COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 17 OCTOBRE 2023
N° RG 21/04594 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MISK
S.A.S. ARROW ECS
c/
S.A.S. CONNELINK
S.E.L.A.R.L. EKIP
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 juillet 2021 (R.G. 2019F01324) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 06 août 2021
APPELANTE :
S.A.S. ARROW ECS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.A.S. CONNELINK, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentée par Maître Caroline FABBRI, avocat au barreau de BORDEAUX
S.E.L.A.R.L. EKIP, es qualité de commissaire à l’éxécution du plan de la SAS CONNELINK et domiciliée en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE:
La SAS Arrow ECS (ci-après également désignée société Arrow) est spécialisée dans la distribution de solutions d’infrastructure et de services dan le domaine des serveurs d’entreprise, du stockage, des logiciels, et de la virtualisation pour les professionnels de l’informatique, elle est l’un des principaux distributeurs des produits de la marque IBM en France.
La SAS Connelink exerce une activité de négoce de licences informatiques et de prestation de conseil informatique pour les professionnels.
Par contrats de licence de logiciel, la SAS Arrow ECS a accordé à la SAS Connelink le droit d’utiliser des logiciels IBM.
Par jugement en date du 11 octobre 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Connelink. La société Christophe Mandon, devenue ensuite société Ekip’, a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Le 14 novembre 2017, la société Arrow ECS représentée par sa mandataire la société Euler Hermès Recouvrement France, a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Connelink pour la somme de 187 336,97 euros.
Par courrier recommandé en date du 22 décembre 2017, la société Euler Hermès Recouvrement France, pour le compte de la société Arrow ECS, a vainement mis en demeure la société Connelink de lui régler la somme de 58 460,56 euros, au titre de plusieurs créances postérieures à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Par jugement en date du 19 décembre 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a arrêté le plan de redressement de la société Connelink. Il a été prévu un règlement à 100 % de la créance de la société Arrow ECS s’élevant à la somme de 187 336,97 euros, en dix pactes annuels égaux. La société Ekip’ a été désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société Connelink.
Par acte d’huissier de justice du 29 novembre 2019, la société Arrow ECS a assigné la société Connelink et à la société Ekip’, ès qualités devant le tribunal de commerce de Bordeaux afin d’obtenir le paiement de créances postérieures à l’ouverture de la procédure collective.
La société Connelink a soutenu que la somme réclamée en principal correspondait à des créances postérieures au jugement d’ouverture.
La société Ekip’, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société Connelink, n’a pas comparu à l’audience.
Par jugement réputé contradictoire en date du 12 juillet 2021, le tribunal a :
– débouté la société Arrow ECS de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société Arrow ECS à payer à la société Connelink la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Arrow ECS aux dépens.
Par déclaration en date du 06 août 2021, la société Arrow ECS a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Connelink et la société Ekip’, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Connelink.
Par actes d’huissier des 15 septembre et 16 novembre 2021, la société Arrow ECS a signifié sa déclaration d’appel et ses conclusions à la société Ekip’, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Connelink.
Par acte d’huissier du 04 février 2021, la société Connelink a signifié ses conclusions à la société Ekip’, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Connelink.
Par ordonnance du 20 septembre 2021, le conseiller de la mise en état de la chambre commerciale de la cour d’appel de Bordeaux a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur judiciaire.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 août 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 12 septembre 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 05 novembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Arrow ECS, demande à la cour de :
vu les dispositions des articles 1103 et 1231-1 du code civil,
vu les dispositions de l’article L. 622-13 du code de commerce,
vu les dispositions de l’article L. 622-17 I du code de commerce,
vu les dispositions de l’article L. 631-14 du code de commerce,
vu les dispositions des articles L. 441-9 et D. 441-5 du code de commerce,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux (RG n°2019F01324), par lequel elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes, et a été condamnée à payer à la société Connelink une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et a été condamnée aux dépens de première instance,
– statuant à nouveau,
– condamner la société Connelink à lui verser la somme principale de 90 341,09 euros, augmentée des intérêts au taux égal à 10 fois le taux légal à compter du 22 décembre 2017 sur la somme de 34 854,83 euros, et compter du 8 février 2021 sur la somme de 55 486,26 euros, et jusqu’à parfait paiement,
– ordonner la capitalisation des intérêts jusqu’à parfait paiement par application de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la société Connelink à lui verser la somme de 3 320 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement des 83 factures impayées,
– condamner la société Connelink à lui verser une indemnité de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Connelink aux entiers dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 24 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Connelink, demande à la cour de :
vu les dispositions des articles L. 622-24 du code de commerce,
– confirmer le jugement rendu le 12 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux,
– en conséquence,
– débouter la société Arrow ECS de l’intégralité de ses demandes,
– y ajouter,
– condamner la société Arrow ECS à lui régler la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris ceux de première instance.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION:
1 – La société Arrow, appelante, soutient que les prestations qu’elle a fournies au profit de la société Connelink pendant la période d’observation, en exécution de contrats à exécution successive et à durée indéterminée conclus avant le 11 octobre 2017, constituent des créances qui doivent être payées à leur échéance, conformément à l’article L.622-17 I du code de commerce.
2- La société Connelink, intimée, réplique que les factures en litige ont été émises à la suite de prestations réalisées avant le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire en date du 11 octobre 2017, chacune des factures mentionnant une date antérieure.
Elle souligne que le fait générateur permettant de dater ces créances est la date de signature du contrat d’abonnement annuel et de remise de la licence de logiciel de la marque IBM, et non la date d’émission de la facture mensuelle.
Sur ce :
3- Selon les dispositions de l’article L.622-17 I du code de commerce, rendues applicables au redressement judiciaire par l’article L.631-14, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
4- Il incombait à la société Arrow de rapporter la preuve que les créances donnant lieu aux factures litigieuses étaient nées avant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, le 11 octobre 2017.
5- Dans son courrier circonstancié de contestation adressé le 24 février 2018 au mandataire chargé du recovrement des factures, le conseil de la société Connelink exposait que dans le cadre de leur relation commerciale, ayant pour objet le négoce du droit d’usage de licences de logiciels de la marque IBM, la société Connelink procédait à la commande de tels produits IBM pour permettre à ses propres clients d’utiliser les logiciels durant une période fixe, déterminée contractuellement.
Il précisait que la société Arrow facturait la société Connelink lorsque cette dernière les avait revendus à ses propres clients.
6- Cette explication se trouve confortée par les autorisation d’utilisation (PoE: Proof of Entitlement) versées au débat, qui servent de fondement aux factures litigieuses, et qui comportent toutes des dates de commande antérieures au jugement d’ouverture.
7- Bien qu’elle supporte la charge de la preuve, la société Arrow n’a pas produit ni contrat, ni conditions générales de vente, ni bon de commande de nature à étayer son argumentation concernant la date de naissance de ses créances.
8- Par ailleurs, les factures produites mentionnent des dates de livraison antérieures au 11 octobre 2017, y compris la facture référence 311-SPI 126209 qui mentionne une date de livraison au 16 décembre 2016 et non 2018 (comme l’a indiqué le tribunal par erreur). Les factures en pièces 12.46 à 12.49 ne comportent pas de dates de livraison de sorte que la preuve n’est pas rapportée qu’elles concernent une obligation née avant le jugement d’ouverture.
9- L’obligation à paiement de la société Connelink au titre des factures en litige est bien née de manière instantanée à la date des commandes, antérieures au 11 octobre 2017, et non du fait de l’émission mensuelle de factures par la société Arrow, postérieures à cette même date, ces factures correspondant seulement à des modalités négociées de paiement, sans fourniture de prestation à la société Connelink après le jugement d’ouverture.
Le fait générateur de l’obligation à paiement réside dans le droit d’usage des licences de logiciels, conféré dès la signature du contrat, quant bien même la durée d’usage par les clients utilisateurs exéderait le 11 octobre 2017 (la licence délivrée par la société Arrow étant susceptible d’être activée plusieurs mois après la livraison par l’utilisateur final).
10 – Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Arrow.
Sur les demandes accessoires :
11- Il est équitable d’allouer à la société Connelink une indemnité de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Échouant en ses prétentions, la société Arrow supportera les dépens d’appel ainsi que ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort:
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Arrow ECS à payer à la société Connelink la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Arrow ECS aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président