Mme [U] [G] épouse [Z] et M. [D] [Z] ont engagé M. [T] [E] pour des travaux d’aménagement de leur propriété, avec un devis initial de 17 992,20 euros pour des travaux de béton désactivé, suivi d’un second devis de 3 246,60 euros pour des travaux paysagers. Suite à des malfaçons constatées, un procès-verbal a été établi le 26 novembre 2021. Les époux ont alors assigné M. [E] en référé pour obtenir une expertise judiciaire, qui a été ordonnée le 8 juin 2022. Un protocole d’accord a été signé le 3 mars 2023, stipulant la reprise des travaux par M. [E] d’ici le 30 juin 2023. Cependant, des malfaçons persistantes ont conduit les époux à établir un nouveau constat et à réassigner M. [E] le 9 avril 2024. Lors de l’audience du 17 juillet 2024, ils ont demandé une nouvelle expertise, tandis que M. [E] a contesté cette demande, arguant que les malfaçons n’étaient pas prouvées et demandant le paiement d’une provision de 5 422,37 euros.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/00167 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HUYH
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Le
1 CCC à Me OHANIAN
-02
1 CCC à Me HELEINE – 53
2 CCC au service des expertises
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX
JURIDICTION DES RÉFÉRÉS
ORDONNANCE DU 25 SEPTEMBRE 2024
DEMANDEURS :
Monsieur [D] [Z]
né le 12 Décembre 1972 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
Madame [U] [G] épouse [Z]
née le 28 Avril 1974 à [Localité 7]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Christophe OHANIAN, avocat au barreau de l’Eure, substitué par Me Marion NOEL, avocat au barreau de l’Eure
DÉFENDEURS :
Monsieur [T] [E], Entrepreneur exerçant sous l’enseigne [T] PARCS ET JARDINS,
Immatriculée au RCS de BERNAY sous le numéro 499 353 290
Dont le siège social se situe au [Adresse 2]
représenté par Me Estelle HELEINE, avocat au barreau de l’Eure
PRÉSIDENT : François BERNARD
GREFFIER lors des débats : Evelyne DIEULLE,
DÉBATS : en audience publique du 17 juillet 2024
ORDONNANCE :
– contradictoire, rendue publiquement et en premier ressort,
– mise à disposition au greffe le 25 septembre 2024
– signée par François BERNARD, premier vice-président et Christelle HENRY,greffier lors de la mise à disposition
N° RG 24/00167 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HUYH – ordonnance du 25 septembre 2024
Mme [U] [G] épouse [Z] et M.[D] [Z] sont propriétaires d’une maison située [Adresse 3]. Selon devis du 8 juin 2020, accepté le 29 juillet 2020, ils ont confié à M.[T] [E], exerçant sous l’enseigne [T] PARCS ET JARDINS, la réalisation de travaux d’aménagement d’allées, parking, terrasses et de descente de sous-sol en béton, désactivé, moyennant la somme de 17 992,20 euros.
Selon devis du 10 novembre 2020, accepté le 15 octobre 2020, M et Mme [Z] lui ont également confié la réalisation de travaux d’entrée paysagère moyennant la somme de 3 246,60 euros.
Se plaignant de malfaçons notamment dans la mise en œuvre du béton désactivé, et en l’absence d’arrangement amiable, M. et Mme [Z] ont fait dresser un procès-verbal de constat le 26 novembre 2021 par Maître [S] huissier de justice.
M. et Mme [Z] ont assigné M.[T] [E] devant le président de ce tribunal, statuant en référé, aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 8 juin 2022, le président du tribunal a ordonné une expertise et désigné [L] [I] en qualité d’expert. Par ordonnance de remplacement d’expert du 1er juillet 2022, M. [A] [M] a été désigné en lieu et place.
Dans le cadre des opérations d’expertise, les parties ont trouvé un accord amiable et ont régularisé un protocole d’accord transactionnel le 3 mars 2023 prévoyant pour l’essentiel la reprise jusqu’à son aboutissement du chantier par M. [E] et ce au plus tard le 30 juin 2023 et le règlement du solde des travaux par les époux [Z].
Se plaignant que M.[T] [E] avait de nouveau abandonné le chantier et que le béton coulé présentait les mêmes malfaçons, Mme [U] [G] épouse [Z] et M. [D] [Z] ont fait établir un nouveau procès-verbal de constat et, par acte du 9 avril 2024, ont fait assigner M.[T] [E] devant le président de ce tribunal, statuant en référé.
A l’audience du 17 juillet 2024 se référant à leurs dernières conclusions, signifiées électroniquement le 8 juillet 2024, les époux [Z] représentés par leur conseil ont demandé au juge des référés d’ordonner une expertise au visa de l’article 145 du code de procédure civile.
Ils font valoir que :
le procès-verbal de constat de commissaire de justice fait état sans ambiguïté des malfaçons affectant le béton coulé par [T] [E] et de l’inachèvement des travaux ; entendant saisir la juridiction du fond afin de solliciter la résolution du contrat, le remboursement des acomptes versés et l’indemnisation de leur préjudice sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil, ils sont légitimes à voir ordonner une expertise judiciaire afin que toutes constatations techniques à la solution du litige soient effectuées au contradictoire de M.[T] [E].
Se référant à ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 16 juillet 2024, M.[T] [E] demande au président de ce tribunal, statuant en référé, de :
A titre principal,
débouter [U] [G] épouse [Z] et [D] [Z] de leur demande d’expertise ;condamner [U] [G] épouse [Z] et [D] [Z] à lui payer une provision de 5 422,37 euros ;
A titre subsidiaire,
limiter les opérations aux travaux de reprise fixés par le protocole d’accord ;demander à l’expert de dire si les travaux de reprise sont conformes aux règles de l’art ou à défaut, s’ils comportent des désordres ; dans l’affirmative il devra préciser s’il s’agit de désordres esthétiques, ou s’ils mettent en cause l’ouvrage et décrire l’origine des désordres ;En tout état de cause,
réserver les dépens.
Il fait valoir que :
le commissaire de justice n’est pas un technicien et ne peut pas donner son avis sur la réalité des malfaçons affectant le béton ;le premier expert judiciaire, dont le rôle est de donner un avis technique, a relevé lors de la première expertise que seul le chemin piéton menant à la porte d’entrée et la seconde partie de la rampe d’accès au garage présentaient des désordres ;à défaut de preuve de la réalité des désordres allégués il n’y a pas de motif légitime à voir ordonner une expertise ;si une expertise devait être ordonnée, il conviendrait de limiter les nouvelles opérations d’expertise aux seuls désordres faisant l’objet d’une reprise, conformément au protocole d’accord signé en février et mars 2023 ;les époux [Z] sont redevable du solde des travaux, soit la somme de 5 422,37 euros, puisque le protocole d’accord n’ayant pas été respecté.
Sur la demande d’expertise
L’article 145 du code de procédure civile dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Le motif légitime s’analyse en un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.
Par ailleurs la mesure d’instruction sollicitée doit être pertinente et utile.
Il est établi par les pièces du dossier qu’une première expertise a été ordonnée par ordonnance du 8 juin 2022 suite aux malfaçons constatés suite aux travaux de coulage de béton désactivé réalisé par M. [E] et qu’un protocole d’accord a été régularisé entre les parties en mars 2023.
Les époux [Z] qui invoquent un nouvel inachèvement des travaux et la persistance de malfaçons produisent aux débats un procès-verbal de constat de commissaire de justice établi le 5 juillet 2024 par Maître [G] qui fait état d’un chantier inachevé et de malfaçons affectant le béton (présence de laitance de béton, de surépaisseur et d’irrégularités).
Ces éléments sont de nature à établir de façon suffisante la vraisemblance des désordres dénoncés et caractérisent suffisamment le motif légitime exigé pour que soit ordonnée une expertise judiciaire au contradictoire des parties avec la mission décrite dans le dispositif de la présente ordonnance.
Sur la demande de provision
L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dispose que «Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable », le président du tribunal judiciaire peut « accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire».
S’il n’est pas contesté par les parties, qu’au titre du protocole d’accord transactionnel régularisé en juin 2023 , les époux [Z] s’étaient déclarés débiteurs du solde des travaux, déduction faite des acomptes versés, force est de relever que ledit protocole a été dénoncé et il est invoqué par les maîtres de l’ouvrage un inachèvement des travaux et une mauvaise exécution de la prestation justifiant la mise en œuvre d’une expertise judiciaire.
Dans ces conditions la demande de provision au titre du solde des travaux présentée par M.[E] se heurte à une contestation sérieuse.
Il sera dit n’avoir lieu à référé sur la demande de provision.
Sur les demandes accessoires
La partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des articles 696 et 700 du même code. [U] [G] épouse [Z] et [D] [Z] seront donc tenus in solidum aux dépens.
Le juge des référés,
ORDONNE une mission d’expertise confiée à :
M. [J] [B]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Port. : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 5]
expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Rouen ;
DIT que l’expert aura pour mission de :
Après avoir pris connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que l’acte de vente, plans, devis, marchés et autres et s’être rendu sur les lieux situés à [Adresse 9], après y avoir préalablement convoqué les parties et leurs avocats respectifs ;
Décrire autant que possible l’état de l’immeuble avant les travaux ; décrire les travaux qui ont fait l’objet du ou des contrats, que ce soit le contrat initial ou les avenants, entre les parties ; décrire les travaux qui ont été effectivement réalisés, tant d’un point de vue matériel que d’un point de vue juridique en identifiant chaque partie intervenue et son rôle ; identifier les travaux qui n’ont pas été réalisés ou terminés, mesurer leur degré d’achèvement et préciser, si cela est possible, les raisons pour lesquelles ils n’ont pas été terminés ;Relever, examiner et photographier les désordres, malfaçons, non façons, non-conformités contractuelles affectant l’immeuble allégués dans l’assignation du demandeur et le procès-verbal de constat du 5 juillet 2024 en distinguant ceux concernant les travaux réalisés avant le protocole d’accord signé par les parties en juin 2023 et ceux repris suite audit protocole , et, le cas échéant, sans nécessité d’extension de mission, tous désordres connexes, ayant d’évidence la même cause mais révélés postérieurement à l’assignation ; décrire chacun d’eux, en indiquer la nature, l’importance, la date d’apparition ; numéroter chaque désordre pour faciliter la discussion entre les parties ;En détailler l’origine, les causes et l’étendue ; fournir tout élément permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvement sont imputables et dans quelles proportions ;Préciser de façon motivée si les désordres compromettent, actuellement ou indiscutablement avant l’expiration d’un délai de dix ans après la réception de l’ouvrage, la solidité de celui-ci ou si, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, ils le rendent impropre à sa destination ;Dans le cas où ces désordres, malfaçons, non façons, non-conformités contractuelles constitueraient des dommages affectant l’ouvrage dans un de ses éléments d’équipement sans rendre l’immeuble impropre à sa destination, de dire si cet élément fait ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, fondation, ossature, clos ou couvert ;Dans l’affirmative, préciser si ces désordres affectent la solidité du bien ou son bon fonctionnement ;
Donner toutes observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres ; les décrire ; indiquer leur durée prévisible et décrire la gêne qu’ils peuvent occasionner pour le ou les occupants de l’immeuble ; chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d’un maître d’œuvre, le coût de ces travaux ;Évaluer les moins-values résultat des dommages non réparables techniquement ;
Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ;Dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ;Dans l’affirmative, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ;
Proposer un apurement des comptes entre les parties en distinguant le cas échéant les moins-values résultant de travaux entrant sur le devis et non exécutés, le montant des travaux effectués mais non inclus dans le devis en précisant sur ce point s’ils étaient techniquement nécessaires au regard de l’objet du contrat, et plus généralement en distinguant les coûts de reprise nécessaires en fonction de chacune des entreprises intervenues sur le chantier ;Faire toutes observations utiles au règlement du litige ;
DIT que Mme [U] [G] épouse [Z] et M. [D] [Z] devront consigner la somme de 2 000 euros, à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert, à la régie de ce tribunal dans le délai impératif de deux mois à compter de ce jour, à peine de caducité dans la désignation de l’expert ;
DIT que l’expert, en concertation avec les parties, définira un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise et qu’il actualisera le calendrier en tant que de besoin, notamment en fixant un délai aux parties pour procéder aux extensions de mission nécessaire ;
DIT que dans les trois mois de sa saisine, l’expert indiquera aux parties et au juge chargé du contrôle des expertises le montant prévisible de sa rémunération définitive, notamment au regard de l’intérêt du litige, afin que soit éventuellement fixée une provision complémentaire dans les conditions de l’article 280 du code de procédure civile ;
DIT que préalablement au dépôt de son rapport, l’expert adressera aux parties, le cas échéant par voie électronique uniquement, un document de synthèse présentant ses conclusions provisoires et destinés à provoquer leurs observations ; qu’il devra fixer la date limite de dépôt des observations qui lui seront adressées et rappellera qu’il n’est pas tenu de répondre aux observations transmises après cette date limite et rappellera la date de dépôt de son rapport ;
DIT que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la juridiction, accompagné des pièces jointes (qui pourront être transmises sur un support numérique), dans le délai de 6 mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission ; qu’il en adressera une copie, idéalement par voie électronique, à chaque partie, accompagnée de sa demande de rémunération ;
RAPPELLE que l’expert joindra au dépôt du rapport d’expertise sa demande de rémunération et que les parties disposeront alors de 15 jours pour formuler auprès du juge du contrôle des expertises leurs observations sur cette demande ;
DÉSIGNE le juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal à effet de suivre l’exécution de cette mesure d’instruction ;
DIT qu’en cas de difficultés, l’expert ou les représentants des parties en référeront immédiatement au juge chargé du service du contrôle des expertises au besoin à l’adresse suivante : [Courriel 8] ;
REJETTE la demande de provision au titre du solde de travaux présentée par M.[T] [E] ;
CONDAMNE in solidum Mme [U] [G] épouse [Z] et M.[D] [Z] aux entiers dépens ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
La greffière Le président
Christelle HENRY François BERNARD