N° RG 21/02507 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IZZA
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2019J00190
TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 21 Mai 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. GMF – GROUPEMENT MERCURYS FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée et assistée de Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE
INTIMEE :
S.A.S. DEMOLITION DU [Localité 3]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée et assistée de Me Eric MALEXIEUX, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 29 Novembre 2022 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 29 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2023, prorogé au 23 février 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 23 février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Develet, Greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Le 26 novembre 2018 La SARL Groupe Mercury Finance (GMF) a passé commande à la société Démolition du [Localité 3] de la fourniture et de la livraison d’un moteur d’occasion pour un véhicule Renault Premium 270 DCI Type DCI 6 AC J012151 d’un kilométrage de 820 570 km, pour un coût de 3 800 euros HT (4560 euros TTC).
La livraison du moteur a été effectuée le 19 février 2019, et régularisée par la facture n° 88754 d’un montant TTC de 4.560 euros.
A partir du mois de mars 2019, la société GMF a allégué qu’elle subissait des dysfonctionnements du matériel, notamment sur le turbocompresseur et sur un injecteur.
Des différends sont apparus entre les parties concernant l’interprétation de la commande.
Le 25 juin 2019, en l’absence de tout paiement de la part de la société GMF, la société Démolition du [Localité 3] a envoyé un courrier recommandé à sa cliente pour la mettre en demeure de lui payer la somme due au titre de sa facture n° 88754. Cette relance de paiement étant restée sans effet, la société Démolition du [Localité 3] a assigné en référé devant le président du tribunal de commerce du Havre la société GMF aux fins de la voir condamnée au paiement de la somme due.
Par ordonnance du 11septembre 2019, le juge des référés a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
Le 6 décembre 20l9 la société Démolition du [Localité 3] a assigné la société GMF devant le tribunal de commerce du Havre afin de la voir condamnée au paiement de la somme de 4.560 € au titre du paiement de la facture n° 88754, et de la somme de 2.500 € à titre de dommage et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement du 21 mai 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a’:
-reçu la société Démolition du [Localité 3] en ses demandes et les a déclarées partiellement fondées’;
-condamné la société Groupement Mercurys Finance à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 4 560 € au titre de la facture restée impayée, outre les intérêts calculés au taux d’intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 20 février 2019,
-dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive,
-dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive,
-déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes
-condamné la société Groupement Mercurys Finance aux entiers dépens qui comprendront le coût des frais de l’expert judiciaire pour 540 euros, ceux visés à l’article 701 du Code de Procédure Civile étant liquidés à la somme de 73.22 euros et à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
La société GMF a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 juin 2021.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS’:
Vu les conclusions du 13 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Gouprement Mercurys Finance qui demande à la cour de’:
-dire recevable et bien fondée la Société Mercurys en ses demandes,
-infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce du Havre le 21 mai 2021 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
-dire irrecevable et mal fondée la société Démolition du [Localité 3] en toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Mercurys,
-débouter la société Démolition du [Localité 3] de toutes ses demandes fins et conclusions à l’encontre de la société Mercurys,
-condamner la société Démolition du [Localité 3] à verser à la société Mercurys à titre de provision, la somme de 5 575,58 euros en règlement de son préjudice matériel,
-condamner la société Démolition du [Localité 3] à verser à la société Mercurys à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 5.000 euros,
-condamner la société Démolition du [Localité 3] à verser à la société Mercurys la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la société Démolition du [Localité 3] aux entiers dépens.
La société GMF soutient que’:
*elle a acquis un moteur complet comportant le turbocompresseur et les injecteurs, la défaillance de ces éléments ressortit de la garantie contractuelle du vendeur, et subsidiairement de la garantie des vices cachés’; les dépenses qu’elle a dû effectuer pour remédier au caractère défectueux du moteur viennent compenser le prix de vente. Le vendeur a commis une réticence dolosive sur l’état du moteur et doit l’en indemniser.
Vu les conclusions du 12 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Démolition du [Localité 3] qui demande à la cour de’:
Statuant sur l’appel régularisé par la société Mercurys Finance à l’encontre du jugement du tribunal de commerce du Havre du 21 mai 2021 et l’en déclarant mal fondée,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:
*condamné la société Groupement Mercurys Finance aujourd’hui dénommée Groupe Mercurys Finance à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 4 560 € au titre de la facture restée impayée, outre les intérêts calculés au taux d’intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 20 février 2019,
*dit n’y avoir lieu à dommages-intérêts pour procédure abusive,
*condamné la société Groupement Mercurys Finance aujourd’hui dénommée Groupe Mercurys Finance aux entiers dépens qui comprendront le coût des frais de l’expert judiciaire pour 540 euros, ceux visés à l’article 701 du Code de Procédure Civile étant liquidés à la somme de 73.22 euros et à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le réformer du chef des dommages-intérêts pour résistance abusive en condamnant la société Groupe Mercurys Finance à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 2.500 euros.
En tout état,
-débouter la société Groupe Mercurys Finance de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
-condamner la société Groupe Mercurys Finance à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 3000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles devant la Cour ainsi qu’aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Démolition du [Localité 3] soutient que’:
*elle ne doit pas assumer le coût d’un turbo et du remplacement d’injecteurs, le moteur a été vendu nu, à la société Groupe Mercury Finance’;
*l’acquéreur est un professionnel de la vente et de la location de véhicules utilitaires.
*la société GMF ayant remplacé des pièces avant toute investigation technique, elle ne peut utilement invoquer la garantie du vendeur à raison des vices cachés. La garantie contractuelle de trois mois a expiré le 20 mars 2019, et ne couvrait que le moteur nu et non les pièces périphériques laissées gracieusement’.
MOTIFS DE LA DECISION’:
Sur l’aplication d’une garantie contractuelle:
Le bon de commande comme la facture portent sur un «’moteur pour Renault premium 270 DCI type DACI 6 AC J01 2151 kilométrage compteur 820570 KMS’»
M. [L], qui a été l’intermédiaire entre les deux sociétés expose dans un courriel du 6 juillet 2021, qu’il a démarché la société Démolition du [Localité 3] pour obtenir un moteur complet.
La société Démolition du [Localité 3] se borne à produire les conditions générales de ventes au verso de la facture qui énoncent que’: «’Le client reconnaît avoir pris connaissance, au moment de la passation de la commande, des conditions de vente et déclare les accepter sans réserve’»
«’Conditions particulières à la VPC’:
1-Produits’:
(‘)
Les moteurs et BV sont vendus nus, les pièces périphériques sont laissées à titre gracieux (sous réserve de disponibilité). Ces pièces périphériques ne doivent pas être mises en place sur le véhicules sans un contrôle préalable’»
A défaut pour le vendeur qui supporte sur ce point la charge de la preuve, de justifier que les conditions générales ont été remises au moment de la commande, il sera retenu que celle-ci portait sur un moteur complet.
Les conditions générales de vente ne comprennent aucune clause de garantie contractuelle mais l’existence de cette garantie ressort d’un courriel du 25 juin 2019 signé de M. [E], dans lequel la société Démolition du [Localité 3] a précisé à sa cliente qu’une garantie de trois mois était applicable sur le moteur à l’exclusion des pièces laissées à titre gracieux telles que turbo, pompe à injection et injecteurs.
La garantie étant une charge pesant sur le vendeur, l’expiration du délai de trois mois ne peut dépendre de la seule volonté de l’acquéreur, qui a seul le choix de la date du montage sur le véhicule du moteur livré. Ce délai court à compter de la livraison du bien.
Le moteur litigieux a été livré le 19 février 2019, de sorte que la garantie contractuelle a expiré le 19 mai 2019 à minuit.
La société Groupement Mercurys Finance produit aux débats l’attestation de son technicien, M. [V] qui relate qu’il a «’géré’» la commande du moteur, et que «’lors du montage (‘) Démolition du [Localité 3] nous a amené un deuxième turbo d’occasion en garantie du turbo installé sur le moteur car en effet le turbo installé (‘.) n’était plus en état de fonctionnement correct. D’ailleurs le deuxième turbo livré par Démolition [Localité 3] n’étant lui même également plus en état nous n’avons donc pas pu utiliser le deuxième turbo. A cela Démolition du [Localité 3] nous a répondu’: Désolé nous n’avons pas d’autre turbo d’occasion, cela nous a obligé à acheter un turbo échange standard au ETS Coustham.’»
Même si la commande portait sur un moteur complet, le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a démontré que le turbocompresseur n’en faisait pas partie. Aucun élément ne vient corroborer que la société Démolition du [Localité 3] a accepté de livrer un second turbo dans le cadre de la garantie de trois mois. En outre, l’attestation de M. [V] n’est pas à elle seule suffisante à rapporter la preuve du dysfonctionnement allégué d’un deuxième turbo. Il en résulte que la société GMF ne peut utilement demander à bénéficier de la garantie contractuelle’.
Monsieur [V] déclare encore «’je confirme que ce moteur a été mis en fonctionnement sur notre BOM au mois d’avril 2019 (‘.) juste après la mise en location de notre camion chez notre client Edova il s’est avéré que l’injection du moteur s’est retrouvée défaillante, ce qui a nécessité le remplacement des injecteurs du moteurs vendu par Démolition du [Localité 3]’».
M. [H] a rendu à la demande de la société GMF un avis sur pièces. Il note que le 13 juin 2019,le véhicule a été confié une première fois à la concession Gueudet VI qui a constaté le caractère défectueux de l’injecteur n°2’; que le véhicule a été à nouveau confié à cet établissement le 3 juillet 2019 et qu’il a été constaté la défaillance de l’injecteur n°4. La société GMF produit le relevé du 17 juin 2019 fait par les établissements Gueudet VI dont il ressort que l’injecteur n° 2 était défectueux.
La société GMF ne rapporte aucun élément de nature a établir que l’un des injecteurs était défectueux lors de la livraison ou même antérieurement à l’expiration du délai de garantie contractuelle. Il en résulte que cette garantie ne peut être mise en ‘uvre.
Sur la garantie des vices cachés’:
Aux termes de l’article 1641 du code civile’: «’Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.’»
Il résulte de ce qui a été exposé plus haut que la société GMF ne peut se prévaloir utilement de cette garantie dès lors qu’elle ne démontre ni que le turbocompresseur faisait partie de sa commande ni même de la défaillance alléguée, ni de ce que les injecteurs présentaient un caractère défectueux antérieurement à la vente.
A défaut pour la société GMF d’être en mesure d’opposer une garantie à son vendeur, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Groupement Mercurys Finance à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 4 560 € au titre de la facture restée impayée, outre les intérêts de retard.
Sur l’existence d’un dol’:
Aux termes de l’article 1137 du code civil’:’ «’Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.’»
Ainsi que précédemment, à défaut de démontrer que le tubocompresseur faisait partie de la commande, la société GMF ne peut se prévaloir d’un dol relatif à cette pièce.
La société GMF soutient que l’enseigne CARECO figurant sur le devis a été déterminante de la confiance qu’elle a accordé à la société Démolition du [Localité 3]. Elle justifie par un courriel du 6 juillet 2021 du responsable administratif de la société CARECO France que son vendeur avait quitté ce réseau à la date de la commande, et n’était plus en droit d’utiliser cette enseigne.
Mais la société GMF est une société spécialiste de la vente et la location de véhicules utilitaires et d’équipements industriels. Au moment de la vente, le vendeur comme l’acquéreur connaissaient les aléas afférents à un moteur de 820 570 Kms, qui ne peuvent qu’être ceux d’un moteur amplement usagé. Outre que la cause de la défaillance de deux injecteurs n’a pas été précisée par la société Gueudet, qui n’a fait que déclarer leur caractère défectueux, la société GMF ne démontre pas que la pérennité des injecteurs n’était pas celle que l’on peut attendre d’un moteur de plus de 800 000 km. L’utilisation de l’enseigne CARECO sans en avoir l’autorisation n’est pas suffisante à démontrer que que le vendeur détenait au moment de la vente des informations sur la vétusté ou un défaut des injecteurs dont l’acquéreur ne pouvait avoir connaissance par lui-même. A défaut de rapporter la preuve du caractère dolosif du silence de son vendeur, la société GMF sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 5 575,58 euros.
Sur les demandes indemnitaires au titre de la procédure abusive’:
Il résulte de tout ce qui précède que la procédure diligentée par la société Démolition du [Localité 3] ne présente pas de caractère abusif. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société GMF de ce chef de demande.
La société Démolition du [Localité 3] ne démontre pas que les arguments de la société GMF pour s’opposer au paiement ont dégénéré en abus de droit’. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Démolition du [Localité 3] de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS’:
La cour, statuant par arrêt contradictoire’;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions’;
Y ajoutant’;
Condamne la société Groupement Mercurys France aux dépens ;
Condamne la société Groupement Mercurys France à payer à la société Démolition du [Localité 3] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.
La greffière La présidente