ARRET N° .
N° RG 22/00849 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMSA
AFFAIRE :
S.A.S. ABAQUEPLAST
C/
S.A.S. IRSH
JP/MS
Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix
Grosse délivrée à Me Hubert-antoine DASSE, Me Frédéric OLIVE, avocats,
COUR D’APPEL DE LIMOGES
Chambre sociale
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ARRET DU 11 MAI 2023
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Le ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre économique et sociale a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:
ENTRE :
S.A.S. ABAQUEPLAST, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric OLIVE, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d’une décision rendue le 18 NOVEMBRE 2022 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
S.A.S. IRSH, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Hubert-antoine DASSE de la SELARL RAYNAL-DASSE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre prévu aux articles 905 et suivants du code de procédure civile, l’affaire a été fixée à l’audience du 21 Mars 2023.
La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, et de Madame Johanne PERRIER, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionelles, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Madame Johanne PERRIER, magistrat rapporteur, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 11 Mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
La société IRSH, exerçant sous le nom commercial ‘Indépendance royale’, a pour activité la vente et l’installation par l’intermédiaires d’installateurs agréés d’équipements permettant le maintien des personnes à domicile.
Depuis 2018, elle est en relation commerciale avec la société Abaqueplast auprès de laquelle elle acquiert des plaques en PVC de type ‘Komacel’ utilisées pour constituer des parois de douche dans des salles de bains aménagées.
Sur la base d’un devis du 15 juin 2021, la société IRSH a passé commandé auprès de la société Abaqueplast de 9.300 plaques de ce type pour un montant TTC de 392.580 euros.
Une première livraison de 300 plaques, intervenue le 22 juin 2021, a été réglée par la société IRSH.
Postérieurement à une seconde livraison de 2.080 plaques intervenue le 26 octobre 2021, la société IRSH a mis en cause dans un premier temps la nuance de blanc des plaques puis, dans un second temps, des défauts de densité générant selon elle des marquages à l’utilisation, ce dont elle a fait dresser un constat par huissier de justice le 31 mars 2022.
La société IRSH a alors refusé de régler la somme de 87.110,40 euros correspondant à la livraison du 26 octobre 2021 et d’honorer la livraison des 6.920 plaques restantes d’un coût de 241.508 euros.
Le 13 juillet 2022, la société IRSH a fait assigner la société Abaqueplast devant le juge des référés du tribunal de commerce de Limoges aux fins d’obtenir, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile une expertise, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 18 novembre 2022.
Parallèlement et par acte du 17 août 2022, la société Abaqueplast a engagé une action en paiement des factures litigieuses devant le tribunal de commerce de Bobigny.
Le 28 novembre 2022, la société Abaqueplast a relevé appel de la décision ordonnant l’expertise
Aux termes de ses dernières écritures du 23 février 2023auxquelles il est renvoyé, la société Abaqueplast demande à la cour, infirmant l’ordonnance dont appel, de rejeter la demande d’expertise de la société IRSH et de la condamner à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, ainsi qu’à ceux de première instance.
Elle fait valoir pour l’essentiel :
– que l’ordonnance dont appel a violé les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile en ne s’assurant ni de l’existence d’un motif légitime, ni d’une base légale aux mesures ordonnées qui sont par ailleurs imprécises et non réalisables ;
– qu’en tout état de cause, la demande d’expertise formée par l’intimée contrevient aux dispositions de l’article 238 du code de procédure civile, puisqu’elle vise à ce que soient portées des appréciations d’ordre juridique, ce qui relève du seul pouvoir du juge du fond et en aucun cas d’un expert.
Aux termes de ses dernières écritures du 02 mars 2023, la société IRSH demande à la cour de confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a ordonné l’ expertise et, y ajoutant, de condamner la société Abaqueplast à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , tout en statuant de droit quant aux dépens.
L’affaire a reçu fixation en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour ordonner en application de ce texte l’expertise sollicitée, le juge des référés doit caractériser l’existence d’un litige potentiel susceptible d’opposer les parties et, s’il n’est pas tenu de caractériser le ou les différents fondements juridiques de l’action que la partie demanderesse se propose d’engager, il n’en doit pas moins constater l’existence d’un motif légitime au regard de l’un ou l’autre de ces fondements.
Pour s’opposer à la mesure d’instruction sollicitée par la société IRSH, la société Abaqueplast, qui reconnaît avoir été confrontée à des difficultés d’approvisionnement auprès de son fournisseur habituel Rochelling, fait valoir :
– qu’elle en a informé la société IRSH dès le 27 janvier 2021, tout en faisant état des possibles différences de nuances de blanc et de caractéristiques du fait d’un changement de fabricant ;
– que la société IRSH a accepté sans réserve l’offre faite par d’autres fournisseurs pour une commande qui est passée de 3.000 plaques le 11 juin 2021 à 9.000 plaques le 16 juin 2021 et pour laquelle il lui a été consenti une remise exceptionnelle de 20% ;
– qu’alors que les livraisons intervenues les 22 juin et 26 octobre 2021venaient du même fabricant Excel Plastics, pour s’opposer au paiement de la seconde livraison, la société IRSH a invoqué un défaut de teinte du blanc de ces plaques pour la première fois en novembre 2021, soit cinq mois après la première livraison;
– que, dans le cadre de leurs échanges et sur la base de plaques ayant servi de tests , il a alors été proposé à la société IRSH en février 2022 la pose sur les 9.000 plaques d’un film laminé moyennant un coût de 143.100 euros, ce qui été a été refusé par la société IRSH ;
– que la nuance de teinte du blanc, qui n’était pas précisée lors de la commande pour en faire un élément déterminant, n’a pas empêché la société IRSH de revendre les plaques à ses installateurs ;
– que, par un courrier du 30 mars 2022, la société IRSH a fait état pour la première fois de prétendus défauts de densité des plaques générant des marquages à l’utilisation, ainsi que de difficultés de perçage et de découpage entraînant des bris.
La société Abaqueplast met en outre en avant les conditions générales de vente prévoyant que la réception de la marchandise éteint toute réclamation de l’acheteur sur la nature ou la quantité du produit, sauf réserves formulées par lettre recommandée dans les huit jours de la date de réception.
Elle considère en conséquence que les non-conformités, qui ont été tardivement alléguées et qui présentent un caractère soit apparent, soit facilement décelable, ont été couvertes par l’acceptation sans réserve des livraisons par la société IRSH, acquéreur professionnel, qui, en outre, ne justifie pas des conditions de stockage des plaques ; qu’au surplus, la mesure sollicitée est dépourvue d’utilité puisque la société IRSH invoque un constat dressé par huissier de justice établissant selon elle la réalité de ses griefs.
Toutefois, c’est à bon droit que le juge des référés du tribunal de commerce a relevé que la réception d’un produit sans réserve de la part de l’acheteur n’est pas de nature à décharger le vendeur de sa garantie légale des vices cachés ; que les différences de couleur des plaques, qui ont été livrées intégralement recouvertes sur chaque face d’un film protecteur de couleur bleue, sont avérées et non contestées par la société Abaqueplast qui a proposé d’y remédier par la pose d’un film laminé et que le constat fait par huissier de justice le 31 mars 2022 relève également des différences affectant la matière même des plaques avec des défauts de densité à l’origine de marquages à l’utilisation et de difficultés de perçage et de découpage.
En plus de ce constat établi par huissier de justice, la société IRSH produit les écrits de huit de ses installateurs agréés faisant état d’un film de protection difficilement retirable et laissant des traces de colle, de la fragilité des plaques, de leur découpe difficile sans les briser, de marquages par rayures ou chocs et don, en résumé, d’une qualité et rigidité inférieures à celles qui étaient précédemment utilisées.
L’instance, qui a été introduite par la société Abaqueplast devant le tribunal de commerce de Bobigny postérieurement à la saisine du juge des référés par la société IRSH, vise à la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 87.110,40 euros correspondant à la livraison intervenue le 26 octobre 2021, et celle de 289.809,60 correspondant aux plaques dont la livraison a été refusée.
L’expertise sollicitée, qui vise à ce qu’il puisse être vérifié contradictoirement les qualités intrinsèques des plaques, est utile à la solution du litige.
La société IRSH justifie d’un motif légitime à son organisation à ses fais avancés et l’ordonnance dont appel sera donc confirmée, y compris en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu en l’état à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de l’instance, tant ceux de première instance que d’appel, seront provisoirement laissés à la charge de la société IRSH.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Limoges en date du 18 novembre 2022, sauf en ce qu’elle a réservé les dépens ;
Dit que les dépens de première instance et d’appel sont provisoirement laissés à la charge de la société IRSH.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.