ARRET N°
du 11 juillet 2023
R.G : N° RG 22/00576 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FESD
E.A.R.L. CIDRERIE DE WARNECOURT
c/
Société CLARINVAL CONSTRUCTIONS
Formule exécutoire le :
à :
la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET
Me Jean-françois MONVOISIN
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 11 JUILLET 2023
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 28 janvier 2022 par le tribunal judicaire de CHARLEVILLE-MEZIERES
E.A.R.L. CIDRERIE DE [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Sylvie RIOU-JACQUES de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES
INTIMEE :
Société CLARINVAL CONSTRUCTIONS SPRL CLARINVAL CONSTRUCTIONS immatriculée à la BCE sous le numéro 0549.921.308
[Adresse 5]
[Localité 3] – BELGIQUE
Représentée par Me Jean-françois MONVOISIN, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame PILON conseiller et Madame MATHIEU conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. EIles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller faisant fonction de présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseiller
Madame Sandrine PILON, conseiller
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 30 mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 juillet 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Suivant bons de commande des 15 avril et 23 mai 2014, l’EARL Cidrerie de [Localité 6] a passé commande à la société Clarinval de la construction d’un bâtiment destiné à son activité professionnelle, pour un prix total de 139 000 euros.
Se plaignant de divers désordres, l’EARL a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières l’organisation d’une expertise, qui a été ordonnée le 17 juin 2016 et confiée in fine à M [D], lequel a déposé son rapport le 28 janvier 2017.
Pour sa part, la société Clarinval Constructions a fait assigner l’EARL Cidrerie de [Localité 6] devant ce même tribunal le 17 avril 2018 afin d’obtenir le paiement du solde des travaux. L’EARL Cidrerie de [Localité 6] demandait, pour sa part, que des déductions soient opérées sur le montant de la facture et sollicitait la condamnation du demandeur à l’indemniser au titre de travaux de réfection.
Par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a :
– Déclaré la SPRL Clarinval Constructions recevable en son action,
– Condamné la SPRL Clarinval Constructions à verser à l’EARL Cidrerie de [Localité 6] la somme de 18 420 euros de dommages intérêts au titre des travaux de réfection, selon devis du 11 mars 2016, indexé selon l’indice du coût de la construction entre le 11 mars 2016 et le jugement, outre intérêt au taux légal à compter du jugement,
– Débouté l’EARL Cidrerie de [Localité 6] de sa demande de dommages intérêts complémentaires,
– Condamné l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à verser à la SPRL Clarinval Constructions la somme de 20 000 euros au titre du solde de la facture du 21 mai 2015, outre les intérêts, au taux contractuel de 1% par mois à compter du 31 mai 2015, date de l’échéance du solde, jusqu’au parfait règlement,
– Condamné l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à verser à la SPRL Clarinval Constructions la somme de 3 308.55 euros au titre de la clause pénale des conditions générales de vente,
– Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties, en ce compris les frais d’expertise,
– Débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté les parties de leurs plus amples demandes,
– Ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal a considéré que la société Clarinval Constructions est recevable en sa demande en estimant qu’il ressort de l’acte de cession du fonds de commerce que celle-ci vient aux droits de la société Clarinval, que les factures ont été émises sous le numéro de TVA de la société Clarinval Constructions et que les actes de procédure visent cette dernière, sauf erreur matérielle évoquant la société Clarinval, ce dont il a conclu que la société Clarinval Constructions est le seul cocontractant de l’EARL Cidrerie de [Localité 6].
Il a relevé que la responsabilité contractuelle de la société Clarinval Constructions n’est pas contestée s’agissant des désordres portant sur les serrures, l’escalier et le garde-corps et a retenu les propositions formulées pour la réparation de ces préjudices.
S’agissant de la dalle en béton, le tribunal a relevé l’absence de maître d »uvre et considéré que la société Clarinval Constructions était tenue d’une obligation de conseil envers l’EARL Cidrerie de [Localité 6], que le béton utilisé n’est manifestement pas adapté à l’activité d’une cidrerie et que si le désordre n’empêche pas l’exploitation du bâtiment, cette dernière est légitime à exiger que le sol n’en soit pas altéré anormalement au regard de son activité, qui était connue du constructeur. Il a retenu les préconisations de l’expert d’assurance, proposant l’application d’un revêtement et non la réfection complète de la dalle. Il a rejeté la demande complémentaire de l’EARL Cidrerie de [Localité 6] au motif qu’elle n’apportait pas le moindre justificatif. Il a également rejeté la demande indemnitaire de la société Clarinval Constructions faute de justification par celle-ci d’un préjudice distinct des frais de procédures et en relevant qu’elle se prévalait de l’application d’une clause pénale.
Le tribunal a constaté que l’EARL Cidrerie de [Localité 6] ne contestait pas être redevable de la facture de la société Clarinval Constructions et en a déduit le coût des désordres atteignant les serrures et le garde-corps.
Il a fait application du taux d’intérêts de 1% par mois et de la clause pénale prévues par les conditions générales après avoir relevé que le bon de commande et les factures faisaient mention de telles conditions au verso et en avoir conclu que celles-ci avaient été dûment portées à la connaissance de la Cidrerie de [Localité 6], à qui elles étaient donc opposables.
L’EARL Cidrerie de [Localité 6] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 3 mars 2022, en visant expressément les chefs de jugement déclarant la société Clarinval Constructions recevable, la déboutant de sa demande de dommages intérêts au titre du préjudice complémentaire à hauteur de 10 000 euros, la condamnant à verser à la société Clarinval Constructions la somme de 20 000 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 31 mai 2015 jusqu’au parfait règlement, ainsi que la somme de 3 308.55 euros au titre de la clause pénale, la déboutant de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et disant que les dépens seront partagés par moitié entre les parties, en ce compris les frais d’expertise.
Par conclusions notifiées le 19 octobre 2022, elle demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement des chefs visés dans la déclaration d’appel et de :
– Condamner la société Clarinval Constructions à lui payer la somme de 27 441.60 euros au titre des devis réparatoires, revalorisée selon l’indice INSEE du coût de la construction entre le 3 mars 2022 et l’arrêt à intervenir, outre 10 000 euros de dommages intérêts au titre du préjudice complémentaire,
– Lui donner acte de ses réserves s’agissant du préjudice d’exploitation,
– Dire et juger recevable mais non fondé l’appel incident de la société Clarinval Constructions et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner la société Clarinval Constructions à lui payer une indemnité d’un montant de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
Y ajoutant,
– Condamner la société Clarinval Constructions à lui payer une indemnité d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel
– La condamner aux entiers dépens en ce compris ceux du référé expertise, les frais et honoraires de l’expert judiciaire, de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP Ledoux Ferri Riou-Jacques, Touchon, Mayolet.
L’EARL Cidrerie de [Localité 6] précise qu’elle ne maintient pas son appel s’agissant de la recevabilité de la société Clarinval Constructions et qu’elle demande l’actualisation de la condamnation prononcée au titre des travaux de réfection.
Elle entend voir consacrer la responsabilité contractuelle de la société Clarinval Construction en raison des désordres qui atteignent le dallage en béton, soutient que le constructeur, seul professionnel, était tenu d’une obligation de conseil en préconisant une qualité de béton compatible avec son activité et conteste qu’elle puisse être considérée comme maître d »uvre alors qu’elle n’a pas de compétences en la matière. Elle ajoute que le fait de ne pas recourir à un maître d »uvre n’est pas fautif et ne peut être considéré comme une acceptation des risques et qu’il appartenait à la société Clarinval Constructions de s’enquérir de la destination du bâtiment, laquelle apparaissait en outre dans les documents d’urbanisme.
Elle maintient sa demande d’indemnisation complémentaire en expliquant que la réfection du dallage va rendre nécessaire le déménagement de toutes les installations présentes dans le bâtiment et que l’auteur des devis de réfection indique que le temps de réalisation des travaux est de trois semaines.
Elle ne conteste pas être débitrice d’un solde de facture au titre des travaux et approuve le tribunal de l’avoir évalué à 20 000 euros, déduction faite des sommes correspondant au coût de modification des serrures et à celui de l’escalier et du garde-corps.
En revanche, elle conteste le caractère contractuel des intérêts et de l’indemnité au titre de la clause pénale réclamés par la société Clarinval Constructions aux motifs que :
– L’exemplaire des bons de commande restés en sa possession ne comportent pas de verso et de conditions générales,
– Les stipulations en cause sont perdues dans un ensemble de conditions de vente et en caractères minuscules.
Elle ajoute que sa condamnation à ce titre ne pourrait se concevoir que dans l’hypothèse où la société Clarinval Constructions lui avait livré un bâtiment exempt de vices, que tant les intérêts, que l’indemnité s’analysent en clauses pénales, lesquelles sont manifestement excessives dès lors que le solde de facture était mal calculé et qu’elle en a refusé le paiement en raison des multiples malfaçons affectant l’ouvrage. Elle demande leur réduction à zéro euro.
Par conclusions notifiées le 19 juillet 2022, la SPRL Clarinval Constructions sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il l’a condamnée à régler la somme de 18 420 euros à l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à titre de dommages intérêts et demande à la cour :
Statuant à nouveau, de dire qu’elle n’a pas engagé sa responsabilité au titre des travaux de dallage,
Y ajoutant, de condamner l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à lui régler 6 225 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à tous les dépens et de la débouter de toutes ses demandes contraires.
S’agissant du béton du dallage, elle soutient que l’EARL Cidrerie de [Localité 6] a passé commande d’un bâtiment de type agricole sans caractéristique particulière, qu’elle n’a reçu aucune instruction précise quant au devenir du bâtiment et que le permis de construire ne fait état d’aucune exigence en la matière. Elle fait valoir les conclusions de l’expert judiciaire en ce qu’elles indiquent que le béton est à la limite admissible de la classe d’acidité au regard du produit exploité par la cidrerie pour contester toute faute de sa part. Elle estime qu’il n’existe pas non plus de préjudice dès lors que l’expert judiciaire indique que la surface détériorée est faible, que la résistance du dallage n’est pas compromise et que l’exploitation du bâtiment n’est pas empêchée.
Elle affirme que les intérêts qu’elle réclame sont fixés dans les conditions générales de façon claire et qu’ils sont entrés dans le champ contractuel.
MOTIFS
Sur les demandes indemnitaires de l’EARL Cidrerie de [Localité 6]
L’article 1147 du code civil, dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat, prévoit que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il est constant que l’entrepreneur est tenu à une obligation de conseil et à une obligation de résultat.
L’EARL Cidrerie de [Localité 6] précise, sans être contredite par la société Clarinval Constructions, que les travaux n’ont pas fait l’objet d’une réception.
Elle invoque deux types de désordres touchant le dallage en béton : un faïençage et une insuffisance de résistance chimique du béton au regard de l’acidité du cidre.
Ces deux difficultés ont été constatées tant par l’expert mandaté par l’assureur protection juridique de l’EARL Cidrerie de [Localité 6], que par l’expert judiciaire.
Les rapports établis par l’expert extra-judiciaire ne peuvent être écartés au seul motif qu’ils n’ont pas été établis au contradictoire de la société Clarinval Constructions, qui a pu en prendre connaissance dans la cadre de la présente instante et y opposer toutes observations ou éléments techniques qu’elle jugeait utiles. En outre, ils ne constituent pas les seuls éléments de preuve que l’appelant produit pour justifier des désordres en cause et pourront être confrontés au rapport d’expertise judiciaire.
L’expert extra-judiciaire précise que la surface (finition quartz) présente un faïençage prononcé en différents points et que les microfissures son encrassées. Il conclut à un défaut d’exécution de la couche de finition.
L’expert judiciaire a également relevé ce faïençage, sur le dallage du côté nord de l’immeuble. Il explique que le dallage a fait l’objet d’un surfaçage mécanique avec incorporation d’un durcisseur de surface de type quartz. Il pense que le ‘surfacer’ s’est senti obligé de remouiller la surface pour incorporer le quartz durcisseur, qu’il n’arrivait plus à faire rentrer dans les premiers millimètres de son béton de dallage, alors que tout action de remouillage sur site d’un béton prêt à l’emploi est interdite, l’excès d’eau pouvant entraîner des phénomènes de marbrures en surface.
Quant à l’insuffisante résistance à l’acidité, l’expert extra-judiciaire a relevé que le béton était attaqué manifestement par l’acidité du cidre, en au moins deux points de fuite sous le robinet d’une ou l’autre des cuves de stockage.
L’expert judiciaire a relevé que la surface détériorée était d’environ 20X30 [Localité 4] avec une légère abrasion de la surface sans creusement réel. Il explique que le béton employé est de la norme XA2, soit un béton destiné à résister aux acides modérés. Il en conclut : » nous sommes à la limite admissible de la classe d’acidité au regard du produit exploité « . Il résulte pourtant de son propre rapport que le béton de classe XA2 prend en compte des pH compris entre 4.5 et 5.5 et que le jus de pomme présente une acidité variable entre 3.5 et 4, ce qui est nettement supérieur au taux d’acidité auquel le béton en cause est destiné, étant relevé que la classe supérieure, XA3, adaptée aux pH compris entre 4 et 4.5, serait elle-même à la limite de ce qu’il conviendrait de retenir en présence de jus de pomme. Il ne peut donc être conclu, comme le fait l’expert judiciaire, et la société Clarinval Constructions avec celui-ci, que le béton employé dans la construction litigieuse est à la limite admissible, alors que ses capacités de résistance à l’acidité du jus de pomme sont clairement insuffisantes.
Il résulte du bon de commande signé par l’EARL Cidrerie de [Localité 6] que la société Clarinval Constructions devait, notamment, réaliser la dalle de sol, finition quartz. Si le bon de commande ne comporte aucune précision quant à la destination du bâtiment, il est établi au nom de la » cidrerie de [Localité 6] « , ce qui renseignait suffisamment la société Clarinval Constructions sur l’activité de son co-contractant et lui permettait d’exécuter son obligation de conseil envers son co-contractant, qui n’était pas un professionnel de la construction, en s’enquérant à tout le moins de la destination précise de l’édifice de 240 m² qu’elle s’apprêtait à réaliser, afin de proposer une qualité de béton adaptée.
Les désordres portant sur le dallage en béton sont donc imputables à la société Clarinval Constructions et constituent un manquement de cette dernière à ses obligations contractuelles de résultat et de conseil, dont elle doit réparer les conséquences préjudiciables pour la société Cidrerie de [Localité 6].
A cet égard, la société Clarinval Constructions conteste l’existence de préjudices en reprenant les remarques de l’expert judiciaire sur le caractère limité des zones altérées, limitées à quelques décimètres carrés, l’absence de gêne pour l’exploitation et la qualité de production, ainsi que l’absence de compromission de la résistance du dallage.
Pour être éventuellement limités dans leur étendue ou leur gravité, les désordres précités n’en causent pas moins un préjudice, au moins esthétique, à la société Cidrerie de [Localité 6]. En outre, l’expert extra-judiciaire, revenu sur les lieux aux mois de mars et novembre 2017, après un premier rapport établi le 18 mars 2016, a constaté une aggravation du creusement du béton sous l’emprise des robinets des cuves, ce qui démontre que le préjudice causé par l’insuffisante résistance du béton n’est pas uniquement esthétique et justifie une solution de réparation.
L’expert extra-judiciaire préconise l’application d’une résine anti acide. Il a été alloué en première instance à la société Cidrerie de [Localité 6], une somme correspondant au montant du devis retenu pour de tels travaux par cet expert (18 420 euros TTC). L’appelante demande en appel une somme supérieure et produit un devis de 27 441.60 euros TTC au titre d’une actualisation en expliquant que la revalorisation de la somme allouée en première instance en fonction de l’évolution de l’indice de la construction ne correspond pas au coût de réfection réel. Cependant, elle ne sollicite pas l’infirmation du chef du jugement condamnant la société Clarinval Constructions à lui verser la somme, inférieure, de 18 420 euros et la société Clarinval Constructions ne demande l’infirmation de ce même chef que pour obtenir le rejet de la demande en paiement de la société Cidrerie [Localité 6].
En conséquence, il ne peut lui être alloué une somme supérieure à celle retenue par le jugement, qui doit donc être confirmé de ce chef.
La société Cidrerie de [Localité 6] sollicite en outre une indemnisation au titre du déménagement intégral du bâtiment, de l’immobilisation du bâtiment durant les travaux et du réaménagement. Elle produit un courrier électronique de la société auteur du devis précité concernant les travaux de revêtement, indiquant que la réalisation desdites travaux nécessite trois semaines. Elle verse encore aux débats un devis de 45 000 euros HT pour la livraison, le montage et la location, puis le démontage et le retrait d’une structure de stockage de 250 m².
Compte tenu de ces éléments, il est justifié de faire droit à la demande de la société Cidrerie de [Localité 6] en paiement d’une somme de 10 000 euros pour réparer son préjudice consistant dans l’obligation d’évacuer le bâtiment pendant la durée des travaux.
Sur les intérêts et l’indemnité réclamés par la société Clarinval Constructions
Il résulte des conclusions des parties que la condamnation de l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à payer à la société Clarinval Constructions la somme principale de 20 000 euros pour solde des travaux n’est pas contestée, seule la condamnation au titre des intérêts contractuels et d’une indemnité au titre d’une clause pénale étant contestée par l’appelante. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il condamne la société Cidrerie de [Localité 6] à payer à la société Clarinval Constructions la somme de 20 000 euros pour solde de travaux.
La société Clarvinval Constructions est fondée à invoquer ses conditions de vente si celles-ci sont entrées dans le champ contractuel, ce qui suppose qu’elles aient été portées à la connaissance de l’EARL Cidrerie de [Localité 6] et que celle-ci les ait acceptées.
L’exemplaire du bon de commande produit par la société Cidrerie de [Localité 6] ne reproduit pas le verso de l’original de sorte qu’il ne peut en être tiré aucune conclusion quant à la présence ou non des conditions générales au dos du bon.
Néanmoins, ce bon, que la société Cidrerie de [Localité 6] a signé, porte la mention, immédiatement au-dessous des signatures des parties, » conditions générales de vente au verso » et l’exemplaire versé par la société Clarinval Constructions comporte effectivement à son verso les conditions de vente en cause.
Il est donc établi que les conditions générales figurent dans le même document que les conditions particulières, que la société Cidrerie de [Localité 6] a signées. Imprimées en caractères clairs et lisibles, elles ont ainsi été portées à la connaissance de la société Cidrerie de [Localité 6] et la signature des conditions particulières doit faire présumer leur acceptation.
Ces conditions générales de vente stipulent, notamment, qu’à titre de clause pénale forfaitaire et irréductible, toute facture non payée à son échéance, sera majorée, de plein droit et sans mise en demeure, d’une somme correspondant à 15% de son montant brut avec un minimum de 50 euros, et sera en outre, dans les mêmes conditions, productive d’un intérêt de 1% par mois à partir de son échéance jusqu’au jour du paiement.
L’article 1152 du code civil, dans sa version en vigueur à la date du contrat, dispose : » Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite « .
L’EARL Cidrerie de [Localité 6] estime qu’elle n’était débitrice d’un solde de facture qu’en cas de bonne fin. Toutefois, elle n’invoque pas des non-façons, mais des malfaçons et la société Clarinval Constructions lui a proposé, dans un courrier du 24 août 2015, d’établir une note de crédit de 2 057 euros à valoir sur la facture en cause afin de tenir compte des problèmes de serrures et d’escalier, de sorte que seule une somme de 20 000 euros restait due. La société Cidrerie de [Localité 6] est condamnée à payer cette somme dans la présente instance. Le retard sanctionné par la clause pénale est donc caractérisé à l’encontre de la société Cidrerie de [Localité 6], puisque la somme en cause était due nonobstant l’existence de malfaçons, laquelle devait se résoudre en allocation de dommages intérêts. La société Clarinval Constructions en a nécessairement subi un préjudice compte tenu du montant de la somme en cause et de l’importance du retard. La clause pénale ne saurait donc être totalement supprimée.
Toutefois, cette clause, qui prévoit tout à la fois le paiement d’un pourcentage du solde dû et l’application d’un taux d’intérêt mensuel de 1% est manifestement excessive en ce qu’elle vient sanctionner deux fois la même inexécution et conduit à l’allocation d’une somme bien supérieure à ce qui est nécessaire pour réparer le préjudice subi, proche du montant même de la somme payée avec retard.
Aussi, convient-il de faire application de la seule stipulation prévoyant une majoration de 15% de la somme due, soit le paiement d’une somme de 3 000 euros par la société Cidrerie de [Localité 6].
La société Cidrerie de [Localité 6] sera donc condamnée à payer cette somme à la société Clarinval Constructions et le jugement sera infirmé en ce qu’il assortit la somme de 20 000 euros due par la société Cidrerie de [Localité 6] d’intérêts au taux mensuel de 1% à compter du 31 mai 2015 et en ce qu’il condamne cette dernière à payer une somme de 3 308.55 euros.
Sur les autres demandes
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Chaque partie étant condamnée, il convient de prévoir qu’elle supportera la moitié des dépens d’appel et de rejeter les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
La SCP Ledoux Ferri Riou-Jacques Touchon Mayolet sera autorisée à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 28 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières en ce qu’il :
– Déboute l’EARL Cidrerie de [Localité 6] de sa demande de dommages intérêts complémentaires,
– Condamne l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à payer à la SPRL Clarinval Constructions la somme de 3 308.55 euros au titre de la clause pénale des conditions générales de vente,
– Assortit la condamnation de l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à verser à la SPRL Clarinval Constructions la somme de 20 000 euros d’intérêts au taux contractuel de 1% par mois à compter du 31 mai 2015, date de l’échéance du solde, jusqu’au parfait règlement,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne la SPRL Clarinval Constructions à payer à l’EARL Cidrerie de [Localité 6] la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts complémentaires,
Condamne l’EARL Cidrerie de [Localité 6] à payer à la SPRL Clarinval Constructions la somme de 3 000 euros au titre de la clause pénale,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne chaque partie à supporter la moitié des dépens d’appel, dont distraction au profit de la SCP Ledoux Ferri Riou-Jacques Touchon Mayolet.
Le greffier Le conseiller faisant fonction de présidente de chambre