N° RG 21/04877 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LD3N
C3
N° Minute :
délivrée le :
la SELARL EUROPA AVOCATS
la SELAS AGIS
la SCP PYRAMIDE AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU LUNDI 23 OCTOBRE 2023
Appel d’une décision (N° RG 18/00563)
rendue par le Tribunal judiciaire de Vienne
en date du 14 octobre 2021
suivant déclaration d’appel du 22 novembre 2021
APPELANTE :
La Société Coopérative Agricole OXYANE anciennement dénommée ‘La Coopérative Agricole Dauphinoise’, représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 10]
représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me SPINELLA avocat au même cabinet
INTIMES :
M. [E] [W]
né le 19 janvier 1973 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 3]
M. [U] [J]
né le 01 mars 1953 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
M. [N] [R]
né le 13 février 1957 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 17]
[Localité 4]
G.A.E.C. GAEC DE [Adresse 12] pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7]
E.A.R.L. MTH NOIX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
G.A.E.C. DE L ALAMBIC prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 15]
[Localité 5]
représentés par Me Alexia SADON de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE
S.A.S. COMPTOIR COMMERCIAL DES LUBRIFIANTS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 19]
[Localité 9]
représentée par Me Noëlle GILLE de la SCP PYRAMIDE AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 septembre 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Propriétaires de noyeraies, M. [E] [W], le GAEC de [Adresse 14], M. [U] [J], l’EARL MTH Noix , M. [N] [R] et le GAEC de l’Alambic (ci-après désignés «’les nuciculteurs’»), ont acquis en 2012 auprès de la société Oxyane (anciennement dénommée la société Coopérative Agricole Dauphinoise), société intégrée dans un groupe ‘uvrant dans les métiers agricoles de l’agro-fourniture et du conseil, chacun entre 40 et 300 litres d’un insecticide fabriqué et commercialisé par le Comptoir Commercial des Lubrifiants (ci-après dénommé CCL) sous les marques Acakill et Oviphyt.
Ce produit à base d’huile blanche (dérivé de pétrole purifié) seul produit autorisé à l’époque pour lutter contre la prolifération des cochenilles. Sa notice d’utilisation (pulvérisation 20 litres / hectare) le présentait comme étant un produit assurant une totale sélectivité, même en conditions difficiles, d’une grande souplesse d’utilisation par rapport aux stades et à la climatologie, procurant un niveau d’efficacité élevé sur un grand nombre de ravageurs (acariens sur fruitiers, cochenilles sur agrumes) sans effet de résistance sur les ravageurs visés.
Les nuciculteurs ont pulvérisé cet insecticide sur leurs cultures en mars 2012′; par la suite, ils ont remarqué un retard important dans le débourrement des noyers ayant reçu ce traitement (faible développement des feuilles et faible récolte de noix).
Entre juillet et août 2012, chacun des nuciculteurs a assigné la société Oxyane et ses différents établissements en référé -expertise respectivement devant les tribunaux de grande instance de Vienne, Grenoble et Valence. Les juges des référés de chacune de ces juridictions ont rendu une ordonnance ordonnant une expertise confiée à Mme [T].
Cette dernière a déposé ses rapports, le dernier à la date du 2 mars 2016
Selon acte extrajudiciaire du 27 mars 2018, les nuciculteurs ont assigné la société Coopérative Agricole Dauphinoise devant le tribunal de grande instance de Vienne en responsabilité sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme et du devoir de conseil et en indemnisation de leur préjudice.
Le 4 avril 2019, la société Coopérative Agricole Dauphinoise a appelé en cause le CCL pour qu’il la relève et garantisse de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre.
Par jugement contradictoire du 21 octobre 2021, le tribunal précité de Vienne devenu tribunal judiciaire, a’:
dit que la responsabilité de la société Oxyane, anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise, se trouve engagée pour manquement à l’obligation de délivrance conforme,
condamné la société Oxyane, anciennement dénommée Coopérative Agricole, Dauphinoise à verser, à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice économique à :
M. [W], la somme de 63.498,46€
GAEC de [Adresse 12], la somme de 13.780,16€
M. [J], la somme de 22.435,89€
EARL MTH Noix, la somme de 48.890,98€
M. [R], la somme de 6.863,71€
GAEC de l’Alambic, 12.665,30€
rejeté la demande de condamnation formée par les six nuciculteurs à l’encontre de la société Oxyane, anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise, au titre de l’indemnisation d’un préjudice moral,
déclaré irrecevable l’exception de nullité de l’assignation d’appel en cause soulevée par le CCL comme relevant exclusivement du pouvoir juridictionnel du juge de la mise en état,
déclaré irrecevable comme étant prescrit l’appel en cause formé par la société Coopérative Agricole Dauphinoise à l’encontre du CCL sur le fondement de la garantie des vices cachés,
rejeté la demande de condamnation formée à l’encontre de la société Oxyane anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise par les six nuciculteurs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
ordonné l’exécution provisoire,
condamné la société Oxyane, anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise, à verser aux six nuciculteurs la somme globale de 2.000€, soit 333,33€ chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de condamnation formée par le CCL au titre des frais irrépétibles,
condamné la société Oxyane, anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise, aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise,
accordé à Me Sadon le droit prévu à l’article 699 du code de procédure civile,
rejeté la demande des six nuciculteurs tendant, en cas d’exécution forcée, à faire supporter par le débiteur le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080.
Par déclaration déposée le 22 novembre 2021, la société Oxyane, anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise, (mais désignée uniquement société Oxyane dans le présent arrêt) a relevé appel des dispositions du jugement ayant retenu sa responsabilité sur le fondement d’un manquement à l’obligation de délivrance conforme, l’ayant condamnée à payer des dommages et intérêts pour préjudice économique et frais irrépétibles aux six nuciculteurs, ayant dit irrecevable comme prescrit son appel en cause du CCL sur le fondement des vices cachés, et l’ayant condamnée aux dépens et frais d’expertise.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 juillet 2022 sur le fondement des articles 1604, 1625, 1641, 1645 et 1147 ancien du code civil, la société Oxyane sollicite de la cour qu’elle’:
infirme le jugement déféré en ce qu’il a’:
dit que sa responsabilité se trouvait engagée pour manquement à l’obligation de délivrance conforme,
l’a condamnée à verser à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice économique, à
M. [W] : 63 498,46€
GAEC de [Adresse 13] : 13 780,16€
M. [J] : 22 435,89€
EARL MTH Noix : 48 890,98€
M. [R] : 6 863,71€
GAEC de L’Alambic : 12 665,30€
a déclaré irrecevable comme étant prescrit son appel en cause à l’encontre du CCL sur le fondement de la garantie des vices cachés,
l’a condamnée à verser aux six nuciculteurs la somme de globale de 2.000€, soit 333,33€ chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
l’a condamnée aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise,
a ordonné l’exécution provisoire,
le confirme pour le reste,
et statuant à nouveau,
à titre principal
juge qu’elle n’a failli ni à son obligation de délivrance, ni à son devoir de conseil à l’égard des exploitants, en conséquence,
déboute les «’demandeurs’» de l’intégralité de leurs demandes,
juge son appel en garantie de CCL recevable et bien fondé,
à titre subsidiaire,
condamne le CCL à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation qui pourraient être prononcée à son encontre,
toujours à titre subsidiaire, si les dispositions de l’article 1245-6 du code civil devaient trouver application,
juge irrecevable l’action des «’demandeurs’» à son égard comme fournisseur, en raison de l’identification, «’par lui’», du producteur, dès avant l’engagement de son action,
en tout état de cause,
condamne les six nuciculteurs, ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 7.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans leurs uniques conclusions déposées le 26 avril 2022 sur le fondement des articles 1147,1604 et 1611 du code civil, M. [W], le GAEC de [Adresse 14], M. [J], l’EARL MTH Noix , M. [R] et le GAEC de l’Alambic (les six nuciculteurs) sollicitent que la cour, les recevant en leurs demandes, fins et conclusions,
déclare que la société Oxyane engage sa responsabilité tant au regard de son obligation de délivrance conforme qu’au titre de son obligation de conseil,
par conséquent,
confirme le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Oxyane et l’a condamnée à verser à :
M. [W], la somme de 63.498,46
GAEC de [Adresse 12], la somme de 13.780,16€
M. [J], la somme de 22.435,89€
EARL MTH Noix, la somme de 48.890,98€
M. [R], la somme de 6.863,71€
GAEC de l’Alambic, 12.665,30€
ainsi que la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
réforme le jugement en ce qu’il a rejeté leur demande à l’indemnisation de leur préjudice moral,
condamne la société Oxyane à leur verser la somme de 4.000€ chacun au titre de leur préjudice moral,
réforme le jugement en ce qu’il a rejeté leur demande au titre de la résistance abusive de la société Oxyane,
condamne la société Oxyane à leur verser la somme de 4.000€ pour résistance abusive,
en tout état de cause,
rejette l’ensemble des demandes de la société Oxyane à leur encontre,
condamne la société Oxyane à leur régler la somme de 3.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamne la même aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise de Mme [T], qui seront distraits au profit de Me Sadon.
Dans ses uniques conclusions déposées le 13 mai 2022 sur le fondement de l’article 2224 et 331 du code de procédure civil, la société Comptoir Commercial des Lubrifiants (CCL) demande à la cour de’:
confirmer le jugement déféré qui a déclaré prescrite l’action en garantie engagée à son encontre par la société Oxyane,
subsidiairement,
déclarer tardive sa mise en cause,
vu ses conditions générales de vente et celles de son distributeur la société De Sangosse, déclarer la société Coopérative Agricole Dauphinoise irrecevable en sa demande en garantie, la déclarer mal fondée,
débouter la société Coopérative Agricole Dauphinoise de toutes ses demandes, fins et conclusions,
condamner la même à lui payer la somme de 6.000€ HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 juillet 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il est relevé que l’appelante ne présente aucun moyen de fait ou de droit au soutien de sa demande de réformation sur le prononcé de l’exécution provisoire et surtout qu’il ne relève pas de la compétence de la cour de statuer sur l’exécution provisoire.
Il est rappelé que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.
Sur la responsabilité de la société Oxyane
Il est constant qu’après pulvérisation en mars 2012 des produits vendus par la société Oxyane, les nuciculteurs ont constaté par la suite un retard de débourrement de certains arbres, des dessèchements d’extrémité des rameaux se traduisant par des brûlures, un feuillage très clair avec un manque de feuille, un déficit de récolte en 2012.
La société Oxyane ne peut pas utilement discuter l’existence d’un lien de causalité entre l’application de ce produit et la survenance des désordres en dénonçant d’une part le fait que l’expert judiciaire n’a pas étayé ses conclusions par des analyses scientifiques et a reconnu que le dossier «’était à la limite de la connaissance scientifique’» et en soulignant d’autre part, que les experts de la Chambre de l’agriculture de l’Isère avaient relevé que d’autres parcelles de noyers traitées à l’huile blanche n’avaient présenté aucun retard de végétation.
En effet, l’expert judiciaire s’est positionné dans une démarche scientifique en réalisant une étude comparative objective (même situation, même pression de cochenilles) entre des noyers traités aux huiles blanches et ceux qui n’avaient pas été traités, laquelle lui a permis d’objectiver un retard de croissance et de productivité chez les sujets ayant reçu les produits litigieux.
Cette analyse comparative n’est pas fragilisée par les constatations opérées par les experts de la Chambre de l’agriculture’; l’expert judiciaire indique avoir réalisé, pour les besoins de son étude objective, un test de récolte, dans des conditions climatiques identiques, entre deux parcelles de noyers d’âge identiques, traitées avec ces produits, l’une traitée à 18 litres / hectare (soit moins que les préconisations du fabricant) et l’autre traitée à 14 litres/hectare, et avoir relevé une différence significative de rendement entre les deux parcelles, concluant ainsi à «’un effet dose’» (test effectué dans l’expertise Chabert, dossier faisant partie d’un ensemble de dossiers identiques opposant des nuciculteurs aux vendeurs de produits Acakill, Oviphyt et Oliblan ayant donné lieu à la désignation de cet expert en référé).
De plus fort, il n’est pas soutenu que les noyeraies avaient présenté dans le passé de tels retards de développement et de rendement avant l’application des produits à base d’huile blanche, alors même qu’ils étaient attaqués par des cochenilles.
L’absence de tels antécédents corrobore l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre la pulvérisation des produits en cause et les désordres survenus dans les parcelles traitées.
En droit, selon l’article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en puissance et possession de l’acheteur.
L’obligation de délivrance conforme s’entend de la mise à disposition de l’acheteur d’une chose conforme à ce qui a été convenu’; la conformité se constate à la délivrance.
Le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale en tant que constituant un vice, ne relève pas du régime de l’obligation de délivrance conforme.
L’obligation de délivrance se prolonge en une obligation de renseignement contractuelle, qui s’ajoute à l’obligation précontractuelle qui s’infère du principe de bonne foi.
Il n’est pas soutenu en l’espèce que le produit à base d’huile blanche n’a pas rempli son office à l’égard des populations de cochenilles infestant les parcelles de noyers ayant reçu ce traitement’; pour autant, ce traitement avait pour visée, au travers de l’élimination des parasites, de protéger la santé des noyers et donc leur taux de rendement.
A cet égard, la société Oxyane n’est donc pas fondée à contester toute défaillance dans son obligation de délivrance conforme, le produit vendu présentant certes les caractéristiques et qualités annoncées en tant que solution insecticide pour lutter efficacement contre les cochenilles mais ne remplissant pas totalement sa performance, dès lors que l’élimination des parasites s’est accompagnée d’un affaiblissement des noyers.
En outre, la non-conformité à la destination normale de cet insecticide telle que dénoncée par les nuciculteurs, à savoir que ce produit a non seulement détruit les cochenilles mais a endommagé les noyers, s’avère être la conséquence d’un manquement à l’obligation de conseil de la société Oxyane, ayant la qualité de vendeur professionnel, à savoir que celle-ci s’est abstenue d’informer l’acheteur qu’il s’agissait d’un produit faisant l’objet d’une expérimentation en 2012 (cf contrat d’expérimentation signé entre le CCL et la Station d’Expérimentation Nucicole Rhône Alpes-SENURA- le 22 novembre 2011), sans aucun recul quant à ses éventuels effets collatéraux, et qu’elle devait s’assurer que le produit en cause ne présentait pas de risques pour les cultures.
En effet, tout acquéreur même professionnel, doit recevoir du vendeur toutes les informations nécessaires à l’utilisation du bien ou produit vendu, la remise d’une notice technique n’étant pas par elle-même suffisante si elle ne permet pas de connaître les conditions précises d’utilisation du produit.
Cette obligation d’information est renforcée lorsque des précautions sont à prendre à raison de l’absence de recul sur l’utilisation du produit vendu, les résultats de l’expérimentation précitée ayant été prévus pour juin 2018.
La circonstance que ce produit a fait l’objet dans l’urgence, au regard de la forte pression parasitaire de la cochenille sur les noyeraies en 2012, d’une préconisation collective (parution dans le Bulletin technique du Noyer édition Rhône Alpes n°1 du 21 février 2012′; réunion de présentation tenue le 27 février 2012 à la SENURA en présence des vendeurs distributeurs et relayée par ceux-ci) et individuelle (relais par le technicien de la société Oxyane) ne dispensait pas la société Oxyane de son devoir d’information et de conseil envers ses acheteurs, étant tenue, de par sa qualité de vendeur professionnel de s’assurer de la sécurité du produit vendu alors même qu’il n’y avait scientifiquement aucun recul sur l’utilisation de ce produit, ainsi qu’en atteste le fait que la SENURA ne possédait aucun élément avant 2012 sur l’utilisation des huiles blanches sur noyer, l’expérimentation mise en ‘uvre ayant permis de définir ultérieurement d’autres règles d’amplitude thermique pour l’application du produit et qu’il s’est avéré à l’expertise judiciaire que les désordres survenus étaient en lien avec un «’effet dose’» à savoir avec les quantités utilisées et non pas avec la qualité intrinsèque du produit .
Le jugement déféré est en conséquence confirmé, par motifs ajoutés, en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Oxyane dans la survenance des désordres du chef d’un manquement à l’obligation de délivrance conforme laquelle se double d’un manquement à l’obligation de conseil.
Sur les préjudices
Les indemnités allouées au titre du préjudice économique aux nuciculteurs ne sont pas discutées en tant que telles dans leur principe et leur quantum par la société Oxyane elles sont donc confirmées.
Les nuciculteurs doivent être déboutés de leur appel incident sur le rejet de l’indemnisation du préjudice moral , l’existence et la réalité du préjudice ainsi allégué n’étant pas plus étayé en appel qu’en première instance par le moindre élément de preuve.
Sur l’appel en garantie formé à l’encontre du CCL
La société Oxyane soutient que le premier juge s’est mépris en jugeant prescrit son appel en garantie formé le 4 avril 2019 en lui faisant grief d’avoir omis de prendre en compte l’effet interruptif de prescription de la procédure de référé -expertise, le délai de prescription quinquennal ayant été ensuite suspendu jusqu’au dépôt des rapports d’expertise, soit au plus tôt le 23 septembre 2014 et au plus tard le 2 juillet 2015; il estime ainsi son appel en garantie recevable car formé avant l’expiration du délai de prescription expirant au plus tôt le 23 septembre 2019 et au plus tard le 2 juillet 2020.
C’est à bon droit que le CCL proteste contre cette analyse en rappelant qu’une demande en justice ne peut avoir un effet interruptif qu’à la condition qu’elle soit dirigée contre celui qu’on veut empêcher de prescrire’; or en l’espèce, il a été mis en cause dans la procédure de référé-expertise par les nuciculteurs et aucunement par la société Oxyane qui avait alors la qualité de défendeur dans cette procédure.
Sans plus ample discussion, le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a dit, par d’exacts motifs adoptés par la cour, irrecevable comme étant prescrit l’appel en cause de la société Oxyane formé à l’encontre du CCL le 4 avril 2019 sur le fondement des vices cachés, soit largement plus de cinq ans après la vente de l’insecticide en 2012, étant rappelé que conformément aux articles 1648 et 2224 du code civil, l’action résultant des vices cachés doit être intentée dans les deux ans de la découverte du vice, et l’action en garantie dans le délai de prescription quinquennal courant du jour de la vente.
Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive
Les nuciculteurs ne soutiennent pas et a fortiori ne justifient pas d’un quelconque préjudice en lien avec un refus de l’appelante d’exécuter le jugement déféré qui était assorti de l’exécution provisoire, refus qui n’est pas davantage démontré.
Ils sont donc déboutés de cette prétention et le jugement querellé confirmé sur ce point.
Sur les mesures accessoires
Succombant dans son recours, la société Oxyane est condamnée aux dépens avec le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et conserve la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la cour. Elle est condamnée à verser aux nucilculteurs ainsi qu’au CCL une indemnité de procédure pour l’instance d’appel (laquelle ne peut être allouée HT).
Les mesures accessoires du jugement querellé sont par ailleurs confirmées, lesquelles prévoient déjà la prise en charge des frais de l’expertise judiciaire au titre des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire
Confirme le jugement déféré par motifs ajoutés,
Condamne la société Oxyane (anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise) à verser, au titre des frais irrépétibles d’appel,
la somme globale de 3.000€ au profit de M. [E] [W], le GAEC de [Adresse 14], M. [U] [J], l’EARL MTH Noix, M. [N] [R] et le GAEC de l’Alambic, unis d’intérêt,
la somme de 1.500€ au profit la société Comptoir Commercial des Lubrifiants,
Déboute la société Oxyane (anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise) de sa réclamation présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Oxyane (anciennement dénommée Coopérative Agricole Dauphinoise) aux dépens d’appel avec recouvrement par Me Sadon conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT