République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 22/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/01062 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEK5
Jugement rendu le 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTS
Monsieur [S] [R]
né le 21 juin 1969 à [Localité 3]
Madame [X] [U] épouse [R]
née le 21 février 1972 à [Localité 4]
demeurant ensemble [Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Me Stéphane Bessonnet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
La SAS Coddeville
prise en la personne de son président
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Sylvie de Saintignon – Kubatko, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l’audience publique du 03 avril 2023 après rapport oral de l’affaire par Jean-François Le Pouliquen.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mars 2023
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Vu le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 25 janvier 2022 ;
Vu la déclaration d’appel de M. [S] [R] et Mme [X] [U] épouse [R] reçue au greffe de la cour d’appel de Douai le 2 mars 2022 ;
Vu les conclusions de M. et Mme [R] déposées le 27 février 2023 ;
Vu les conclusions de la société Etablissements Coddeville déposées le 30 août 2022 ;
Vu l’ordonnance de clôture du 13 mars 2023,
EXPOSE DU LITIGE
M. [S] [R] et Mme [X] [U] épouse [R] ont entrepris la restructuration et l’extension d’une ferme située [Adresse 1] à [Localité 3].
Suivant devis du 29 mars 2017 et acte du 12 avril 2017, M. et Mme [R] ont conclu un marché de travaux avec la société Établissements Coddeville pour les travaux de gros ‘uvre dont le montant était fixé à la somme de 120 000 euros HT, soit 132 000 TTC et la réception prévue le 20 octobre 2017.
Le cabinet [H] [I] est intervenu en qualité de maître d »uvre.
Suivant courrier du 27 avril 2018, la société Etablissements Coddeville a adressé au maître d »uvre une facture ainsi qu’un document intitulé « mémoire financier ».
Aux termes du procès-verbal du 23 mai 2018, les travaux ont été réceptionnés avec réserves.
Par lettre datée du 25 juin 2018, la société Etablissements Coddeville a mis en demeure M. et Mme [R] de payer le solde des travaux.
Le 4 juillet 2018, M. et Mme [R] ont payé la somme de 2 000 euros.
Par courrier daté du 19 juillet 2018, la société Etablissements Coddeville a transmis à M. et Mme [R] un mémoire définitif faisant apparaître la somme de 21 199,07 euros à régler.
Suivant courrier du 2 septembre 2018, M. et Mme [R] ont notifié à la société Etablissements Coddeville le décompte définitif.
Par acte d’huissier du 6 août 2020, la société Établissements Coddeville a fait assigner M. et Mme [R] devant le tribunal judiciaire de Lille en paiement du solde des travaux.
Par jugement du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :
condamné M. et Mme [R] à payer à la société Établissements Coddeville la somme de 21 199,07 euros au titre des travaux et celle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;
condamné M. et Mme [R] aux dépens.
M. et Mme [R] ont interjeté appel du jugement.
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Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe le 27 février 2023, M. et Mme [R] demandent à la cour de :
infirmer le jugement attaqué en ce qu’il les a condamnés à payer à la société Établissements Coddeville la somme de 21 199,07 euros au titre de travaux et celle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
dire et juger qu’à la date du 4 novembre 2019, la société Établissements Coddeville était forclose pour contester le décompte définitif ;
en conséquence, dire et juger que la société Établissements Coddeville a accepté ce décompte ;
la débouter de l’ensemble de ses prétentions ;
condamner la société Établissements Coddeville à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Établissements Coddeville aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 30 août 2022, la société Etablissements Coddeville demande à la cour de :
confirmer le jugement du tribunal judiciaire en toutes ses dispositions en ce qu’il a :
* condamné M. et Mme [R] à payer à la société Établissements Coddeville la somme de 21 199,07 euros au titre de travaux et celle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;
* condamné M. et Mme [R] aux dépens ;
Et ajoutant au jugement de première instance, il est demandé à la cour de :
condamner M. et Mme [R] aux frais et dépens de l’appel ;
condamner M. et Mme [R] à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2023.
EXPOSE DES MOTIFS
-I) Sur la demande en paiement de la somme de 21 199,07 euros
Le cahier des clauses administratives particulières signé par les parties mentionne que les pièces constitutives du marché sont les suivantes (par ordre de priorité) :
-pièces particulières par ordre de priorité :
-présent cahier des clauses administratives particulières (C.C.A.P), commun à tous les lots [position 4 sur 9 des pièces particulières]
-pièces générales (par ordre de priorité)
-cahier des clauses générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés NFP 03-001 de décembre 2000 et l’amendement A1 de novembre 2009 [position 3/12 des pièces générales].
Aux termes des dispositions la norme NFP 03-001 :
19.5 Mémoire définitif
19.5.1
Sauf dispositions contraires du cahier des clauses administratives particulières, dans le délai de 60 jours à dater de la réception ou de la résiliation, l’entrepreneur remet au maître d »uvre le mémoire définitif des sommes qu’il estime lui être dues en application du marché.
19.5.2
Les travaux y sont évalués aux conditions du marché ou des avenants et présentés d’après les dispositions du cahier des clauses administratives particulières et les attachements.
19.5.3
Y figurent les conséquences des variations de prix. Si les indices ou index utilisés dans la formule de variation des prix ne sont pas encore connus, l’entrepreneur appliquera les derniers indices et index publiés à la date de remise du mémoire définitif.
19.5.4
Si le mémoire définitif n’a pas été remis au maître d »uvre dans le délai fixé au paragraphe 19.5.1 ci-dessus, le maître de l’ouvrage peut, après mise en demeure restée sans effet, le faire établir par le maître d »uvre aux frais de l’entrepreneur.
19.6 : Vérification du mémoire définitif – établissement du décompte définitif
Le maître d »uvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché. Il remet ce décompte au maître de l’ouvrage.
19.6.2
Le maître de l’ouvrage notifie à l’entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d »uvre. Ce délai est porté à 4 mois à dater de la réception des travaux dans le cas d’application du paragraphe 19.5.4 .
Si le décompte n’est pas notifié dans ce délai, le maître de l’ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d »uvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours.
La mise en demeure est adressée par l’entrepreneur au maître d’ouvrage avec copie au maître d »uvre.
19.6.3
L’entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d »uvre et pour en aviser simultanément le maître de l’ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.
19.6.4
Le maître de l’ouvrage dispose de 30 jours pour faire connaître, par écrit, s’il accepte ou non les observations de l’entrepreneur.
Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations. »
Aux termes de l’article 3.1.3 du cahier des clauses particulières : Les modalités du règlement des comptes du marché sont les suivantes :
Les comptes sont réglés mensuellement, suivant les dispositions de l’article 19 du C.C.A.G. travaux.
Chaque mois, l’entrepreneur remettra au maître d »uvre un projet de décompte établissant le montant total, arrêté à la fin du mois précédent, des sommes auxquelles il pourra prétendre du fait de l’exécution du marché depuis le début de celle-ci. Les approvisionnements sont exclus de tout projet de décompte.
Ces demandes de règlement ou mémoires mensuels seront cumulatives et établies en prenant pour base la décomposition du prix forfaitaire.
Ces projets de décomptes seront transmis par l’entrepreneur au maître d »uvre par envoi recommandé avec avis de réception postal ou par courrier électronique. La date de début du délai de paiement est celle apposée par le maître d »uvre sur le projet de décompte à sa réception à défaut d’avis de réception postal.
Leur règlement s’effectuera à partir de l’état décrit ci-dessus diminué des mandatements déjà effectués. Viendront en déduction :
-les retenues de garantie de 5 % sauf si une garantie à première demande est fournie (Caution Bancaire),
-Éventuellement les pénalités, immédiatement applicables.
Le montant de l’acompte est égal au montant des droits constatés de l’entrepreneur par la situation de travaux qui va donner lieu à paiement de l’acompte, amputé de la retenue de garantie contractuelle. Le montant des droits constatés est la différence entre le crédit et le débit du compte de l’entrepreneur : au crédit sont portés les travaux exécutés, les éventuelles avances, acomptes pour approvisionnement et primes prévus au contrat. Au débit sont portés les sommes dont l’entrepreneur peut être redevable, pénalités de retard, pénalités diverses, abattements pour malfaçons, non-conformités, travaux de finition, etc.
Avant réception des travaux par le maître de l’ouvrage, les comptes seront réglés sur présentation de mémoires en 3 exemplaires, et ce :
-Jusqu’à concurrence de 95 % du montant du marché dans le cas où l’entreprise titulaire a transmis une caution bancaire ;
-Jusqu’à concurrence de 90 % du montant du marché dans le cas où l’entreprise titulaire n’a pas transmis de caution bancaire (application de la retenue de garantie de 5 % du montant du marché).
A la fin de son intervention sur le chantier, l’entrepreneur dressera le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquels il pourra prétendre du fait de l’exécution du marché dans son ensemble, conformément à l’article 19.6 du CCAG.
Le règlement du décompte final ou du solde définitif aura lieu après réception sans réserves des travaux par le maître d’ouvrage ou, le cas échéant, après la levée des réserves prononcées à la réception, et ce :
-Jusqu’à concurrence de 100 % du montant du marché dans le cas où l’entreprise titulaire a transmis une caution bancaire ;
-Jusqu’à concurrence de 95 % du montant du marché dans le cas DU l’entreprise titulaire n’a pas transmis de caution bancaire (application de la retenue de garantie de 5 % du montant du marché).
A l’issue de la période de parfait achèvement des ouvrages, la retenue de garantie est réglée spontanément par le maître d’ouvrage à l’entrepreneur. »
Par courrier daté du 27 avril 2018, la société Etablissements Coddeville a communiqué au maître d »uvre :
-sa situation finale du 27 avril 2018
-son mémoire financier.
Il a adressé copie à M. et Mme [R] par courrier du même jour.
La réception de l’ouvrage avec réserves est intervenue le 23 mai 2018.
Par courrier électronique daté du 26 mai 2018, le maître d »uvre a communiqué le procès-verbal de réception à la société Etablissements Coddeville.
Il lui a indiqué notamment « Nous accusons réception de votre facture n° 48099 du 27 avril 2018 que vous indiquez être votre facture de solde. Toutefois votre mémoire définitif n’ayant pas été établi (article 19.5 du CCAG) et par conséquent le montant du solde définitif validé par le maître d’ouvrage n’étant pas connu, cette facture ne peut être prise en compte en l’état.
Pour la bonne forme, nous vous invitons donc à établir et à nous communiquer dans les meilleurs délais votre mémoire définitif, en prenant en compte les remarques suivantes basées sur votre facturation. »
S’en suivait un certain nombre de remarques chiffrées.
Par courrier daté du 25 juin 2018, la société Etablissements Coddeville a écrit à M. et Mme [R] : « Nous vous prions de trouver sous ce pli notre mémoire définitif du 27 avril 2018 faisant apparaître la somme de 23 199,07 euros à nous régler. Celui-ci a bien été envoyé ainsi qu’à l’architecte le 27 avril 2018.
Nous vous confirmons que lors de la signature du procès-verbal de réception en date du 23 mai 2018, aucune information n’a été donnée à ce sujet.
Nous contestons formellement le mail reçu en date du 26 mai 2018 de la part de M. [I] car les points complémentaires évoqués dans ce mail n’ont pas été abordés lors de la réception du 23 mai 2018. (‘) Nous vous mettons en demeure d’honorer ce règlement sous 8 jours à présentation du présent LRAR et ce en application de l’article 1103 et 1104 et suivants du code civil. Passé ce délai, nous cesserons toute exécution de nos prestations au titre des garanties de parfait achèvement, garantie de bon fonctionnement, garantie décennale, procéderons au retrait de nos marchandises (article 12 de nos conditions générales de vente). Faute de quoi, votre dossier fera l’objet d’un recouvrement par justice, sans préjudices des intérêts moratoires, de l’indemnisation de notre préjudice subi du fait de votre retard de paiement ainsi qu’au frais inhérents à la procédure (‘). »
Par courrier daté du 04 juillet 2018, M. [S] [R] a mis en demeure la société Coddeville de :
-réaliser sans délai les parachèvements figurant au pv de réception
-finir sans délai la remise en état des lieux
-d’adresser en temps utile à notre architecte votre demande écrite de réunion de levée des réserves ;
-de communiquer à notre architecte votre dossier des ouvrages exécutés complet suivant modalités prévues au CCAP ;
-de communiquer à notre architecte votre projet de décompte final établi en bonne et due forme, tel que le prévoit le cahier des clauses administratives conformément à l’article 19.6 du CCAG, et au plus tard dans le délai de 60 jours après la réception (soit au plus tard le 22 juillet 2018).
A toutes fins utiles et à titre indicatif, nous vous adressons en pièce jointe, le mémoire sommaire des plus et des moins concernant vos prestations, établi à ce jour par notre architecte, et sur lequel vous pourrez vous baser pour votre projet de décompte final. En cas de silence de votre part, nous établirons la liquidation du marché sur base d’un décompte établi par nos soins, suivant dispositions prévues au CCAG.
(‘)
Vous trouverez néanmoins ci-joint un chèque d’un montant de 2 000 euros, à titre d’acompte sur les règlements qu’il me reste vous devoir, dans l’attente de connaître le montant du solde définitif. (‘). »
Par courrier daté du 19 juillet 2018, la société Etablissements Coddeville a écrit à M. et Mme [R] :
« Avant de prendre en compte votre courrier du 04 juillet 2018 reçu le 09 juillet 2018, nous vous demandons de nous régler la somme retenue sur les menuiseries extérieures et le support de portail de 6925,93 euros HT soit 8311,11 euros TTC (facture 47197 du 30 juin 2017).
Dès réception de ce règlement, nous prendrons toute mesure pour satisfaire votre demande.
Nous vous prions de trouver sous ce pli notre mémoire définitif en date du 19 juillet 2018 faisant apparaître la somme de 21 199,07 euros à nous régler. »
Copie de ce courrier a été adressé à M. [I].
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 02 septembre 2018, M. [R] a notifié à la société Etablissements Coddeville le décompte définitif établi par le maître d »uvre.
La société Etablissements Coddeville a adressé un courrier daté du 04 novembre 2019 à M. et Mme [R] portant sur « l’analyse de votre proposition de DGD avec nos remarques et commentaires ci-dessous laissant un montant à payer de 21 199,07 euros TTC. »
La société Etablissements Coddeville comme M. et Mme [R] invoquent les dispositions des articles 19.5 et 19.6 du CCAG.
La société Etablissements Coddeville soutient que M. et Mme [R] sont réputés avoir accepté le mémoire définitif adressé au maître d »uvre le 27 avril 2018 tandis que M. et Mme [R] soutiennent que la société Etablissements Coddeville est réputée avoir accepté le décompte définitif qu’ils lui ont adressé par courrier daté du 02 septembre 2018.
Le tribunal a retenu que M. et Mme [R] ne sont pas réputés avoir accepté le mémoire définitif adressé au maître d »uvre le 27 avril 2018 mais sont réputés avoir accepté les observations faites par la société Etablissements Coddeville par courrier daté du 19 juillet 2018.
L’article 3.3.1 du cahier des clauses particulières mentionne qu’à la fin de son intervention sur le chantier, l’entrepreneur dressera le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquels il pourra prétendre du fait de l’exécution du marché dans son ensemble, conformément à l’article 19.6 du CCAG.
L’article 3.3.1 du cahier des clauses particulières constitue une dérogation aux dispositions de l’article 19.5.1 du CCAG en fixant une date, à laquelle l’entrepreneur doit adresser son mémoire définitif, différente de celle prévue au CCAG. Le CCAG fixe la période dans laquelle il doit communiquer le mémoire définitif à 60 jours à compter de la réception tandis que la CCAP indique qu’il doit le communiquer à la fin de son intervention.
La date de la fin de l’intervention de l’entrepreneur ne se confond pas avec la réception.
La situation finale du 27 avril 2018 et le mémoire financier du 27 avril 2018 communiqués au maître d »uvre le 27 avril 2018 s’analysent en un mémoire définitif au sens des dispositions de l’article 19.5 du CCAG.
M. et Mme [R] disposaient d’un délai s’achevant le 11 juin 2018 pour notifier à la société Etablissements Coddeville le mémoire définitif.
Cependant, il convient de constater que par courrier daté du 25 juin 2018, la société Etablissements Coddeville n’a pas mis M. et Mme [R] en demeure de lui notifier le décompte définitif mais de lui payer la somme de 23 199,07 euros dans le délai de 8 jours, contrairement aux dispositions de l’article 19.6.2.
L’absence de notification du décompte définitif au maître d’ouvrage dans le délai de 15 jours à compter de cette mise en demeure de payer la 23 199,07 euros n’entraîne pas l’acceptation tacite du mémoire définitif par la maître d’ouvrage.
Le courrier daté du 19 juillet 2018 adressé par la société Etablissements Coddeville à M. et Mme [R] ne met pas en demeure M. et Mme [R] de notifier à la société Etablissements Coddeville le décompte définitif.
Il ne constitue pas plus des observations de l’entrepreneur à un décompte général définitif signifié par M. et Mme [R].
En effet, M. et Mme [R] n’ont pas signifié à la société Etablissements Coddeville le décompte général et définitif par courrier daté du 04 juillet 2018. D’une part, il résulte de ce courrier qu’ils n’ont pas entendu signifier à la société Etablissements Coddeville un décompte général définitif puisqu’ils ont mis en demeure la société Etablissements Coddeville de notifier son mémoire définitif au maître d »uvre et indiqué qu’ils établiront un décompte général définitif en cas de silence de sa part. D’autre part, le mémoire sommaire des plus et des moins établi par l’architecte ne constitue pas un décompte général définitif.
De plus, la transmission du mémoire financier arrêté au 19 juillet 2018, identique à celui du 27 avril 2018 à l’exception de la prise en compte du paiement de la somme de 2 000 euros ne constitue pas des observations.
M. et Mme [R] ont notifié le décompte général définitif à la société Etablissements Coddeville par courrier daté du 02 septembre 2018. La société Etablissements Coddeville n’a fait valoir ses observations que par courrier daté du 04 novembre 2019.
Dès lors que M. et Mme [R] ne sont pas réputés avoir accepté le mémoire définitif notifié le 27 avril 2018 ou le 19 juillet 2018, ils peuvent se prévaloir des dispositions de l’article 19.6.3 du CCAG, bien qu’ils n’aient pas notifié le décompte général définitif dans le délai de 45 jours suivant la notification du mémoire définitif du 27 avril 2018.
La société Etablissements Coddeville n’ayant pas formé d’observations sur le décompte général définitif signifié par courrier daté du 02 septembre 2018 dans le délai de 15 jours est réputé l’avoir accepté.
Le décompte général définitif mentionne que le montant du solde du par le maître d’ouvrage à l’entreprise Coddeville après réalisation des parachèvements est de 3 337,15 euros TTC après déduction de pénalités de retard de 6 000 euros HT.
Il n’est pas établi que la société Etablissements Coddeville ait réalisé les travaux de levée des réserves.
Il convient en conséquence de débouter la société Etablissements Coddeville de sa demande de paiement.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
II) Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Succombant à l’appel, la société Etablissements Coddeville sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à M. et Mme [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
-INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
-DÉBOUTE la société Etablissements Coddeville de sa demande en paiement ;
-CONDAMNE la société Etablissements Coddeville à payer à M. [S] [R] et Mme [X] [U] épouse [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel ;
-DÉBOUTE la société Etablissements Coddeville de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-CONDAMNE la société Etablissements Coddeville aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Catherine Courteille