COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 11 MAI 2023
N° RG 20/00489 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNXQ
SA AIA MANAGEMENT DE PROJETS (AIA MP)
c/
SNC VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 novembre 2019 (R.G. 18-004148) par le Tribunal d’Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 29 janvier 2020
APPELANTE :
La SA AIA MANAGEMENT DE PROJETS (AIA MP)
S.A au capital de 800 000,00 € immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 310288220 dont le siège social est [Adresse 3]) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me CHOPLIN substituant Me David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
La SNC VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 435 166 285, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
Représentée par Me Amandine GIMEL substituant Me Clémence LEROY-MAUBARET de la SCP D’AVOCATS INTER – BARREAUX MAUBARET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 10 octobre 2013, M. [X] [P] a acquis auprès de la SNC Vinci immobilier résidentiel l’appartement 32 de l’immeuble sis : [Adresse 1] , dans le cadre d’une vente en état futur d’achèvement.
Le procès-verbal de livraison a été signé le 16 septembre 2014.
Alléguant l’absence de levée des réserves mentionnées à l’issue de la réception, M. [P] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux, qui par ordonnance du 11 janvier 2016 a désigné M. [S], en qualité d’expert judiciaire. Le rapport d’expertise a été remis le 26 juillet 2017.
Par acte du 19 décembre 2017, M. [P] a assigné la SNC Vinci immobilier résidentiel devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, aux fins de condamnation au versement de diverses sommes, avec exécution provisoire.
Le tribunal de grande Instance s’est déclaré incompétent au profit du tribunal d’instance.
Par acte du 30 janvier 2019, la SNC Vinci immobilier résidentiel a assigné la SA AIA Management de Projets, en sa qualité de mandataire du groupement d’entreprises qui avait reçu une mission de maitrise d »uvre de conception et d’exécution du projet, mais aussi en sa qualité de membre de ce même groupement chargé de la direction de l’exécution des travaux jusqu’à la réalisation des travaux de parachèvement, et la SASU GTM Bâtiment Aquitaine, chargée du lot gros ‘uvre, devant le tribunal d’instance de Bordeaux aux fins de les voir condamnées à la garantir et relever indemne des condamnations pouvant être portées à son encontre au profit de M. [P].
Par jugement du 27 novembre 2019, le tribunal d’instance de Bordeaux a :
– condamné la SNC Vinci immobilier résidentiel à verser à M. [X] [P] la somme de 3 429,80 euros TTC en réparation de son préjudice matériel,
– débouté M. [X] [P] de sa demande en paiement en réparation du préjudice immatériel,
– condamné la SNC Vinci immobilier résidentiel à verser à M. [X] [P] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SNC Vinci immobilier résidentiel aux entiers dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire,
– rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la SAS AIA Management de projets,
– condamné la SAS AIA Management de projets à garantir et à relever indemne la SNC Vinci immobilier résidentiel de sa condamnation en réparation du préjudice matériel subi par M. [P] à hauteur de 2 086,70 euros,
– condamné la SAS AIA Management de projets à garantir et à relever indemne la SNC Vinci immobilier résidentiel de sa condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens à hauteur de 60%,
– constaté que les demandes d’appel en garantie à l’encontre de la SASU GTM Bâtiment Aquitaine sont sans objet,
– rejeté les demandes en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile émises par les sociétés SNC Vinci immobilier résidentiel, SAS AIA Management de projets et SASU
GTM Bâtiment Aquitaine,
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.
La SA AIA Management de projets a relevé appel du jugement le 29 janvier 2020 en ce qu’il :
– a rejeté son exception d’irrecevabilité soulevée,
– l’a condamnée à garantir et à relever indemne la SNC Vinci immobilier résidentiel de sa condamnation en réparation du préjudice matériel subi par M. [P] à hauteur de 2086,70 euros,
– l’a condamnée à garantir et à relever indemne la SNC Vinci immobilier résidentiel de sa condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens à hauteur de 60%,
– a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 juillet 2020, la SA AIA Managements de projets demande à la cour, sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile et des articles 1134 et suivants du code civil, de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel interjeté à l’encontre du jugement rendu par le tribunal d’instance de Bordeaux le 27 novembre 2019,
En conséquence,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d’instance de Bordeaux le 27 novembre 2019,
– débouter la SCI Vinci immobilier résidentiel de son appel incident,
Statuant à nouveau,
– à titre principal, déclarer irrecevables les demandes de la SNC Vinci immobilier résidentiel dirigées contre elle,
– à titre subsidiaire, débouter intégralement la SNC Vinci immobilier résidentiel de ses demandes dirigées à son encontre,
– en tout état de cause, condamner la SNC Vinci immobilier résidentiel à lui payer une indemnité de 3 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction au profit de la SCP Latournerie, Milon, Czamanski, Mazille par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 juin 2020, la SNC Vinci immobilier résidentiel demande à la cour, sur le fondement des articles 1134 et suivants du code civil, de :
– infirmer partiellement le jugement attaqué du 27 novembre 2019 rendu par le tribunal d’instance de Bordeaux,
– déclarer recevables et bien fondées ses demandes à l’encontre de la société AIA Management de projets,
– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société AIA Management de projets au titre du désordre 3 et l’a condamnée à la relever indemne de la somme de 2086,70 euros,
– condamner la société AIA Management de projets à la garantir et à la relever intégralement indemne de l’ensemble des condamnations prononcées au profit de M. [P] par jugement du 27 novembre 2019,
– en conséquence, la condamner à la relever indemne de la somme de 3 429,80 euros versée à M. [P] au titre de son préjudice matériel,
– la condamner à la relever indemne de la somme de 3 000 euros versée à M. [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris les frais de l’expertise judiciaire,
– la débouter de toutes demandes présentées à son encontre notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de mise en ‘uvre par la société Vinci Immobilier Résidentiel de la clause contractuelle instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge
Le tribunal a jugé que la clause contractuelle invoquée par la société AIA Management de Projets aux termes de laquelle la société Vinci aurait dû solliciter préalablement une conciliation, n’avait pas à s’appliquer alors que l’objet du litige était relatif non pas à l’exécution du contrat qui les liait, mais à la responsabilité des différents acteurs de la construction de l’immeuble dans la survenance des désordres subis par le maitre de l’ouvrage demandeur à l’instance.
La société AIA Management de Projets soutient que les parties étaient convenues par le cahier des clauses générales du contrat de maîtrise d »uvre que tout différend concernant l’interprétation ou l’exécution du contrat devait préalablement à toute action en justice être soumis à des conciliateurs et faire l’objet d’une saisine du conseil de l’Ordre des architectes alors que la SNC Vinci immobilier résidentiel, bien qu’étant un professionnel en la matière, n’a pas procédé à ces prescriptions, alors que les manquements reprochés relèvent d’un différend lié à l’exécution du contrat, si bien que son action est irrecevable.
La société Vinci Immobilier Résidentiel réplique qu’étant défenderesse à l’action initiée par un tiers et présentant à l’encontre de la SA AIA Management de Projets ses demandes à titre reconventionnel, la clause du cahier des conditions générales de vente prévoyant un recours préalable obligatoire à une conciliation ne lui est pas applicable, alors qu’en outre, le litige porte sur les conséquences du contrat et non son exécution, si bien que son action est recevable.
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L’article 1792 du code civil dispose : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »
Si les parties peuvent insérer dans les contrats liant une clause de conciliation préalable, cette clause ne peut s’appliquer lorsque le juge a été préalablement saisi par un tiers à ce contrat.
En l’espèce, c’est M. [P], tiers au contrat passé entre les sociétés Vinci Immobilier Résidentiel et AIA Managements de Projets, qui a assigné la seule société Vinci Immobilier devant le tribunal d’instance de Bordeaux, laquelle a à son tour assigné en garantie la société AIA Managements de Projets. Dans ces conditions la clause de conciliation préalable n’avait pas vocation à s’appliquer, alors que le juge n’a pas été saisi par l’un des contractants au contrat de maitrise d »uvre, contenant la clause de conciliation préalable.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société AIA Management De Projets.
Sur le fond
Le tribunal a considéré après avoir relevé que le maitre d »uvre devait procéder à la levée des réserves faites lors de la réception et la livraison du bien, que si le parquet avait fait l’objet d’une réserve qui avait été reprise, cette réparation avait été mal réalisée, si bien qu’il a retenu la responsabilité de l’architecte pour le seul désordre n° 3.
L’appelante soutient qu’elle n’a commis aucun manquement dans le cadre de sa mission puisqu’elle s’est abstenue d’agir en raison d’un courrier reçu le 18 septembre 2015 de la part de la SNC Vinci immobilier résidentiel lui demandant de surseoir à toute réaction, M. [P] venant d’initier à son encontre une procédure judiciaire, qu’en outre concernant les autres désordres invoqués, l’expert judiciaire n’a retenu aucune responsabilité de la SAS AIA Management de projets puisqu’ils sont intervenus après les travaux réparatoires réalisés par les entreprises mandatées par la SNC Vinci immobilier résidentiel ou postérieurement à la réception des travaux, et qu’enfin aucun élément nouveau permet de caractériser une faute de sa part, rappelant qu’elle n’était soumise qu’à une obligation de moyen.
L’intimée affirme pour sa part que la SAS AIA Management de Projets a manqué à ses obligations puisqu’elle n’a pas mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour exécuter parfaitement les travaux, ni pour reprendre les réserves établies, que le désordre de la terrasse lui est imputable, conformément au rapport d’expertise, et qu’il est à l’origine d’autres désordres dont elle est également responsable, que la réserve relative au désordre affectant le parquet a été dénoncée dans le mois suivant la livraison et l’appelante n’est pas intervenue pour y remédier, qu’en conséquence, elle doit être condamnée à relever la SNC Vinci immobilier résidentiel des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [P].
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Sur le désordre n° 3 : soit les désordres affectant le parquet
L’expert judiciaire a relevé concernant le parquet qui avait été reposé à la suite des réserves dans l’une des chambres que celui-ci bougeait, et qu’une lame de celui-ci ressortait anormalement dans le dégagement vers la cuisine, qu’en outre des plinthes avaient été replacées dans l’entrée mais n’avaient pas la même épaisseur que celles de l’existant, et qu’enfin une plinthe avait été mal posée dans le séjour.
Il n’est nullement démontré par l’appelante que les différents désordres d’origine affectant le parquet résulteraient d’un dégât des eaux.
Or, les défauts affectant le parquet ont été mentionnés dans le procès-verbal de livraison et il avait été précisé que le coût des travaux de reprise s’élevait à la somme de 1897 euros HT, montant qui a été retenu par l’expert judiciaire.
Or, si les désordres affectant le parquet ont été repris, les travaux de reprise, mal exécutés, n’ont pas permis d’obtenir la levée des réserves.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité la société AIA Management de Projets, maitre d »uvre, chargé de la direction de l’exécution des travaux jusqu’à la réalisation des travaux de parachèvement, au titre du désordre n° 3.
Sur le désordre n° 1 : soit celui relatif à l’absence de pente de la terrasse
Ce désordre a été repris.
Il n’est pas démontré par l’intimée que le demandeur principal ait demandé une indemnisation quant à ce désordre.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Vinci Immobilier Résidentiel de sa demande au titre de ce désordre.
Sur les désordres 5, 6, 7, et 8 : conséquences d’infiltrations
L’intimée ne démontre pas les manquements de l’appelante dans l’apparition de ces désordres, alors que l’expert judiciaire n’a retenu la responsabilité du maitre d »uvre que pour l’absence de pente de la terrasse, désordre qui a été repris.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Vinci Immobilier Résidentiel de sa demande au titre de ces désordres.
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La société AIA Management De Projets succombant sera condamnée aux dépens d’appel, et à verser à l’intimée une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la société AIA Management De Projets aux entiers dépens et à verser à la société Vinci Immobilier Résidentiel la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE