20/01/2023
ARRÊT N°41
N° RG 21/03136 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OI4J
PD AC CD
Décision déférée du 29 Juin 2021 – Tribunal de Commerce de Toulouse – 2020F02739
Monsieur DEDIEU
S.A.R.L. PROBAT
C/
[Z] [R]
S.A.S. BDR&ASSOCIES
confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.R.L. PROBAT
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Adrien LEPROUX de la SAS LGMA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [Z] [R] en qualité de représentant légal (dessaisi) de la SARL HEDA CONSTRUCTION (RCS TOULOUSE 824.004.659)
[Adresse 4]
[Localité 2]
S.A.S. BDR&ASSOCIES Prise en la personne de son représentant légal domicilié, Maître [G] [L] [D], domicilié en cette qualité audit siège. Agissant es qualité de liquidateur de la société HEDA CONSTRUCTION, SARL au capital de 200.000 €, immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le numéro 824 004 659, dont le siège social se situe [Adresse 1] à [Localité 2], désignée à cette fonction selon jugement du Tribunal de Commerce de TOULOUSE du 14/11/2019 prononçant la liquidation judiciaire de la société HEDA CONSTRUCTION
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Alexandra BOULOC, avocat au barreau de TOULOUSE
MP PG COMMERCIAL
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente et P. DELMOTTE chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. DELMOTTE, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
– par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
Exposé du litige
Par jugement du 14 novembre 2019, publié au BODACC le 22 novembre 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert la liquidation judiciaire de la société Heda Construction(la société Heda), dont M. [R] était le dirigeant, et a désigné la SAS [D] et Associés, aux droits de laquelle se trouve la société BDR et Associés(le liquidateur) en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courrier du 22 novembre 2019, reçu le 29 novembre 2019, la société Probat, qui exerce une activité de vente de fournitures dans le secteur de la construction, a adressé au liquidateur une demande de revendication portant sur différents matériels, d’une valeur totale de 256 705, 16€, en se prévalant d’une clause de réserve de propriété.
Le liquidateur a répondu le 2 décembre 2019 que les opérations d’inventaire étaient en cours puis ne répondait pas à la demande de revendication.
Par requête du 15 janvier 2020, la société Probat a saisi le juge-commissaire d’une action en revendication portant sur un ensemble de matériels pour une valeur totale de 256 705, 16€.
Par ordonnance du 24 novembre 2020, le juge-commissaire a :
– déclaré recevable la demande de la société Probat
– au fond, l’a déboutée de ses demandes
– a débouté le liquidateur de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 7 décembre 2020, la société Probat a formé opposition contre cette ordonnance.
Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a :
– déclaré recevable en la forme l’opposition formée par la société Probat contre l’ordonnance du juge-commissaire
– confirmé l’ordonnance du juge-commissaire
– rejeté les demandes formées au titre de l’article 700 du code de proécdure civile
– condamné la société Probat aux dépens
Parallèlement à l’instance en revendication, une instance en contestation de la créance déclarée par la société Probat à la liquidation judiciaire de la société Heda est en cours.
Par déclaration du 12 juillet 2021, la société Probat a relevé appel du jugement du 29 juin 2021 .
Vu les conclusions du 16 octobre 2022 de la société Probat demandant à la cour :
– de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer du liquidateur
– de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– d’ordonner la restitution en nature à son profit des biens fongibles désignés sur le PV d’inventaire daté du 21 novembre 2019, savoir :
– Treillis soudés (7 ‘ page 3)
– 1 plaquette de contreplaqué plié (21 ‘ page 4)
– 30 palettes de brique rouge et parpaing (27 ‘ page 5)
– 20 appuies de fenêtres + nez de balcon (32 – page 5)
– 60 tiges torsadées à bêton (35 ‘ page 6)
– 1 important lot de treillis soudés+ tiges de fer à béton torsades (40 ‘ page 6)
– 10 Pré dalles béton + nez de balcon + 25 appuis béton (51 – page 7)
– 20 palettes de brique rouge + 40 palettes de brique terreal (59 ‘ page 8)
– 10 palettes de parpaing (62 ‘ page 8)
– de dire qu’à défaut de restitution en nature, le liquidateur sera redevable de la somme de 57 012,82 € TTC (47 510,68 € HT) ;
– d’accorder à cette créance le privilège des créances postérieures privilégiées ;
– de condamner le liquidateur à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
Vu les conclusions du 14 octobre 2022 du liquidateur demandant à la cour :
– de confirmer le jugement
– de débouter la société Probat de ses demandes
– de condamner la société Probat à lui payer la somme de 1500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance outre celle, du même chef, de 3000€ au titre des frais irrépétibles supportés pendant la procédure d’appel.
M. [R], pris en sa qualité de représentant légal de la société Heda, n’a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 12 mai 2022, le magistrat de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par le liquidateur et fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries.
La clôture de l’instruction du dossier est intervenue le 17 octobre 2022.
Suivant avis rendu le jour de l’audience, dont les parties ont pris connaissance,le ministère public s’en est rapporté à l’appréciation de la Cour.
Motifs
Comme l’a déjà rappelé le magistrat de la mise en état dans son ordonnance du 12 mai 2022, la question de la fixation de la créance de la société Probat à la liquidation judiciaire de la société Heda, celle de l’existence et/ou d’une délégation de paiement à l’égard d’une société tierce, étrangère à la présente instance, invoquée par le liquidateur, constituent des questions juridiques distinctes de celle de la revendication en nature des matériaux en vertu d’une clause de réserve de propriété sur laquelle le jugement attaqué s’est exclusivement prononcé et qui obéit à des règles propres au droit des procédures collectives.
En tout état de cause, le liquidateur ne justifie pas qu’à la date où la cour statue, la société Heda s’est libérée, avant le jugement d’ouverture, du paiement de la totalité du montant des factures de livraison de matériaux, émises par la société Probat entre le 31 août 2019 et le 13 novembre 2019 pour un montant total de 256 705, 16€ correspondant au montant de la déclaration de créance.
Même si l’on prend en considération le fait que dans un courrier du 25 janvier 2021, la société Probat invoquait un impayé de 105 636, 44€, que le juge-commissaire a relevé que, dans les livres de la société Heda, le solde du compte fournisseurs Probat s’élevait à 145 304, 24€ tandis que le liquidateur affirme que des paiements, par le biais de délégation de paiement, se sont opérés au profit de la société Probat pour plus de 150 000€, on aboutit, en retenant la somme la plus élevée, à un solde dû à la société Probat de [256 705, 16 – 150 000€ ] 106 705, 16€.
Cette somme est supérieure à la valeur des matériaux revendiqués désormais par la société Probat à concurrence de 57 012, 82€ TTC.
Dés lors, le liquidateur ne peut contester le principe de la revendication au motif que les matériels revendiqués, objet de la clause de réserve de propriété, auraient été intégralement réglés par la société Probat.
L’existence de la clause de réserve de propriété qui figure dans les conditions générales de vente régissant, antérieurement au jugement d’ouverture, les relations commerciales entre la société Probat et la société Heda n’est pas contestée, en soi, par le liquidateur. Dès lors, cette clause de réserve de propriété, dont la vente des matériaux revendiqués est assortie, est opposable à la procédure collective.
Pour obtenir, au principal, la restitution en nature des matériaux revendiqués, la société Probat pose comme postulat que les biens, objet de sa revendication, sont fongibles.
L’article L.624-16, alinéa 3, du code de commerce prévoit à cet égard que la revendication en nature peut également s’exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte.
Si le revendiquant n’a plus , en vertu de l’article précité, à prouver que les choses revendiquées sont celles qu’il a livrées, encore faut-il qu’il démontre qu’existent entre les mains du débiteur des biens de même nature et de même qualité.
Or, d’une part, s’agissant des treillis soudés, l’examen des factures de livraison n° 1019286 et 1019474 révèle que le société Probat a livré à la société Heda des treillis, répondant chacun à des identifications différentes(PAF C, ST 20, ST 25, ST 50, ST 60, ST15C), correspondant, comme le fait justement remarquer le liquidateur à des espacements distincts entre les fils croisés, à des diamètres distincts ou à des usages différents, soit des treillis de structure ou des treillis de surface. Ces distinctions demontrent que chaque treillis répond à des caractéristiques particulières, des usages distincts en matière de construction et que les treillis qui ne sont pas identiques les uns aux autres ne constituent pas des biens fongibles.
L’inventaire produit aux débats ne permet pas de déterminer la nature des treillis détenus par le débiteur. En l’absence de toute fongibilité, la revendication des treillis sera rejetée.
Pareillement, une palette de contre-plaqué plié peut différer d’une autre par son épaisseur, l’essence du bois utilisée, le type de contreplaqué, soit contreplaqué cintrable ou filmé de sorte que la société Probat ne démontre pas le caractère fongible de ce bien.
Pas davantage, il n’est démontré par la société Probat, le caractère interchangeable ou identique des plaquettes de brique rouge et parpaing livrées et celles figurant dans l’inventaire dès lors qu’il existe une multitude de dimensions de briques et de parpaings utilisées dans le domaine de la construction.
Comme le souligne le liquidateur, des prédalles béton, des appuis de fenêtre et des nez de balcons varient selon leurs dimensions et le projet de construction considéré. Dès lors, leur caractère fongible n’est pas démontré.
Des tiges de fer à béton torsadés diffèrent selon leurs formes(crantées, torsadées ou lisses), leur dimension ou leur épaisseur de sorte que leur caractère fongible n’est pas démontré.
La fongibilité des biens revendiqués n’étant pas démontrée, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a confirmé l’ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté la demande de revendication en nature.
La demande en restitution en nature étant rejetée, c’est par des motifs que la cour adopte que le jugement a rejeté la demande en restitution des biens par équivalent, la société Probat se bornant par ailleurs à de simples affirmations et ne démontrant pas que les biens revendiqués auraient été revendus et/ou que le prix éventuel de cette vente aurait été réglé après le jugement d’ouverture.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Constate que par ordonnance du 12 mai 2022, le magistrat de la mise en état a débouté le liquidateur de sa demande de sursis à statuer ;
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, déboute la société Probat de sa demande en restitution par équivalent des biens revendiqués ;
Condamne la société Probat aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Probat et de la société BDR et associés.
Le greffier La Présidente
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