Les licenciements sans faute ne reposent ni sur une cause économique, ni sur une faute du salarié. Dès lors, dans la mesure où l’employeur fait grief à sa salariée de plusieurs manquements, il doit être considéré qu’il a fait le choix de la voie disciplinaire, de sorte qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de la procédure de licenciement au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où il en a eu connaissance.
Licenciement pour motif personnel
Aux termes de l’article L. 1232-1 du Code du Travail : « Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse». La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, c’est-à-dire matériellement vérifiables.
En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé réception comportant l’exposé du ou des motifs de rupture du contrat de travail.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties a énoncé plusieurs griefs qui seront examinés au visa de l’article L. 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié. Il appartient au juge de vérifier la cause exacte du licenciement sans s’arrêter à la qualification donnée par l’employeur.
L’employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement plusieurs motifs de rupture inhérents à la personne du salarié, procédant de faits distincts, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement.
En revanche, si l’employeur s’est prévalu de manquements fautifs du salarié, qui s’analysent en réalité comme une insuffisance professionnelle, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Respect du délai de deux mois
En application de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Il est constant que la persistance d’un même comportement fautif autorise l’employeur à se prévaloir de faits même prescrits à la date de l’engagement de la procédure de licenciement.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 AOUT 2021
AJ-SD/ABL
N° RG 20/00200 –
N° Portalis DBVD-V-B7E-DHWY
Décision attaquée :
du 17 janvier 2020
Origine : conseil de prud’hommes – formation paritaire de Nevers
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S.A.S. PASORI
C/
Mme C Z
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Expéd. – Grosse
Me PREPOIGNOT 13.8.21
Me MAUGERE 13.8.21
APPELANTE :
S.A.S. PASORI
9 ter rue Franc Nohain- 58200 COSNE-COURS-SUR-LOIRE
Ayant pour avocat postulant Me Myriam PREPOIGNOT de la SELARL AGIN-PREPOIGNOT, du barreau de NEVERS
et pour avocat plaidant à l’audience Me Anne-Charlotte PASSELAC de la SELARL ODINOT & ASSOCIES, du barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame C Z
[…]
Ayant pour avocat Me Isabelle MAUGUERE de la SELARL ISABELLE MAUGUERE, du barreau de NEVERS
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Mme I
CONSEILLERS : Mme E-F
Mme X
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
DÉBATS : A l’audience publique du 28 mai 2021, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 13 août 2021 par mise à disposition au greffe.
13 août 2021
ARRÊT : contradictoire – Prononcé publiquement le 13 août 2021 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme C Z, née le […], a été engagée par la SAS Pasori en qualité de diététicienne aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée du 27 janvier 2015 à temps partiel.
A compter du 1er octobre 2016, la salariée a exercé à temps complet sans avenant versé aux débats.
La société exploite un centre de rééducation fonctionnelle et relève de la Convention Collective Nationale de l’Hospitalisation Privée.
À compter du 2 mai 2018, la salariée a été placée en arrêt maladie, lequel a été prolongé d’abord jusqu’au 13 septembre 2018 puis jusqu’au 15 octobre suivant.
Par courrier du 10 septembre 2018, Mme Y a été convoquée à un entretien préalable fixé le 19 septembre et licenciée le 1er octobre 2018 pour cause réelle et sérieuse.
Contestant son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Nevers le 1er mars 2019, lequel, par jugement du 17 janvier 2020, a :
> reçu Mme Z en ses demandes,
> dit que le licenciement de Mme Z est dénué de cause réelle et sérieuse,
> condamné la société Pasori, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme Z les sommes de :
— 353,30 ‘ nets au titre de solde d’indemnité de licenciement,
— 10.000 ‘ au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 143,59 ‘ au titre du solde de la prime de fin d’année 2017
— 1.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> débouté Mme Z de sa demande de complément de treizième mois pour l’année 2018,
> débouté Mme Z de sa demande de dommages-intérêts en raison des circonstances abusives du licenciement,
> condamné la société Pasori, prise en la personne de son représentant légal, à délivrer à Mme Z :
— un bulletin de paye rectifié,
— un certificat de travail indiquant comme date d’embauche le 27 janvier 2015,
— l’attestation Pôle emploi rectifiée conforme au présent jugement,
> dit que la délivrance de ces documents sera assortie d’une astreinte de 25′ par jour et par document, à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement,
> dit que conformément à la loi n°91-850 du 9 juillet 1991, l’astreinte ne pourra être liquidée que par le juge qui l’a prononcée,
> condamné la société Pasori, prise en la personne de son représentant légal en application de l’article L. 1235-4 du code du travail au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme Z, dans la limite de 6 mois de salaire,
> débouté la société Pasori de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> condamné la société Pasori aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d’exécution du présent jugement.
Vu l’appel régulièrement interjeté par la société Pasori le 17 février 2020 à l’encontre de la décision prud’homale qui lui a été notifiée le 21 janvier 2020, sauf en ce qu’elle a
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débouté Mme Z de sa demande de complément de treizième mois pour l’année 2018 et de sa demande de dommages-intérêts en raison des circonstances abusives du licenciement ;
Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 23 mars 2021 aux termes desquelles la société Pasori demande à la cour de :
> infirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
‘ dit que le licenciement de Mme Z est dénué de cause réelle et sérieuse ;
‘ condamné la société Pasori au paiement, au profit de Mme Z, de la somme de 10.000’ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
> Subsidiairement, réformer le quantum de la condamnation prononcée au mépris des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail et la fixer à la somme de 5.642 ‘ ;
> infirmer le jugement rendu en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 143,59′ au titre du solde de
la prime de fin d’année 2017 ;
> débouter Mme Z de sa demande à ce titre ;
> infirmer le jugement en ce qu’il lui a ordonné de délivrer à Mme Z des documents sociaux rectifiés et un bulletin de salaire rectifié ;
> infirmer le jugement rendu en ce qu’il a alloué à Mme Z une somme de 1.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
> débouter Mme Z de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
> condamner Mme Z au paiement de la somme de 3.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 9 avril 2021 aux termes desquelles Mme Z demande à la cour de :
> dire et juger l’appel de la société Pasori recevable mais non fondé,
> débouter la société Pasori de l’ensemble de ses demandes,
> confirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
— jugé le licenciement de Mme Z sans cause réelle et sérieuse et abusif,
— condamné la société Pasori à lui régler les sommes de 10.000 ‘ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— ordonné à la société Pasori la remise d’un bulletin de salaire correspondant aux sommes ci-dessus, ainsi que d’un certificat de travail rectifié portant comme date d’embauche le 27 janvier 2015, et d’une attestation Pôle Emploi, et ce sous astreinte de 25,00 ‘ par jour de retard et par document à compter du 15e jour suivant notification du jugement à intervenir,
> réformer la décision déférée en ce qu’elle a :
— condamné la société Pasori à lui payer :
o 353,30 ‘ au titre d’indemnité de licenciement (en deniers ou quittance)
o 143,59 ‘ au titre du solde de la prime de fin d’année 2017
— débouté Mme Z de sa demande de complément de treizième mois pour l’année 2018 et d’indemnité pour circonstances abusives du licenciement,
Statuant à nouveau :
> condamner la société Pasori à lui payer à :
o 1.744,00 ‘ au titre de l’indemnité de licenciement (en denier ou quittance)
o 1.234,28 ‘ au titre du rappel de treize mois 2017 et 2018 (143.59 ‘ + 1090.69 ‘)
o 5.000,00 ‘ au titre d’indemnité pour circonstances abusives du licenciement :
> condamner la société Pasori aux entiers dépens, ainsi qu’au versement d’une indemnité de 3.000 ‘ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 12 mai 2021 ;
Vu la note en délibéré autorisée afin de confirmer que la salariée travaillait à temps complet ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
13 août 2021
SUR CE
– Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse
Aux termes de l’article L. 1232-1 du Code du Travail : « Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse». La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, c’est-à-dire matériellement vérifiables.
En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé réception comportant l’exposé du ou des motifs de rupture du contrat de travail.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties a énoncé plusieurs griefs qui seront examinés au visa de l’article L. 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié. Il appartient au juge de vérifier la cause exacte du licenciement sans s’arrêter à la qualification donnée par l’employeur.
L’employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement plusieurs motifs de rupture inhérents à la personne du salarié, procédant de faits distincts, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement.
En revanche, si l’employeur s’est prévalu de manquements fautifs du salarié, qui s’analysent en réalité comme une insuffisance professionnelle, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Il est constant que la persistance d’un même comportement fautif autorise l’employeur à se prévaloir de faits même prescrits à la date de l’engagement de la procédure de licenciement.
En l’espèce, il est reproché à la salariée aux termes de sa lettre de licenciement en date du 1er octobre 2018, les faits suivants :
— une mauvaise définition des menus, sans rapport avec la saison, en ce qu’elle a laissé pour la période printemps-été 2018 des plats d’hiver totalement inappropriés (choucroute, cassoulet garni’) ;
— l’absence de traçabilité dans le dossier médical informatique des patients et l’absence de codage dans le cadre du dispositif PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d’Informations).
L’employeur explique que ces dysfonctionnements et manquements de la salariée à ses obligations ont été mis en lumière lors de son départ en maladie au printemps 2018, sa remplaçante ayant refusé de faire les déclinaisons des menus sur la base de ceux validés par Mme Y dans la mesure où ils étaient inadaptés à la saison.
Il expose par ailleurs qu’il appartenait à Mme Y de renseigner le logiciel médical Osiris en saisissant ses interventions dans le cadre de la diététique et d’assurer le ‘codage’ de ses actes, ces informations permettant de calculer les allocations budgétaires et de concourir au remboursement des actes ainsi déclarés. Il fait grief à la salariée de s’être montrée défaillante sur ces deux points.
Il conteste toute surcharge de travail de la salariée dans la mesure où sa prédécesseuse et sa remplaçante sont parvenues à exercer leurs missions dans des conditions identiques, le nombre de lits étant resté stable en terme de suivi diététique et ce alors qu’elle a ensuite bénéficié d’un temps complet.
Enfin, il sollicite que soit écarté le moyen tiré de la prescription dans la mesure où selon lui, il ne
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s’agissait pas d’un licenciement pour faute et les faits prétendument prescrits tenaient à la mise à jour du logiciel, qui ne constitue pas un des motifs du licenciement.
En réponse, la salariée oppose des conditions d’emploi dégradées dans la mesure où concomitamment à sa prise de fonction a été mis en place un nouveau logiciel ‘Hestia’ spécialisé dans la gestion des repas, qui a occasionné beaucoup de difficultés et retard ; elle conteste qu’il s’agissait d’une demande de sa part ou avoir bénéficié d’une formation renforcée, comme l’évoque l’employeur, pour avoir eu six jours de stage. Elle en déduit que ses conditions de travail étaient très différentes de celles de la collègue qu’elle a remplacée. Elle soutient également que l’embauche d’une seconde diététicienne en CDD, Mme A, n’était pas destinée uniquement à l’aider mais aussi à la remplacer pendant ses périodes de congés tout en alléguant qu’un seul poste de diététicienne à temps plein était insuffisant. Elle estime que ces conditions l’ont conduit à un épuisement psychique.
Elle ajoute qu’elle était en train d’établir les nouveaux menus pour la période ‘printemps-été’ avec une période transitoire de cinq semaines de menu du cycle automne/hiver quand elle a fait l’objet d’un arrêt de travail régulièrement prolongé, de sorte que le grief qui en ressort est infondé et à tout le moins pas sérieux.
Sur l’insuffisance de codages, la salariée observe que si tel était le cas, les équipes soignantes s’en seraient plaintes sans attendre cinq mois et qu’en toute hypothèse, l’énoncé des faits dans la lettre de licenciement ne permet pas de vérifier leur matérialité outre le fait qu’aucune pièce ne permet de comprendre ce qu’on lui reproche. Pour autant, elle ne conteste pas ne plus avoir rentré les données dans ‘Osiris’ en raison de sa surcharge de travail mais expose que cela était sans importance dans la mesure où la traçabilité des régimes appliqués était réalisée par le logiciel ‘Hestia’, à propos duquel l’employeur reste taisant.
Elle rappelle enfin qu’elle n’a fait l’objet d’aucun avertissement antérieur et soutient que son licenciement était motivé par la conséquence de sa surcharge de travail qui ne lui permettait plus de gérer l’administratif en temps réel, entraînant un surcoût pour le centre.
Mme Z conclut que les motifs invoqués à l’appui de son licenciement sont infondés et et qu’il en est résulté pour elle un important préjudice.
> Sur la prescription
Au préalable, il sera rappelé que les licenciements sans faute ne reposent ni sur une cause économique, ni sur une faute du salarié. Dès lors, dans la mesure où l’employeur fait grief à sa salariée de plusieurs manquements, il doit être considéré qu’il a fait le choix de la voie disciplinaire, de sorte qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de la procédure de licenciement au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où il en a eu connaissance.
Néanmoins, c’est à tort que l’employeur s’est emparé de ce moyen tiré de la décision du conseil de prud’hommes, laquelle n’a fait que constater que certains documents ne pouvaient être retenus du fait ‘qu’ils sont anonymes, que Mme Z n’est pas citée et qu’ils sont également prescrits,’ ce alors que la salariée n’en tire aucune prétention ni moyen.
Au surplus, il n’est pas contesté que les faits ont été portés à la connaissance de l’employeur à l’occasion du remplacement de Mme Z, soit à partir du 2 mai 2018, et que le temps des vérifications, la procédure de licenciement pour faute à l’encontre de la salariée a été engagée dans le délai précité de deux mois, de sorte qu’il n’en résulte aucune fin de non-recevoir.
> Au fond
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Mme Y a été recrutée initialement à temps partiel (60.66 heures mensuelles) dans la perspective du départ à la retraite de la diététicienne de l’établissement, laquelle exerçait à temps partiel également. Elle a commencé par 25 heures du 27 au 30 janvier 2015 puis 32 heures du 2 au 13 février 2015 ‘afin de lui permettre de prendre ses fonctions dans les meilleures conditions et d’être formée par notre diététicienne à nos modes de travail’. A compter du 1er octobre 2016, elle a travaillé à temps complet si l’on en croit ses bulletins de salaire.
L’employeur atteste avoir embauché Mme B les 6 et 12 avril 2017 après midi pour remplacer Mme Z en formation auprès des équipes.
Mme A, diététicienne, déclare quant à elle, avoir bénéficié de plusieurs contrats à durée déterminée du 12 au 27 juillet 2017 pour le remplacement de Mme Z, en congés, puis du 28 août 2017 au 19 janvier 2018 pour des remplacements ou en renfort de Mme Z en paramétrage du logiciel Hestia. Elle affirme qu’à la fin de son contrat, en janvier 2018, la programmation ainsi que les prises en charge diététique étaient à jour, ce qui n’était plus le cas lorsqu’elle a, à nouveau, remplacé Mme Z au printemps 2018.
L’employeur produit deux contrats de travail à durée déterminée de Mme A du 3 au 27 octobre 2017 et du 13 novembre au 15 décembre 2017, en remplacement de Mme Z pour le paramétrage, ce sur un poste temps plein.
Il justifie aussi de deux sessions de formation à la gestion informatisée des commandes repas du 18 au 20 octobre 2016 et du 14 au 16 octobre 2017 ainsi que d’une formation de remise à niveau sur le même thème du 30 janvier au 1er février 2018.
Mme Z a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail à compter du 2 mai 2018 pour dysthymie majeure sur burn out professionnel, les pièces médicales ressortant du dossier de la médecine du travail faisant état en avril 2018 d’une charge de travail très augmentée et d’un logiciel pas au point.
Une collègue diététicienne, en poste à 20 % du 15 novembre 2016 au 11 avril 2017 témoigne que Mme Z était très sollicitée par tous les services et que le service SAV de ‘Hestia’ était très long,
> sur les menus
Pour reprocher à Mme Z la définition des menus, l’employeur se fonde uniquement sur le témoignage de Mme A, sa remplaçante, laquelle indique : ‘Au 1er mai 2018, nous avons changé de prestataire repas. Mme Z a assisté à la sélection du nouveau prestataire et a validé le cycle printemps-été avant son départ… avant le paramétrage du nouveau cycle, on constate qu’il n’était pas adapté à la saison (choucroute et autres plats hivernaux).’
Toutefois, cet élément n’est corroboré par aucune constatation objective et il doit être relevé, comme le fait justement observer la salariée, qu’elle a été placée en arrêt maladie dès le 2 mai 2018, soit le lendemain du changement de prestataires repas.
Dès lors, ce grief ne peut être retenu à l’encontre de Mme Z.
> sur les codages
L’employeur verse aux débats des extraits du logiciel Osiris de janvier à mai 2018 dont il ressort que pour une majorité de patients, la prescription de diététique n’a pas été prise en compte alors que Mme Y se trouvait en poste.
La salariée excipe d’un manque de temps et il doit être observé qu’à compter du 19 janvier 2018,
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le contrat de Mme A ayant pris fin, elle s’est alors trouvée seule en poste. Pour autant, le paramétrage du logiciel Hestia était achevé et il n’est pas avéré que sa charge de travail n’était pas adaptée à son temps plein, alors que sa remplaçante attestera parvenir à exécuter en temps utile ses mêmes missions outre le fait que l’absence de transmissions écrites a pu mettre en difficulté ses collègues pour le suivi des patients. Ce grief est donc avéré.
En revanche, s’agissant du codage en PMSI des actes accomplis, l’employeur se fonde une nouvelle fois sur l’attestation de Mme A, remplaçante de Mme Z, qui se contente d’indiquer que de nombreuses prescriptions étaient en attente. Il joint le rapprochement qu’il a pu faire entre les évaluations diététicienne de janvier à avril 2018 et de janvier à 3 mars 2019 dont il résulte 63 actes pour la première période et 122 sur la seconde, mais dans la mesure où le niveau d’activité de l’établissement n’est pas communiqué, et les pièces non sourcées, ces chiffres ne peuvent être considérés comme probants ; en outre, ils n’établissent pas le déficit de codage reproché à Mme Z mais seulement un moindre volume d’actes. Enfin, de la même façon, les 5 questionnaires de sortie, anonymes, choisis par l’employeur ne peuvent servir à refléter l’activité de Mme Z en l’absence d’un panel plus significatif. Ce grief ne peut donc prospérer.
Dans ces conditions, l’employeur qui n’ignorait pas l’état de santé de la salariée, l’a licenciée sans pouvoir arguer d’un grief sérieux dans la mesure où l’intéressée n’avait fait l’objet d’aucune remontrance antérieure.
Dès lors, la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu’elle dit que le licenciement de Mme Z est dénué de cause réelle et sérieuse.
Mme Z est donc bien-fondée à solliciter une indemnité légale de licenciement par application de l’article L. 1234-9 du code du travail. Elle a perçu 875.46′ brut à ce titre mais sollicite la somme de 1 744 ‘ sans aucune explication. L’employeur ne fait pas valoir d’observation à ce sujet.
Sur le fondement des dispositions précitées et R. 1234-2 du code du travail, l’indemnité légale de licenciement est calculée comme suit, en distinguant les périodes de temps partiel et de temps complet.
— 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;
— 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.
Du 27 janvier 2015 au 31 septembre 2016, Mme Z a travaillé à 40 % (60.66 heures) puis à compter du 1er octobre 2016 à 100 % mais a été placée en arrêt de travail à compter du 2 mai 2018.
Ainsi, sur la base d’un salaire mensuel de 1.78112 ‘, il apparaît que l’indemnité légale à laquelle peut prétendre la salariée est de 963,58 ‘ (295,66 ‘ pour la période à temps partiel et 667,92 ‘ pour la période à temps complet, déduction faite des périodes de maladie). Dans la mesure où il est constant qu’elle a perçu 875,46’ brut à ce titre, il lui reste dû la somme de 88,12 ‘ à titre de rappel de ce chef, infirmant la décision déférée en son quantum.
Lors de son licenciement, Mme Z était âgée de 31 ans et était dans l’entreprise depuis plus de 3 ans. Elle peut donc prétendre à une indemnité de licenciement comprise entre 3 à 4 mois de salaire conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.
Elle justifie qu’elle a acheté une maison en décembre 2017 sans souscrire d’assurance ‘perte d’emploi’ et qu’elle a été en arrêt maladie jusqu’au 15 octobre 2019. Il y a donc lieu de considérer que le préjudice découlant de son licenciement abusif sera justement et intégralement réparé par la somme de 7.000 ‘ sans qu’il soit porté une atteinte disproportionnée à ses droits justifiant d’écarter les dispositions précitées comme le laissent supposer ses prétentions à hauteur de 10.000 ‘.
– Sur les circonstances abusives du licenciement résultant du manquement de l’employeur
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à son devoir de sécurité et de santé
L’employeur qui licencie son salarié de façon brutale, vexatoire ou injurieuse s’expose à une demande de dommages ‘ intérêts de la part de l’ancien salarié qui s’en estime victime, alors même que le licenciement est justifié.
Par ailleurs, aux termes des articles L 4121-1 et suivants du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de santé et sécurité au travail et doit prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire, en ce inclus des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
En l’espèce, Mme Z considère que la société a laissé l’inconfort et la difficulté mentale et physique liés aux mauvaises conditions de travail s’amplifier, ce qui lui a causé un important préjudice pour lequel elle réclame 5.000 ‘ de dommages et intérêts. L’employeur ne fait valoir aucune observation.
Il s’évince des développements précédents que la charge de travail du service de Mme Z a nécessité l’octroi d’une collègue à temps plein jusqu’au 19 janvier 2018, dont le non-renouvellement du contrat coïncide avec les difficultés rencontrées par la salariée et le burn-out dont elle a fait l’objet. Or, loin de prendre en considération cette problématique, l’employeur a fait le choix, à l’expiration prévue de l’arrêt maladie de Mme Z de la licencier pour faute, manquant ainsi à son obligation de sécurité, ce qui justifie l’indemnisation d’un préjudice spécifique, suffisamment démontré, à hauteur de 3.000 ‘.
– Sur le rappel de 13e mois
En l’espèce, Mme Z estime qu’elle aurait dû percevoir la somme de 1.090,69 ‘ à titre de rappel de 13e mois au titre des années 2017 et 2018. L’employeur s’y oppose aux motifs que selon une note interne, il est prévu qu’à partir du 30e jour consécutif ou non d’absence pour maladie, le 13e mois est suspendu au prorata de la durée totale d’absence.
Au visa de la note interne produite aux débats, qui confirme les dires de l’employeur, il apparaît que le conseil des prud’hommes a fait une juste application des dispositions querellées, considérant que compte tenu des périodes d’absences de la salariée en 2017 (23 jours), il lui restait dû 143,59 ‘ mais rien en 2018 (absence de mai à décembre).
La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.
— Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
Il sera ordonné à la société de remettre à Mme Z l’ensemble de ses documents de fin de contrat régularisés conformément au présent arrêt, dans un délai de 15 jours suivant la notification du dit arrêt, sans
qu’il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.
Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, la société sera condamnée d’office à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme Z du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités.
La société qui succombe principalement sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu’à payer à Mme Z la somme de 1.500 ‘ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
13 août 2021
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Réforme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la SAS Pasori à payer à Mme C Z les sommes de 353,30 ‘ à titre de solde d’indemnité de licenciement, 10.000 ‘ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a débouté Mme Z de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS Pasori à payer à Mme C Z les sommes suivantes :
— 7.000 ‘ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 88,12 ‘ à titre de solde d’indemnité de licenciement,
— 3.000 ‘ à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et manquement à l’obligation de santé et sécurité au travail,
Rappelle que les sommes allouées à titre indemnitaire sont exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, que les condamnations concernant des créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les condamnations à titre de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l’article 1231-7 du code civil,
Confirme la décision déférée pour le surplus,
Ordonne à la SAS Pasori de remettre à Mme C Z l’ensemble de ses documents de fin de contrat régularisés conformément au présent arrêt, dans un délai de 15 jours suivant la notification du dit arrêt,
Condamne la SAS Pasori à rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme C Z , du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne la SAS Pasori aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme C Z une somme complémentaire de 1.500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme I, présidente de chambre, et Mme G, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE