Conditions du dépôt de marque frauduleux
Conditions du dépôt de marque frauduleux
Ce point juridique est utile ?

Le dépôt d’une marque est frauduleux s’il a été effectué afin de détourner la finalité du droit des marques ou dans l’intention de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité.

Toutefois, la circonstance que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un tel signe ne suffit pas, à elle seule, pour établir l’existence de la mauvaise foi de ce demandeur. Il convient, en outre, de prendre en considération l’intention dudit demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque, élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce » (CJUE, 27 juin 2013, C-320/12, point 36).

En la cause, les éléments produits par le demandeur ne permettaient pas de démontrer que le dépôt de la marque contestée a été réalisé dans une intention malhonnête de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité

INPI – NL 21-0117 Le 15/04/2022 DECISION
 
STATUANT SUR UNE DEMANDE EN NULLITE
 
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LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE;
 
Vu le Code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et notamment ses articles L.411-1, L. 411-4, L. 411-5, L. 711-1 à L.711-3, L. 714-3, L. 716-1, L.716-1-1, L.716-2 à L. 716-2-8, L.716-5, R. 411-17, R.714-1 à R.714-6, R. 716-1 à R.716-13, et R. 718-1 à R. 718-5 ;
 
Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié par l’arrêté du 9 décembre 2019 relatif aux redevances de procédure perçues par l’Institut national de la propriété industrielle ;
 
Vu l’arrêté du 4 décembre 2020 relatif à la répartition des frais exposés au cours d’une procédure d’opposition à un brevet d’invention ou de nullité ou déchéance de marque ;
 
Vu la décision n° 2020-35 du Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle relative aux modalités de la procédure en nullité ou en déchéance d’une marque.
 
I.- FAITS ET PROCEDURE 1. Le 3 juin 2021, la société par actions simplifiée 112PRODUCTION (le demandeur), a présenté une demande en nullité enregistrée sous la référence NL21-0117 contre la marque verbale n° 21/4726497 déposée le 28 janvier 2021, ci-dessous reproduite :
 
L’enregistrement de cette marque, dont Monsieur M V est titulaire (le titulaire de la marque contestée), a été publié au BOPI 2021-20 du 21 mai 2021.
 
 
 
2. La demande en nullité porte sur l’ensemble des services pour lesquels la marque contestée est enregistrée, à savoir :
 
« Classe 38 : Télécommunications; mise à disposition d’informations en matière de télécommunications; communications par terminaux d’ordinateurs; communications par réseaux de fibres optiques; communications radiophoniques; communications téléphoniques; radiotéléphonie mobile; fourniture d’accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux; mise à disposition de forums en ligne; fourniture d’accès à des bases de données; services d’affichage électronique (télécommunications); raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; agences de presse; agences d’informations (nouvelles); location d’appareils de télécommunication; radiodiffusion; télédiffusion; services de téléconférences; services de visioconférence; services de messagerie électronique; location de temps d’accès à des réseaux informatiques mondiaux ». « Classe 41 : Éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles; mise à disposition d’informations en matière de divertissement; mise à disposition d’informations en matière d’éducation; recyclage professionnel; mise à disposition d’installations de loisirs; publication de livres; prêt de livres; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande; production de films cinématographiques; location de décors de spectacles; services de photographie; organisation de concours (éducation ou divertissement); organisation et conduite de colloques; organisation et conduite de conférences; organisation et conduite de congrès; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs; réservation de places de spectacles; services de jeu proposés en ligne à partir d’un réseau informatique; services de jeux d’argent; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ».
 
3. Le demandeur invoque le motif absolu suivant : « La marque a été déposée de mauvaise foi ».
 
4. Un exposé des moyens a été versé à l’appui de cette demande en nullité.
 
5. L’Institut a informé le titulaire de la marque contestée de la demande en nullité et l’a invité à se rattacher au dossier électronique par courrier simple envoyé à l’adresse indiquée dans la demande en nullité, ainsi que par courriel.
 
6. La demande a été notifiée au titulaire de la marque contestée, à l’adresse indiquée lors du rattachement, par courrier recommandé en date du 15 juin 2021, reçu le 17 juin 2021. Cette notification l’invitait à présenter des observations en réponse et produire toute pièce qu’il estimerait utile dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
 
7. Le titulaire de la marque contestée a présenté des observations en réponse le 10 août 2021, lesquelles ont été transmises au demandeur par courrier recommandé du 30 août 2021, reçu le 1er septembre 2021.
 
8. Le demandeur a présenté des observations en réponse dans le délai d’un mois imparti, lesquelles ont été transmises au titulaire de la marque contestée par courrier recommandé en date du 6 octobre 2021, reçu le 8 octobre 2021.
 
9. Le titulaire de la marque contestée a présenté des secondes observations dans le délai d’un moi imparti, lesquelles ont été transmises au demandeur par courrier recommandé en date du 19 novembre 2021, reçu le 24 novembre 2021.
 
10. Le demandeur a présenté ses dernières observations en réponse dans le délai d’un mois imparti, lesquelles ont été transmises au titulaire de la marque contestée par courrier recommandé en date du 3 janvier 2022, reçu le 5 janvier 2022.
 
 
 
11. Le titulaire de la marque contesté a présenté ses dernières observations en réponse dans le délai d’un mois imparti, lesquelles ont été transmises au demandeur par courrier recommandé en date du 9 février 2022, reçu le 11 février 2022.
 
12. Les parties ont été informées de la date de fin de la phase d’instruction, à savoir le 7 février 2022 (le 5 février étant un samedi), par courriers recommandés en date du 9 février 2022, reçus les 11 et 14 février 2022.
 
Prétentions du demandeur
 
13. Dans son exposé des moyens, le demandeur a notamment :
 
— indiqué que le titulaire de la marque contestée a eu connaissance du projet de constitution de la société 112PRODUCTION et s’est montré très intéressé pour y participer ; il a ainsi assisté à des réunions de travail et été informé des travaux de recherche d’un signe d’identification ; il a été également informé du signe retenu, à savoir WEDDINGPLACE, étant destinataire des propositions commerciales faisant explicitement état dudit signe (voir notamment pièces 5 à 10) ;
 
— affirmé qu’il n’a pas été possible de poursuivre de coopération avec le titulaire de la marque contestée, l’ensemble des intervenants sur le projet s’étant plaint de son comportement ; c’est à ce moment que le titulaire de la marque contestée a entrepris de déposer la marque contestée, dans la seule intention de nuire au demandeur, dans un but de contradiction et non d’exploitation (il est scénariste) ;
 
— sollicité que les frais exposés pour la défense de ses droits (2000 €) soient mis à la charge du titulaire de la marque contestée.
 
14. Dans ses premières observations, le demandeur a notamment :
 
— indiqué que le titulaire de la marque contestée disposait d’un niveau d’informations tel qu’il savait que la société 112PRODUCTION allait déposer la marque WEDDINGPLACE, d’autant plus que des noms de domaine avaient été réservés dès le mois de juillet 2020 et que le pitch de présentation de ladite société (portant ostensiblement le signe WEDDINGPLACE) lui avait été adressé et qu’il avait même émis ses commentaires sur celui- ci ;
 
— souligné que si le titulaire de la marque contestée avait voulu déposer la marque contestée en vue d’une rencontre avec d’éventuels investisseurs et dans l’intérêt d’une future société, il aurait veillé à s’entretenir de cette décision avec ses futurs partenaires-avant de réaliser le dépôt ou à tout le moins immédiatement après y avoir procédé, et il aurait pris soin de déposer la marque contestée pour le compte d’une société en cours de formation dénommée APMV et non en son nom personnel ;
 
— affirmé que le titulaire de la marque contestée n’a pas l’intention d’exploiter la marque contestée, le libellé de ladite marque ne correspondant pas à son exercice professionnel habituel (scénariste) mais aux services dédiés à la marque choisie par le demandeur ; en outre, la mise en demeure rédigée par le conseil du titulaire de la marque contestée le 22 avril 2021 et les discussions qui ont suivies révèlent la réalité de l’intention de nuire dudit titulaire qui demande des sommes hors de proportion ;
 
— sollicité que les frais exposés pour la défense de ses droits (3000 €) soient mis à la charge du titulaire de la marque contestée.
 
 
 
15. Dans ses secondes observations, le demandeur a réitéré ses arguments développés dans son exposé des moyens et ses premières observations, ainsi que sa demande que les frais exposés pour sa défense (3000 €) soient mis à la charge du titulaire de la marque contestée.
 
A l’appui de ses observations, le demandeur a transmis les éléments suivants dans son exposé des moyens :
 
Pièce 1 : publication de la demande d’enregistrement de la marque WEDDINGPLACE n°21/4732346 au BOPI : demande effectuée par le demandeur le 12 février 2021 Pièce 2 : justification d’inscription au RNM de l’immatriculation de la société 112PRODUCTION Pièce 3 : courrier recommandé du conseil de Monsieur M du 22 avril 2021 Pièce 4 : publication au BOPI de la demande d’enregistrement de la marque WEDDINGPLACE de Monsieur M Pièce 4 bis : notice de la marque WEDDINGPLACE déposée par Monsieur M , portant mention de son enregistrement Pièce 5 : factures de réservation de noms de domaine Pièce 6 : attestation de Madame B D Pièce 6 bis : attestation de Madame V C Pièce 7 : échanges de mails et propositions commerciales du mois de juillet 2020 autour du signe WEDDINGPLACE Pièce 8 : attestation de dépôt auprès de la SACD en date du 29 janvier 2021 Pièce 9 : attestation de Madame Z , expert-comptable Pièce 10 : échanges de mails du 16 novembre 2020 et power point de présentation du projet signé WEDDINGPLACE
 
Prétentions du titulaire de la marque contestée 16. Dans ses premières observations, le titulaire de la marque contestée a notamment :
 
— indiqué avoir collaboré avec M D et A-P B pour construire le projet WeddingPlace et s’être vu proposé une association au sein de la SAS APMV (les initiales des prénoms des trois associés) dès octobre 2020 (voir pièces 13 à 31) ;
 
— affirmé avoir pris l’initiative de déposer la marque contestée le 28 janvier 2021 auprès de l’INPI afin de sécuriser le travail de toute une équipe et de rassurer les financiers approchés, comptant en informer ses deux futurs associés immédiatement et surtout avant un rendez-vous concernant un potentiel investisseur le 1er février 2021 ; cependant, A-P B l’informe par téléphone le 29 janvier 2021 qu’il ne travaille plus sur le projet WeddingPlace.
 
17. Dans ses deuxièmes observations, le titulaire de la marque contestée a notamment :
 
— souligné que son activité de scénariste ne représente que 10 à 15% de son activité professionnelle ;
 
— soutenu que la réalité chronologique est faussée par la partie adverse par une référence constante à la société 112PRODUCTION créée le 25 mars 2021, soit bien après le 29 janvier 2021, jour où il a été congédié par téléphone, alors que la société devant être constituée pour laquelle il a émis des avis est la SAS APMV (voir pièce n°34) ;
 
– indiqué que depuis novembre 2020, il répétait à A-P B et M D l’importance d’un dépôt de marque auprès de l’INPI notamment pour rassurer les investisseurs fortement intéressés par le projet ; les deux formalités prévues par A-P B le 18 janvier 2021, concernant la constitution de la future SAS APMV et le dépôt de la marque à l’INPI, restant à parachever le 28 janvier 2021, il s’est alors vu dans l’obligation de déposer la marque contestée afin de pouvoir garantir une chaine de droits sécurisée face à des investisseurs intéressés ;
 
— souligné qu’il a déposé la marque contestée le 28 janvier 2021 ; or, la rupture des relations est intervenue par l’appel d’A-P B, le 29 janvier 2021, seule notification orale de sa “mise à pieds” ; il n’a pas eu le temps d’avertir ses futurs associés du dépôt, A-P B ne l’ayant pas recontacté le week-end suivant (30 et 31 janvier 2021) ;
 
— indiqué avoir effectué des dépenses pour trois dépôts de marque dans le cadre d’une association (la SAS APMV) qui n’a plus lieu d’être ; or, les demandeurs ont simplement refusé de se prêter à quelque négociation que ce soit puisqu’ils n’ont jamais transmis la moindre contreproposition à sa proposition ;
 
— sollicité que les frais exposés pour sa défense (3000 €) soient mis à la charge du demandeur.
 
18. Dans ses dernières observations, le titulaire de la marque contestée a réitéré ses arguments développés dans ses premières et deuxièmes observations, ainsi que sa demande que les frais exposés pour sa défense (3000 €) soient mis à la charge du demandeur, et a notamment précisé :
 
— qu’à la date du dépôt de la marque contestée, il avait toutes les intentions de l’utiliser dans le cadre de son association imminente au sein de la SAS APMV, et non pas 112PRODUCTION créée 2 mois plus tard ;
 
— que sachant la concrétisation de la SAS APMV en bonne voie, après avoir reçu les projets de statuts constitutifs le 25 janvier 2021 (pièce 28) et échangé à leur sujet le 26 janvier 2021 (pièces 29 et 30), et les dépôts INPI tardant du fait de la procrastination d’A-P B, il prend l’initiative du dépôt de 3 marques (la marque contestée, TheWeddingPlace et WeddingTV) sur ses propres deniers afin de pouvoir présenter le projet WeddingPlace à un éventuel investisseur la première semaine de février 2021, comme pressé par A-P B dans la pièce n°27.
 
A l’appui de ses observations, le titulaire de la marque contestée a transmis les éléments suivants dans ses premières observations :
 
Pièce n°1 : Curriculum Vitae de Monsieur V M Pièce n°2 : Marque INPI Kiffdaddy. Pièce n°3 : Copie de l’agenda téléphonique de Monsieur V M Pièce n°4 : Courriel de Monsieur M D intitulé WEDDINGTV – STEP1 – ECRITURE du 18 juin 2020 à 9h44. Pièce n°5 : Courriel de Monsieur V M intitulé re : DOSSIER DE PRESENTATION du 18 juin 2020 à 10h29 et présentation WeddingTV.pdf jointe. Pièce n°6 : Courriel de Monsieur M D intitulé WEDDINGTV – V3 du 8 juillet 2020 à 20h58 et présentation WeddingTV – Présentation V3.pdf jointe. Pièce n°7 : Courriel de M D intitulé WEDDINGTV.fr devient WEDDINGMARKET.fr du 24 juillet 2020 à 11h38. Pièce n°8 : Courriel de Monsieur M D intitulé DOSSIER WEDDING PLACE du 11 août 2020 à 10h52 et présentation Weddingplace fr jointe. Pièce n°9 : Courriel de Monsieur V M à Monsieur B C intitulé La WeddingPlace du 04 septembre 2020 à 15h26.
 
Pièce n°10 : Courriel de Monsieur V M, intitulé D S L P et B C du 11 septembre 2020 à 09h59. Pièce n°11 : Courriel de Monsieur V M, intitulé V13 + Notes VM, du 8 décembre 2020 à 20h11. Pièce n°12 : WEDDINGPLACE V 14 pdf (37 pages complètes dont page 32 explication SAS APMV). Pièce n°13 : Courriel de Monsieur M D intitulé ARTISTIQUE WEDDINGTV du 23 juillet 2020 à 09h55. Pièce n°14 : Courriel de Monsieur M D intitulé Bonjour à vous deux du 17 septembre 2020 à 07h54. Pièce n°15 : Courriel de Monsieur M D intitulé Re : réponse proposition du 21 septembre 2020 à 20h12. Pièce n°16 : Courriel de Monsieur V M intitulé Re : WeddingTV du 7 octobre 20 à 15h16 et courriel de Madame A B du 06 octobre 2020 à 17h16. Pièce n°17 : Courriel de Monsieur V M intitulé Re : WeddingTV du 9 octobre 2020 à 19h01 et courriel de Monsieur M D du 09 octobre 2020 à 09h30. Pièce n°18 : Courriel de Monsieur M D intitulé Re : WEDDINGPLACE – PRESENTATION V2 du 17 novembre 2020 à 00h30, courriel de Monsieur V M du 16 novembre 2020 à 19h47 et courriel de Monsieur M D du 16 novembre 2020 à 18h39. Pièce n°19 : Courriel de Monsieur V M, intitulé Business Plan WeddingPlace à Monsieur G P du 20 novembre 2020 à 18h53. Pièce n°20 : Témoignage de Monsieur G P en date du 28 juin 2021. Pièce n°21 : Courriel de Madame A-P B, intitulé Re : Merci du 22 décembre 2020 à 22h41 en réponse au courriel de Monsieur M D du 22 décembre 2020 à 22h06. Pièce n°22 : Courriel de Monsieur V M, intitulé Re : Merci du 23 décembre 2020 à 09h32, en réponse au courriel de Monsieur M D du 22 décembre 2020 à 22h06. Pièce n°23 : Courriel de Monsieur V M, intitulé Statuts APMV du 10 octobre 2020 à 14h35. Pièce n°24 : Courriel de Madame A-P B du 12 octobre 2020 à 11h02 en réponse au courriel de Monsieur V M, intitulé Re : Statuts APMV. Pièce n°25: Entreprise 112Production à Boulogne-Billancourt (92100). Pièce n°26 : Fiche d’information entreprise BFM VERIF. Pièce n°27 : Conversation du groupe Whatsapp « WP » créé par Madame A-P B. – p.1 et 2 (messages du 11 janvier 2021 à 15h16 et 16h17). – p.9 (messages du 25 janvier 2021 à 10h57 et 10h59). Pièce n°28 : Courriel de Madame A-P B intitulé APMV (SAS) BOULOGNE BILLANCOURT / Projet de statuts constitutifs (C70964ST) du 25 janvier 2021 à 12h33. Pièce n°29 : Courriel de Monsieur V M à Maître J P de Oratio-Avocats, intitulé Fw : APMV (SAS) BOULOGNE BILLANCOURT / Projet de statuts constitutifs (C70964ST), du 26 janvier 2021 à 15h28. Pièce n°30 : Courriel de Monsieur V M à Madame A-P B et Monsieur M D, intitulé Re : APMV (SAS) BOULOGNE BILLANCOURT / Projet de statuts constitutifs (C70964ST), du 26 janvier 2021 à 18h38. Pièce n°31 : APMV (SAS) BOULOGNE BILLANCOURT / Projet de statuts constitutifs. Pièce n°32 : Courriel de Madame A-P B intitulé Réunion Jeudi 26 11 2020 – du 23 novembre 2020 à 18h05. Pièce n°33 : Courriel de Madame L Z intitulé « tbx excel Hard » du 6 janvier 2021 à 13h10. Pièce n°34 : 3 Pages de Garde SAS APMV HYPOTHESE SOFT / SAS APMV HYPOTHESE MEDIUM / SAS APMV HYPOTHESE HARD toutes datées du 21 décembre 2020. Pièce n°35 : Courriel de Monsieur M D (qui renvoie un courriel de Madame A-P B) intitulé Planning WeddingPlace – Studio F/ La Regy Agency du 08 décembre 2020 à 13h27. Pièce n°36 : Courriel de Madame V C du 31 décembre 2020 à 01h53 en réponse à un courriel de Madame A-P B intitulé RE : WeddingPlace – RDV 29 12 2020. Pièce n°37 : Courriel de Madame A-P B intitulé Retroplanning du 12 janvier 2021 à 09h59 transmettant la pièce jointe intitulée WP – RETRO PLANNING 2021 pdf.
 
Pièce n°38 : Témoignage de Monsieur F P, développeur. Pièce n°39 : Témoignage de Monsieur M D, graphiste.
 
II.- DECISION
 
A- Sur le droit applicable
 
19. Conformément à l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au jour du dépôt, « L’enregistrement d’une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, en application de l’article L. 411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9 ».
 
20. A cet égard, l’article L.711-2 du même code dispose notamment que « s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls : […] 11° Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur ».
 
21. La présente demande en nullité doit être appréciée au regard de ces dispositions.
 
B- Sur le fond 22. La Cour de justice de l’Union européenne a posé en principe que la notion de mauvaise foi constitue une notion autonome du droit de l’Union qui doit être interprétée de manière uniforme dans l’Union (CJUE, 29 janvier 2020, C-371/18, §73 ; CJUE, 27 juin 2013, C-320/12), et pour laquelle il convient de prendre en compte tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce appréciés globalement au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, et notamment de prendre en considération l’intention du déposant par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce.
 
23. A cet égard, la mauvaise foi est susceptible d’être retenue lorsqu’il ressort « d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine » (CJUE, 29 janvier 2020, SKY, C 371/18, §75).
 
24. La jurisprudence a pu relever que pouvait notamment constituer un facteur pertinent de la mauvaise foi, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un signe identique ou similaire pour des produits et/ou services identiques ou similaires, prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est contesté (CJUE, 11 juin 2009, LINDT GOLDHASE, C-529/07).
 
25. Enfin, il convient de préciser que le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue.
 
 
 
26. Le demandeur doit donc démontrer, d’une part, que le titulaire de la marque contestée avait connaissance au jour du dépôt de la marque contestée de l’usage antérieur du signe contesté et, d’autre part, que le dépôt contesté a été effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité.
 
 Connaissance de l’usage antérieur du signe « weddingplace » 27. En l’espèce, la marque contestée a été déposée le 28 janvier 2021. Il convient donc de rechercher si, à cette date, le titulaire de la marque contestée avait connaissance de l’usage antérieur du signe « weddingplace » par le demandeur.
 
28. Dans son exposé des moyens, le demandeur indique que « Lorsqu’il a eu connaissance du projet de constitution de la société 112PRODUCTION, Monsieur M s’est montré très intéressé pour y participer. (…) il a assisté à des réunions de travail et a été notamment informé des travaux menés en vue de la recherche d’un signe d’identification. Dès le mois de juillet 2020, plusieurs réservations de noms de domaine étaient réalisées, notamment sur la désignation WEDDINGPLACE. Finalement c’est ce dernier signe qui a été retenu. (…) Monsieur M en était parfaitement informé, comme étant destinataire lui-même des propositions commerciales reçues, lesquelles, explicitement, faisaient état du terme choisi WEDDINGPLACE ».
 
29. A cet égard, le demandeur produit notamment les éléments suivants :
 
— Pièce 7 : échanges de mails et propositions commerciales du mois de juillet 2020 autour du signe WEDDINGPLACE, notamment un mail du 31 juillet 2020 adressé par le titulaire de la marque contestée à M D, actuel directeur général de la société demanderesse, ayant comme objet « Devis Wedding Place » (page 17) ;
 
— Pièce 10 : échange de mails du 16 novembre 2020, notamment un mail adressé par le titulaire de la marque contestée à M D ayant comme objet « WEDDINPLACE – PRESENTATION V2 » (page 24) et contenant ses commentaires sur un document PowerPoint de présentation du projet WEDDINGPLACE dans lequel il apparait en tant que directeur artistique (page 46).
 
30. Le titulaire de la marque contestée indique lui-même avoir « collaboré avec Monsieur M D et Madame A-P B pour construire le projet WeddingPlace » (voir ses premières observations du 10 août 2021, point 4) et que « le dépôt de la marque Weddingplace N°4726497 n’a absolument pas pour objet de nuire à l’exposante de la part de Monsieur V M, mais découle simplement de son implication dans le projet Weddingplace depuis Juin 2020 » (voir ses deuxièmes observations du 8 novembre 2021, page 12).
 
31. Il en résulte que le titulaire de la marque contestée avait connaissance au jour du dépôt de la marque contestée, le 28 janvier 2021, de l’usage antérieur du signe « weddingplace».
 
 L’intention du titulaire de la marque contestée
 
32. Il convient dès lors de déterminer si le dépôt litigieux a été effectué afin de détourner la finalité du droit des marques ou dans l’intention de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité.
 
33. En effet, « la circonstance que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un tel signe ne suffit pas, à elle seule, pour établir l’existence de la mauvaise foi de ce demandeur. Il convient, en outre, de prendre en considération l’intention dudit demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque, élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce » CJUE, 27 juin 2013, C-320/12, point 36).
 
34. Dans son exposé des moyens, le demandeur indique qu’« Il s’est avéré au fil des mois, que la collaboration éventuelle projetée avec Monsieur M ne pourrait perdurer. Il a donc été signifié à Monsieur M ce constat d’échec (…) C’est à ce moment qu’il a entrepris de déposer la marque WEDDINPLACE. (…) La demande d’enregistrement déposée par Monsieur M n’a aucunement pour objet de lui permettre d’exploiter le signe qu’il s’est approprié mais, uniquement, d’empêcher la société 112PRODUCTION d’user librement et sereinement d’une marque sur laquelle elle travaille depuis 2018 pour singulariser son activité ».
 
35. Le titulaire de la marque contestée dément quant à lui toute intention de nuire et indique qu’« en vue de la présentation du projet à de potentiels investisseurs et dans le délai convenu dans le rétroplanning, Monsieur V M prend l’initiative de déposer la marque weddingplace auprès de l’INPI le 28 janvier 2021 afin de (i) sécuriser le travail de toute une équipe et (ii) de rassurer les financiers approchés (…). Une fois ce dépôt effectué, Monsieur V M comptait informer ses deux futurs associés immédiatement et surtout avant le 1er février 2021 et le second rendez- vous avec Cossutta Consulting. Néanmoins, lors d’un coup de téléphone du 29 janvier 2021, Madame A-P B ne l’en lui laisse pas le temps et l’informe qu’il ne travaille plus sur le projet WeddingPlace » (voir ses premières observations, points 79 à 81).
 
Dans ses troisièmes observations transmises le 18 janvier 2022, il ajoute qu’« A la date du dépôt, le Défendeur avait toutes les intentions d’utiliser la marque N°4726497 avec l’exposante dans le cadre de son association imminente au sein de la SAS APMV -NON PAS 112PRODUCTION créée 2 mois plus tard ».
 
36. En l’espèce, force est de constater que le demandeur ne produit pas de pièces permettant de démontrer que la collaboration du titulaire de la marque contestée avec Madame A- M B, actuelle présidente de la société demanderesse, et Monsieur M D, actuel directeur général de la société demanderesse, a cessé antérieurement au dépôt de la marque contestée, le 28 janvier 2021, de sorte que le titulaire de la marque contestée aurait déposé la marque contestée dans le seul but de les priver du signe nécessaire à la continuation du projet WEDDINGPLACE sans lui.
 
En effet, le demandeur constate qu’il n’a plus été possible de poursuivre de coopération avec le titulaire de la marque contestée du fait de son comportement, sans justifier d’une date précise quant à la rupture de leur collaboration et/ou à la dégradation de leurs relations.
 
37. En revanche, le titulaire de la marque contestée affirme avoir appris la rupture de ses relations et de sa collaboration avec A-P B et M D par un appel téléphonique d’A-P B en date du 29 janvier 2021, soit postérieurement au dépôt de la marque contestée le 28 janvier 2021.
 
Il joint, à l’appui de cette affirmation, l’attestation d’un tiers ayant travaillé sur le projet WEDDINGPLACE qui indique avoir reçu, le 29 janvier 2021, un appel du titulaire de la marque contestée l’informant être « débarqué » du projet, et un appel de Madame B suite auquel il décide de maintenir son engagement dans le cadre d’un accompagnement technique (voir pièce 39, page 156 du document comprenant toutes les pièces transmises par le titulaire de la marque contestée le 10 août 2021).
 
38. En outre, le titulaire de la marque contestée joint d’autres pièces permettant notamment d’établir :
 
— que le 26 janvier 2021, soit deux jours avant le dépôt de la marque contestée, il faisait encore partie du projet WEDDINGPLACE incluant la constitution de la SAS APMV dont il devait être associé avec A-P B et M D, la dénomination sociale de cette société reprenant les initiales de leurs trois prénoms ; il a ainsi reçu le projet de statuts constitutifs de la SAS APMV (pièce 30, page 127) le 25 janvier 2021 (pièce 28, page 121) et échangé à leur sujet avec l’avocat en charge de leur rédaction et ses futurs associés le 26 janvier 2021 (pièce 30, page 125) ;
 
— que durant le mois de janvier 2021, il s’est inquiété que les noms relatifs au projet WEDDINGPLACE ne soient pas sécurisés auprès de l’INPI (voir pièce 27, page 148 : échanges WhatsApp avec A-M B en date du 11 janvier 2021) ;
 
— qu’un rendez-vous avec la société Cossutta Consulting était bien prévu le 1er février 2021 auquel le titulaire de la marque contestée était convié (voir pièce 27, bas de la page 149 : échanges WhatsApp avec A-M B et M D en date du 13 janvier 2021), V C étant conseil en développement d’entreprises digitales (voir exposé des moyens, pièce 6 bis, page 20).
 
39. Dès lors, l’argument du demandeur tenant à ce que le titulaire de la marque contestée aurait dû déposer ladite marque pour le compte d’une société en cours de formation dénommée APMV et non en son nom personnel ne permet pas, à lui seul, d’établir que le dépôt a été effectué le 28 janvier 2021 dans le seul but de nuire à A-P B et M D et les priver d’un signe nécessaire à leur future activité et non pour sécuriser le projet WEDDINGPLACE dont faisait toujours partie le titulaire de la marque contestée, en vue d’une présentation à des tiers le 1er février 2021.
 
40. De même, le fait que le titulaire de la marque contestée ait demandé des sommes supposément hors de proportion lors de discussions concernant la marque contestée avec le demandeur ne saurait établir son intention malhonnête au jour du dépôt de la marque contestée dans la mesure où ces discussions font suite à la fin de sa collaboration avec A-P B et M D et son éviction du projet WEDDINGPLACE qui lui ont été signifiés le 29 janvier 2021, soit postérieurement au dépôt de la marque contestée.
 
41. Les éléments produits par le demandeur ne permettent donc pas de démontrer que le dépôt de la marque contestée a été réalisé dans une intention malhonnête de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité.
 
42. Par conséquent, la mauvaise foi lors du dépôt de la marque contestée n’ayant pas été démontrée, la demande en nullité n’est pas fondée.
 
C- Sur la répartition des frais 43. L’article L.716-1-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Sur demande de la partie gagnante, le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle met à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par l’autre partie dans la limite d’un barème fixé par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle ».
 
44. L’arrêté du 4 décembre 2020 prévoit en son article 2.II. qu’ « Au sens de l’article L. 716-1-1, est considéré comme partie gagnante : […] b) Le titulaire de la marque contestée dont l’enregistrement n’a pas été modifié par la décision de nullité ou de déchéance ; c) le demandeur quand il est fait droit à sa demande pour l’intégralité des produits ou services visés initialement dans sa demande en nullité ou déchéance ». Il précise en outre à l’article 2.III que « Pour l’application de l’article L. 716-1-1, les montants maximaux des frais mis à la charge des parties sont déterminés conformément au barème en annexe ».
 
45. En l’espèce, le demandeur et le titulaire de la marque contestée ont présenté des demandes de prise en charge des frais exposés. Le titulaire de la marque contestée, non représenté par un mandataire, doit être considéré comme partie gagnante, dès lors que la demande en nullité a été rejetée en sorte que l’enregistrement de sa marque n’a pas été modifié par la décision de nullité.
 
46. Par ailleurs, la procédure d’instruction a donné lieu à des échanges entre les parties. Le titulaire de la marque contestée a présenté des observations en réponse à la demande en nullité. Le demandeur, qui relève de la catégorie des petites et moyennes entreprises, a exposé les frais nécessaires à la présentation de sa demande et aux observations en réponse aux observations du titulaire de la marque contestée.
 
47. Au regard de ces considérations propres à la présente procédure, il convient de mettre à la charge du demandeur, partie perdante à la présente procédure, la somme de 300 euros au titre de la phase écrite.
 
PAR CES MOTIFS
 
DECIDE
 
Article 1 : La demande en nullité NL21-0117 concernant la marque n° 21/4726497 est rejetée.
 
Article 2 : La somme de 300 euros est mise à la charge de la société 112PRODUCTION au titre des frais exposés.
 

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