Conditions Générales de Vente : 10 juillet 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/01318

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Conditions Générales de Vente : 10 juillet 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/01318

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/07/2023

la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF

la SELARL LUGUET DA COSTA

ARRÊT du : 10 JUILLET 2023

N° : – N° RG : 20/01318 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GFOV

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ORLEANS en date du 08 Avril 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265255430072544

Monsieur [C] [W]

né le 12 Avril 1961 à [Localité 7] ( PORTUGAL)

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Hélène KROVNIKOFF de la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265255867913763

S.A. BMCE exerçant sous l’enseigne POINT P, immatriculée sous le numéro 390 398 055 au Registre du Commerce et des Sociétés d’ORLEANS sous la forme d’une S.A. au capital de 11.766,800 euros, prise en la persone de ses représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Arthur DA COSTA de la SELARL LUGUET DA COSTA, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT & CONSEIL, avocat au barreau de PARIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 17 Juillet 2020.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 20 mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 23 Mai 2023, à 14 heures, devant Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT :

L’arrêt devait initialement être prononcé le 03 juillet 2023, à cette date le délibéré a été prorogé au 10 juillet 2023,

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

Prononcé le 10 JUILLET 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous-seing privé du 17 février 2015, M. [W], gérant de la société [W] Promotion a signé, à titre personnel, une garantie à première demande à hauteur de la somme de 13’000 euros, au profit de la société BMCE exerçant sous l’enseigne Point P.

La société [W] Promotion a acheté des matériaux auprès de la société BMCE pour un montant demeuré impayé de 48’286,76 euros.

La société [W] Promotion a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif.

La société BMCE a sollicité la mise en ‘uvre de la garantie de M. [W] et à défaut de paiement, a fait assigner ce dernier devant le tribunal judiciaire d’Orléans.

Par jugement du 8 avril 2020 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire d’Orléans a’:

– dit la société BMCE Point P recevable et bien fondée en ses demandes’;

– condamné M. [W] à payer à la société BMCE Point P la somme de 13’000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2016′;

– condamné M. [W] à payer à la société BMCE Point P la somme de 1’200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– rejeté toute autre demande des parties’;

– condamné M. [W] aux dépens de l’instance et fait application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Luguet-Da Costa, avocat la cour d’appel d’Orléans.

Par déclaration du 17 juillet 2020, M. [W] a interjeté appel de tous les chefs du jugement.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 8 mars 2021, M. [W] demande de’:

– infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions’;

Statuant à nouveau’:

A titre principal’:

– dire et juger que la société BMCE-Point P ne rapporte pas la preuve que l’acte de garantie à première demande dont elle se prévaut a été souscrit par lui en son nom personnel’;

– dire et juger, en conséquence, l’engagement de garantie nul et de nul effet’;

– débouter la société BMCE-Point P de l’intégralité de ses demandes comme non fondées’;

Subsidiairement’:

– prononcer la nullité de l’acte de garantie à première demande pour absence de cause sur le fondement des dispositions de l’article 1131 du code civil ou encore sur le fondement des dispositions de l’article 1129 du Code civil pour absence d’objet déterminé ou pour vice du consentement sur le fondement des dispositions de l’ancien article 1109 et suivants du code civil et du nouvel article 1130 du code civil’;

À défaut’:

– dire et juger que l’acte de garantie n’est pas autonome et doit être qualifié de cautionnement’;

– prononcer la nullité de son engagement pour non-respect des dispositions prescrites par les articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation’;

Plus subsidiairement et encore à défaut’:

– dire et juger l’appel en garantie manifestement abusif’;

– le décharger, en conséquence, de toutes sommes pouvant lui être réclamées en exécution de cette garantie’;

– débouter la société BMCE-Point P de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions contraires’;

– condamner la société BMCE-Point P à lui payer la somme de 4’000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamner la société BMCE-Point P au paiement des entiers dépens de la procédure.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 novembre 2020, la société BMCE demande de’:

– la dire recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;

En conséquence,

– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions’;

– condamner M. [W] à lui payer la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamner M. [W] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Luguet-Da Costa pour les frais par lui exposés, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

MOTIFS

Sur l’engagement à titre personnel

Moyens des parties

L’appelant soutient que l’acte comporte à côté de sa signature le cachet de la société Lima de Araujo Promotion de sorte qu’il n’a pas souscrit l’engagement de garantie en son nom personnel mais en qualité de représentant de ladite société’; que l’identité de qualité entre le garant et la personne garantie a nécessairement empêché la formation du contrat’; que selon les dispositions de l’article L.223-21 du code de commerce, il est interdit aux gérants ou associés de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers des tiers, à peine de nullité du contrat’; que la société BMCE ne saurait, par conséquent, se prévaloir d’une garantie constituée à son profit en violation du principe d’interdiction édicté par l’article L.223-21 du code de commerce’; que l’acte devra être déclaré nul et de nul effet.

L’intimé n’a pas répliqué à ce moyen formulé après production de l’acte en original.

Réponse de la cour

L’acte de garantie à première demande comporte le cachet de la société [W] Promotion domiciliée [Adresse 5] (45). Cependant, l’acte est rédigé comme suit’:

«’Je soussigné [W] [Z] né le 12 avril 1961 à [Localité 7] (Portugal) et domicilié [Adresse 4], déclare se porter garant à première demande aux termes du présent acte en faveur de BMCE Point P [‘] ci-après dénommé «’le bénéficiaire’».

Connaissance prise de l’ouverture d’un crédit en fourniture de marchandises accordé par la société BMCE Point P SA à son client, la société [W] Promotion, domiciliée [Adresse 6] [‘] ci-après dénommée la «’personne garantie’»’»

Outre le fait que la société cliente de la société BMCE ne pouvait consentir une garantie à première demande à son propre créancier, il résulte expressément de l’acte précité qu’il a été souscrit par M. [W] à titre personnel et non par la société dont il est le représentant, le seul cachet de la société figurant sur l’acte étant insuffisant à établir que l’acte a été consenti par la personne morale.

La société BMCE rapporte donc bien la preuve de la souscription d’une garantie à première demande par M. [W] qui n’est donc pas frappé de nullité au regard de l’article L.223-21 du code de commerce. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la nullité de l’acte

Moyens des parties

L’appelant fait valoir que l’acte est nul en l’absence de cause’; que la cause de la garantie doit nécessairement être recherchée dans le contrat auquel la garantie fait référence et non pas dans un autre contrat’; que la convention d’ouverture d’un crédit en fourniture de marchandises faisant défaut, l’acte de garantie est privé d’effet et donc nul’; que le tribunal a retenu à tort que l’existence d’un mandat de prélèvement SEPA matérialisait l’existence d’un crédit’; que la nullité est également encourue, car l’obligation garantie n’est pas déterminée’; que la société [W] Promotion n’a souscrit aucune autre obligation envers la société BMCE que de s’acquitter du prix des marchandises livrées selon les modalités fixées par cette dernière notamment dans ses conditions générales de vente, sans qu’il soit demandé que cette obligation soit couverte par une garantie’; que l’obligation consistant à payer à première demande «’le montant réclamé’» dans la limite de 13’000’€ ne permet pas de déterminer avec précision l’objet de la garantie laquelle fait, en outre, référence à un contrat qui n’existe pas’; que l’intimée a reconnu que l’objet de la garantie était de régler la propre dette du débiteur principal, alors qu’une garantie qui a pour objet la dette du débiteur principal n’est pas une garantie autonome mais s’analyse en un cautionnement’; qu’enfin, l’acte est nul pour vice de consentement, car la société BMCE n’a jamais demandé à la société [W] Promotion de lui fournir une garantie d’autant qu’elle conservait la propriété des marchandises jusqu’au paiement intégral du prix’; que c’est de façon parfaitement abusive et injustifiée que la société lui a fait signer une garantie pour obtenir, de façon inconditionnelle, par un tiers, en l’occurrence le dirigeant de l’entreprise, le paiement d’une somme de 13’000 euros, sans être informé par la société BMCE des conséquences de cet acte’; que ce manquement au devoir d’information caractérise une réticence dolosive entraînant la nullité de l’acte.

L’intimée réplique que la garantie à première demande a une cause’; que la société [W] Promotion a sollicité l’ouverture d’un compte professionnel auprès d’elle, afin de procéder au retrait de marchandises ou demander la livraison de matériel, qui ne seront réglés qu’à réception de la facture’; qu’il s’agit donc bien de l’ouverture d’une ligne de crédit temporaire pour la fourniture de marchandises’; qu’un mandat de prélèvement SEPA a été signé permettant ainsi une ligne de crédit avec des paiements à 30 jours par traites’; que pour se convaincre de l’ouverture d’un compte, il suffit de constater que la société [W] Promotion a pu s’approvisionner en marchandises sans paiement à réception ou enlèvement, puisqu’elle reste redevable de la somme de 48’286,76’€’; qu’il importe peu que l’acte de crédit soit produit puisque, dans la garantie à première demande, M. [W] a expressément reconnu l’existence de l’ouverture d’un crédit en fourniture de marchandises accordé par la société BMCE à la société [W] Promotion, laquelle a, de fait, bénéficié d’un crédit en fourniture de marchandises’; que l’objet de l’obligation de M. [W] est de payer à première demande, le montant dont serait redevable la société [W] Promotion dans le cadre du crédit en fourniture de marchandise qui lui a été accordé, et ce dans la limite de 13’000’€’; que le fait que M. [W] ait souscrit l’acte pour garantir l’obligation de paiement de la société [W] Promotion ne prive pas l’acte d’autonomie’; que M. [W] ne démontre pas qu’elle aurait manqué un quelconque devoir d’information puisqu’il ne s’explique pas sur la nature de l’information non délivrée.

Réponse de la cour

Un contrat étant régi par les dispositions en vigueur au jour de sa conclusion, seules les dispositions du code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°’2016-131 du 10 février 2016 sont applicables en l’espèce.

L’article 1131 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°’2016-131 du 10 février 2016, dispose que l’obligation sans cause ne peut avoir aucun effet.

La cause de la garantie à première demande réside dans la facilité de caisse accordée par le bénéficiaire à la société garantie, comme l’acte signé par M. [W] y fait référence. L’intimé justifie par ailleurs de la demande d’ouverture d’un compte client professionnel, signée de M. [W] ès qualités de gérant de la société [W] Promotion, stipulant que les marchandises pouvaient ne pas être payées au comptant, avec application en ce cas d’une clause de réserve de propriété. Il est également produit les factures de marchandises livrées à la société cliente avec un paiement différé à échéance de la facture. Il s’ensuit que la garantie à première demande avait bien pour cause la facilité de caisse consentie par le bénéficiaire de la garantie à la société garantie.

L’article 1129 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°’2016-131 du 10 février 2016, dispose qu’il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce.

Dans une garantie à première demande, l’objet de la garantie est le paiement d’une somme d’argent. En l’espèce, l’acte litigieux prévoit le paiement par M. [W], à première demande de la société BMCE, du montant réclamé dans la limite de la somme de 13’000 euros. En conséquence, la convention est pourvue d’un objet et n’encourt pas la nullité à ce titre.

Aux termes de l’article 1116 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°’2016-131 du 10 février 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En l’espèce, l’acte signé par M. [W] mentionne qu’il avait pris connaissance de l’ouverture de crédit en fourniture de marchandises accordée par la société BMCE à sa cliente, la société [W] Promotion, et qu’il se portait «’solidairement de manière irrévocable et inconditionnelle garant à première demande du bénéficiaire. Sans pouvoir faire aucune objection ou exception, le garant paiera à première demande du bénéficiaire, formulée avec accusé de réception et sans qu’il soit besoin d’aucune formalité ou justification, le montant réclamé dans la limite de la somme de 13’000’euros TTC. Le présent engagement est autonome, si bien que la disparition des rapports de droits ou de fait existant entre les garants et la personne garantie ne saurait en rien affecter sa portée ni sa mise en jeu’».

En conséquence, l’acte souscrit comportait en lui-même toutes les informations permettant à M. [W] de comprendre la portée de son engagement. Aucune réticence dolosive n’étant démontrée, la nullité de l’acte n’est pas encourue.

Il convient donc de rejeter la demande en nullité de l’acte soulevée par M. [W] et de confirmer le jugement de ce chef.

Sur la qualification du contrat

Moyens des parties

L’appelant soutient que selon l’aveu même de la société BMCE, la garantie a pour objet la propre dette du débiteur, la société [W] Promotion et devra, en conséquence, être requalifiée en cautionnement, en l’absence de caractère autonome’; que dès lors que l’engagement du garant a pour objet la propre dette du débiteur, la Cour de cassation a été amenée à préciser que peu importeque le contrat comprenne une clause de paiement à première demande, d’irrévocabilité, d’inconditionnalité, ou même d’inopposabilité des exceptions’; que l’acte contient une clause de solidarité ce qui démontre l’absence d’obligation indépendante souscrite par le concluant qui est le co-obligé de la société [W] Promotion’; que les pièces produites par l’intimée relatives à la facturation de la société [W] Promotion viennent indiscutablement renforcer le caractère accessoire de l’engagement de la garantie en litige’; qu’il convient également de constater que l’engagement de garantie n’a été mis en ‘uvre qu’en raison de la défaillance de la société [W] Promotion qui a été placée en redressement judiciaire et la mise en demeure n’a été faite et l’action introduite qu’après que la société BMCE ait déclaré sa créance au passif de la société [W] Promotion’; que ces éléments viennent corroborer que la garantie n’était pas autonome par rapport à la dette de la société [W] Promotion, l’acte faisant également référence à cette dette’; que l’acte doit donc être requalifié en cautionnement qui ne respecte pas le formalisme imposé, à peine de nullité, par les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation.

L’intimée réplique que le fait que la garantie trouve sa cause dans la relation contractuelle ou l’engagement du débiteur principal ne prive pas la garantie de son autonomie’; qu’il en résulte que la garantie à première demande peut se référer au contrat du débiteur principal sans être privée d’autonomie’; que la mention d’une solidarité n’empêche pas de qualifier l’acte de garantie à première demande’; que le fait que le garant soit gérant de la société garantie ne prive pas l’acte de son autonomie, car la garantie est autonome dès lors où elle n’est pas subordonnée à la défaillance du débiteur principal’; qu’il était bien dans la commune intention des parties de rendre cette garantie autonome, qui ne saurait donc être qualifiée de cautionnement.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 2288 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même. Par ailleurs, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette.

L’article 2321 du code civil dispose que la garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

Il résulte de ce texte que le garant s’oblige à payer la dette d’un tiers de manière autonome au regard du contrat de base et que son obligation a un objet distinct de celle du débiteur principal.

En l’espèce, l’acte signé de M. [W] le 17 février 2015 est ainsi rédigé’:

«’Garantie à première demande

Le soussigné, Monsieur [W] […]

Déclare se porter garant à première demande au terme du présent acte en faveur de BMCE Point P, […] ci-après dénommé «’le bénéficiaire’».

Connaissance prise de l’ouverture de crédit en fourniture de marchandises accordée par la société Point P SA à son client, la société [W] Promotion, […], ci-après dénommé la «’personne garantie’».

En conséquence le soussigné Monsieur [W], se porte solidairement de manière irrévocable et inconditionnelle garant à première demande du bénéficiaire.

Sans pouvoir faire aucune objection ou exception, le garant paiera à première demande du bénéficiaire, formulée avec accusé de réception et sans qu’il soit besoin d’aucune formalité ou justification, le montant réclamé dans la limite de la somme de 13’000’euros TTC (treize mille euros TTC)

Le présent engagement est autonome, si bien que la disparition des rapports de droits ou de fait existant entre les garants et la personne garantie ne saurait en rien affecter sa portée ni sa mise en jeu.

Le présent engagement est convenu pour une durée d’une année et se poursuivra par tacite reconduction d’année en année, sauf faculté pour le garant de le dénoncer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, moyennant un préavis de 60 jours avant la date anniversaire.’».

La signature de l’acte par M. [W] est précédée de la mention manuscrite suivante’:

«’bon pour engagement de paiement à la société BMCE Point P SA, à première demande de cette société, toute somme dans la limite de 13’000 euros TTC (treize mille euros TTC), de façon inconditionnelle et autonome sans pouvoir opposer aucune exception, de quelque nature que ce soit’».

La garantie ne peut être autonome que lorsque deux conditions sont réunies’: l’autonomie entre l’engagement du garant et l’objet de la dette du débiteur, et la renonciation expresse du garant à se prévaloir des exceptions découlant de l’obligation principale.

S’agissant de la première condition, pour être autonome, l’engagement du garant ne doit pas avoir pour objet la dette du débiteur principal, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Com., 13 décembre 1994, pourvoi n° 92-12.626′; Com., 3 juin 2014, pourvoi n° 13-17.643′; Com., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-14.082).

En revanche, il est constant que la simple référence, dans l’acte litigieux, au contrat de base justifiant la créance du bénéficiaire de la garantie, n’est pas de nature à modifier le caractère autonome de la garantie souscrite, dès lors qu’il est établi que celui-ci s’est engagé à verser une somme au bénéficiaire à sa première demande écrite sans pouvoir différer le paiement ou soulever de contestation pour quelque motif que ce soit (Com. 7 octobre 1997, pourvoi n° 95-15.259′; Com. 7 juin 2006, pourvoi n° 05-11.779′; Com. 2 octobre 2012, pourvoi n° 11-23.401).

De même, les garanties ne sont pas privées d’autonomie par de simples références au contrat de base, n’impliquant pas une appréciation des modalités d’exécution de celui-ci pour l’évaluation des montants garantis, ou pour la détermination des durées de validité (Com. 30 janvier 2001, pourvoi n° 98-22.060′; Com. 18 mai 1999, pourvoi n° 95-21.539).

Enfin, constitue une garantie à première demande l’engagement qui n’a pas pour objet la propre dette du débiteur mais s’analyse en un appel de fonds motivé par l’inexécution par le débiteur de ses obligations, de sorte que le garant, à réception de cette demande, ne peut en différer le paiement ni soulever de contestation pour quelque motif que ce soit, et ce en dépit des mentions «’solidaire et indivisible’» figurant dans l’acte (Com. 30 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.279).

Aux termes de l’acte précité, M. [W] s’est engagé à payer à la société BMCE, à première demande de celle-ci et sans qu’il soit besoin de produire un justificatif, une somme dans la limite d’un montant déterminé, soit 13’000 euros. L’acte insiste également sur le caractère autonome de l’engagement qui persistera même en cas de disparition des rapports de fait ou de droit entre le garant et la personne garantie.

Le fait que la garantie mentionne une somme maximale, dans la limite de laquelle le bénéficiaire peut demander un paiement partiel ou total au garant, ce qui est favorable à celui-ci, n’est pas de nature à ôter à la garantie son caractère autonome, dès lors que le montant réclamé n’est pas déterminé par rapport aux modalités d’exécution du contrat de base. Il convient en outre de relever que toute somme pour laquelle le garant s’engage à payer à première demande est nécessairement une somme maximale, à défaut de quoi l’engagement serait indéterminé, et qu’en toute hypothèse les dispositions de l’article 2321 du code civil ne prohibent nullement les clauses stipulant un montant maximal et l’exécution du contrat par une demande en paiement partiel dans la limite de ce montant. Enfin, en l’espèce, il doit être constaté que la société BMCE a réclamé le montant réclamé à l’acte, soit la somme de 13’000 euros.

La simple référence au contrat de base entre la société [W] et la société BMCE n’emporte pas pour le garant l’obligation de se reporter aux modalités d’exécution de celui-ci pour évaluer sa propre obligation. M. [W] ne s’est donc pas engagé au paiement de la dette de la débitrice, la société [W] Promotion, mais bien au paiement d’une somme d’un montant déterminé, quand bien même les sommes dues par la débitrice à la société BMCE pouvaient motiver la formulation de la demande de paiement de celle-ci auprès du garant.

S’agissant de la seconde condition d’autonomie de la garantie, l’acte litigieux comporte une renonciation expresse du garant à formuler une objection ou une exception quelconque auprès du bénéficiaire de la garantie, lorsqu’une demande en paiement lui sera formulée.

Le caractère autonome de l’engagement souscrit par M. [W] est donc établi. Le fait que M. [W] se soit «’solidairement’» porté garant n’est pas de nature à disqualifier le caractère autonome de la garantie, dès lors qu’il n’est nullement stipulé que cette solidarité concernait l’engagement de la société Lima de Araujo Promotion, et qu’une telle clause type a vocation à s’appliquer lorsque le bénéficiaire de la garantie prévoit plusieurs garants s’obligeant solidairement à son profit.

Enfin, le fait que la société BMCE ait mis en ‘uvre la garantie à première demande après l’ouverture de la procédure collective de la société garantie et après avoir déclaré la créance au passif de celle-ci, n’est pas de nature à disqualifier la garantie autonome en cautionnement. En effet, le bénéficiaire de la garantie est libre de la mettre en ‘uvre au moment qu’il souhaite de sorte que la procédure collective de la société garantie est indifférent quant à l’exécution de la garantie à première demande.

M. [W] était donc lié à la société BMCE par une garantie à première demande et non un contrat de cautionnement, de sorte que la mention manuscrite prescrite à peine de nullité, prévue à l’article L.341-2 du code de la consommation dans sa version en vigueur au jour du contrat, n’était pas exigée.

En conséquence, il n’y pas lieu de requalifier l’acte sous seing privé du 17 février 2015 en un cautionnement et de prononcer la nullité pour absence de la mention manuscrite prescrite en matière de cautionnement. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le recours abusif à la garantie

Moyens des parties

L’appelant expose que la garantie a été appelée au titre de la demande d’ouverture de compte professionnel faite par la société [W] Promotion et qui ne contient aucune disposition permettant d’affirmer qu’elle est assimilable à une demande d’ouverture de crédit étant rappelé que la BMCE ne fait régulariser à ses clients aucun autre document que l’attestation sur laquelle figurent ses conditions générales de vente’; que la société BMCE devra, en conséquence, être déboutée de l’intégralité de ses demandes comme manifestement abusives et non fondées.

L’intimée indique que l’acte visé dans la garantie à première demande était l’ouverture du compte client professionnel’; que l’ouverture du compte client professionnel est le seul contrat souscrit par la société [W] Promotion et constitue une ouverture de crédit en fourniture de marchandise’; qu’elle n’a pas fait croire à un autre contrat puisqu’il est bien indiqué dans l’acte que le garant avait pris connaissance de l’ouverture d’un crédit en fourniture de marchandises accordé qui préexistait à la signature de la garantie à première demande’; qu’en tout état de cause, il n’est pas contesté que la société [W] Promotion a bien bénéficié d’un crédit de fourniture de marchandise auprès d’elle’; qu’il ne peut lui être reproché aucune fraude.

Réponse de la cour

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, la société [W] Promotion a ouvert un compte client professionnel auprès de la société BMCE lui permettant la fourniture de marchandises moyennant paiement à échéance des factures. M. [W] qui était le gérant de ladite société cliente de BMCE, savait, en souscrivant la garantie à première demande, que sa société bénéficiait d’une ouverture de crédit, ainsi qu’il résulte également des termes de l’acte du 17 février 2015, de sorte qu’il ne peut pas prétendre le contraire une fois actionné en paiement. En outre, il est établi que la société [W] Promotion a effectivement bénéficié d’une ouverture de crédit, plusieurs factures de marchandises n’étant pas réglées à la livraison mais à échéance.

L’appelant n’établit nullement que la société BMCE aurait commis une faute en mettant abusivement en ‘uvre la garantie à première demande. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [W] tendant à être déchargé de tout paiement, et en ce qu’il a fait droit à la demande en paiement de la société BMCE à hauteur de la somme de 13’000 euros avec intérêts au taux légal.

Sur les dispositions accessoires

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. Compte tenu de la solution donnée au litige, l’appelant sera condamné aux dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et condamné à payer à la société BMCE la somme complémentaire de 1’500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions’;

Y AJOUTANT’:

CONDAMNE M. [W] à payer à la société BMCE la somme de 1’500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

CONDAMNE M. [W] aux entiers dépens d’appel’;

DIT que la SELARL Luguet-Da Costa pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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