2ème Chambre
ARRÊT N°400
N° RG 20/05531
N° Portalis DBVL-V-B7E-RCKI
(1)
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [C] [R]
S.E.L.A.S. ALLIANCE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me CASTRES
– Me NORMANT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Mme Ludivine BABIN, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Mai 2023
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 15 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SBNP PARIBAS PERSONAL FINANCE exerçant sous enseigne CETELEM,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD du CABINET RD AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [C] [R]
né le 30 Septembre 1957 à [Localité 7] ([Localité 5])
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représenté par Me Aude NORMANT, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Harry BENSIMON, plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.S. ALLIANCE prise en la personne de Maître [V] [T], mandataire liquidateur de la société IC GROUPE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assignée par acte d’huissier en date du 23/02/2021, délivré à personne habilitée, n’ayant pas constitué
EXPOSÉ DU LITIGE
À la suite d’un démarchage à domicile, M. [C] [R] a, selon bon de commande du 24 novembre 2017, commandé à la société Immo Confort devenue société IC Groupe (la société ICG) la fourniture et l’installation de 12 panneaux photovoltaïques, d’une unité de gestion, d’un kit batterie et d’un ballon thermodynamique, moyennant le prix total de 24 500 TTC.
En vue de financer cette opération, la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), exerçant sous l’enseigne ‘Cetelem’, a, selon offre acceptée le même jour, consenti à M. [R] un prêt de 24 500 euros au taux de 4,70 % l’an, remboursable en une mensualité de 292,08 euros, puis 119 mensualités de 285,77 euros, hors assurance emprunteur, après un différé de remboursement de 6 mois.
Les fonds ont été versés à la société ICG au vu d’un procès-verbal de réception des travaux et d’une demande de financement du 12 décembre 2017.
Prétendant que le bon de commande était irrégulier et que l’installation ne permettait pas d’obtenir le rendement promis, M. [R] a, par actes des 23 et 27 janvier 2020, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes la BNP PPF et la SELAS Alliance, ès qualités de liquidateur de la société ICG, dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 13 décembre 2018, en annulation des contrats de vente et de prêt.
Estimant que le bon de commande était régulier, que le dol n’était pas démontré, mais que l’offre préalable de crédit n’était pas conforme aux dispositions de l’article R. 312-10 du code de la consommation et que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde, le premier juge a, par jugement du 3 septembre 2020 :
dit que la BNP PPF est déchue de son droit aux intérêts contractuels,
condamné la BNP PPF à payer à M. [R] la somme de 6 857,51euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
dit que la BNP PPF a manqué à son devoir de mise en garde,
condamné la BNP PPF à payer à M. [R] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intéréts,
rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires,
condamné la BNP PPF à payer M. [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
déclaré la décision opposable à la SELAS Alliance, prise en la personne de Mme [V] [T], ès qualités de liquidateur de la société ICG.
La BNP PPF a relevé appel de ce jugement le 13 novembre 2020, pour demander à la cour de :
réformer le jugement attaqué en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, condamnée en conséquence M. [R] au paiement de la somme de 6 857,51 euros, dit que la BNP PPF avait manqué à son devoir de mise en garde, et condamnée celle-ci au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,
dire n’y avoir lieu à prononcer la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels,
dire que la BNP PPF n’a pas manqué à son devoir de mise en garde,
par conséquent, débouter M. [R] de toute demande en paiement à l’égard de la BNP PPF,
subsidiairement, en cas de déchéance du droit du prêteur aux intérêts, condamner la BNP PPF à payer à M. [R] la somme de 2 412,16 euros, correspondant aux intérêts conventionnels versés,
confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. [R] de sa demande d’annulation des contrats,
subsidiairement, en cas d’annulation des contrats, dire qu’elle n’a commis aucune faute et que M. [R] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur,
par conséquent, dire qu’elle conservera le bénéfice du capital prêté remboursé par anticipation et qu’elle ne devra rembourser à M. [R] les intérêts et frais perçus, après justification de la part de ce dernier de la restitution au Trésor public des crédits d’impôts perçus,
en tout état de cause, condamner M. [R] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Ayant formé appel incident, M. [R] demande quant à lui à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes d’annulation ou de résolution des contrats de vente et de prêt, rejeté ses demandes en paiement de dommages-intérêts au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture en son état initial, de ses préjudices financiers, de son trouble de jouissance et de son préjudice moral,
déclarer que le contrat conclu avec la société ICG est nul, comme contrevenant à la réglementation du code de la consommation ou parce que la société ICG a commis un dol à son encontre,
déclarer que la BNP PPF a participé au dol et a commis des fautes personnelles, en conséquence, déclarer que les sociétés ICG et BNP PPF sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à l’égard de M. [R],
prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant M. [R] et la société ICG,
prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de crédit affecté liant M. [R] et la BNP PPF,
ordonner le remboursement des sommes versées par M. [R] à la BNP PPF au jour du ‘jugement’ à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 34 298,71 euros sauf à parfaire,
condamner solidairement les sociétés ICG et BNP PPF au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial, à défaut de dépose spontanée,
condamner la BNP PPF au paiement des sommes de :
8 000 euros au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance,
3 000 euros au titre du préjudice moral,
dire qu’à défaut pour la société ICG de récupérer le matériel fourni dans un délai de un mois à compter de la signification du ‘jugement’, celui-ci sera définitivement acquis par M. [R],
condamner la société ICG à le garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,
déclarer qu’en toute hypothèse la BNP PPF ne pourra se faire restituer les fonds auprès de M. [R] et devra les récupérer auprès de la société ICG, seule bénéficiaire des fonds débloqués,
condamner solidairement les sociétés ICG et BNP PPF au paiement des entiers dépens, outre 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum les sociétés ICG et BNP PPF, dans l’hypothèse où une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article R. 631-4 du code de la consommation,
fixer les créances au passif de la liquidation de la société ICG.
La SELAS Alliance, ès qualités de liquidateur de la société ICG, à laquelle la BNP PPF et M. [R] ont signifié leurs conclusions les 23 février et 7 mai 2021, n’a pas constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la BNP PPF le 16 mars 2023 et pour M. [R] le 8 mars 2023, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 mars 2023.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la nullité du contrat principal
Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l’occasion d’une commercialisation hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l’entreprise, l’adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,
le cas échéant, son numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
les informations relatives à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte,
son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l’assureur ou du garant,
les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
le prix du bien ou du service,
les modalités de paiement,
en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,
s’il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,
la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,
le numéro d’inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
s’il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l’article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d’identification,
l’éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l’assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l’engagement.
En l’occurrence, M. [R] invoque à tort des irrégularités du bon de commande tirées de l’imprécision des informations relatives aux caractéristiques des biens vendus.
En effet, le nombre et la puissance des panneaux sont bien mentionnés, de même que leur marque Soluxtec.
La dimension et le poids des panneaux, de même que leur modèle, ne sont en revanche pas des caractéristiques essentielles des biens livrés dont il est établi qu’elles seraient rentrées dans le champ contractuel.
Par ailleurs, il n’y avait pas davantage lieu d’indiquer le prix unitaire des éléments de l’installation photovoltaïque et du coût de la main-d’oeuvre, le texte précité n’imposant au contraire, à peine de nullité, que la seule mention du prix global.
De même, la mention d’un délai d’installation des produits commandés de 2 à 8 semaines est suffisante au regard de l’article L. 111-1 précité, cet engagement couvrant nécessairement la livraison préalable à la pose et aucun élément du dossier ne révélant que l’établissement d’un planning plus précis incluant la réalisation de prestations à caractère administratif était entré dans le champ contractuel.
Enfin, s’agissant des modalités de financement, il est par ailleurs pallié à l’absence d’indication du coût de l’assurance emprunteur dans le bon de commande par l’indication de celui-ci dans l’offre de prêt, conclue à l’occasion de la même opération de démarchage.
Il est en revanche exact que le bon de commande ne mentionne pas les coordonnées du médiateur de la consommation compétent, dont le professionnel relève.
La BNP PPF soutient que cette irrégularité ne serait sanctionnée que par une nullité relative que l’emprunteur aurait renoncé à invoquer en acceptant la livraison et la pose des matériels, en signant un procès-verbal de réception des travaux dans lequel il reconnaît que les travaux ont bien été exécutés, et l’attestation de livraison dans laquelle il demande que le prêteur verse les fonds à l’entreprise.
Cependant, la confirmation d’une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et l’intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l’époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, les conditions générales de vente ne reproduisaient pas les dispositions de l’article R. 111-1 en vigueur au jour du contrat, rappelant que celui-ci devait comporter, à peine de nullité, les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l’article L. 616-1 du code de la consommation.
Dès lors, rien ne démontre que M. [R] avait connaissance de ce vice du bon de commande lorsqu’il a laissé la société ICG intervenir à son domicile et signé le procès-verbal de réception et l’attestation de financement.
Il n’est donc pas établi que le consommateur ait, en pleine connaissance de l’irrégularité de ce contrat de vente, entendu renoncer à la nullité en résultant, et qu’il aurait de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir l’irrégularité de ce document.
Il convient donc d’écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier, et, sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dol allégué, ni sur la demande subsidiaire de résolution, de réformer le jugement attaqué et de prononcer l’annulation du contrat conclu le 24 novembre 2017 entre M. [R] et la société ICG.
Si au titre des restitutions qui découlent de l’annulation du contrat, M. [R] serait fondé à obtenir la condamnation de la société ICG à reprendre à ses frais l’ensemble des matériels, pour autant, la demande tendant à ce que ce matériel soit la propriété de M. [R] passé un mois après la signification de l’arrêt, se heurte au droit de propriété du liquidateur de la société ICG, redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat, de sorte qu’il ne saurait y être fait droit.
M. [R] sollicite par ailleurs la condamnation de la société ICG au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture et la fixation de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société ICG.
Il ne produit cependant aucune pièce de nature à justifier de la réalité d’une telle créance.
Sur la nullité du contrat de prêt
Aux termes des dispositions de l’article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n’est pas contesté que le crédit consenti par la BNP PPF est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l’interdépendance des deux contrats, l’annulation du contrat principal conclu avec la société ICG emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la BNP PPF.
Après réformation du jugement attaqué, il convient de constater l’annulation de plein droit du contrat de crédit.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu’elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d’autre, c’est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par l’emprunteur.
La BNP PPF fait valoir qu’elle s’est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds au vu d’un procès-verbal de réception des travaux et d’une demande de financement par laquelle M. [R] a demandé au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds, et que, d’autre part le prêteur n’est pas tenu de conseiller l’emprunteur sur l’efficacité juridique d’un contrat auquel il est tiers.
M. [R] demande de son côté le remboursement des sommes versées, en faisant valoir que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds en ne vérifiant pas la validité du bon de commande et, d’autre part, sans s’assurer de l’exécution complète du contrat principal, au vu d’un procès-verbal de réception imprécis qui ne restituait pas la complexité de l’opération, et en se rendant complice d’un dol commis par le fournisseur.
Cependant, le dol ne se présume pas, et M. [R] allègue par de pures conjectures, et sans en rapporter la preuve, que le prêteur aurait participé aux prétendues manoeuvres dolosives du fournisseur.
D’autre part, le prêteur, qui n’a pas à assister l’emprunteur lors de l’exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d’une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu’il libère les fonds au vu d’une attestation de livraison qui lui permet de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal.
Or, en l’occurrence, le procès-verbal de réception des travaux signé par M. [R] le 12 décembre 2017 faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci, ‘après avoir procédé à l’examen des travaux exécutés par l’entreprise Immo Confort’, déclarait que ‘ la réception est prononcée sans réserve, avec effet à la date du 12 décembre 2017’ et, par document intitulé ‘demande de financement et attestation de livraison’ régularisé le même jour, il a demandé ‘au prêteur, par la signature de la présente attestation et en sa qualité d’emprunteur, de procéder à la mise à disposition des fonds au titre dudit contrat de crédit accessoire à une vente’.
Néanmoins, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu’il libère la totalité des fonds, alors qu’à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société Immo Confort devenue ICG, par l’intermédiaire de laquelle la BNP PPF faisait présenter ses offres de crédit, comportait une irrégularité formelle apparente.
En effet, le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, aurait dû relever que les coordonnées du médiateur de la consommation ne figuraient pas dans le bon de commande et il n’aurait donc pas dû se libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d’avoir à tout le moins vérifié auprès de M. [R] qu’il entendait confirmer l’acte irrégulier.
Le prêteur n’avait certes pas à assister l’emprunteur lors de la conclusion du contrat principal, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu’en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, la BNP PPF, qui ne pouvait ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a apporté son concours, a commis une faute susceptible de la priver du droit d’obtenir le remboursement du capital emprunté.
Toutefois, la BNP PPF fait valoir à juste titre que cette dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l’emprunteur de l’existence d’un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.
Or, M. [R] ne caractérise nullement l’existence de son préjudice, se bornant à conclure que celui-ci réside dans le fait de devoir restituer le capital emprunté sans perspective de pouvoir se retourner contre le fournisseur en liquidation judiciaire.
Ainsi que l’intimé l’admet lui-même dans ses écritures, la mise en service a été réalisée le jour de l’installation, et cette installation, comme le soutient avec raison la BNP PPF, est en parfait état de fonctionnement et produit de l’électricité revendue à EDF.
M. [R] sous-entend à cet égard que cette installation n’aurait pas les performances attendues et que le prix de revente de l’électricité ne lui permettrait pas de couvrir les échéances de remboursement du prêt, mais il n’établit nullement que la société ICG lui aurait contractuellement promis que le niveau de rémunération de l’électricité produite par l’installation devait lui permettre de couvrir les mensualités de remboursement.
Il en résulte que, disposant d’une installation raccordée au réseau et mise en service, et que le liquidateur n’a pas demandé à reprendre, rien ne démontre que la faute du prêteur, se limitant à n’avoir pas su déceler l’absence des coordonnées du médiateur de la consommation sur le bon de commande, ait pu causer un préjudice à l’emprunteur en lien causal avec cette faute, de sorte qu’il n’y a pas lieu de le dispenser de rembourser le capital emprunté.
Le crédit ayant été remboursé par anticipation, M. [R] sera donc débouté de sa demande en restitution du capital prêté de 24 500 euros, la BNP PPF étant seulement condamnée à restituer les intérêts et frais perçus en exécution du prêt.
A cet égard, il sera rappelé qu’il a été prêté à M. [R] la somme de 24 500 euros, et il ressort de l’historique des règlements produit par la banque que la première mensualité de 292,08 euros a été réglée en juillet 2018 et que 16 mensualités de 285,77 euros ont été honorées d’août 2018 à novembre 2019 pour un montant total de 4 572,32 euros.
En outre, la banque a reçu, au titre du remboursement du capital restant dû la somme de 22 108,79 euros, et il a été prélevé le 15 novembre 2019 une prime d’assurance de 6,53 euros, des agios de 22,77 euros et une indemnité légale de 193,43 euros.
Il s’en évince que la BNP PPF sera condamnée à rembourser à M. [R] la somme de 2 695,92 euros (292,08 + 4 572,32 + 22 108,79 + 6,53 +22,77 + 193,43 – 24 500).
A cet égard, la BNP PPF n’est nullement fondée à demander à la cour de subordonner cette restitution à la restitution des sommes perçues au titre des crédits d’impôt perçus au Trésor public, alors que cette obligation de restitution des intérêts ne procède que de l’annulation de plein droit du contrat de prêt et des restitutions réciproques qui en découlent.
Sur la responsabilité du prêteur
M. [R] fait encore valoir que la BNP PPF aurait, en finançant des installations dont elle ne pouvait ignorer le caractère ruineux, manqué à ses obligations de surveillance, de vigilance, de conseil et mise en garde qui fondent la confiance de ses clients.
La banque dispensatrice de crédit n’est cependant pas tenue d’un devoir de conseil relativement au succès de l’opération financée, mais seulement d’un devoir de mise en garde sur les risques nés de l’endettement.
Or, ceux-ci ne sont en l’occurrence pas établis au regard de la fiche de renseignements produite par la banque et l’emprunteur lui-même, rien ne démontrant que l’emprunteur, courtier salarié en production alimentaire bénéficiant d’un revenu net de 5 056 euros par mois, propriétaire de son logement et d’une résidence secondaire, et ayant un total de charges 2 000 euros correspondant à sa résidence secondaire, ne pouvait financièrement faire face à des échéances de remboursement de 285,77 euros par mois que grâce la revente de l’électricité produite.
Il s’en déduit que le prêt litigieux n’était pas excessif et ne justifiait d’aucune mise en garde particulière, le jugement étant également réformé en ce sens.
Sur les autres demandes
La disposition du jugement ayant prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts est devenue sans objet, dès lors que le contrat de prêt a été annulé et que M. [R] n’est plus tenu qu’au remboursement du capital, remboursé par anticipation.
La demande de M. [R] tendant à obtenir la garantie de la société ICG de toutes condamnations mises à sa charge.
La seule condamnation mise à sa charge sera celle qui va être ci-après prononcée par la cour au titre des dépens d’appel.
Cette condamnation ne procède cependant que du recours dont a pris l’initiative M. [R], jugé partie principalement succombante en cause d’appel, de sorte que la demande de garantie de la société ICG n’est pas fondée.
En outre, les demandes en paiement de dommages-intérêts formées contre la BNP PPF pour préjudices moral, financier et de jouissance seront rejetées, faute de preuve de l’existence de tels préjudices et de leur lien causal avec la faute du prêteur.
De même, la demande de condamnation de la BNP PPF au paiement du coût de dépose de l’installation et de remise en état de la toiture sera rejetée, dès lors que, tiers au contrat principal, le prêteur ne saurait se voir imputer les conséquences dommageables de l’exécution de sa prestation par le fournisseur.
Partie principalement succombante en première instance, la BNP PPF a été à juste titre condamnée à supporter les dépens de première instance.
En outre, c’est par d’exactes considérations d’équité que le premier juge a alloué à M. [R] une indemnité de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance.
En revanche, partie principalement succombante devant la cour, M. [R] supportera les dépens d’appel.
Mais il n’y a pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes, sauf en ce qu’il a condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer M. [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance, et déclaré la décision opposable à la SELAS Alliance, ès qualités de liquidateur de la société IC Groupe, ces dispositions étant confirmées ;
Prononce l’annulation du contrat principal conclu entre M. [C] [R] et la société IC Immo Confort, devenue société IC Groupe, le 24 novembre 2017 ;
Constate l’annulation du contrat de prêt conclu entre M. [C] [R] et la société BNP Paribas Personal Finance le 24 novembre 2017 ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [C] [R] la somme de 2 695,92 euros au titre de la restitution des intérêts et frais perçus ;
Déboute M. [R] de sa demande tendant à dire que le matériel est réputé abandonné passé un mois après la signification du présent arrêt ;
Déboute M. [C] [R] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de la société BNP Paribas Personal Finance ;
Rejette les demandes de garantie et en paiement de frais de dépose de l’installation et de remise en état de la toiture formées par M. [R] contre la société IC Groupe, ainsi qu’en fixation ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne M. [C] [R] aux dépens d’appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT