N° RG 21/05270 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LFEZ
C4
Minute :
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
la SELARL EUROPA AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 23 FEVRIER 2023
Appel d’une décision (N° RG 2019J91)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 19 novembre 2021
suivant déclaration d’appel du 21 décembre 2021
APPELANTE :
Société VERCORS DEMOLITION ET TRAVAUX PUBLICS immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE sous le numéro 491252102,agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me MANDY de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Me [I] [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES suite au jugement du Tribunal de Commerce de PARIS d’ouverture de liquidation judiciaire en date du 1er décembre 2016 de MTA, société d’assurance mutuelle, n° SIREN 324.167.139 dont le siège social est sis [Adresse 1]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES représentée par son liquidateur judiciaire, Maître [I] [X],
[Adresse 1]
[Adresse 1]
S.A.S. ETABLISSEMENTS PAYANT représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentées par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Ghislain DECHEZLEPRÊTRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 novembre 2022, M. Lionel BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour après prorogation.
Faits et procédure :
1. La société Vercors Démolition et Travaux Publics procède, dans le cadre de son activité, à la location de véhicules de chantier. A cet effet, elle a souscrit auprès de la compagnie Axa un contrat «’bris de machine’», garantissant les engins et matériels de chantier.
2. Entre le 2 octobre 2015 et le 8 octobre 2015, la société Vercors Démolition et Travaux Publics a loué à la société Etablissements Payant un engin de type tombereau, pour la somme de 1.600 euros Ht, soit 1.920 euros TTC. A cette occasion, le bailleur lui a remis la facture d’achat de ce véhicule, datant de février 2014, justifiant de sa valeur à neuf, soit 233.600 euros HT, afin de pouvoir entrer dans les conditions du contrat d’assurance «’bris de machine’».
3. Le 8 octobre 2015, la société Vercors Démolition et Travaux Publics a subi un accident avec ce véhicule sur un chemin forestier, le tombereau basculant dans le talus en contrebas, suite à un glissement de terrain. Un constat amiable a été établi par la société Vercors Démolition et Travaux Publics, qui a déclaré l’accident à son assureur. La société Etablissements Payant a également déclaré ce sinistre à son propre assureur, la compagnie MTA Mutuelle des Transports Assurances.
4. Une expertise amiable contradictoire a été organisée par le cabinet GM Consultant, mandaté par la compagnie MTA. A cette occasion, la société Etablissements Payant a produit une facture de réparation de 126.543,97 euros HT, ainsi qu’une évaluation du véhicule à neuf, pour plus de 407.000 euros HT.
5. En raison de cette évaluation du coût du tombereau, la compagnie Axa a refusé de participer à cette expertise, cette valeur dépassant celle fixée par le contrat à 280.000 euros HT au maximum. Le rapport d’expertise a retenu une valeur à neuf de 407.927 euros HT, ainsi que l’évaluation des frais de réparation au coût indiqué par la société Etablissements Payant.
6. En juillet 2016, la compagnie MTA a réglé à son assurée, la société Etablissements Payant, la somme de 100.000 euros. Le 1er décembre 2016, cet assureur a été placé en liquidation judiciaire.
7. Le 15 mai 2019, maître [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la compagnie MTA, ainsi que la société Etablissements Payant, ont assigné la société Vercors Démolition et Travaux Publics afin de la voir déclarée responsable de l’accident, et de la voir condamnée à payer à la liquidation judiciaire la somme de 100.000 euros, et à la société Etablissements Payant celle de 26.543,97 euros.
8. Par jugement du 19 novembre 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a’:
– constaté que les sociétés Etablissements Payant, Mutuelle des Transports Assurances et maître [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances, n’ont pas déposé une note en
délibéré afin de fournir une copie verso lisible des conditions générales de vente de la commande 5045′;
– déclaré la société Vercors Démolition et Travaux Publics responsable de l’accident du 8 octobre 2015 occasionné au tombereau Volvo pris en location à la société Etablissements Payant’;
– jugé que la société Vercors Démolition et Travaux Publics a accepté tacitement les conditions générales du contrat de location’;
– dit et jugé que la société Etablissements Payant n’a pas commis de faute contractuelle en communicant à la société Vercors Démolition et Travaux Publics la valeur d’achat du tombereau’;
– condamné la société Vercors Démolition et Travaux Publics à payer la somme de 100.000 euros HT à la société Mutuelle des Transports Assurances représentée par son mandataire liquidateur maître [X], et la somme de 26.543,97 euros HT à la société Etablissements Payant’;
– rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement’;
– condamné la société Vercors Démolition et Travaux Publics qui succombe à verser à la société Mutuelle des Transports Assurances représentée par son mandataire liquidateur maître [X] une indemnité arbitrée à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné la société Vercors Démolition et Travaux Publics aux entiers dépens de l’instance’;
– ordonné l’exécution provisoire.
9. La société Vercors Démolition et Travaux Publics a interjeté appel de cette décision le 21 décembre 2021, en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant constaté que les sociétés Etablissements Payant, Mutuelle des Transports Assurances et maître [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances, n’ont pas déposé une note en délibéré afin de fournir une copie verso lisible des conditions générales de vente de la commande 5045.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 3 novembre 2022.
Prétentions et moyens de’la société Vercors Démolition et Travaux Publics :
10. Selon ses conclusions remises le 28 octobre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1732, 1231-1 et 1240 du code civil, des articles 563 à 566, 789, 907 et 914 du code de procédure civile’:
– à titre préalable, de déclarer irrecevable la demande formulée par la société Etablissements Payant, la Mutuelle des Transports Assurances et maître [X] tendant à voir prononcer l’irrecevabilité de la demande de garantie formulée par la concluante dirigée contre la société Etablissements Payant’;
– à titre subsidiaire, de rejeter la demande d’irrecevabilité formulée et de déclarer recevable la demande de garantie formulée par la concluante à l’égard de la société Etablissements Payant en cause d’appel’;
– à titre principal, au fond, de réformer le jugement déféré en ce qu’il a reconnu la concluante responsable de l’accident du 8 octobre 2015 occasionné au tombereau Volvo pris en location auprès de la société Etablissements Payant ;
– statuant à nouveau, de débouter la société Etablissements Payant et la société Mutuelle des Transports Assurances représentée par maître [X], liquidateur judiciaire de la Mutuelle des Transports Assurances, de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la concluante’;
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la concluante a accepté tacitement les conditions générales du contrat de location’;
– statuant à nouveau, de débouter la société Etablissements Payant et la société Mutuelle des Transports Assurances représentée par maître [X],
liquidateur judiciaire de la Mutuelle des Transports Assurances, de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la concluante’;
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que la société Etablissements Payant n’a commis aucune faute contractuelle en communiquant à la concluante la valeur d’achat du tombereau’;
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a reconnu la concluante responsable des conséquences de l’accident du 8 octobre 2015 occasionné au tombereau Volvo pris en location auprès de la société Etablissements Payant’;
– statuant à nouveau, de débouter la société Etablissements Payant et la société Mutuelle des Transports Assurances représentée par son mandataire liquidateur maître [X], de leurs demandes indemnitaires formulées contre la concluante’;
– subsidiairement, si la concluante devait être déclarée responsable des conséquences de l’accident du 8 octobre 2015, de réformer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que la société Etablissements Payant n’a commis aucune faute contractuelle en communiquant à la concluante la valeur d’achat du tombereau’;
– statuant à nouveau, de condamner la société Etablissements Payant à relever et garantir la concluante de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle et au profit de la Mutuelle des Transports Assurances représentée par son mandataire liquidateur maître [X] et de la société Etablissements Payant’;
– en tout état de cause, de réformer le jugement dont appel pour toutes les condamnations prononcées contre la concluante’;
– statuant à nouveau, de débouter la Mutuelle des Transports Assurances représentée par son mandataire liquidateur maître [X] et la société Etablissements Payant, de toutes leurs demandes’;
– de condamner solidairement la Mutuelle des Transports Assurances et la société Etablissements Payant à verser à la concluante la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de les condamner solidairement en tous les dépens de première instance et d’appel.
Elle expose’:
11. – concernant sa demande subsidiaire visant la condamnation de la société Etablissements Payant à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre la concluante, que si les intimées sollicitent que cette prétention soit déclarée irrecevable au motif qu’il s’agit d’une demande nouvelle, ainsi irrecevable en cause d’appel, cependant la cour se déclarera incompétente pour connaître de la recevabilité’de cette fin de non-recevoir, étant nouvelle’devant elle, puisqu’elle devait être soulevée devant le conseiller de la mise en état, par application des articles 914 et 907, 789 6° du code de procédure civile ;
12. – subsidiairement, si la cour se déclare compétente pour statuer sur cette fin de non-recevoir, que l’article 563 du code de procédure civile permet aux parties d’invoquer devant la cour des moyens nouveaux’; que si l’article 564 interdit, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, une demande nouvelle, l’article 565 indique que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est distinct’; que l’article 566 prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’;
13. – qu’en l’espèce, l’objet du litige fixé en première instance portait sur le fait que la concluante n’avait pas commis de faute dans la survenance du sinistre, qu’elle aurait dû être indemnisée par son assureur si la société Etablissements Payant ne lui avait pas fourni des informations fausses sur la valeur à neuf du tombereau, que la faute contractuelle de cette intimée a
entraîné un refus d’indemnisation, que cette faute a ainsi privé les intimées de leur droit de réclamer une indemnisation à la concluante’; qu’en cause d’appel, la demande de garantie est l’accessoire, le complément ou la conséquence de la demande initiale ;
14. – sur le fond, que la concluante n’a commis aucune faute dans la survenance de l’accident, contrairement à l’appréciation retenue par le tribunal, indiquant qu’il n’existe aucun élément démontrant que c’est l’affaissement du terrain qui est à l’origine du sinistre et que la concluante a commis des fautes;
15. – que l’accident est survenu alors que le tombereau circulait sur un chemin forestier, à flan de colline, lorsqu’une portion de l’accotement a glissé dans le ravin, emportant cet engin’; que l’expert GM Consultant mandaté par l’assureur du bailleur a noté que cette cause était cohérente avec les dommages constatés sur le tombereau, le terrain s’étant affaissé sous le poids de l’engin et de sa charge’; que l’expert n’indique pas une surcharge ni une utilisation anormale du tombereau’; qu’aucune faute de conduite n’a été relevée’; qu’il ne peut ainsi être fait application de la présomption de responsabilité prévue par l’article 1732 du code civil ;
16. – que la concluante a également exécuté ses obligations contractuelles à l’égard de la société Etablissements Payant, en assurant le matériel et en respectant les conditions de la garantie, puisqu’elle s’est assurée de la valeur à neuf du véhicule en obtenant de la société Etablissements Payant la facture d’achat afin d’en justifier auprès de son assureur’; qu’elle a respecté les règles d’utilisation du véhicule concernant l’utilisation de la route forestière, qui était ouverte à la circulation’; qu’elle a bien pris en compte «’la cause du sol et du sous-sol’» ainsi que prévu par l’article 10 des conditions générales de location’; qu’en outre, les conditions générales lui sont inopposables, la société Etablissements Payant ne produisant pas d’exemplaire signé par la concluante’;
17. – s’agissant de la société Etablissements Payant, que celle-ci a commis une faute contractuelle à l’égard de la concluante, constituant une cause étrangère exonérant la concluante’; que le tribunal ne s’est fondé que sur une attestation d’une société du groupe Payant, au profit de la société Etablissements Payant’;
18. – ainsi, que lors de la conclusion du contrat, la société Etablissements Payant a remis à la concluante la facture d’achat du tombereau datant d’un an avant la survenance du sinistre, démontrant que celle valeur était inférieure à celle de 280.000 euros HT constituant le plafond de la garantie de la compagnie Axa’; que la société Etablissements Payant ne pouvait ignorer la valeur à neuf, car elle avait acquis le véhicule de la société Payant MTP, faisant partie du même groupe’; que l’intimée avait été informée de l’utilité de connaître cette valeur’; qu’elle a ainsi remis en connaissance de cause la facture’; que si la concluante avait été informée de la valeur réelle du véhicule, elle aurait pris des dispositions afin d’être assurée en conséquence’;
19. – que la société Etablissements Payant a finalement produit une attestation de la société Payant MTP, indiquant que la valeur à neuf au jour du dommage était de plus de 407.000 euros HT, en contradiction avec la facture remise’; que l’intimée a ainsi transmis des informations contradictoires à son cocontractant à quelques semaines d’intervalle’; que si l’intimée soutient que la valeur datant de 2014 ne correspondait pas à la valeur à neuf, en raison de remises commerciales ou d’avantages, elle a ainsi commis une faute contractuelle’; qu’il est impossible que la valeur soit de 407.000 euros HT, car suite à la demande de la concluante concernant des offres de prix pour le même équipement en 2018 et 2020, les prix ont été annoncés pour 278.000 et 287.000 euros HT’;
20. – concernant la demande subsidiaire de relever et garantir la concluante, que la faute commise par la société Etablissements Payant a engendré le préjudice subi résultant du coût des réparations’; que si cette faute n’est pas exonératoire, elle est cependant de nature à engager la responsabilité de la société Etablissements Payant.
Prétentions et moyens de la compagnie Mutuelle des Transports Assurances, de maître [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la compagnie Mutuelle des Transports Assurances et de la société Etablissements Payant’:
21. Selon leurs conclusions remises le 27 octobre 2022, ils demandent, au visa des articles 563 et 564 du code de procédure civile, 1103 et 1732, 1240, 1346 et suivants du code civil, L121-12 du code des Assurances’:
– de déclarer irrecevable l’appel en garantie de la société Vercors Démolition et Travaux Publics dirigé contre la société Etablissements Payant, s’agissant d’une demande nouvelle en cause d’appel’;
– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions’;
– de déclarer la société Vercors Démolition et Travaux Publics responsable de l’accident du 8 octobre 2015 occasionné au tombereau articulé Volvo pris en location auprès de la société Etablissements Payant’;
– de débouter la société Vercors Démolition et Travaux Publics de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires’;
– de condamner la société Vercors Démolition et Travaux Publics à payer à la compagnie Mutuelle des Transports Assurances représentée par son liquidateur judiciaire, maître [X], la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Ils soutiennent’:
22. – sur l’irrecevabilité de la demande de la société Vercors Démolition et Travaux Publics visant la garantie de la société Etablissements Payant, qu’il résulte du jugement déféré que cette prétention n’a pas été soumise au tribunal’;
23. – sur le fond, qu’il résulte de l’article 1732 du code civil que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute’; que l’article 14-1 des conditions générales du contrat de location stipule qu’à l’expiration du contrat, quel qu’en soit le motif, le locataire est tenu de rendre le matériel en bon état, compte tenu de l’usure normale inhérente à la durée de l’emploi’; que si la société Vercors Démolition et Travaux Publics soutient que le contrat n’étant ni daté ni signé, de sorte que ces conditions ne seraient pas applicables, elles ne font que reprendre l’obligation légale’; que l’appelante a eu nécessairement connaissance du contrat, pouvant être oral, puisque la facture de la location y fait référence, alors qu’elle ne peut méconnaître les clauses d’un contrat de location en raison de son activité’;
24. – concernant les circonstances de l’accident, qu’il n’existe qu’un constat établi unilatéralement par l’appelante’; qu’il n’est pas démontré que les dommages sont survenus sans la faute du locataire’; que l’article 10 des conditions générales a stipulé que le locataire a la garde juridique de la chose pendant sa mise à disposition’et qu’il est responsable du sol et du sous-sol’; qu’il appartient ainsi au locataire de s’assurer que les matières transportées ne sont pas trop lourdes par rapport à la nature du sol et du sous-sol’; que la preuve du glissement de terrain n’est pas rapportée’; que l’expert de la compagnie MTA n’a fait ainsi que rapporter les propos de l’appelante, et a utilisé le conditionnel’; que c’est au preneur de prouver que les dégâts ont eu lieu sans sa faute, alors que le basculement du tombereau peut provenir d’une faute du conducteur’;
25. – concernant l’absence de garantie de l’assureur de l’appelante, que la société Etablissements Payant a bénéficié de remises lors de l’achat du véhicule, expliquant le prix de 233.000 HT’; qu’il appartenait à l’appelante de s’informer sur la valeur à neuf réelle’; que la valeur à neuf est ainsi de 407.927 euros HT’; que les offres commerciales produites par l’appelante ne concernent pas forcément le même véhicule, avec les mêmes options, alors que les offres de prix sont en général inférieures au prix catalogue’;
26. – que si l’appelante oppose le refus d’indemnisation de son assureur, le contrat ne précise pas la notion de location de courte durée’; que si une limite de 280.000 euros HT a été prévue, le montant des dommages est inférieur à ce plafond’; qu’il appartient ainsi à l’appelante de mettre en cause son assureur’;
27. – qu’en ne s’informant pas sur la valeur réelle du véhicule, l’appelante a commis une faute, privant la société Etablissements Payant de la possibilité de bénéficier d’une garantie souscrite auprès de la compagnie Axa’; qu’il s’agit d’une faute délictuelle, engageant la responsabilité de la société Vercors Démolition et Travaux Publics’;
28. – s’agissant de l’indemnisation des dommages subis, que la compagnie MTA représentée par son liquidateur judiciaire, est bien fondée à solliciter le paiement de 100.000 euros au titre de sa subrogation dans les droits de la société Etablissements Payant, son assurée, alors que cette dernière est fondée à réclamer le solde non pris en charge.
*****
29. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
1) Sur la recevabilité de la demande de garantie de la société Vercors Démolition et Travaux Publics’:
30. Il résulte du jugement déféré, non contesté sur ce point par l’appelante, que le tribunal de commerce n’a pas été saisi de cette demande. Il s’agit bien d’une prétention nouvelle devant la cour.
31. Concernant la fin de non-recevoir opposée par les intimées, la présente procédure a été instruite en dehors des cas prévus par l’article 905 du code de procédure civile.
32. L’article 789, 6° du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
33. Par renvoi de l’article 907 du code de procédure civile, ce texte est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l’article 914 du même code n’en restreigne l’étendue.
34. Le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d’appel chargé de l’instruction de l’appel. Conformément à l’article L. 311-1 du code de l’organisation judiciaire, la cour d’appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires.
35. Il en résulte que la cour d’appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l’appel, celles touchant à la procédure d’appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état. Or, l’examen de la fin de non-recevoir édictée à l’article 564 du code de procédure civile, relative à l’interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel, relève de l’appel et non de la procédure d’appel.
36. En outre, l’examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n’aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l’examen par le juge de ces fins de non-recevoir. Il importe, en effet, dans le souci d’une bonne administration de la justice, d’éviter que de nouvelles fins de non-recevoir soient invoquées au fur à mesure du dépôt de nouvelles conclusions et de permettre au juge d’apprécier si ces fins de non-recevoir n’ont pas été régularisées. Or, en matière de procédure ordinaire avec représentation obligatoire, conformément à l’article 783 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 907 du même code pour la procédure d’appel, les parties peuvent déposer des conclusions jusqu’à l’ordonnance de clôture, toutes conclusions déposées postérieurement étant irrecevables.
37. Dès lors, seule la cour d’appel est compétente pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de l’article 564 du code de procédure civile.
38. A ce titre, l’article 563 prévoit que pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. En la cause, ce texte est inopérant, la demande de garantie de la société Vercors Démolition et Travaux Publics s’analysant non en un moyen nouveau, mais en une demande nouvelle. Cette demande tombe sous le coup de l’article 564.
39. Selon les articles 564 à 566, une demande nouvelle n’est recevable en cause d’appel, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
40. En la cause, la cour n’est pas saisie d’une demande de compensation par la société Vercors Démolition et Travaux Publics. La demande de garantie ne tend à pas à faire écarter les prétentions des intimées, et il n’est fait état d’aucune des autres causes énoncées par l’article 564. Au regard de l’article 565, cette demande ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, à savoir le mal fondé des demandes en paiement dirigées contre l’appelante. Enfin, elle n’est ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaires de celles présentées devant le tribunal. L’appelante pouvait former cette demande à l’occasion de la première instance. La cour déclarera ainsi irrecevable la demande de garantie formulée à l’encontre de la société Etablissements Payant.
2) Sur le fond, concernant les conditions de la réalisation du sinistre:
41. Au sens de l’article 1732 du code civil, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute. Il appartient ainsi à la société Vercors Démolition et Travaux Publics de prouver que l’accident survenu au tombereau loué auprès de la société Etablissements Payant n’est pas intervenu en raison de sa faute, étant sinon de droit responsable des dégradations survenues sur cet engin.
42. Le rapport d’expertise de la société GM Consultant, intervenue pour le compte de la société Mutuelle des Transports Assurances, assureur de la société Etablissements Payant, et dont le caractère contradictoire des constatations n’est pas remis en cause, indique que le véhicule conduit par monsieur [K], co-gérant de l’appelante, a basculé dans le talus se situant en contrebas de la liste forestière sur laquelle il circulait. Le constat d’accident amiable n’a été établi que par la société Vercors Démolition et Travaux Publics. Le cabinet d’expertise ne s’est pas déplacé sur le lieu de l’accident, mais a procédé seulement à l’analyse des dommages dans les locaux de la société Etablissements Payant, en retenant l’enfoncement de la cabine et de nombreux éléments de carrosserie endommagés. Il en a retiré que l’ensemble des dommages est cohérent avec un renversement du tombereau.
43. Concernant la cause de ce renversement, l’expert a seulement rapporté les énonciations du constat établi unilatéralement par la société Vercors Démolition et Travaux Publics, et des informations recueillies, sans préciser lesquelles, dont il résulte que le sinistre serait survenu alors que la benne était chargée de rochers, et que le terrain se serait affaissé sous le poids de l’ensemble, entraînant le basculement dans la pente. La cour constate, comme les intimés, que l’expert a utilisé le conditionnel concernant les circonstances de cet accident.
44. Au soutien de son argumentation, la société Vercors Démolition et Travaux Publics ne produit, outre ce rapport, que le constat amiable, rédigé par son co-gérant unilatéralement. Ainsi que retenu par le tribunal, qui a procédé à l’audition du conducteur du tombereau le jour des faits, la société Vercors Démolition et Travaux Publics ne produit aucun document justifiant que c’est l’affaissement du terrain qui a été à l’origine du sinistre.
45. L’appelante ne justifie pas ainsi que cet accident est survenu sans faute de sa part. Il en résulte qu’elle se trouve tenue de répondre des dégradations qui sont arrivées pendant sa jouissance. Le tribunal n’a ainsi pu que déclarer la société Vercors Démolition et Travaux Publics responsable des conséquences de l’accident survenu le 8 octobre 2015. Le moyen de l’appelante tiré de l’inopposabilité des conditions générales du contrat de location concernant la responsabilité du preneur sont inopérantes aux termes de l’article 1732 du code civil. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a déclaré la société Vercors Démolition et Travaux Publics responsable de l’accident du 8 octobre 2015 occasionné au tombereau Volvo pris en location à la société Etablissements Payant.
3) Sur le problème de la valeur à neuf du véhicule au regard de la garantie limitée de la compagnie Axa’:
46. Ainsi que retenu par le tribunal de commerce, la compagnie Axa, garantissant l’appelante, a refusé sa garantie en raison de la valeur à neuf du tombereau, excédant le montant de 280.000 euros HT. Pour juger que la société Etablissements Payant n’a pas commis de faute contractuelle en communiquant à l’appelante la valeur d’achat du véhicule, le tribunal a indiqué qu’il appartenait à la société Vercors Démolition et Travaux Publics de demander à la société Etablissements Payant la valeur à neuf du tombereau loué, et non de s’appuyer sur la facture d’achat de ce véhicule du 14 février 2014, mentionnant une valeur d’achat de 233.600 euros HT, et non une valeur à neuf.
47. La cour constate, ainsi que soutenu par les intimés, que ce véhicule a été acquis auprès de la société Payant MTP, dont il n’est pas contesté qu’elle fait partie du groupe Payant. La facture du 14 février 2014 ne concerne pas ainsi un véhicule acquis auprès du fabriquant, et rien n’indique que le prix mentionné concerne celui d’un véhicule neuf selon le prix pratiqué par le fabricant. Ainsi, la société Payant MTP a attesté que la valeur à neuf au prix catalogue est de 407.927 euros HT. Compte tenu des données du présent litige, aucun élément ne permet de retenir que cette attestation serait de pure complaisance, puisqu’au contraire, si la cour devait retenir l’argumentation de l’appelante, il s’agit d’un élément à charge pesant contre la société Etablissements Payant. La société Vercors Démolition et Travaux Publics ne produit d’ailleurs pas d’élément concernant le prix catalogue de ce tombereau.
48. Il ne s’agit en outre que d’une valeur à la date de cette facture, alors que le contrat de location a été conclu début octobre 2015. Aucun élément ne permet de retenir la valeur mentionnée en 2014 à la date de la location. Si l’appelante produit des offres de prix de la société Etablissements Payant du 24 septembre 2018 et du 5 novembre 2020 pour l’achat d’un véhicule Volvo Dumper, au prix de 278.000 euros HT et de 287.000 euros HT, il ne s’agit pas de véhicules portant la même référence que celle du tombereau accidenté.
49. Le contrat souscrit par la société Vercors Démolition et Travaux Publics avec la compagnie Axa ne peut être opposé à la société Etablissements Payant. En raison des restrictions de la garantie Axa, il appartenait à l’appelante d’attirer l’attention de la société Etablissements Payant spécialement sur la valeur à neuf du véhicule loué selon les limitations de la garantie de son assureur. En la cause, l’appelante ne justifie d’aucun élément en ce sens.
50. Il s’ensuit que le tribunal de commerce a exactement retenu qu’aucune faute ne peut être caractérisée à l’encontre de la société Etablissements Payant. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour.
51. Succombant en son appel, la société Vercors Démolition et Travaux Publics sera condamnée à payer à la société Mutuelle des Transports Assurances représentée par maître [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire, la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 122, 563 à 566, 789, 907 et 914 du code de procédure civile, les articles 1103, 1732, 1240, 1346 et suivants du code civil ;
Déclare recevable la fin de non-recevoir opposée par la société Etablissements Payant, la société Mutuelle des Transports Assurances et maître [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances, tendant à voir déclarer irrecevable l’appel en garantie de la société Vercors Démolition et Travaux Publics dirigé contre la société Etablissements Payant, s’agissant d’une demande nouvelle en cause d’appel ;
Déclare irrecevable comme nouvelle en cause d’appel, la demande de garantie de la société Vercors Démolition et Travaux Publics dirigée contre la société Etablissements Payant’;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant’;
Condamne la société Vercors Démolition et Travaux Publics à payer à la société Mutuelle des Transports Assurances, représentée par maître [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances, la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la société Vercors Démolition et Travaux Publics aux dépens exposés en cause d’appel’;
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente