Conditions Générales de Vente : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00116

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Conditions Générales de Vente : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00116

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

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ARRÊT DU : 13 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/00116 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L34Y

S.A.S. TEMACO CONTENANTS

AVIVA ASSURANCES

c/

S.A.S. CHEF DE FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 décembre 2020 par le Tribunal de Commerce de PERIGUEUX (chambre : , RG : 2019.6556) suivant déclaration d’appel du 07 janvier 2021

APPELANTES :

S.A.S. TEMACO CONTENANTS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3] / FRANCE

AVIVA ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]

Représentées par Maître Chantal DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX assistées par Maître Patrick PAGES avocat au barreau de BRIVE

INTIMÉ E :

S.A.S. CHEF DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège social [Adresse 2] / FRANCE

Représentée par Maître Anaïs SAULNIER, avocat au barreau de BORDEAUX assistée par Maître Laurence BORNENS avocat au barreau d’ ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie MASSON, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Jean-Pierre FRANCO

Conseiller : Mme Sophie MASSON (rapporteur)

Conseiller : Mme Marie GOUMILLOUX

Greffier : M. Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Par message électronique du 25 janvier 2017, la société par actions simplifiée Temaco Contenants a adressé à la société par actions simplifiée Chef de France une proposition de prix portant sur des pots en verre 130 ml ‘TO’ avec capsules et des pots en verre 135 ml et 225 ml ‘jupe haute’ avec capsules.

La société Chef de France a procédé à 7 commandes qui ont été livrées et facturées entre le 31 janvier 2017 et le 1er août 2017.

La société Chef de France a, à compter du mois d’avril 2017, mis en oeuvre la fabrication de divers produits alimentaires et les a conditionnés dans les pots vendus par la société Temaco ; elle a cependant découvert au cours du mois de septembre 2017 une altération de plusieurs capsules par l’apparition de traces noires. Elle a alors alerté la société Temaco, dont l’assureur, la société Aviva, a organisé une expertise amiable contradictoire en présence de l’expert missionné par la société Albingia, assureur de la société Chef de France.

Deux réunions d’expertise se sont tenues les 20 novembre 2017 et 19 février 2018. Les parties ont contradictoirement constaté que 14832 pots étaient affectés mais ne sont toutefois pas parvenues à un accord sur la prise en charge des conséquences financières résultant pour la société Chef de France de l’impossibilité de commercialiser les produits concernés.

La société Chef de France, après une mise en demeure adressée le 15 avril 2019 à la société Temaco, a fait assigner celle-ci le 5 août 2019 devant le tribunal de commerce de Brive en paiement de diverses sommes sur le fondement de la garantie des vices cachés et du manquement de sa co-contractante à son obligation d’information.

Sur demande des parties, l’affaire a été renvoyée devant le tribunal de commerce de Périgueux par jugement du 18 octobre 2019.

Par jugement contradictoire prononcé le 7 décembre 2020, le tribunal de commerce a statué ainsi qu’il suit :

– constate qu’il n’est formulé aucune demande à l’égard de la société Aviva Assurances ;

– constate que la société Aviva Assurances n’oppose aucun moyen ;

– condamne la société Temaco à payer à la société Chef de France la somme de 60.463,94 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2019, jusqu’à parfait paiement ;

– déboute la société Chef de France de ses autres demandes en réparation du préjudice d’image ou de résistance ;

– condamne la société Temaco à verser à la société Chef de France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement ;déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

– condamne la société Temaco aux dépens.

Les sociétés Temaco Contenants et Aviva Assurances ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 7 janvier 2021.

La société Chef de France a formé un appel incident.

***

Par dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2023, les sociétés Temaco Contenants et Aviva Assurances demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1193 et suivants du code civil,

Subsidiairement les dispositions des articles 1641 et suivants et 1112-1 et suivants du code civil,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Temaco Contenants au paiement de la somme de 60.463,94 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2019 jusqu’à parfait paiement ainsi qu’au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– débouter la société Chef de France de ses fins et demandes ;

– la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

À titre subsidiaire,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a limité le montant du préjudice à la somme de 60.463,94 euros HT ;

– le confirmer en ce qu’il a débouté la société Chef de France de ses demandes relatives à la réparation des préjudices d’image et de résistance.

***

Par dernières écritures notifiées le 16 janvier 2023, la société Chef de France demande à la cour de :

Vu l’article 1146 du code civil,

– déclarer la société Chef de France recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

– rejeter toutes les demandes et prétentions des appelantes ;

– confirmer le jugement du 7 décembre 2020 en ce qu’il a :

-condamné la société Temaco Contenants à verser à la société Chef de France la somme de

60.463,94 euros en réparation de son préjudice économique,

-condamné la société Temaco Contenants à payer à la société Chef de France la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens;

– infirmer le jugement du 7 décembre 2020 en ce qu’il a :

-rejeté la demande de condamnation de la société Temaco Contenants à verser à la société Chef de France la somme de 30.000 euros au titre de son préjudice d’image,

-rejeté la demande de condamnation la société Temaco Contenants à verser à la société Chef de France la somme de 20.000 euros au titre de sa résistance abusive ;

Statuant à nouveau,

– condamner la société Temaco Contenants à verser à la société Chef de France la somme de 30.000 euros au titre de son préjudice d’image ;

– condamner la société Temaco Contenants à verser à la société Chef de France la somme de 20.000 euros au titre de sa résistance abusive ;

En toutes hypothèses,

– condamner la société Temaco Contenants et son assureur la société Aviva à payer à la société Chef de France la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la seule procédure d’appel et à supporter les dépens.

***

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. L’article 1119 du code civil dispose :

« Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.

En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. »

2. Au visa de ce texte, la société Temaco fait grief au jugement déféré de l’avoir condamnée à indemniser le préjudice résultant pour la société Chef de France de l’impossibilité de commercialiser les produits conditionnés dans les pots fermés par des couvercles corrodés.

L’appelante rappelle que ses conditions générales de vente comportent une exclusion particulière de garantie ainsi énoncée :

« Article 3 (al 2) ‘ Commandes :

(…) Il appartient à l’acheteur, sous sa pleine et entière responsabilité (‘) de choisir tels ou tels produits (emballages et/ou fermetures notamment) vendus par le fournisseur en fonction de leurs conditions de stockage et/ou de conservation, de manutention, de remplissage, d’utilisation (‘) qu’il est le seul à connaître.

Article 9 ‘ Garantie :

(…) L’acheteur conserve la charge de la pleine et entière responsabilité du choix des produits vendus par le fournisseur (notamment : nature, forme, matériau, revêtement, protection, spécifications, caractéristiques, décoration) ainsi que des résultats en découlant du mode opératoire qu’il pratique (notamment stockage, conservation, manutention, remplissage, fermeture, livraison, commercialisation).»

L’appelante fait ainsi valoir que ces stipulations contractuelles régissant les relations avec ses cocontractants lui permettent de dégager toute responsabilité quant aux difficultés susceptibles de résulter d’une incompatibilité entre les articles vendus et l’utilisation qui en est faite au regard, particulièrement, de la nature et de la composition chimique des produits conditionnés, que seuls les acheteurs sont précisément en mesure de connaître.

L’intimée lui oppose le fait qu’elle n’a pas expressément accepté ces conditions générales de vente qui, au demeurant, ni figuraient pas sur son offre de prix mais ne sont apparues qu’au verso des factures, donc postérieurement aux commandes litigieuses.

3. La cour relève, avec le tribunal de commerce, que l’offre commerciale du 25 janvier comportait les prix des différents produits proposés (pots et capsules) mais également des annexes relatives aux spécificités des pots (croquis, dimensions, maquettes de présentation), et aux conditions administratives et commerciales applicables en cas de commande : documents à fournir pour l’ouverture d’un compte client, modalités de paiement, conditions relatives au transport des marchandises et, en point numéro 1, la clause suivante :

« Le conditionneur est responsable des produits qu’il met sur le marché. Il lui appartient donc de vérifier la compatibilité de l’emballage choisi (matière, vernis ou revêtement intérieur, étanchéité, migrations, etc…) avec le produit conditionné, ceci en fonction de ses conditions d’utilisation ou de ses essais préalables (process, stockage, transport), de conserver dans le cadre de la traçabilité de ses produits les fiches palettes et/ou cartons, dans le respect des réglementations en vigueur.»

De plus, la société Chef de France a apposé son cachet et sa signature au pied de chacune des deux pages de la facture pro forma en date du 25 janvier 2017, étant précisé que les deux premières pages comportent la mention selon laquelle le client reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de vente de la société Temaco -consultables sur son site internet- et les accepter ; l’intimée a enfin également apposé la mention de son siège social, la date du 26 janvier 2017, son cachet et sa signature au pied du formulaire reproduisant exhaustivement lesdites conditions générales de vente, ce qui établit qu’elle en a expressément pris connaissance.

Il apparaît ainsi que la société Chef de France était dûment informée de cette exclusion spécifique de garantie antérieurement à la première commande des capsules DWO66.

Au surplus, l’intimée ne peut à la fois soutenir sa méconnaissance de cette clause et exciper du fait que la société Temaco serait son fournisseur historique de conditionnements pour ses productions alimentaires en produisant, au soutien de cette affirmation, une proposition commerciale de la société Temaco en date du 22 avril 2014 qui comporte in fine la même exclusion spécifique de garantie relative à la nécessité, pour le client, de vérifier la compatibilité du contenu avec les conditionnements vendus par la société Temaco.

4. L’appelante est donc fondée à opposer à la société Chef de France les termes de cette stipulation contractuelle, dont la cour observe qu’elle n’a pas pour effet de vider de sa substance tout principe de responsabilité, ainsi que le soutient à tort l’intimée, puisque la société Temaco, qui y est au demeurant légalement tenue, rappelle expressément à l’article 9 des conditions générales de vente, qu’elle garantit ses produits contre les vices cachés.

5. Or il est constant que les conclusions des deux experts amiables, qui sont acceptées par les parties, ont convergé vers le constat selon lequel l’altération des capsules des pots vendus par la société Temaco à la société Chef de France était une corrosion, résultat d’une interaction entre certains des produits et le revêtement plastique des couvercles référencés DW066 : le PH acide des moutardes conditionnées dans les pots fermés par ces couvercles avait provoqué la corrosion cause du sinistre.

Il est établi par l’inventaire réalisé par les deux experts amiables que 14832 couvercles ont été altérés sur les 33504 couvercles de type DWO66 qui ont été livrés.

Dès lors, dans la mesure où la cause du sinistre réside dans l’incompatibilité des moutardes préparées par la société Chef de France avec le revêtement des capsules DWO66, la société Temaco oppose à juste titre à l’intimée les termes du contrat de vente les liant et, en conséquence, l’exclusion de garantie relative au défaut de vérification, par la société Chef de France, de ‘la compatibilité de l’emballage choisi (matière, vernis ou revêtement intérieur, étanchéité, migrations, etc…) avec le produit conditionné’.

6. La cour infirmera donc le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Temaco à payer diverses sommes à la société Chef de France et, statuant à nouveau, déboutera celle-ci de l’ensemble de ses demandes et la condamnera à payer les dépens de première instance.

Y ajoutant, la cour condamnera la société Chef de France à payer les dépens de l’appel et à verser à la société Temaco la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 7 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Périgueux.

Statuant à nouveau,

Déboute la société Chef de France de ses demandes.

Condamne la société Chef de France à payer les dépens de première instance.

Y ajoutant,

Condamne la société Chef de France à payer à la société Temaco la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Chef de France à payer les dépens de la procédure d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Jean-Pierre FRANCO, président, et par M. Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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