N° RG 22/06471 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OQ3Q
Décision du Tribunal de Commerce de Lyon en référé
du 12 septembre 2022
RG : 2022r418
S.A.S. VALUE IT
C/
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES
S.A. CREDIT LYONNAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 21 Juin 2023
APPELANTE :
SAS VALUE IT, au capital social de 200 000 euros, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro 820 750 040, dont le siège social est situé [Adresse 1] [Localité 4], représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant Me Damien MONTIBELLER, avocat au barreau de LYON, toque : 2632
INTIMÉES :
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES, SA coopérative de banque, au capital de variable, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le n° 605 520 071 LYON, dont le siège social est [Adresse 3] [Localité 5], représentée par son dirigeant domicilié en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON, toque : 654
La société anonyme CRÉDIT LYONNAIS, dont le siège social est [Adresse 2] à [Localité 5], représentée par son directeur général en exercice
Représentée par Me Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 03 Mai 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mai 2023
Date de mise à disposition : 21 Juin 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Les sociétés BPO Bioépine, Bio Lam LCD et Biosynergie sont clientes de la banque Crédit Lyonnais.
Ces sociétés ont pour prestataire de services en matière de télécommunications la société SAS Value It.
Elles ont fait des paiements au profit de la société Value It par prélèvements bancaires autorisés sur leurs comptes ouverts dans les livres du Crédit Lyonnais.
Un litige est survenu entre la société Value It et les sociétés BPO Bioépine, Bio Lam et Biosynergie.
Le président du tribunal de commerce de Saint-Etienne a autorisé les sociétés BPO Bioépine, Bio Lam et Biosynergie à pratiquer des saisies conservatoires à l’encontre de la société Value It pour sûreté de la somme totale de 1 366 629,48 euros.
13 prélèvements sur leurs comptes au Crédit Lyonnais ont été annulés à partir du 2 février 2022 au préjudice de la société Value It.
Par assignation du 25 mai 2022, la société SAS Value It a fait citer la société Le Crédit Lyonnais devant le président du tribunal de commerce de Lyon pour demander la restitution des montants des prélèvements pour un montant total de 746 066,17 euros en application de l’article 873 du Code de procédure civile au motif que ces annulations de prélèvements étaient irrégulières.
Le Crédit Lyonnais ayant conclu qu’elle n’était pas sa cliente, la société Value It a assigné d’heure à heure sa propre banque la société Banque populaire Rhône Alpes aux mêmes fins.
Par ordonnance du 12 septembre 2022, le juge des référés a’:
joint les instances’;
rejeté l’ensemble des demandes de la société Value It’;
condamné la société Value It à régler à chacune des sociétés Le Crédit Lyonnais (LCL) et la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (BP Aura) la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile’;
condamné la société Value It aux dépens.
Le juge a retenu en substance que’:
la société Value It est un tiers par rapport au Crédit Lyonnais qui n’est pas sa banque. Elle n’est pas concernée par ses différends avec ses clients BPO Bioépine, Bio Lam LCD et Biosynergie qui ne sont d’ailleurs pas dans l’instance.
pour la BP Aura’: les donneurs d’ordres des rappels de fonds sont les clients de la société Value It, les banques ne faisant qu’exécuter les ordres. Ces rejets ne sont pas en cause au niveau des services des paiements mais sont en rapport avec le litige au fond qui oppose Value It à ses clientes les sociétés du groupe Biogroup. La BP Aura, en contre-passant les montants rappelés par la banque Crédit Lyonnais sur ordre des sociétés de Biogroup, n’a fait que respecter les termes de la convention qu’elle a conclu avec la société Value It qui prévoit «’le client autorise la banque à contre-passer au débit de son compte les virements SEPA reçus à tort et faisant l’objet d’une opération d’annulation émise par la banque du donneur d’ordre, en cas d’erreur avérée de cette dernière, en cas d’erreur du donneur d’ordre justifiée par sa banque ou en cas de fraude avérée’». La banque Aura n’avait pas à juger de la raison des recalls. Les conditions des articles 872, 873 alinéa 1 et 873 alinéa 2 ne sont pas remplies.
l’urgence n’est pas caractérisée, les assignations ayant été délivrées plus de deux mois après les recalls.
Appel a été interjeté par déclaration électronique le 27 septembre 2022 par le conseil de la SAS Value It à l’encontre des entières dispositions de l’ordonnance.
L’affaire a été, en application des articles 905 à 905-2 du Code de procédure civile, à bref délai et les plaidoiries ont été fixées au 3 mai 2023 à 9 heures.
Suivant ses dernières conclusions n°2 notifiées par RPVA le 10 février 2023, la SAS Value It demande à la Cour de’:
Vu l’article 873 du Code de procédure civile, L 133-24 et -25 du Code monétaire et financier,
juger recevable et bien fondé son appel’;
réformer l’ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau’:
juger que la banque LCL a initié une procédure bancaire visant à obtenir l’annulation et le remboursement d’opérations de prélèvements passés à son bénéfice pour un montant total de 746 066,17 euros et selon le détail suivant’:
*prélèvements rejetés en février 2022′:
annulation du prélèvement de la somme de 74 435,64 euros payée le 1er février par Biosynergie,
annulation du prélèvement de la somme de 68 785,56 euros payée le 1er février par Bioépine,
annulation du prélèvement de la somme de 122 408,89 euros payée le 28 janvier par Biolam Lcd.
*opérations de paiement annulées/remboursées le 6 avril 2022 à la demande de Bioépine’:
annulation du prélèvement de la somme de 65,10 euros du 20 décembre 2021,
annulation du prélèvement de la somme de 25 242,19 euros du 5 décembre 2021,
annulation du prélèvement de la somme de 26 956,27 euros du 5 janvier 2022,
annulation du prélèvement de la somme de 70 275,43 euros du 6 janvier 2022.
*opérations de paiement annulées/remboursées à la demande de Biosynergie le 7 avril 2022′:
annulation du prélèvement de la somme de 25 015,35 euros du 5 janvier 2022,
annulation du prélèvement de la somme de 73 738,43 euros du 6 janvier 2022.
* opérations de paiement annulées le 14 avril 2022 à la demande de la société Biolam Lcd’:
annulation du prélèvement de la somme de 124 745,51 euros du 6 janvier 2022,
annulation du prélèvement de la somme de 45 339,60 euros du 5 janvier 2022,
annulation du prélèvement de la somme de 45 339,60 euros du 5 janvier 2022,
annulation du prélèvement de la somme de 43 718,75 euros du 5 janvier 2022.
Soit la somme totale de 746 066,17 euros
juger que la LCL a mené une procédure de recall n’entrant pas dans le cadre légal prévu par le Code monétaire et financier ;
juger que la BP Aura n’aurait jamais dû procéder au remboursement des sommes susvisées au LCL sans son accord préalable ;
juger qu’elle est fondée à obtenir une provision équivalente aux sommes remboursées sans son accord au LCL et qu’une telle demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
En conséquence,
condamner in solidum la BP Aura et LCL à lui payer le montant de 746 066,17 euros correspondant à l’ensemble des sommes remboursées à tort au LCL,
rejeter les demandes de la BP Aura pour obtenir la rétractation de l’ordonnance du 23 juin 2022 l’ayant autorisée d’assigner d’heure à heure et à obtenir sa condamnation pour procédure abusive,
les condamner in solidum à lui payer 40 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.
L’appelante fait notamment valoir que’:
le LCL a utilisé la procédure de recall ou refund pour récupérer une somme pour le compte de ses trois clientes. La BP Aura a remboursé le LCL. Son compte a donc été débité et sans son accord prétextant qu’elle ne pouvait s’y opposer. La procédure de recall nécessite l’accord du bénéficiaire des prélèvements. Cette procédure n’a qu’un objet’: réparer les fraudes bancaires. Elle n’a pas pour objet de régler un différend commercial. Deux mises en demeure ont été adressées au LCL pour l’alerter de l’illégalité de la procédure. Il n’y a pas été donné suite. Se trouvant dans une situation financière très compliquée, elle a engagé son référé afin de faire constater le trouble manifestement illicite contre le LCL et obtenir restitution des sommes remboursées.
Elle ne souhaitait pas engager immédiatement une procédure contre son partenaire financier la BP Aura, pensant qu’elle la soutiendrait. Cela ressort de ses mails du 6 avril 2022. la Banque populaire l’avait soutenue avec succès dans un précédent cas. Elle n’avait pas de raison de penser que sa banque aurait changé de position entraînant un découvert de 386 047,58 euros. Le 10 mai 2022, elle a été sommée de couvrir ce découvert. Elle lui a répondu par courriers que la situation était anormale. Sa banque a mis fin à son contrat en dénonçant l’ensemble de ses concours bancaires. Au 31 mai 2022, son découvert était encore de 160 241,29 euros. Sa banque a donc révoqué son découvert autorisé le 1er juin 2022. Cela justifie de l’assigner en référé.
La motivation du juge est contestable’:
*le litige porte exclusivement sur le respect du droit bancaire sur la procédure de recall.
*ces règles ne relèvent pas du juge du fond. Leur violation est claire.
*l’ordre de remboursement des prélèvements bancaires par la BP Aura n’a jamais été donné par les sociétés de Biogroup. C’est le LCL qui après avoir remboursé ses clientes a demandé à la BP Aura de la rembourser des fonds reçus. La banque BP Aura a procédé à un nouvel ordre de paiement sans son accord. Le juge des référés a très mal interprété les conditions générales de la convention de compte. Aucune clause ne la dispensait de son accord.
L’urgence n’est pas imposée par l’article 873 al 2 du Code de procédure civile et en outre, il y avait urgence.
Ce qui ne souffre d’aucune contestation c’est le fait pour la BP Aura d’avoir accepté de rembourser le LCL sans son accord.
Les deux banques sont responsables de la situation’: ce sont les remboursements de prélèvements d’avril 2022 qui ont généré le découvert significatif et la révocation de ses concours bancaires.
Les procédures commerciales contre les sociétés de Biogroup ne sont pas au coeur de cette procédure, le litige étant purement bancaire. Les banques sont sorties de leur champ d’action et ont pris parti dans un litige qui ne les regarde pas.
La BP Aura n’a pas demandé l’infirmation de l’ordonnance d’autorisation d’heure à heure et a été d’accord pour la jonction des procédures.
La créance de restitution est non sérieusement contestable et la procédure de Recall par LCL est un trouble manifestement illicite au regard de l’article L 133-18 Code monétaire et financier et L 133-24. La contre-passation d’une opération de paiement selon la Cour de cassation est elle-même une opération de paiement. Elle doit être autorisée par le bénéficiaire du paiement qui devient payeur. La BP Aura a payé 746 066,17 euros correspondant à des prélèvements bancaires autorisés et réalisés à son bénéfice.
Sur les conditions générales de vente’: il n’est pas prouvé qu’elles les ai acceptées les envois automatiques dans le cadre du fonctionnement du compte ne sont pas suffisants. En outre, elles portent sur des virements bancaires non autorisés. Or, en l’espèce il s’agit de prélèvements bancaires. Il n’est rien prévu pour les remboursements de prélèvements Sepa. Les prélèvements ont tous été autorisés ce que le LCL n’a pas contesté. La réglementation sur les virements non autorisés n’est pas applicable. En outre, il s’agit de cas très limités. Il ne s’agit pas d’une erreur de la banque, le donneur d’ordre est Value It donc la question d’une erreur du donneur d’ordre est hors sujet. Pour la fraude, il s’agit d’une procédure de recall initiée en raison d’un litige purement commercial. La BP Aura est mandataire de sa cliente. Elle n’a pas fait qu’exécuter un remboursement. Les sommes étaient inscrites au crédit de son compte. En autorisant la contre-passation, la banque populaire a réalisé une opération de paiement sans son accord.
Pour le délai de contestation’ en application de l’article 3.4 des conditions générales’: cela concerne les conditions tarifaires.
Pour la banque LCL’:’une banque n’est pas exonérée de ses obligations même à l’égard des tiers. LCL s’est fait rembourser en violation des règles bancaires. LCL s’est fondé sur l’article L 133-24 du Code monétaire et financier sur le remboursement des opérations de paiement non autorisées. Or, elles ont toutes été autorisées. Ainsi, seul l’article L 133-25 du même code s’applique et aucune des conditions prescrites n’est remplie. Les prélèvements dataient de décembre 2021 et janvier 2022. le remboursement est opéré en avril 2022. Le fait d’agir sans tarder fait défaut. Les sociétés de Biogroup en avaient forcément connaissance par les relevés de comptes mensuels du LCL. Elle a donc accepté de s’exécuter en violation de l’article L 133-24 du Code monétaire et financier.
Les prélèvements étaient autorisés par le payeur par mandat de prélèvement. Il y avait des paiements par prélèvements récurrents. Ces prélèvements n’ont pas été mal exécutés.
Pour l’article L 133-25′ du Code monétaire et financier pour les remboursements de prélèvements autorisés’:’ il y a des conditions cumulatives’: l’autorisation n’indiquait pas le montant exact de l’opération de paiement et le montant de l’opération dépassait le montant auquel le payeur pouvait s’attendre raisonnablement en tenant compte du profil de ses dépenses passées, des conditions de son contrat cadre et des circonstances propres à l’opération. Ce droit au remboursement est inconditionnel. Mais, il y a une condition de délai’: 8 semaines à compter du débit (avant le 9 février 2022). Toutes les demandes de remboursement portent sur des prélèvements antérieurs à cette date. Il est faux de dire que le délai de 8 semaines ne s’imposerait pas à la banque. La banque a 10 jours ouvrable pour vérifier la demande.
Il n’y a pas abus de procédure’: elle a entendu uniquement préserver ses intérêts et obtenir le retour de l’indu.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 janvier 2023, la SA Crédit Lyonnais demande à la Cour de’:
confirmer l’ordonnance attaquée.
Y ajoutant,
condamner la société Value It à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens d’appel en application de l’article 699 du même code au bénéfice de Maître Buisson, avocat.
Le Crédit Lyonnais soutient essentiellement que’:
elle n’a pas d’obligations à l’égard de la société Value It. Il lui appartient d’assigner ses cocontractantes qui sont à l’origine de l’ordre. En réalité, il ne s’agit pas d’annulations comme nommées par l’appelante mais de trois rejets de prélèvements et de dix remboursements de prélèvements.
le rejet de prélèvement est consécutif à une suspension ou une révocation de l’ordre de paiement de la part du payeur qui est souverain pour l’ordonner et mettre un terme à l’autorisation.
La société Value It n’a pas produit ses factures correspondant aux trois prélèvements et elle ne précise pas en quoi le Crédit Lyonnais aurait dû passer outre les refus.
Le remboursement d’un prélèvement est en application de l’article L 133-25 du Code monétaire et financier un droit inconditionnel du payeur. Le délai de 8 semaines pour demander le remboursement s’impose au payeur et non à la banque.
Le trouble dont se plaint la société Value It n’est pas le fait du Crédit Lyonnais mais celui des sociétés du groupe Biogroup. Il n’est pas prouvé que ce trouble soit illicite. Certains prélèvements sont frauduleux car la saisie conservatoire a été autorisée pour 1 366 629,48 euros. Le juge des référés n’a pas le pouvoir de prononcer d’autres mesures que des mesures conservatoires ou de remises en état. Le Crédit Lyonnais n’a jamais été débiteur à l’égard de Value It. Son obligation de payer n’est pas non sérieusement contestable. Le montant des rejets et des remboursements n’appartient qu’aux sociétés donneurs d’ordre que Value It s’abstient de poursuivre évitant d’avoir à donner des explications sur le fait qu’elle a prélevé deux fois la même somme de 45 339, 60 euros et deux fois la somme de 43 718,75 euros sur le compte de Bio Lam, deux fois la somme de 26 956,27 euros sur le compte de Bioépine et deux fois la somme de 25 015,35 euros sur le compte de Biosynergie. Le Crédit Lyonnais est tenue au secret professionnel vis à vis de ses clientes et ne peut en dire plus.
Value It n’a pas commenté le fait que certaines factures semblaient être frauduleuses. La fraude corrompt tout.
Suivant ses dernières conclusions n°2 notifiées le 13 mars 2022 par RPVA, la Banque populaire Rhône Alpes demande à la Cour de’:
Vu les articles 872 du Code de procédure civile et L 133-8 du Code monétaire et financier,
confirmer l’ordonnance.
in limine litis,
juger que l’urgence n’est pas caractérisée,
rétracter l’ordonnance portant autorisation et à tout le moins la réformer,
juger qu’en tout état de cause l’urgence de l’article 872 du Code de procédure civile n’est pas caractérisée,
déclarer irrecevable la présente instance.
A titre principal,
juger que la société Value It s’est comportée de manière déloyale envers elle réclamant deux fois le montant du prétendu préjudice une fois à elle et une fois à LCL,
la débouter de ses demandes.
A titre subsidiaire,
juger qu’il existe des contestations sérieuses quant aux demandes de la société Value It,
déclarer irrecevable la présente instance,
renvoyer la société Value It à mieux se pourvoir,
la condamner à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
outre 7 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en sus de la première instance ainsi que les entiers dépens de l’instance.
La BP Aura fait notamment valoir que’:
La SAS Value It est sa cliente et a un litige avec les sociétés Biogroup depuis plusieurs mois. Celles-ci ont résilié le contrat avec elle. Leur instance est toujours en cours au tribunal de commerce de Saint-Etienne. Les sociétés du groupe Biogroup ont demandé à leur banque LCL de rejeter les prélèvements dont les sommes ont été encaissées par Value It sur ses comptes dans ses livres. La révocation de ces ordres de virement a entraîné des restitutions. La BP Aura n’est pas à l’origine du rappel des fonds et n’a pas à s’en faire juge. La société Value It agit sur le fondement de l’article L 133-18 du CMF pour prétendre que le rappel des fonds est irrégulier. Or, la BP Aura ne fait que respecter la convention signée avec sa cliente. Value It ne donne aucun élément sur la procédure principale.
Un référé d’heure à heure a été autorisé sans urgence démontrée. Les premiers rejets sont intervenus en février 2022 jusqu’en avril 2022. Des procédures au fond ont eu lieu. Le but était uniquement de priver la BP Aura d’un temps nécessaire à la préparation de sa défense.
La banque LCL n’était pas non plus dans la cause au départ ni les sociétés de Biogroup. Elle n’a appris que le 29 juin 2022 que la banque LCL avait été assignée par ailleurs le 25 mai 2022. Il s’agit d’une déloyauté procédurale. La société Value It ne l’a pas indiqué dans son assignation alors que la société LCL mettait clairement à mal son argumentation. La banque LCL ne met nullement en cause BP Aura.Il est réclamé les mêmes sommes aux deux banques. Elle espérait sans doute fallacieusement obtenir deux fois la même somme de 746 066,17 euros. Elle a cherché à tromper la vigilance du tribunal. Le sort de la première instance n’a jamais été justifié.
En appel, la société Value It essaie de créer une difficulté juridique procédurale mais le premier juge a bien dit que Value It ne démontrait pas l’urgence. Il y a une confusion entre l’ordonnance d’autorisation d’heure à heure et l’ordonnance de référé. L’urgence ne saurait se déduire d’un besoin de fonds. C’est l’urgence à régler la cause du litige qui est concernée, à savoir les recalls, lesquels renvoient au fond du litige à le supposer toujours en cours.
Les annulations de prélèvement par les sociétés Biogroup ont été faites à la banque LCL, laquelle a sollicité à la BP Aura le rappel des fonds. Si les fonds étaient restitués ce serait à LCL de le faire, pas à BP Aura. En assignant les banques, Value It espère contourner l’obstacle de l’opposition par les sociétés Biogroup. Ce ne sont pas les banques ses débitrices elles ne sont que des intermédiaires de moyens de paiement. Il s’agit d’une tentative d’escroquerie au jugement. Il n’existe aucun manquement évident de sa part dans son rôle de gestionnaire de compte.
Elle n’a fait que répondre à la banque LCL qui faisait des recalls. Conformément aux règles légales et contractuelles, elle n’a pu que contre-passer les montants rappelés. Value It a agi en juin 2022 alors que les recalls datent pour les derniers d’avril 2022. Or, dès le 4 mars 2022, elle a assigné les sociétés du groupe Biogroup pour contester des saisies. Elle prétend de mauvaise foi que les conditions générales ne lui sont pas opposables. Elle tente de jouer sur les mots en indiquant que les opérations n’étaient pas des virements mais des prélèvements. Or, ils répondent à la même réglementation il s’agit d’opérations de paiement non autorisées. Il est enfin soutenu que la contre-passation déprendrait de trois cas limitatifs mais ce n’est pas la BP Aura qui les a initiés. La seule question est de savoir si les sociétés de Biogroup ont formulé des oppositions justifiées sachant que les banques n’ont pas à en être le juge. Cela suppose de les examiner. Or, il n’y a pas d’élément. L’accord de Value It n’avait pas à être recherché contrairement à ce qu’elle soutient.
À titre surabondant, la contestation des opérations doit intervenir sous 30 jours à compter des relevés de comptes (article 3.4). Tel n’a pas été le cas.
La procédure est abusive’: la BP Aura a été otage du litige. Les opérations datent de plusieurs mois et il n’y a eu aucun préalable. La demande au titre des frais irrépétibles à hauteur de 40 000 euros est grotesque car la société Value It est déloyale.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du Code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 3 mai 2023 à 9 heures.
Par conclusions notifiées le 2 mai 2023 à 17h39, le conseil de la banque BP Aura a sollicité le rejet des dernières conclusions dites récapitulatives de la société Value It notifiées par RPVA le 2 mai 2023 à 17h08 pour l’audience du lendemain à 9 heures alors que cette audience était prévue depuis le 23 novembre 2022 et qu’elle-même avait conclu le 13 mars 2023, ce qui laissait du temps pour le conseil de la société Value It de respecter le principe du contradictoire en concluant avant et alors que la banque LCL avait conclu bien avant. Il est demandé d’écarter au visa de l’article 16 du Code de procédure civile ces dernières conclusions en réservant les frais irrépétibles et les dépens avec la procédure au fond.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 21 juin 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la demande de rejet par la société BP Aura des dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA par la société Value It le 2 mai 2023 à 17h08
Selon les articles 15 et 16 du Code de procédure civile, «’les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utiles les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement…».
Après en avoir délibéré, la Cour écarte les conclusions dites récapitulatives de l’appelante notifiées tardivement le 2 mai 2023 à 17h08 pour violation du principe du contradictoire dans la mesure où’:
la société Value It connaissait la date de l’audience le 3 mai 2023 à 9 heures depuis le 23 novembre 2022,
qu’après avoir conclu au fond le 21 décembre 2022, le LCL a conclu le 16 janvier 2023, la société Valut It a répondu le 10 février 2023 puis la BP Aura a reconclu le 13 mars 2023.
l’appelante a donc à dessein attendu la veille de l’audience alors qu’elle avait largement le temps de répondre courant du mois d’avril ce qui aurait permis à ses contradicteurs d’exercer leurs droits.
en concluant le 2 mai 2023 à moins de 24 heures de l’audience en apportant plusieurs modifications, elle a mis les intimés dans l’impossibilité de recueillir les observations de leurs clientes respectives sur les éléments nouveaux et de rédiger et notifier des conclusions en réplique éventuellement.
en notifiant tardivement ce troisième jeu de conclusions, l’appelante, qui ne peut ignorer l’état très chargé des rôles d’audience de la Cour, n’a pas respecté le principe du contradictoire tant vis à vis des contradicteurs que de la juridiction. Ce mode de fonctionnement ne peut qu’être sanctionné.
En conséquence, en application des articles 15 et 16 du Code de procédure civile, il y a lieu de faire droit à la demande de la société Banque BP Aura et d’écarter les dernières conclusions de la société Value It notifiées le 2 mai 2023 à 17h08
Ainsi, la Cour s’en tient aux conclusions de Value It notifiées par RPVA le 10 février 2023 qui comportaient déjà la pièce 36 dans son bordereau.
Sur la demande de réformation de l’ordonnance de référé de la société Value It
Selon l’article 484 du Code de procédure civile, «’l’ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires’».
Le juge des référés ne peut pas trancher des questions de fond. Il est le juge de l’évidence et de l’urgence. Statuant au provisoire, il ne peut prononcer des mesures définitives.
Selon l’article 872 du Code de procédure civile, «’dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend’».
Selon l’article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile : « Le président peut (‘), même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite’».
Ainsi, juge des référés peut prendre toutes mesures qu’il estime nécessaire pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que’« Le président peut (‘) dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’».
L’article 9 du Code de procédure civile dispose que’: «’Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’». L’article 1353 du Code civil dispose que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. »
La société Value It fait valoir qu’elle se situe strictement sur la violation des lois bancaires par les banques.
Dans le dispositif de ses conclusions, elle argumente sur le trouble manifestement illicite s’agissant du LCL qui est un tiers par rapport à elle, ce qui justifierait une mesure de remise en état par la condamnation à lui restituer in solidum avec la BP Aura la somme d’un montant de 746 066,17 euros. Le fondement de sa demande en référé est donc l’article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile qui permet au juge des référés d’intervenir même en présence de contestations sérieuses. Dès lors, le fait qu’elle n’a pas attrait les sociétés du groupe Biogroup et qu’il existe un contentieux commercial pendant devant le tribunal de commerce entre elles est non pertinent pour faire échec à l’application de ce fondement juridique.
S’agissant de la banque BP Aura, sa cocontractante, la société Value It articule sa demande sur le fondement de l’article 873 al 2 du Code de procédure civile en demandant une provision qui ne se heurterait à aucune contestation sérieuse, la banque BP Aura n’ayant pas appliqué convenablement ni le Code monétaire et financier, ni leur convention bancaire.
Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par la banque BP Aura, il ne peut être reproché à la société Value It de ne pas avoir caractérisé la notion d’urgence, l’appelante ne s’étant pas fondée sur l’article 872 du Code de procédure civile. Par ailleurs, il ne peut être tirée aucune conséquence du fait qu’elle n’aurait pas suffisamment étayé la notion d’urgence pour obtenir une autorisation de l’assigner d’heure à heure car d’une part cette autorisation du juge des référés est sans recours et d’autre part elle a assigné d’heure à heure la BP Aura pour l’audience du 29 juin 2022 suivant autorisation du 23 juin 2022 alors que celle-ci avait adressé à la société Value It la résiliation de tous ses concours bancaires suivant courrier reçu le 1 er juin 2022 et ce à l’issue d’un délai de 60 jours, ce qui la mettait en situation financière très difficile.
Ainsi, la demande de la BP Aura aux fins de rétractation ou de réformation de l’autorisation d’assigner d’heure à heure du 23 juin 2022 est rejetée tout comme sa demande dite «’d’irrecevabilité de l’instance’» qui ne repose sur aucun fondement juridique précis.
Sur la demande de la société Value It contre la banque LCL
Il importe peu que les sociétés du groupe Biogroup ne soient pas dans cette cause car la seule question qui est soumise à la Cour statuant en référé est de savoir si la banque LCL a commis un trouble manifestement illicite au préjudice de la société Value It par violation du droit bancaire pour avoir répondu favorablement aux demandes d’annulation de l’autorisation de prélèvement par ses clientes en février 2022 en faisant fi des conditions légales et pour avoir sollicité la banque BP Aura pour des remboursements de prélèvements en avril 2022.
Contrairement à ce qu’il a pu être soutenu dans certains paragraphes des écritures de LCL, les prélèvements faisaient tous l’objet d’une autorisation de prélèvement générale et permanente par les sociétés du groupe Biogroup en faveur de la société Value It.
Il est constant et non contesté que les opérations contestées sont trois rejets de prélèvements et dix remboursements de prélèvements pour la somme totale de 746 066,17 euros.
Le rejet d’un prélèvement provient d’une suspension ou d’une révocation de l’ordre de paiement par le payeur. S’il y avait une autorisation de prélèvement au bénéfice de la société Value It eu égard aux relations commerciales habituelles entre Value It et les trois sociétés du groupe Biogroup, cette autorisation peut faire l’objet d’une révocation conduisant au rejet des prélèvements. Ce droit est à la discrétion du payeur. Cela figure sur la pièce n°22 de la société Value It sous la mention «’REJ PRLV’»’:
le 1er février 2022 la société Biosynergie a procédé à un rejet d’un prélèvement d’un montant de 74 435,64 euros payé le même jour,
le 2 février 2022 la société BPO-Bioepin a procédé à un rejet de prélèvement d’un montant de 68 785,56 euros payé la veille et la société Bio Lam-LCD a procédé de même pour un montant de 122 408,89 euros payé le 28 janvier 2022.
Le montant total est de 265 630,09 euros
La société Value It ne dit pas en quoi la banque LCL aurait pu s’opposer à ces demandes de rejet de prélèvements par ces clientes ni en quoi il n’aurait pas respecté le Code monétaire et financier. Le trouble manifestement illicite pour ces trois rejets de prélèvement n’est pas établi avec toute l’évidence requise. La demande de condamnation de la société Value It à l’encontre de la banque LCL à lui payer une provision de 265 630,09 euros est irrecevable d’autant que le texte sur les demandes de provision suppose non pas l’établissement d’un trouble manifestement illicite mais la démonstration d’une obligation non sérieusement contestable. Or, le LCL est un tiers par rapport à Value IT.
Pour les autres opérations, il s’agit de recalls intervenus en avril 2022. Il apparaissent pour dix opérations sur le compte bancaire de la société Value It sous la mention «’REMBOURSEM’» (pièce 24 de la société appelante). Il s’agit de remboursement de prélèvements.
Ce droit des payeurs est qualifié d’inconditionnel par l’article L 133-35-1 du Code monétaire et financier. Toutefois, il est précisé qu’il est inconditionnel dans les délais fixés par l’article L 133-25 du même code. Or, la société Value It reproche au LCL de n’avoir pas respecté le délai de 8 semaines à compter de la date à laquelle les fonds ont été débités. L’article L 133-25 stipule «’le payeur a droit au remboursement par son prestataire de services de paiement d’une opération de paiement autorisée ordonnée par le bénéficiaire ou par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire, si l’autorisation donnée n’indiquait pas le montant exact de l’opération de paiement et si le montant de l’opération dépassait le montant auquel le payeur pouvait raisonnablement s’attendre en tenant compte du profil de ses dépenses passées, des conditions prévues par son contrat-cadre et des circonstances propres à l’opération.
A la demande du prestataire de services de paiement, le payeur fournit tous les éléments au remboursement demandé.
Le payeur doit présenter sa demande de remboursement avant l’expiration d’un délai de huit semaines à compter de la date où les fonds ont été débités.
En l’espèce les quatre opérations de remboursement du 5 avril 2022, effectives le 6, sont en lien avec des prélèvements opérés en décembre 2021 et janvier 2022. Les deux opérations du 6 avril 2022 effectives le 7 sont en lien avec des prélèvements intervenus les 5 et 6 janvier 2022. Enfin les quatre opérations de remboursement des 13 et 14 avril 2022 effectives le 14 sont en lien avec des prélèvements de 5 et 6 janvier 2021.
Ainsi, ces demandes de remboursement pour un montant total de 480 436,08 euros ont eu lieu plus de 8 semaines après le débit des sommes ce qui n’est au final pas contesté par la banque LCL.
Le délai de huit semaines s’impose aux clients qui sollicitent remboursement. En revanche, il n’est mentionné aucune obligation légale à la charge de la banque ni aucune sanction en cas de non-respect par la banque de ce délai de huit semaines.
Ainsi, il ne saurait être tiré du fait que la banque LCL n’ait pas respecté elle-même le délai de huit semaines et qu’elle ait fait droit à la demande de remboursement en payant ses clientes, en enclenchant la procédure de Recall auprès de la BP Aura l’existence d’un trouble manifestement illicite. La société Value It procède par voie d’affirmation lorsqu’elle soutient qu’il «’va de soi’que le banquier ne peut pas faire droit à une demande de remboursement qui a fait fi du délai’».
En tout état de cause, la société Value It ne peut pas obtenir la condamnation de la banque LCL au paiement in solidum d’une provision sur le fondement d’un trouble manifestement illicite car il s’agit de deux fondements légaux distincts. Dans le cas d’un référé provision, il s’agit de démontrer une obligation de paiement non sérieusement contestable. Dans le cadre de la cessation d’un trouble manifestement illicite, seule des mesures conservatoires ou de remise en état peuvent être prononcée pour mettre fin au trouble manifestement illicite.
Dans le présent cas, la société Value It ne soutient pas que la banque LCL a une obligation contractuelle ou extracontractuelle non sérieusement contestable à son endroit.
Ainsi la Cour confirme qu’il n’y a pas lieu à référé sur la demande de provision de la société Value It à l’encontre de la banque LCL.
Sur la demande de provision de la société Value It à l’encontre de la banque BP Aura
La société Value It indique que la banque BP Aura ne lui a pas demandé son accord pour contre-passer les écritures.
La Cour constate qu’il y a deux types d’opérations critiquées: trois rejets de prélèvements et dix demandes de remboursements de prélèvements.
La société Value It ne dit pas en quoi dans ses conclusions la banque BP Aura a manqué au respect des règles du Code monétaire et financier ou de leurs engagements contractuels pour les trois opérations de rejet de prélèvement de début février 2022 pour un montant total de 265 630,09 euros. D’ailleurs, dans ses conclusions (page 8), la société Value It ne se focalise que sur les remboursements qu’elle qualifie d’indus. Elle se prévaut d’un courriel du 6 avril 2022 à sa banque soit le premier jour des remboursements intervenus (sa pièce 27) pour dater sa contestation. Elle ne se prévaut pas d’un courrier de contestation pour les opérations de rejet de prélèvement de début février 2022.
S’agissant des dix opérations de remboursement de prélèvement d’avril 2022, la banque BP Aura, confortée par la banque LCL, soutient que la société Value it feint d’ignorer que son accord n’avait pas besoin d’être recueilli car les conditions de la procédure de recall étaient remplies et que la société Value It est soumise à des conditions générales contractuelles de vente qui stipulent que «’le client autorise la banque à contre-passer au débit de son compte des virements SEPA reçues à tort et faisant l’objet d’une opération d’annulation émise par la banque du donneur d’ordre’».
Or, comme le fait valoir la société Value It, la banque BP Aura n’a pas versé les conditions générales de vente qui lui seraient opposables en ce qu’elle les aurait signées et acceptées. Ce point est exact car la BP Aura n’a versé qu’une unique pièce intitulée conditions générales de la banque. En réalité, il s’agit des conditions générales de compte courant visant une date au 30 juin 2022 en bas de chaque page, soit postérieurement aux remboursements litigieux d’avril 2022, dont rien n’indique qu’il s’agit des conditions s’appliquant à la société Value It.
En tout état de cause, le process de contre-passation avec autorisation tacite du client pour les virements SEPA au crédit du compte est, comme le note la société Value It, limité aux cas où les annulations émises par la banque du donneur d’ordre le sont en raison d’une erreur de la banque, d’une erreur du donneur d’ordre justifiée par sa banque, ou en cas de fraude avérée.
Ainsi, il appartient à la Banque BP Aura de démontrer qu’elle a parfaitement respecté ses engagements contractuels car pour se passer de l’autorisation expresse de sa cliente comme étant présumée donnée par avance, elle doit se trouver dans certains cas limitatifs.
La société Value It soutient en effet avec raison que la banque BP Aura ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’avait pas à juger des motifs de l’opposition. La Banque BP Aura ne peut contrepasser les virements au crédit du compte de sa cliente sans son autorisation expresse que pour certaines oppositions’: notamment l’erreur du donneur d’ordre mais à condition de s’assurer qu’elle a été justifiée ou en cas de fraude avérée ce qui suppose un minimum de vérifications. Or, Si elle n’a pas à se faire juge des arguments des sociétés de Biogroup, la banque BP Aura doit a minima formellement solliciter les justifications qui ont été présentées à la banque des donneurs d’ordre pour soutenir qu’il y a eu une erreur justifiée ou une fraude avérée. Comme elle l’expose elle-même, la Banque BP Aura n’a fait qu’appliquer les recalls initiés par la banque LCL. La banque BP Aura ne soutient, ni n’allègue avoir été confrontée à une demande de recall pour fraude avérée ou pour erreur justifiée par le donneur d’ordre. Elle ne soutient ni n’allègue avoir reçu spontanément et/ou reçu des éléments donnant corps à un cas de fraude avérée ou d’erreur justifiée. Elle a procédé au remboursement sans autorisation de la société Value It qui devenait payeur les sommes se trouvant au crédit de son compte depuis plusieurs mois sans exercer le moindre contrôle non pas du bien-fondé des demandes de remboursement mais du fait qu’elles correspondaient à un cas d’erreur justifiée ou de fraude avérée.
La Banque BP Aura prétend que le client est tenu par un délai d’un mois pour contester les opérations sur son compte, l’absence de contestation dans ce délai équivalant à une acceptation des modifications. La société Value It fait valoir qu’il s’agit en réalité d’une stipulation relative aux conditions tarifaires.
En tout état de cause, si le délai d’un mois dont la banque BP Aura se prévaut s’applique, tel est bien le cas pour les rejets de prélèvements des 1er et 2 février 2022, mais pas pour les dix opérations de remboursements d’avril 2022, la société Value It se prévalant de son mail du 6 avril 2022 valant contestations.
Ainsi, il n’existe pas de contestation sérieuse quant à la mauvaise exécution de ses engagements contractuels par la banque BP Aura à l’égard de la société Value It mais uniquement sur les dix opérations de remboursement contestées d’avril 2022.
La société Value It sollicite une condamnation à provision à valoir sur son préjudice d’un montant de 746 0066,17 euros incluant à tort le montant des rejets de prélèvements de février 2022.
Le montant non sériseusement contestable de l’obligation de rembourser la société Value It est de 480 436,23 euros . La Cour infirme l’ordonnance déférée et statuant à nouveau condamne la banque BP Aura à payer à la société Value la provision de 480 486,23 euros euros.
Sur la demande indemnitaire la société BP Aura au titre de la procédure abusive
La Cour ayant accueilli partiellement la demande de provision de la société Value It contre la banque BP Aura, la demande indemnitaire de la BP Aura au titre de la procédure abusive ne peut qu’être rejetée.
Sur les demandes accessoires
La société Value It qui a succombé en son appel à l’encontre de la banque LCL doit supporter les entiers dépens du LCL. La Cour déboute la société Value It de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens à l’encontre de la société LCL.
La Cour autorise Maître Buisson qui en a fait la demande expresse à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.
La Banque BP Aura, qui succombe,doit supporter ses propres dépens et ceux de la société Value It tant en première instance qu’en appel.
La Cour déboute la Banque Aura de ses demandes accessoires.
En équité, la Cour confirme la condamnation de la société Value It en faveur de la banque LCL au titre des frais irrépétibles en première instance et y ajoute une somme de 2 000 euros à hauteur d’appel.
La Cour fait droit partiellement à la demande de la société Value It au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à l’encontre de la banque BP Aura en la ramenant à de plus justes proportions.
En conséquence, la Cour condamne la banque BP Aura à payer à la société Value It la somme de 8 000 euros pour les deux instances en infirmant l’ordonnance sur les frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Fait droit à la demande de la société Banque SA Banque populaire Rhône Alpes et écarte les dernières conclusions de la société SAS Value It notifiées le 2 mai 2023 à 17h08,
Dit qu’elle n’est saisie que des conclusions de la société SAS Value It notifiées par RPVA le 10 février 2023,
Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la demande de la société SAS Value It à l’encontre de la Banque SA Crédit lyonnais LCL en précisant qu’il n’y a pas lieu à référé,
Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné la société SAS Value It à payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à la banque SA Crédit lyonnais LCL et aux dépens de première instance de la banque LCL.
Y ajoutant,
Condamne la société SAS Value It à payer les dépens d’appel de la société SA Crédit lyonnais LCL,
Autorise Maître Buisson à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile,
Condamne la société SAS Value It à payer à la banque SA Crédit lyonnais LCL la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Rejette la demande de rétractation et de réformation de l’ordonnance portant autorisation d’assigner d’heure à heure du 23 juin 2022 présentée par la banque SA Banque populaire Rhône Alpes,
Rejette la demande d’irrecevabilité de la présente instance telle que présentée par la banque SA Banque populaire Rhône Alpes,
Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté les demandes de la société SAS Value It à l’encontre de la banque SA Banque populaire Rhône Alpes y compris sur les frais irrépétibles et les dépens.
Statuant à nouveau et faisant droit partiellement à la demande provisionnelle de la société SAS Value It,
Condamne la banque SA Banque populaire Rhône Alpes à payer à la société SAS Value It la provision de 480 436,23 euros,
Y ajoutant,
Déboute la banque SA Banque populaire Rhône Alpes de sa demande indemnitaire à l’encontre de la société SAS Value It,
Condamne la S.A Banque populaire Rhône Alpes à supporter ses propres dépens et ceux de la société Value It tant en première instance qu’en appel,
Déboute la S.A Banque populaire Rhône Alpes de ses demandes accessoires,
Fait droit partiellement à la demande de la société Value It au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à l’encontre de la banque S.A Banque populaire Rhône Alpes et condamne la Banque populaire Rhône Alpes à payer à la société SAS Value It la somme de 8 000 euros pour les les deux instances.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT