COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°440
DU : 18 Octobre 2023
N° RG 20/00107 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FLIH
VTD
Arrêt rendu le dix huit Octobre deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 27/11/2019 par le Tribunal d’Instance du PUY EN VELAY (11-18-431)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire
En présence de : Mme Stéphanie LASNIER, Greffier, lors de l’appel des causes et de Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé
ENTRE :
M. [T] [L]
et Mme [H] [I] épouse [L]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentants : Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Willi SCHWANDER de l’ASSOCIATION WILLI SCHWANDER & FABIEN ARRIVAT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE (avocat plaidant)
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
SAS AB SERVICES nouvellement dénommée ENERGYGO
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 525 176 228
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Jonathan AZERAD, avocat au barreau de LYON (avocat plaidnat)
Timbre fiscal acquitté
SA FRANFINANCE
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 719.807.406
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE (avocat plaidant)
Timbre fiscal acquitté
INTIMÉES
DEBATS : A l’audience publique du 06 Septembre 2023 Madame [E]a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 18 Octobre 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 18 Octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d’un démarchage à domicile, M. et M [L] ont commandé auprès de la SAS AB Services le 17 septembre 2015 une installation aérovoltaïque, devant permettre de produire de l’électricité destinée à être vendue à EDF, mais également de fournir chauffage et rafraîchissement nocturne et d’assainir l’air intérieur. Le coût de l’installation de 24 900 euros a été financé par un crédit souscrit auprès de la SA Franfinance.
L’installation a été posée le 23 octobre 2015 sur l’immeuble de M. et Mme [L] et raccordée au réseau ERDF le 19 janvier 2016.
Un premier différend a opposé les parties dès avant le raccordement de l’installation, conduisant la SAS AB Services à régler à M. et Mme [L] une somme de 4 000 euros à titre de geste commercial.
Postérieurement au raccordement et dès le 4 février 2016, M. et Mme [L] se sont plaints auprès de la SAS AB Services du non-fonctionnement des panneaux et de l’absence de production d’électricité, malgré les interventions du service après vente.
Par acte d’huissier en date des 8 et 15 novembre 2018, ils ont fait assigner devant le tribunal d’instance du Puy-en-Velay, la SAS AB Services et la SA Franfinance aux fins d’obtenir la résolution pour inexécution du contrat de vente et la résolution subséquente du contrat de crédit.
Par jugement du 27 novembre 2019, le tribunal les a déboutés de toutes leurs demandes faute de démontrer l’existence d’une inexécution contractuelle suffisamment grave.
Ils ont été condamnés à payer à chacune des défenderesses une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et condamnés aux dépens.
M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] ont interjeté appel du jugement le 16 janvier 2020.
Suivant ordonnance du 25 juin 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré la demande d’expertise formée par les appelants recevable et bien fondée, et a désigné en qualité d’expert M. [Z] [U] à cette fin.
L’expert a déposé son rapport le 29 août 2022.
Par conclusions déposées et notifiées le 05 mai 2023, M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] demandent à la cour, au visa des articles 1641 et 1644 du code civil, L.311-3, L.311-31, L.311-32 du code de la consommation, 696 et 700 du code de procédure civile, de :
– infirmer les chefs du jugement qui :
> les ont déboutés de l’intégralité de leurs demandes à l’égard de la SAS AB Services,
> les ont déboutés de l’intégralité de leurs demandes à l’égard de la SA Franfinance,
> les ont condamnés à payer à la SAS AB Services la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> les ont condamnés à payer à la SA Franfinance la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> les ont condamnés aux entiers dépens.
– statuer à nouveau :
sur l’annulation à titre principal :
– annuler la vente de l’installation aérovoltaïque comprenant les fonctions : électricité, chauffage, rafraîchissement nocturne, assainissement de l’air intérieur, acquise par leurs soins, suivant bon de commande n° 20618 du 17 septembre 2015 pour un prix de 24 900 euros TTC auprès de la SAS Energy go anciennement dénommée AB Services, et subséquemment le contrat de crédit affecté conclu avec la SA Franfinance;
– ordonner à la SAS Energygo de reprendre le matériel et de procéder à la remise en état dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, contre remboursement préalable et complet du prix de vente, soit la somme de 24 900 euros;
– condamner la SAS Energygo, passé ce délai et à défaut d’exécution, à leur verser une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
– les dispenser de la restitution du capital emprunté ;
sur la garantie à titre subsidiaire :
– déclarer l’installation aérovoltaïque comprenant les fonctions : électricité, chauffage, rafraîchissement nocturne, assainissement de l’air intérieur, acquise par leurs soins suivant bon de commande n° 20618 du 17 septembre 2015 pour un prix de 24 900 euros TTC auprès de la SAS Energygo anciennement dénommée AB Services affectée d’un vice rédhibitoire la rendant impropre à sa destination ;
– déclarer que la SAS AB Services, en ayant réalisé une installation aerovoltaïque affectée d’un vice caché rédhibitoire, a manqué à son engagement conclu le 17 septembre 2015 ;
– déclarer recevable et bien fondée leur action rédhibitoire sur le fondement des articles 1641 et 1644 du code civil ;
– prononcer en conséquence la résolution du contrat conclu le 17 septembre 2019 avec la SAS AB Services ;
– condamner la SAS Energygo à leur payer la somme de 17 250 euros correspondant au chiffrage de l’expert judiciaire du coût de suppression du système complet ;
– résoudre en conséquence de la résolution du contrat conclu avec la SAS AB Services, le contrat de prêt affecté conclu avec la SA Franfinance ;
– déclarer fautive la libération des fonds par la SA Franfinance au profit de la SAS AB Services sans s’assurer de la bonne exécution par elle de l’ensemble de ses obligations stipulées au bon de commande du 17 septembre 2015 ;
– déclarer la faute commise par la SA Franfinance privative de la restitution par les emprunteurs des fonds empruntés ;
– les dispenser à raison de la faute imputable à la SA Franfinance à l’occasion de la libération des fonds, de leur obligation de rembourser le capital emprunté ;
– condamner la SA Franfinance à leur rembourser l’intégralité des sommes par eux versées au titre de l’opération de crédit résolue, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation du 15 novembre 2018 ;
en toute occurrence :
– débouter la SAS Energygo de sa demande de sursis à statuer irrecevable devant la cour ;
– débouter les sociétés Energygo et Franfinance de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, irrecevables et infondées.;
– condamner in solidum ou solidairement les sociétés Energygo et Franfinance à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices induits, par cette installation défectueuse ;
– condamner in solidum ou solidairement les sociétés Energygo et Franfinance à leur payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum ou solidairement les sociétés Energygo et Franfinance aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile, et dire qu’ils pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 dudit code.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 20 septembre 2022, la SAS Energygo anciennement dénommée AB Services demande à la cour, :
à titre principal de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
> débouté M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] de l’intégralité de leurs demandes à son égard ;
> débouté M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] de l’intégralité de leurs demandes à l’égard de la SA Franfinance ;
> condamné M [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
> condamné M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] à payer à la SA Franfinance la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
> condamné M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] aux dépens ;
– débouter les époux [L] de l’intégralité de leurs demandes ;
à titre subsidiaire de :
– dire et juger que la SA Franfinance sera privée de la restitution du capital emprunté entre les mains tant des époux [L] que de la société Energygo ;
à titre infiniment subsidiaire de :
– dire et juger que le contrat de vente querellé est licite ;
– ordonner, le cas échéant, la réparation de l’installation des époux [L] ;
– réduire, à de plus justes proportions, l’indemnisation des préjudices allégués par les époux [L] ;
en tout état de cause de :
– condamner solidairement les époux [L] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner les mêmes aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 31 janvier 2023, la SA Franfinance demande à la cour, au visa des articles 954 du code de procédure civile, L.312-56 du code de la consommation, 1134, 1135 et 1184 anciens du code civil, :
à titre principal de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
à titre subsidiaire, si, par impossible, le jugement devait être infirmé et la résiliation du crédit litigieux prononcée, de :
– condamner M. [T] [L] et Mme [H] [L] née [I] à lui rembourser le capital emprunté, déduction faite des remboursements intervenus, et ce au titre des restitutions ;
– condamner la SAS AB Services à garantir les consorts [L] des sommes dues au titre des
restitutions ;
en tout état de cause de :
– débouter M. [T] [L] et Mme [H] [L] née [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, notamment indemnitaires ;
– débouter la SAS AB Services de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à son encontre ;
– condamner in solidum M. [T] [L] et Mme [H] [L] née [I] à lui payer et porter la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. [T] [L] et Mme [H] [L] née [I] aux entiers dépens ;
– dire que, dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcés par le ‘jugement’ à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre àla charge du créancier les dites sommes.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
La procédure a été clôturée le 25 mai 2023.
MOTIFS :
– Sur la saisine de la cour
Au visa des articles 954 et 910-4 du code de procédure civile, la SA Franfinance soutient que la cour n’est saisie d’aucune prétention à son encontre tendant au prononcé de la nullité ou de la résolution du crédit ou à sa condamnation au remboursement des sommes déjà versées dans la mesure où les ‘dire et juger’ ne sont pas des prétentions, et où les époux [L] ne pouvaient à travers de nouvelles conclusions tenter de régulariser cette situation.
Elle ajoute que les demandes en condamnation ‘in solidum solidairement’ sont incompréhensibles et ne répondent pas aux exigences de l’article 954 du code de procédure civile.
Dans leurs premières conclusions, les appelants ont demandé à la cour de :
‘- infirmer les chefs du jugement n°19/465 rendu le 27 novembre 2019 par le Tribunal d’Instance du Puy-en-Velay (RG n°116186000431) qui :
déboute M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] de l’intégralité de leurs demandes à l’égard de la SAS AB Services,
déboute M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] de l’intégralité de leurs demandes à l’égard de la société Franfinance,
déboute M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] à payer à la SAS AB Services la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
déboute M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] à payer à la SA Franfinance la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
déboute M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] aux entiers dépens ;
– statuer à nouveau :
– déclarer que la SAS AB Services, en ayant réalisé une installation aerovoltaïque chez Mme et M. [L], n’assurant aucun chauffage, aucun rafraîchissement nocturne en période estivale, et aucune purification d’air de leur maison, et qui n’a produit de l’électricité que de manière marginale un temps donné et qui n’en produit définitivement plus, a manqué à son engagement conclu le 17 septembre 2015 ;
– prononcer la résolution du contrat conclu le 17 septembre 2019 ;
– condamner la société AB Services à déposer ladite installation, à remettre les lieux en l’état initial, et ce, sous astreinte de 1000 €uros par jour de retard passé un délai de 15 jours après la signification de l’arrêt à intervenir ;
– dire et juger que la résolution du contrat conclu avec la société AB Services et Mme et M. [L] entraîne par voie de conséquence, la résolution du contrat de prêt affecté conclu entre ces derniers et la société Franfinance ;
– dire et juger que la société Franfinance a commis une faute en s’étant libérée des fonds au profit de la société AB Services sans s’assurer de la bonne exécution par elle de l’ensemble de ses obligations stipulées au bon de commande du 17 septembre 2015 ;
– dire et juger que la faute commise par la société Franfinance prive celle-ci de la restitution par Mme et M. [L] des fonds empruntés ;
– dire et juger que Mme et M. [L] seront dispensés à raison de la faute imputable à la SA Franfinance à l’occasion de la libération des fonds, de leur obligation de rembourser le capital emprunté ;
– dire et juger que la société Franfinance sera condamnée à rembourser à Mme et M. [L] l’intégralité des sommes par eux versées au titre de l’opération de crédit résolue, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation du 15 novembre 2018 ;
– condamner in solidum solidairement les sociétés Energygo et Franfinance à payer à M. et Mme [L] la somme de 5 000 €uros à titre de dommages intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices induits, par cette installation défectueuse ;
– condamner in solidum solidairement les sociétés Energygo et Franfinance à payer à Mme et M. [L] la somme de 5 000 €uros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civie;
– condamner in solidum solidairement les sociétés Energygo et Franfinance aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile, et dire qu’ils pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 dudit code.’.
Il convient de constater qu’il est expressément demandé d’infirmer le jugement, et les chefs du jugement dont il est sollicité l’infirmation sont mentionnés.
Par ailleurs, malgré une formulation maladroite, les appelants ont demandé de :
– prononcer la résolution du contrat principal ;
– condamner la SAS AB Services à déposer l’installation et de remettre les lieux en l’état, sous astreinte ;
– constater la résolution du contrat de crédit affecté ;
– dire que la SA Franfinance a commis une faute ;
– dire que la faute la prive de son droit à restitution du capital ;
– dire que les époux [L] seront dispensés de leur obligation de rembourser le capital emprunté ;
– condamner la SA Franfinance à rembourser aux emprunteurs les sommes versées au titre de l’amortissement du crédit ;
– condamner les deux sociétés à leur payer des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros.
La cour est donc bien saisie de prétentions.
Il convient néanmoins de constater que la demande en annulation des contrats formée pour la première fois dans les conclusions n°7 des époux [L], à titre principal, n’est pas recevable sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile.
Enfin, la condamnation in solidum solidaire a fait l’objet d’une correction dans les conclusions suivantes des appelants, la conjonction de coordination ‘ou’ a été ajoutée laissant le choix à la juridiction de prononcer une condamnation in solidum ou solidaire.
– Sur la demande en résolution du contrat principal et sur la demande de dommages et intérêts
Il n’est pas contesté que les panneaux aérovoltaïques ont été livrés et installés, l’attestation de livraison et l’attestation de fin de travaux ayant bien été signées par M. [L] le 23 octobre 2015. Néanmoins, la signature de ces attestations ne permet ni d’écarter un éventuel dysfonctionnement de l’installation qui se distingue de la livraison des matériaux et de leur installation, ni d’établir que l’installation était en état de produire de l’énergie. Ce moyen sera ainsi rejeté.
Par ailleurs, le versement de la somme de 4 000 euros par la SAS AB Services par l’envoi d’un chèque aux époux [L] le 29 janvier 2016 ‘afin de mettre fin à leurs différends’, qui n’a toutefois pas fait l’objet de la signature d’une transaction officielle, ne peut être invoqué par la société Energyco aux fins de voir prononcer irrecevables les demandes des époux [L]. L’installation n’était pas encore mise en service et les points de discorde portaient alors sur des ‘irrégularités formelles du bon de commande’, des ‘documents manquants’, la prise en charge du raccordement ou encore les prévisions théoriques de rendement. Il n’était alors pas encore question de dysfonctionnements de l’installation. Ce moyen sera lui aussi rejeté.
Alors que les époux [L] fondaient leur demande en résolution du contrat principal sur l’article 1184 du code civil en première instance, ils se prévalent désormais des dispositions de des articles 1641 et 1644 du code civil, concluant que l’installation de la société AB Services est affectée d’un vice caché.
En application de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
L’acheteur doit rapporter la preuve de l’existence d’un vice, préexistant à la vente, caché, et qui rend la chose impropre à son usage.
Une expertise judiciaire a été réalisée suite à l’appel de M. et Mme [L], mesure ordonnée par le conseiller de la mise en état.
L’expert a décrit l’installation litigieuse objet du bon de commande : elle est composée de modules photovoltaïques intégrés à la couverture du bâtiment. L’arrière des modules est raccordé à un réseau de gaines équipé d’un ventilateur afin de récupérer la chaleur de production d’électricité photovoltaïque. Cet air chaud est insufflé dans l’habitat pour réaliser des économies d’énergie de chauffage. Les modules photovoltaïques sont raccordés à des micro-onduleurs qui transforment le courant continu en courant alternatif. Une passerelle de communication permet à l’usager la supervision du bon fonctionnement.
Lors de ses opérations, l’expert a constaté que la production photovoltaïque ne fonctionne pas. Il explique que le dysfonctionnement de la production provient de courants de fuite des micro-onduleurs qui sont installés sous les modules intégrés en toiture. Les dysfonctionnements du système de distribution d’air sont dus à des mauvais réglages sur le panneau de commande et de l’absence de notice pour l’usager pour un bon usage. Il en est de même pour le rafraîchissement. Il indique que l’ensemble de ces dysfonctionnements ne sont en aucun cas imputables aux intempéries survenus les 6 et 7 mars 2017 (tempête ZEUS), comme le concluent pourtant encore les sociétés intimées. L’expert précise que compte tenu des courants de fuite constatés et mesurés, les 12 micro-onduleurs sont à changer ainsi que le câble alternatif d’alimentation descendant au coffret AC dédié. Il ajoute que la courbe de production montre un arrêt significatif de la centrale dès novembre 2016.
Si les conclusions du rapport permettent de conclure à l’existence d’un manquement à l’obligation de résultat de la SAS AB Services devenue la société Energyco, elles sont toutefois insuffisantes à caractériser l’existence d’un vice caché : il ne s’agit pas d’un vice inhérent à la chose vendue, mais d’un simple mauvais réglage dont il n’est pas établi qu’il serait antérieur à la vente puisque des interventions ont eu lieu postérieurement à la livraison et le relevé de production fait état d’un fonctionnement de l’installation jusqu’au mois de novembre 2016.
La résolution du contrat ne peut donc être prononcée sur ce fondement.
Les époux [L] ne sollicitent plus en appel la résolution du contrat sur le fondement de l’article 1184 ancien du code civil.
Néanmoins, ils demandent de voir engager la responsabilité contractuelle de la SAS AB Services devenue Energyco, au visa de l’article 1147 ancien du code civil pour solliciter des dommages et intérêts.
Dès lors que l’installation vendue et installée ne fonctionne pas, il a été retenu l’existence d’un manquement contractuel de la société Energyco.
Le préjudice subi par les appelants sera évalué à 3 850 euros correspondant aux coûts des travaux pour la production photovoltaïque tels qu’évalués par l’expert.
La brochure commerciale produite ne constitue pas un élément du contrat, tout comme la feuille sur laquelle figuraient des mentions manuscrites qui n’est pas une annexe du contrat, la SAS AB Services n’avait ainsi contracté aucune obligation de résultat en termes de production d’énergie. Néanmoins, l’absence quasi totale de production de l’installation des époux [L] depuis novembre 2016, telle que cela ressort du relevé de production en page 13 du rapport d’expertise, constitue elle aussi un préjudice indemnisable. Une somme de 4 000 euros sera ainsi retenue à ce titre.
Aucune réclamation ne peut toutefois être faite au titre de la rectification du montant du crédit d’impôt. Il ressort des conditions générales de vente figurant au dos du bon de commande, que les produits vendus étaient éligibles au crédit d’impôt, mais il était précisé que le vendeur ne garantissait ni son obtention, ni son montant en raison des nombreux paramètres conditionnant son attribution et de l’évolution législative en la matière.
Or, il ressort du courrier de la Direction Générale des Finances Publiques du 28 septembre 2018. que les équipements installés étaient bien éligibles au crédit d’impôt.
De surcroît, la seule pièce où apparaît le montant de 4 800 euros invoqué par les époux [L] est un papier libre, non daté, non signé, comportant diverses mentions manuscrites et montants, sans précision de leur nature. Ce document ne peut suffire à rapporter la preuve de l’obligation contractuelle de la SAS AB Services quant à l’octroi d’un crédit d’impôt de 4 800 euros.
Ainsi, une somme de 7 850 euros sera mise à la charge de la société Energyco afin d’indemniser les époux [L] de leurs préjudices.
– Sur les demandes des époux [L] formées à l’encontre de la SA Franfinance
Dans la mesure où ni l’annulation, ni la résolution du contrat principal n’a été prononcée, il n’y a pas lieu de constater l’annulation ou la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté sur le fondement de l’article L.311-32 ancien du code de la consommation, dans sa version en vigueur à la date du conclusion du contrat.
Les époux [L] n’invoquent pas de causes de nullité ou de résolution propres au contrat de crédit.
Par ailleurs, la jurisprudence invoquée par les appelants afin de voir dire qu’ils devraient être dispensés de restituer le capital emprunté en raison d’une faute de la SA Franfinance lors de la libération des fonds, n’a pas à être mise en oeuvre dans le cas d’espèce dès lors que le contrat de crédit n’est ni annulé, ni résolu.
M. et Mme [L] forment néanmoins une demande de condamnation in solidum ou solidaire à l’encontre du vendeur et du prêteur à titre de dommages et intérêts. Toutefois, la faute invoquée à l’encontre de la SA Franfinance, à savoir la libération des fonds entre les mains du vendeur alors qu’à cette date, ni le raccordement au réseau ERDF n’avait été effectué, ni la conformité, ni les autorisations administratives obtenues, ni le contrat de rachat d’électricité conclu, est sans lien avec le préjudice dont il est sollicité l’indemnisation. En effet, ce manquement ne présente aucun lien de causalité avec le dysfonctionnement de l’installation reproché à la SAS AB Services dès lors que le raccordement au réseau ERDF est intervenu, l’attestation du Consuel délivrée, les autorisations administratives obtenues, tout comme le contrat de rachat de l’électricité.
Ils seront déboutés de cette demande de dommages et intérêts contre la SA Franfinance.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les époux [L], appelants, ont obtenu partiellement gain de cause ; aussi les dépens de première instance et d’appel incluant les frais d’expertise judiciaire seront mis à la charge de la société Energyco.
Cette dernière sera en outre condamnée à verser aux appelants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande néanmoins de ne pas faire application de ces dispositions au bénéfice de la SA Franfinance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare irrecevables les demandes en annulation du contrat principal et du contrat de crédit affecté formées par M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L];
Rejette les moyens de la SA Franfinance visant à voir déclarer irrecevables les autres demandes de M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] ;
Déboute M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] de leur demande en résolution du contrat principal fondée sur les articles 1641 et 1644 du code civil, et l’ensemble des demandes résultant de la résolution de ce contrat ;
Condamne la société Energyco à payer à M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] une somme de 7 850 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] de leur demande de dommages et intérêts contre la SA Franfinance dans le cadre d’une condamnation solidaire ou in solidum avec la société Energyco ;
Condamne la société Energyco à payer à M. [T] [L] et Mme [H] [I] épouse [L] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Franfinance ;
Condamne la société Energyco aux dépens de première instance et d’appel qui incluront les frais d’expertise judiciaire.
Le Greffier La Présidente