirmation du jugement, soutient que le mode de fabrication a été drastiquement modifié, que la modification a généré des perturbations, d’autant plus que l’eurl Blanc n’avait pas prévu un plan de démarrage.
L’expert judiciaire a précisé les limites de sa mission, rappelé qu’elle excluait tout audit des opérations assurant l’approvisionnement du lait cru, la fabrication, la conduite des équipements, le nettoyage.
Elle a rappelé que des travaux de réfection réparatoire étaient déjà réalisés lors des opérations d’expertise judiciaire.
Si Mme [B] a effectivement indiqué ne pouvoir exclure des dysfonctionnements potentiels concernant les opérations d’approvisionnement, la fabrication, le nettoyage, elle a précisé que les non-conformités mises en évidence par l’ expertise pouvaient ‘ à elles seules expliquer les désordres ‘.
Elle a en outre validé lors des accédits le nettoyage, les produits utilisés, les plannings de nettoyage, la désinfection, et a été destinataire des contrôles réalisés.
L’expert indique que le processus de fabrication n’a pas été modifié contrairement à ce qui est allégué par la société Soregies et observe que les produits sont conformes depuis que les travaux correctifs ont été réalisés.
L’expert [B] n’a donc évoqué le processus de fabrication que comme une hypothèse explicative des désordres, mais n’a pas recueilli d’ indices la confirmant.
Les expertises ont mis en évidence de manière concordante de graves insuffisances de conception et des défauts d’exécution des travaux qui sont en relation directe et certaine avec les désordres subis.
La contamination de l’eau résulte du choix de conserver les canalisations existantes sans vérification préalable de leur état, sans désinfection.
Les nouveaux équipements ont été contaminés par les anciens.
La contamination de l’air est en relation directe avec l’insuffisance des travaux réalisés par la société Soregies.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a imputé les désordres au processus de production et non aux travaux conçus et réalisés par la société Soregies.
Les premiers juges ont en outre retenu que les commandes d’équipement avaient été partagées, que la coordination des travaux avait été conjointe, que l’eurl Blanc ne prouvait pas que la société Soregies avait assuré la maîtrise d’oeuvre des travaux.
Les sociétés Sorégies et Axa soutiennent que les désordres sont imputables en tout ou partie à l’eurl Blanc qui n’a pas fait appel à un maître d’oeuvre, a mal défini ses besoins, a exclu des travaux qu’elle savait utiles pour des raisons financières, ne pouvait ignorer la vétusté des réseaux, la nécessité de les rénover.
Elles estiment que le maître de l’ouvrage a commis des fautes en relation avec son préjudice, subsidiairement, des fautes qui ont contribué à son préjudice.
Il résulte du rapport CIAA que l’eurl Blanc à la date de signature du contrat avec la société [I] est une entreprise de 12 salariés, n’a aucune compétence technique en matière de construction, de conversion d’installation.
Les gérants des sociétés Blanc et [I] se connaissaient, avaient des relations de confiance.
M. [I] a cédé sa société avant la réalisation des travaux.
La société Soregies venant aux droits de la société [I] avait connaissance de la technicité du chantier, a émis un devis qui énumère des ‘lots techniques’.
Elle a accepté de réaliser les travaux dont le montant dépassait 700 000 euros, avait connaissance de l’absence de maîtrise d’oeuvre.
Elle n’a émis aucune réserve de ce chef, ne justifie, ni ne prétend avoir conseillé, recommandé le recours à un maître d’oeuvre ou un bureau d’études technique.
Elle soutient que d’autres entreprises sont intervenues, ne précise pas les postes qui leur étaient confiés.
Le marché conclu avec la société Soregies portait de manière certaine sur les lots constructions isothermes, refrigération, plomberie, électricité, traitement d’air et de filtrations, air comprimé.
Les travaux confiés impliquaient par nature des choix techniques, des arbitrages concernant l’existant, sa conservation, son remplacement.
La mission de l’entreprise incluait à l’évidence la maîtrise d’oeuvre des travaux dans ses déclinaisons successives: conception, direction, assistance à la réception.
L’expert judiciaire a relevé que la société [I] avait mentionné disposer d’un bureau d’études, que des plans mentionnent BE JF [I], qu’il était précisé dans les conditions générales de vente que ‘les études, plans et dessins restent notre propriété’.
Elle a relevé l’absence de cahier des charges écrit, l’absence d’études, a indiqué que la société Soregies devait les réaliser ou les faire réaliser par le maître de l’ouvrage, former des préconisations en lien avec la reprise d’équipements existants.
Le contrat n’a pas été conclu entre deux professionnels de la construction mais entre une entreprise de construction et une société fabriquant des fromages.
Il est constant que l’eurl Blanc a défini ses attentes, ses besoins, a transmis des données techniques incluant les consignes de ventilation, de température, d’hygrométrie, de sur-pression ou dépression sanitaires salle par salle.
La maîtrise d’oeuvre des travaux incombait à la seule société Soregies qui ne pouvait la déléguer à son client en tout ou en partie, celui-ci étant manifestement incompétent en la matière.
S’agissant de la définition des besoins, les sociétés Soregies et Axa assurent que le défaut de remplacement des canalisations anciennes est un choix du maître de l’ouvrage, choix opéré pour des raisons financières.
L’eurl Blanc conteste cette assertion.
Elle fait valoir que des devis complémentaires ont été établis, qu’elle les a acceptés, qu’elle aurait été en mesure de financer le remplacement des canalisations si elle avait été avisée qu’il était nécessaire.
Les productions démontrent que les travaux ont coûté près de 775 000 euros, ont été réglés à l’exception d’un solde de 37 246,10 euros.
Le marché initial prévoyait le recours à des avenants compte tenu de la nature des travaux.
Plusieurs avenants ont été proposés par l’entreprise et acceptés par le maître de l’ouvrage.
Le coût du changement des canalisations a été estimé à 95 781,82 euros.
La société Soregies ne démontre pas avoir proposé le changement des canalisations que ce soit dans le devis initial ou en cours de travaux.
Elle soutient en appel que le maître de l’ouvrage ne pouvait ignorer la vétusté des réseaux, la nécessité de les rénover.
L’expert a rappelé que le devis prévoyait un contrôle sanitaire préalable des réseaux, contrôle dont la société Soregies n’a jamais justifié.
Le sapiteur a observé que les équipements récupérés en l’état et intégrés n’avaient pas fait l’objet de commentaires, de propositions d’investigations ni de remplacement alors même que la récupération d’un outil existant en industrie agro alimentaire après un temps d’inactivité impose une vigilance rigoureuse sur la réutilisation.
Si la nécessité de rénovation des réseaux d’eau était certaine, l’entreprise devait la prévoir dans ses devis, à défaut, appeler l’attention du maître de l’ouvrage sur les risques qu’il prenait en ne les remplaçant pas et cela d’autant plus qu’elle était sinon l’unique du moins le cocontractant essentiel du maître de l’ouvrage.
Il résulte des éléments précités que l’eurl Blanc n’a pas commis une faute en s’abstenant de recourir à un maître d’oeuvre alors que ce recours était facultatif eu égard à la nature des travaux.
La société Soregies ne démontre pas que l’exclusion du remplacement des canalisations du périmètre des travaux confiés résulte d’une décision délibérée et éclairée du maître de l’ouvrage.
Les désordres sont donc imputables en totalité à l’entreprise Soregies.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté l’eurl de ses demandes dirigées contre la société Soregies et son assureur décennal , la société Axa, qui seront condamnées à indemniser l’eurl de l’intégralité des préjudices subis (dans la limite du contrat d’assurance pour la société Axa).
-sur les préjudices
-sur le remplacement du réseau d’eau
L’eurl estime que la société Soregies doit assumer l’intégralité du coût de ces travaux, soit la somme de 95 781,82 euros HT en vertu du principe de réparation intégrale dès lors que ces travaux étaient nécessaires pour rendre l’ouvrage conforme à sa destination, ou empêcher la réapparition des désordres.
La société Soregies fait valoir que cette prestation ne lui a jamais été commandée, que le maître de l’ouvrage aurait dû supporter ces frais, qu’il ne pouvait ignorer la nécessité de rénover le réseau, qu’une condamnation de ce chef serait un enrichissement injustifié.
La société Axa fait valoir que ces travaux sont hors contrat, que l’expert a rappelé que ces travaux de remplacement auraient dû être réalisés, même en l’absence du présent litige.
Elle relève que les désordres ont disparu depuis que les travaux ‘réparatoires’ ont été réalisés, qu’ils ont suffi à remédier aux désordres.
Il est certain que la conservation des réseaux existants était clairement énoncée dans les devis, que les devis prévoyaient aussi un audit et un nettoyage préalables qui n’ont pas été réalisés.
L’expert judiciaire a qualifié le remplacement des réseaux de bonne pratique qui aurait dû être suivie.
Elle a également indiqué que les défauts avaient disparu depuis que les travaux réparatoires sur les flux d’air avaient été réalisés.
Il n’est pas démontré par l’eurl que le remplacement des canalisations d’eau s’impose au regard des mesures qui ont été prises courant mai-juin 2016.
L’eurl sera donc déboutée de sa demande au titre des travaux de remplacement des réseaux d’eau.
-sur les travaux réparatoires effectués en urgence
Il est constant que les travaux réalisés courant mai et juin 2016 ont coûté 70082 euros, qu’ils étaient indispensables sauf à l’eurl à cesser son activité.
La réalité et le coût des travaux ne sont pas contestés.
La demande d’indexation du coût des travaux sera rejetée dans la mesure où il s’agit de travaux qui ont déjà été réalisés.
-sur les frais supplémentaires exposés
L’eurl demande une somme de 42 923 euros qui inclut :
-le surcoût ‘ressources humaines’ à la suite des nettoyages quotidiens estimé à 33 120 euros HT
-une augmentation des produits de lessive estimée à 4957 euros HT
-des charges exceptionnelles estimées à 4846 euros HT.
La société Soregies fait observer que les frais ont été estimés à 33 120 euros par le sapiteur sur la seule base des déclarations de l’eurl.
Elle estime qu’ aucun justificatif n’est produit, qu’un surcoût de main d’oeuvre n’est pas démontré.
Elle estime que le poste’ lessive’ n’est pas non plus justifié alors que le nettoyage de l’installation est induit par l’activité exercée.
Elle considère que le poste ‘ charges exceptionnelles’ fait double emploi avec les frais demandés par ailleurs.
La compagnie Axa ajoute que la mise en service, la période d’adaptation impliquaient des frais supplémentaires, frais qui ne sont pas imputables aux travaux.
Le sapiteur a calculé que le nettoyage lié aux désordres avait entraîné un surcroît de travail de 5H75 par jour pendant 320 jours (3H pour le rinçage, 2H de désinfection, 0,5H de temps de récupération de lait, 0,25 H nettoyage de la machine Sassaro).
Il a chiffré le préjudice à la somme de 33 120 euros sur la base d’un taux horaire de 18 euros.
Il fait état d’un renfort nécessaire en masse salariale durant cette période.
S’agissant des produits de lessive, le sapiteur chiffre le surcoût de lessive (1 litre de Divosant , 7 litres Aluwahs, 3 litres de Cipton par jour) à 15,49 euros pendant 320 jours, soit une somme de 4957 euros, consommations comptabilisées dans le poste produits d’entretien.
Le poste charges exceptionnelles inclut les frais d’expertise amiable pour un montant de 3200 euros, les frais de constat d’huissier pour un montant de 1646 euros.
L’augmentation de la masse salariale est en relation avec la surcharge de travail mais aussi le déménagement et l’augmentation de l’objectif de production.
Au vu des productions, les préjudices seront fixés aux sommes suivantes :
16 560 euros au titre des frais de nettoyages
4957 euros au titre des frais de lessive
1928,48 euros au titre des frais d’huissier de justice
3200 euros au titre des frais d’expertise privée
-sur le manque à gagner
L’eurl chiffre son manque à gagner à la somme de 147 191 euros.
Elle fait valoir que le chiffre d’affaires a augmenté entre 2013 et 2022 à la seule exception de l’année 2017 du fait d’un sinistre étranger aux travaux litigieux, estime que la progression a été retardée par les désordres de l’installation.
Les sociétés Soregies et Axa contestent le chiffrage, estiment subsidiairement que le manque à gagner doit être limité à la somme de 113 732,23 euros.
La société Soregies fait valoir que la hausse du chiffre d’affaires n’est jamais certaine, relève qu’il a baissé en 2017.
Elles évaluent le chiffre d’affaires non réalisé au deuxième semestre 2015 et premier semestre 2016 à 251 064,53 euros, chiffre ramené à 113 732,23 euros après application d’un taux de marge net de 45,3%.
Le sapiteur indique que le taux de marge sur coûts variables au titre de l’exercice 2015 est très inférieur à celui de 2016, que la progression du chiffre d’affaires escompté du fait des nouvelles infrastructures n’a pas non plus été réalisée.
Il a calculé la perte de marge en valeur sur la période du 2 ème trimestre 2015 (30 030 euros),la perte de marge due à la non progression du chiffre d’affaires sur la même période ( 117 162 euros), chiffre le préjudice à la somme de 147191 euros.
Il précise avoir retenu un taux de marge de 51, 29 %.
Le manque à gagner sera fixé au vu des productions à la somme de 113.732,23 euros.
-sur l’atteinte à l’image
L’eurl indique avoir subi une importante atteinte à son image dès lors qu’elle a livré des produits non conformes à ses clients, a dû les déclasser ou les rappeler.
Elle produit une estimation réalisée par son expert-comptable qui chiffre ce préjudice à la somme de 50 000 euros.
Il indique que l’instatisfaction ne peut être quantifiée mais que le chiffre d’affaires s’est stabilisé en dépit des investissements réalisés.
Les sociétés Soregies et Axa estiment que la somme demandée est forfaitaire, totalement arbitraire.
L’expert judiciaire avait relevé que l’eurl ne justifiait pas de frais spécifiques exposés aux fins de revaloriser son image, avait rappelé que l’épisode de listeria survenu en 2017 sans aucun lien avec les travaux litigieux avait eu des conséquences en terme de notoriété.
Le sapiteur fait observer que l’eurl est positionnée sur des produits artisanaux de qualité, que les désordres ont dégradé son image de marque, qu’une campagne de communication régional et nationale pouvait l’améliorer.
Il n’est pas justifié du nombre de produits non conformes qui ont été rappelés ou renvoyés, de réactions des clients, ni de la réalisation d’une campagne de communication.
L’eurl sera déboutée de sa demande faute d’établir la réalité du préjudice d’image subi.
-sur le solde du marché
La société Soregies demande la confirmation du jugement qui a condamné l’eurl à lui payer la somme de 37 291,48 euros.
L’eurl estime qu’elle était fondée à ne pas régler le solde, se prévaut d’une exception d’inexécution au regard des malfaçons et du fait que les réserves n’ont jamais été levées.
L’eurl ne peut refuser de régler le solde du marché et mobiliser la garantie décennale du constructeur qui a vocation à réparer les conséquences des désordres.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
-sur les autres demandes
La compensation sera ordonnée entre les créances réciproques.
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d’appel seront fixés à la charge des sociétés Soregies et Axa .
L’eurl Blanc n’a pas formé de demande d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné l’eurl Blanc à payer à la société Soregies Services la somme de 37 291,48 euros correspondant au solde des travaux
Statuant de nouveau
-dit que la société Soregies Services vient aux droits de la société [I]
-dit que les désordres affectant les travaux de transformation réalisés par la société Soregies Services sont de nature décennale
-condamne in solidum les sociétés Soregies services et Axa France Iard dans la limite de la franchise applicable au titre des dommages immatériels à payer à l’Eurl Blanc les sommes de :
– 70 082 euros HT au titre des travaux provisoires réalisés dans l’urgence
– 113 732,23 euros au titre du manque à gagner
– 16 560 euros au titre des frais de personnels
– 4957 euros au titre des produits de lessive
– 3200 euros au titre des frais d’expertise amiable
– 1928,48 euros au titre des constats d’huissier
-ordonne la compensation des créances réciproques
Y ajoutant :
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne in solidum les sociétés Soregies Services et Axa France Iard aux dépens de première instance et d’appel incluant les frais de référé et d’expertise judiciaire
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,