RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 23 MARS 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02972 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOWY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 RG n° 2018043525
APPELANTE
SARL AD HOMINEM INTERNATIONAL, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté de Me Christophe PECNARD de la SELARL NOMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237
Assisté à l’audience de Me Béatrice CREVIEUX, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
S.A.S. CRYO DIFFUSION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Olivier VIBERT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence PAPIN, Présidente, chargée du rapport, et devant M. Laurent NAJEM.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
M. Laurent NAJEM, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Cryo Diffusion a signé, le 5 juillet 2017, avec la société Ad Hominem international, cabinet de recrutement, un contrat de recherche portant sur un poste de directeur commercial international.
Un candidat a été présenté par la société Ad Hominem international à la société Cryo Diffusion en septembre 2017 en vue de pourvoir ce poste : Monsieur [F].
La société Ad Hominem international a adressé, le 23 décembre 2017, à la société Cryo Diffusion une facture concernant le dit recrutement d’un montant de 21 120 euros TTC.
La SAS Cryo Diffusion a refusé de la payer soutenant que le candidat n’a finalement pas accepté le poste qui lui était offert.
La SARL Ad Hominem international a relancé la SAS Cryo Diffusion par lettre du 28 février 2018 puis lui a adressé une mise en demeure de payer le montant de la facture le 26 mars 2019.
Par acte en date du 20 juillet 2018, la SARL Ad Hominem international a assigné la SAS Cryo Diffusion devant le tribunal de commerce de Paris.
Le 20 janvier 2020, cette juridiction a :
-Débouté la SARL Ad Hominem international de sa demande de condamnation à la SAS Cryo Diffusion de régler la facture d’honoraires de 21 120 euros TTC,
-Débouté la SARL Ad Hominem international de sa demande de dommages intérêts pour réticence dolosive,
-Condamné la SARL Ad Hominem international à payer à la SAS Cryo Diffusion la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
-Ordonné d’office l’exécution provisoire,
-Condamné la SARL Ad Hominem international aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros donc 12,20 euros de TVA.
La SARL Ad Hominem international a interjeté appel du jugement le 7 février 2020.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 juillet 2022, la SARL Ad Hominem international demande à la cour de :
-Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 janvier 2020 en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau :
– Condamner la société Cryo Diffusion à payer à la société Ad Hominem international la somme de 21 120 euros TTC en règlement de la facture du 28 décembre 2017 augmentée des intérêts de retard et des pénalités de retard,
– Fixer le taux applicable pour les intérêts de retard à trois fois le taux de l’intérêt légal, conformément à ce qui est prévu sur les deux factures,
– Fixer le point de départ des intérêts de retard dus au titre de la facture du 28 décembre 2017 à compter de la date d’exigibilité de celle-ci, soit à compter du 12 janvier 2018,
– Condamner la société Cryo Diffusion à verser à la société Ad Hominem international la somme de 5 000 euros au titre de dommages-intérêts pour résistance dolosive,
– Condamner la société Cryo Diffusion à payer à la société Ad Hominem international la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société Cryo Diffusion aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– Rejeter les demandes de la société Cryo Diffusion.
Elle fait valoir :
‘ que dès qu’un candidat donne au client son accord écrit ou oral à toute forme de collaboration, les honoraires lui sont dus,
‘ que les échanges de courriels du mois de février 2018 confirmaient que les parties avaient donné leur accord à une embauche en tant que directeur commercial international en décembre 2017,
‘ qu’elle ne peut être responsable des tergiversations et des revirements du candidat postérieurs à son acceptation non équivoque du contrat de travail,
‘ que la SAS Cryo Diffusion a renoncé à son embauche comme cela résulte de ses courriels et que sa pièce 4, dont les mentions manuscrites sont illisibles et la signature non authentifiée, ne rapporte pas la preuve d’une renonciation du candidat,
– que son propre courriel du 6 février 2018 indiquant « pour la facture, bien évidemment n’en tenez pas compte vu le contexte » ne constitue pas une renonciation à ses honoraires mais un geste commercial de politesse octroyant des délais de paiement de quelques jours comme cela résulte de ses lettres de relance,
‘ qu’elle n’était tenue que d’une obligation de moyens, la facturation de ses honoraires étant repoussée à la date d’acceptation du poste par le candidat,
‘ qu’elle n’a pas manqué à ses obligations n’ayant pas l’obligation de vérifier la matérialité de tous les éléments qui se trouvaient dans le curriculum vitae des candidats, mais seulement la pertinence et l’adéquation de leur candidature au profil recherché.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022, la SAS Cryo Diffusion demande à la cour de :
– Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire :
– Juger que la société Ad Hominem international a partiellement inexécuté sa mission,
– Débouter en conséquence la société Ad Hominem international de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause :
– Condamner la société Ad Hominem international à payer à la société Cryo Diffusion une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société ad Hominem international aux entiers dépens.
Elle fait valoir :
‘ qu’il n’y a pas eu embauche du candidat proposé, qui a rejeté le contrat de travail,
‘ que seule l’obtention d’une embauche donne droit à honoraires,
‘ que le mandat de recherche donnait à l’appelante une mission de recherche avec une rémunération assise sur un résultat,
‘ que de simples pourparlers ne peuvent suffire à justifier des honoraires,
‘ qu’il n’y a pas eu d’acceptation orale du contrat de travail laquelle requiert un début d’exécution,
‘ que le candidat a confirmé par écrit sa renonciation à postuler après une période d’atermoiements,
‘ que la société Ad Hominem international ne produit aucune pièce qui prouve que cette renonciation produite aurait été factice,
‘ qu’elle a finalement redéfini le poste et recruté directement le 1er mai 2018 une personne, qui était déjà intervenue pour elle, comme ‘sale manager export’,
‘ que par courriel du 6 février 2018, la société Ad Hominem international avait reconnu qu’aucun honoraire lui était dû et avait poursuivi des recherches de candidats sans parvenir à trouver un profil adapté.
À titre subsidiaire, elle soutient que la société Ad Hominem international a commis des fautes dans sa mission (absence de vérification du profil du candidat) qui, partiellement exécutée, ne peut ouvrir droit à la facturation d’honoraires.
La clôture a été prononcée le 7 décembre 2022.
MOTIFS
Sur la demande d’honoraires de la société Ad Hominem international :
Selon les dispositions de l’article 1188 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
Il résulte du paragraphe C des conditions spécifiques du contrat de recherche conclu entre les parties le 5 juillet 2017 en vue du recrutement d’un directeur commercial international que « les honoraires seront facturés que si le candidat placé est celui venant de la recherche d’Ad Hominem international. Si le candidat embauché a été trouvé par Cryo Diffusion aucun frais ne sera facturé. Par dérogation à la clause I des CGV, l’intégralité sera facturée en date d’acceptation du candidat. » (souligné par le rédacteur de l’arrêt).
La clause I des CGV, à laquelle il est spécifiquement dérogé, prévoit que les modalités de facturation des honoraires sont les suivantes :
‘ des honoraires de démarrage définitivement acquis, dès le début de la mission,
‘ le solde en cas d’acceptation écrite ou orale du contrat de travail ou de toute convention de collaboration entre le client et le candidat.
Le paragraphe K des conditions générales de vente stipule qu’à la condition que le client ait payé les honoraires, la société Ad Hominem international reprend sa mission sans frais supplémentaires dans l’hypothèse ‘d’un client ou candidat mettant fin au contrat moins de 6 mois après son intégration’ ou d’une ‘non- intégration du candidat’. La définition de cette dernière n’est pas précisée au contrat.
Cette clause n’a en tout état de cause pas à recevoir application en l’espèce, les honoraires n’ayant pas été acquittés par la société Cryo Diffusion alors qu’il s’agit d’une condition à sa mise en oeuvre.
Il y a lieu de considérer que les conditions particulières dérogeant à la clause I des CGV du contrat conclu entre les parties prévoient l’absence d’honoraires de démarrage et que des honoraires ne seront dus qu’en cas d’acceptation du contrat de travail ou de la convention de collaboration et d’embauche du candidat venant de la recherche d’Ad Hominem international.
La société Ad Hominem international soutient devant la cour qu’un contrat de travail aurait été accepté oralement par Monsieur [F] dès le mois de décembre 2017 et que par conséquent des honoraires lui seraient dus.
Aux termes de l’échange de courriels entre les parties, la société Cryo Diffusion a engagé des pourparlers en vue d’un recrutement à compter du mois de mars 2018 avec Monsieur [F], consenti des efforts en termes de salaire, de véhicule et de positionnement dans la société mais que ce dernier a tergiversé écrivant dans un mail du 6 février 2018 que sa société ne voulant pas le laisser partir et lui ayant fait une proposition de revalorisation de salaire, il était ‘en totale réflexion’.
Il résulte d’un courriel en date du 8 décembre 2017 que Monsieur [F] a reçu une proposition écrite de contrat de travail de la part de la société Cryo Diffusion qu’il devait lui retourner, ce dont la preuve n’est pas rapportée, sollicitant dans ce message des précisions. Par SMS en date du 10 février 2018, il sollicitait l’envoi d’un nouveau contrat de travail tenant compte d’une nouvelle proposition de la part de la société et aucune preuve n’est rapportée de l’envoi par la société Cryo Diffusion et de sa signature subséquente.
La société Cryo Diffusion produit en pièce 4 la première page du contrat de travail sur laquelle est au contraire mentionnée sa renonciation. La société Ad Hominem international remet en cause l’authenticité de cette mention et de la signature de Monsieur [F] sans produire aucun élément au soutien de sa thèse selon laquelle il s’agirait d’un faux.
Il ne peut dès lors être utilement soutenu par l’appelante l’existence d’une acceptation d’un contrat de travail par Monsieur [F] dès le mois de décembre 2017 alors qu’il résulte des pièces que la procédure de recrutement était toujours en cours en février 2018 et que dès le début de leurs échanges, la signature d’un contrat écrit avait été prévue entre ce dernier et la société Cryo Diffusion, laquelle n’est jamais intervenue.
Le fait que Monsieur [F] ait pu écrire dans des courriels qu’il allait renvoyer ce contrat ou s’était engagé vis à vis de la société Cryo Diffusion importe peu dans la mesure où il n’a jamais donné un accord définitif et finalisé son acceptation par la signature dudit contrat.
De plus l’attestation du gestionnaire ressources humaines et paies Madame [W] (pièce 6 de l’intimée) confirme que Monsieur [F] n’a jamais été inscrit aux effectifs de la société, ni déclaré auprès des services de l’URSSAF et qu’il n’a dès lors touché aucun salaire de la société Cryo Diffusion.
Il résulte de ces éléments que Monsieur [F] n’a jamais été embauché par la société Cryo Diffusion.
Dans un e-mail en date du 6 février 2018 émanant de la société Ad Hominem international adressé à la société Cryo Diffusion, il est précisé par la première, de façon dénuée d’ambiguïté : « pour la facture bien évidemment n’en tenez pas compte vu le contexte ».
Dès le 23 février 2018, la société Ad Hominem international fait de nouvelles propositions à la société Cryo Diffusion en vue du recrutement d’un ‘[Adresse 5]’ qui, même si le poste ne présente pas exactement le même intitulé, actent de l’échec du recrutement de Monsieur [F] (pièce 3 de la société Cryo Diffusion).
Par conséquent, en l’absence d’acceptation du contrat de travail écrit proposé à Monsieur [F] et d’embauche de celui-ci en application des termes du contrat de recherche conclu entre les parties, aucun honoraire n’est dû par la société Cryo Diffusion à la société Ad Hominem international.
La décision déférée sera confirmée.
Sur la demande de la société Ad Hominem international de condamnation de la société Cryo Diffusion à des dommages et intérêts pour résistance dolosive :
Il se déduit du sens du présent arrêt, qui confirme le débouté de la demande de la société Ad Hominem international, l’absence de résistance dolosive de la société Cryo Diffusion.
Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté la société Ad Hominem international de sa demande de dommages et intérêts pour résistance dolosive.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
A hauteur d’appel, la société Ad Hominem international est condamnée à verser à la société Cryo Diffusion une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant,
Condamne la société Ad Hominem international à verser à la société Cryo Diffusion une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Ad Hominem international aux dépens de l’appel,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE