Conditions Générales de Vente : 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/20498

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Conditions Générales de Vente : 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/20498

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 – CHAMBRE 16

ARRET DU 16 MAI 2023

(n° 52 /2023 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/20498 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZ3G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2022 – Tribunal de Commerce de NANCY RG n° 2022000239

APPELANTES

SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE DE TECHNIQUES AVANCÉES

société par actions simplifiée,

immatriculée au RCS de BELFORT sous le numéro 334 796 174,

ayant son siège social : [Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Société SICTA KFT

société de droit hongrois,

immatriculée sous le numéro 05- 09- 013520,

ayant son siège social : [Adresse 1]. (HONGRIE)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Aurélien CONDOMINES de la SELARL ARAMIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K0186

INTIMEE

Société BORG WARNER TURBO SYSTEMS GmbH

société de droit allemand,

immatriculée au registre des sociétés de KAISERSLAUTERN sous le numéro 11870,

ayant son siège social : [Adresse 2] (ALLEMAGNE)

Ayant pour avocat postulant : Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocats plaidants : Me Djazia TIOURTITE et Me LoÏc POULLAIN de l’AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président de chambre

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Daniel BARLOW dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie de l’appel interjeté contre un jugement rendu le 14 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Nancy, sur sa compétence, dans une affaire opposant :

– d’un côté, la Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées (ci-après : « SICTA »), société par actions simplifiée de droit français, et la société de droit hongrois Sicta Kft, toutes deux composantes du groupe Citele, spécialisées dans l’usinage en grande série de pièces automobiles ;

– de l’autre, la société de droit allemand BorgWarner Turbo Systems GmbH (ci-après : « BorgWarner »), appartenant au groupe américain BorgWarner, dont l’activité est centrée sur le marché des turbocompresseurs.

2. Ces sociétés sont entrées en relations commerciales à compter de 2006, les entités du groupe BorgWarner passant régulièrement commande de pièces auprès des sociétés Sicta.

3. En 2019, SICTA a obtenu la désignation d’un mandataire ad hoc par le tribunal de commerce de Belfort afin de l’assister pour obtenir de ses principaux clients un accord destiné à pérenniser son activité.

4. Dans ce contexte, un contrat a été conclu le 27 août 2019 entre SICTA et les entités du groupe BorgWarner prévoyant un ajustement des prix et des stipulations sur les volumes des commandes.

5. Estimant que les termes de cette convention n’avaient pas été respectés, les sociétés SICTA et Sicta Kft ont assigné la société BorgWarner Turbo Systems GmbH devant le tribunal de commerce de Nancy en sollicitant, à titre principal, sa condamnation à leur payer diverses sommes pour non-respect du contrat et, à titre subsidiaire, sa condamnation pour rupture brutale de la relation commerciale.

6. Par jugement du 14 novembre 2022, ce tribunal a statué en ces termes :

Déclare la société de droit allemand BorgWarner Turbo Systems GmbH recevable et bien fondée en son exception d’incompétence territoriale,

En conséquence,

Se déclare incompétent territorialement pour connaître du litige,

Renvoie la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées (SICTA) et la société de droit hongrois Sicta Kft à mieux se pourvoir,

Condamne in solidum la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées (SICTA) et la société de droit hongrois Sicta Kft aux dépens du présent jugement, dont distraction au profit de Me Chardon, avocat aux offres de droit,

Condamne la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société Sicta Kft à payer, chacune, à la société de droit allemand BorgWarner Turbo Systems GmbH la somme de 3 500 euros en applications des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

7. Les sociétés SICTA et Sicta Kft ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 19 décembre 2022.

8. Elles ont été autorisées à assigner la société BorgWarner à jour fixe devant la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris, pour l’audience du 10 janvier 2023, à l’issue de laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 14 mars 2023.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

9. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2022, les sociétés SICTA et Sicta Kft demandent à la cour, au visa de l’article 7 du règlement Bruxelles I bis, de bien vouloir :

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 14 novembre 2022 en ce qu’il :

‘ a déclaré la société de droit allemand BorgWarner Turbo Systems GmbH recevable et bien fondée en son exception d’incompétence territoriale,

En conséquence,

‘ s’est déclaré incompétent territorialement pour connaître du litige,

‘ a renvoyé la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées (SICTA) et la société de droit hongrois Sicta Kft à mieux se pourvoir,

‘ a condamné in solidum la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées (SICTA) et la société de droit hongrois Sicta Kft aux dépens du présent jugement, dont distraction au profit de Me Chardon, avocat aux offres de droit,

‘ a condamné la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées (SICTA) et la société Sicta Kft à payer, chacune, à la société de droit allemand BorgWarner Turbo Systems GmbH la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

– Déclarer que le tribunal de commerce de Nancy est compétent pour connaître du présent litige,

– Renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Nancy,

– Condamner la société BorgWarner Turbo Systems GmbH à payer aux sociétés Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et Sicta Kft la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société BorgWarner Turbo Systems GmbH aux entiers dépens.

10. Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 février 2023, la société BorgWarner demande à la cour, au visa de l’article 74 du code de procédure civile, du contrat ainsi que des POTCs (« Purchase Orders Terms & Conditions ») applicables aux relations entre les sociétés Sicta et les entités BorgWarner concernées, de bien vouloir :

À titre principal :

– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 14 novembre 2022 en ce qu’il a :

‘ jugé le tribunal de commerce de Nancy incompétent pour connaitre du litige ;

‘ renvoyé la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société de droit hongrois Sicta Kft à mieux se pourvoir ;

‘ condamné la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société de droit hongrois Sicta Kft à payer chacune la somme de 3 500 euros au titre à BorgWarner Turbo Systems ;

‘ condamné la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société de droit hongrois Sicta Kft aux entiers dépens d’instance.

Et y ajoutant :

– Condamner solidairement les sociétés Sicta SAS et Sicta Kft à payer à la société BorgWarner Turbo Systems GmbH la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Et en tout état de cause, si par extraordinaire la cour déclarait le tribunal de commerce de Belfort compétent pour connaître des actions contractuelles de la Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et de Sicta Kft à l’encontre de BorgWarner Turbo Systems GmbH :

– Juger que le tribunal de commerce de Nancy est incompétent pour connaître de l’action de la Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et de la société de droit hongrois Sicta Kft fondée sur la rupture brutale de relations commerciales établies au profit des juridictions allemandes ;

– Renvoyer la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société de droit hongrois Sicta Kft à mieux se pourvoir ;

En tout état de cause,

– Condamner solidairement les sociétés Sicta SAS et Sicta Kft à payer à la société BorgWarner Turbo Systems GmbH la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

– Les débouter de toutes demandes contraires aux présentes.

III/ MOYENS DES PARTIES

11. Les sociétés SICTA et Sicta Kft font grief au jugement querellé d’avoir écarté la compétence du tribunal de commerce de Nancy en se fondant sur l’article 7 du contrat du 27 août 2019, lequel renvoie aux conditions générales d’achat de BorgWarner (ci-après : « CGA » ou « POTC ») qui contiennent une clause attributive de juridiction en faveur des juridictions d’Heidelberg, en Allemagne.

12. Elles font valoir que ces conditions générales n’ont vocation à s’appliquer qu’aux contrats individuels d’achat de pièces et non au contrat du 27 août 2019, qui est un contrat-cadre.

13. Elles précisent que la clause du CGA est sans ambiguïté sur son champ d’application, qui ne vise que l’accord résultant du bon de commande et ne peut donc concerner le contrat-cadre.

14. Elles concluent à la compétence du juge français en application des dispositions de l’article 7 du Règlement Bruxelles I bis, en faisant valoir que le contrat du 27 août 2019 est un contrat sui generis qui ne peut être qualifié de contrat de vente ou de contrat de prestation de service.

15. Elles considèrent que « l’obligation qui sert de base à la demande », au sens du paragraphe 1, a), de cet article, est la pérennisation de l’activité de SICTA, de sorte que le lieu d’exécution du contrat est le lieu de son siège social, situé dans le ressort des juridictions de Belfort.

16. Elles relèvent toutefois que, dans la mesure où l’une des demandes de Sicta est fondée sur l’article L. 442-1 du code de commerce, seul le tribunal de commerce de Nancy est compétent, en vertu de l’article L. 442-4, III et de l’article annexe 4-2-1 du code de commerce.

17. La société BorgWarner réplique que la clause attributive de juridiction doit être appliquée dès lors que l’article 7 du contrat du 27 août 2019 prévoit expressément que SICTA s’engage à respecter et adhérer aux conditions générales d’achat, qui lui ont été notifiées et dont l’article XIX.2 prévoit une clause désignant la juridiction d’Heidelberg, laquelle s’impose en application de l’article 25 du règlement Bruxelles I bis.

18. Elle conteste la dissociation de la compétence juridictionnelle proposée par les appelantes entre contrat-cadre et contrats d’application, qu’elle regarde comme contraire à la jurisprudence.

19. Elle ajoute que le contrat du 27 août 2019 prévoit l’application des conditions générales, qui sont partie intégrante de cette convention, sans qu’il puisse s’en déduire que l’acceptation des appelantes de s’y soumettre exclurait leur application au contrat lui-même.

20. Elle retient, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la clause de juridiction serait écartée, que le contrat du 27 août 2019 est un contrat de vente de pièces automobiles, sans engagement de volume, de sorte que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, b), du Règlement Bruxelles I bis, le lieu de livraison des marchandises étant en Allemagne, les juridictions allemandes sont compétentes.

21. Elle fait valoir qu’à supposer la qualification de contrat de vente écartée, l’obligation qui sert de base à la demande serait une obligation de ne pas faire, dont le lieu d’exécution est l’Allemagne puisque c’est en Allemagne que la décision d’honorer ou non les volumes prévisionnels pour soutenir ou non l’activité des appelantes a été prise.

22. Elle conclut enfin à l’incompétence du tribunal de commerce de Nancy pour connaître de l’action sur le fondement de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, faisant valoir, d’une part, que cette action, de nature contractuelle, commande l’application de la clause attributive de juridiction, d’autre part, qu’à supposer cette clause non applicable, les juridictions allemandes resteraient compétentes en vertu de l’article 7, paragraphe 1, b) du Règlement Bruxelles I bis, enfin, que si la cour déclarait le tribunal de commerce de Belfort compétent, le tribunal de commerce de Nancy n’en demeurerait pas moins incompétent pour connaître de l’action fondée sur une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies.

IV/ MOTIFS DE LA DECISION

A. Sur la compétence

23. L’action à l’origine du présent appel a été initiée en 2022 par une société de droit français et une société de droit hongrois contre une société de droit allemand aux fins de voir engager sa responsabilité civile devant les juridictions françaises.

24. Le litige présente donc un caractère international et relève, dans le temps comme dans l’espace, du champ d’application du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, dit Bruxelles I bis, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

25. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État.

26. Elles ne peuvent, selon l’article 5, paragraphe 1, être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du chapitre relatif à la compétence, soit aux articles 7 à 26 de ce règlement.

27. Aux termes de l’article 7, point 1, a) une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut, en matière contractuelle, être attraite dans un autre État membre devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande. Selon le b) du même article, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est, sauf convention contraire :

– pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

– pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis.

Le même article précise que le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas.

28. Selon l’article 25, paragraphe 1, si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties.

29. Le paragraphe 5 du même article précise qu’une convention attributive de juridiction faisant partie d’un contrat est considérée comme un accord distinct des autres clauses du contrat.

30. En l’espèce, l’action engagée par les sociétés SICTA et Sicta Kft porte, à titre principal, sur le non-respect par la société BorgWarner des obligations découlant du contrat conclu le 27 août 2019, sous l’égide du mandataire ad hoc désigné par le tribunal de commerce de Belfort.

31. Cette convention a pour objet, selon son article 3, de « définir les engagements respectifs et réciproques des parties en vue d’améliorer la durabilité des activités de SICTA » (« This Agreement set out the respective and reciprocal commitments of the Parties with a view to improve the sustainability of SICTA activities »).

32. Elle prévoit des obligations relatives à la fixation des prix (articles 4), aux demandes de devis et de nouvelles offres (article 5), à la détermination des programmes et des volumes de commandes (article 6).

33. Elle précise, sous son article 7, que « SICTA accepte d’être liée par les Conditions générales d’achat de BorgWarner et le Manuel du Fournisseur tels que référencés dans les bons de commande ou les calendriers de livraison respectifs et de s’y conformer pleinement, en particulier pour ce qui concerne ses obligations de livraison en matière de délai et de qualité » (« SICTA agrees to be bound by and fully comply with TorgWarner’s POTC’s and the Supplier Manual as referenced in the respective Pos or delivery schedules and especially with regards to its delivery obligations regarding time and quality »).

34. Les conditions générales d’achat auxquelles il est ainsi renvoyé prévoient, dans le cas de la société allemande BorgWarner, partie à la présente procédure, une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux de Heidelberg, dont elle se prévaut et qui est formulée en ces termes : « La ville de Heidelberg, en Allemagne, est le lieu de juridiction exclusif pour tous les litiges découlant du présent accord, à condition que le vendeur soit un commerçant, une personne morale ou un fonds spécial de droit public. L’acheteur est également en droit d’intenter une action devant la juridiction compétente du lieu du vendeur » (« 2. The City of Heidelberg, Germany, shall be the exclusive place of jurisdiction for all disputes arising from this agreement, provided Seller is a merchant, a legal entity or a special fund under public law. Buyer shall also be entitled to commence an action at Seller’s legal place of jurisdiction » – article XIV.2).

35. S’il est acquis que le renvoi exprès à des conditions générales comportant une clause attributive de juridiction peut être opposé à la partie contractante à qui ces conditions générales ont été communiquées, il y a lieu, en l’espèce, pour apprécier la volonté des parties, de déterminer la portée du renvoi ainsi opéré au regard de l’objet de l’article 7 qui le formule et de son insertion dans l’économie générale de la convention.

36. Intitulé : « Efficiency, productivity and operational review » (« efficacité, productivité et contrôle opérationnel »), cet article pose en principe l’engagement pris par SICTA de collaborer de manière constructive avec BorgWarner pour identifier et mettre en ‘uvre tous les moyens possibles afin d’améliorer son activité et résoudre les problèmes de viabilité et de modèle économique sous-jacent (« SICTA agrees that it will work constructively with Borgwarner to identify and action all possible ways to improve its business to adress the underlying viability and economic model »).

37. Il énonce à ce titre divers engagements pris par SICTA, dans la conduite de son activité, tenant notamment à l’information de BorgWarner sur ces résultats financiers, la réalisation d’un audit ou encore la collaboration avec les experts de cette société, engagements parmi lesquels figure l’acceptation d’être liée par les conditions générales d’achat de BorgWarner, que complète le respect du « Manuel du Fournisseur », avec obligation de « s’y conformer pleinement, en particulier pour ce qui concerne [les] obligations de livraison en matière de délai et de qualité ».

38. La lecture de ces stipulations, combinées avec les obligations générales du contrat formulées aux articles précédents, ne permet pas de conclure à l’extension de la clause attributive de juridiction invoquée par l’intimée à l’ensemble des obligations découlant du contrat du 27 août 2019, lequel a un objet plus large que les engagements visés à l’article 7, le renvoi opéré par cet article aux conditions générales de vente de BorgWarner ne concernant que les commandes passées par SICTA auprès de BorgWarner, sans qu’il puisse s’en déduire qu’il serait applicable aux autres obligations nées du contrat.

39. L’article 11 du contrat, relatif à la réparation des manquements contractuels (« Remedying a breach »), confirme cette limitation, qui se borne à stipuler qu’en cas de violation des termes de la convention, l’une ou l’autre des parties notifiera le manquement à l’autre par écrit dès qu’elle en aura connaissance, la partie en défaut disposant de 30 jours pour réparer le manquement sous peine de résiliation de la convention, sans aucunement reprendre le renvoi au conditions générales de vente, ni prévoir aucune clause attributive de juridiction (« In the event of a breach of the terms of this Agreement, either Party shall notify the other of such breach in writing as soon as it is aware. The party in default shall have 30 days to remedy the breach before the first Party can terminate this Agreement’).

40. Le moyen tiré de l’article 25 du règlement Bruxelles I bis, qui manque en fait, doit dès lors être écarté.

41. La détermination de la juridiction compétente pour connaître du litige doit en conséquence être appréciée au regard des options de compétences énoncées à l’article 7 de ce règlement, que chacune des parties revendique à son profit.

42. Il apparaît à cet égard que, si le contrat litigieux a pour objet d’organiser les relations commerciales entre les deux sociétés en vue d’améliorer le maintien de l’activité (« sustainability ») de SICTA et prévoit à ce titre des engagements réciproques sur les prix, les volumes, les conditions de passation des commandes ainsi que des mesures relatives au contrôle de l’activité de SICTA par BorgWarner, il n’en demeure pas moins, par nature, un contrat relatif à la vente de marchandises.

43. Il ressortit comme tel aux dispositions de l’article 7, point 1, b) du Règlement, lequel permet la saisine de la juridiction du lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, soit, en l’espèce, en Allemagne, lieu d’établissement de la société intimée.

44. En quoi, les juridictions françaises n’étaient pas compétentes pour connaître du litige.

45. La cour relève surabondamment que l’analyse développée par les sociétés appelantes, selon laquelle le contrat présenterait une nature sui generis le distinguant de la simple vente de marchandises, conduit à une solution identique. L’article 7, point 1, a), alors applicable, renvoie en effet au lieu d’exécution de l’obligation servant de base à la demande, laquelle s’entend comme celle découlant du contrat et dont l’inexécution est invoquée pour justifier la demande en justice. Or, contrairement à ce que soutiennent les appelantes sur ce point, le lieu d’exécution des obligations litigieuses ne peut être localisé au siège de l’entreprise SICTA, ces obligations s’imposant à la société BorgWarner et mettant en cause les décisions prises par celle-ci de respecter les volumes prévisionnels et soutenir l’activité de cette entreprise, de sorte que ce lieu est, là encore, situé en Allemagne, au siège de cette société, l’option ne pouvant alors jouer en faveur des juridictions françaises.

46. Il y a lieu, en considération de ce qui précède et par les motifs propres ainsi énoncés, de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions soumises à la cour.

B. Sur les frais et dépens

47. Les sociétés appelantes, qui succombent, seront condamnées aux dépens, les demandes qu’elles forment sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile étant rejetées.

48. Elles seront condamnées in solidum à payer à la société intimée la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d’appel.

V/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1) Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 14 novembre 2022 en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

2) Rejette la demande formée par la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société Sicta Kft aux fins de condamnation de la société BorgWarner Turbo Systems GmbH à lui payer la somme de dix mille euros (10 000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civille ;

3) Condamne in solidum la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société Sicta Kft à payer à la société BorgWarner Turbo Systems GmbH la somme de dix mille euros (10 000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

4) Condamne in solidum la SAS Société Industrielle et Commerciale de Techniques Avancées et la société Sicta Kft aux dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

 


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