Conditions du dénigrement publicitaire

·

·

,
Conditions du dénigrement publicitaire

Y compris en matière publicitaire, le dénigrement vise des agissements qui tendent à jeter le discrédit sur un concurrent ou sur les produits qu’il fabrique. Afin qu’il y ait dénigrement il est généralement retenu la réunion de trois conditions : les propos tenus ou les documents publicitaires communiqués doivent avoir été rendus publics, ils doivent viser une entreprise identifiable, sa marque ou ses produits, et enfin ils doivent avoir un caractère péjoratif.

____________________________________________________________________________________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE

30 Juillet 2021

JUGEMENT PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE

DEMANDEUR

SAS D E 65 quai Georges Gorse 92100 BOULOGNE BILLANCOURT comparant par Me X Y […] et par Me Louis […]

DEFENDEUR

SAS F I 23 rue AL Jacob 92500 RUEIL MALMAISON comparant par Me Guillaume ANCELET […] et par Maîtres Z A. B C, […]

LE TRIBUNAL AYANT LE 19 mai 2021 ORDONNE LA CLOTURE DES DEBATS POUR LE JUGEMENT ETRE PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE LE 30 Juillet 2021, APRÈS EN AVOIR DELIBLERE.

EXPOSE DES FAITS

La SAS D SCIENCES appartient au groupe pharmaceutique international D, qui développe et commercialise notamment des médicaments indiqués dans le traitement du VIH et a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires global de près de 22 milliards de dollars.

La SAS F AG appartient au groupe F I créé en novembre 2009 par les laboratoires pharmaceutiques GSK et Pfizer et est entièrement dédié à la lutte contre le VIH. Le chiffre d’affaires global du groupe F I (ci-après F) en 2019 était d’environ 6 milliards de dollars.

D E et F G sont directement concurrents quoiqu’ayant un positionnement différent dans le traitement de la pathologie.

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est un rétrovirus qui s’attaque aux cellules du système immunitaire et les détruit ou les rend inefficaces. Il met en jeu le pronostic vital d’un patient. Le Syndrome d’Immunodéficience Acquise (« SZ/DA ») est le dernier stade de l’infection par le VIL.

Les traitements visant à lutter contre le VIH consistent en l’administration de plusieurs antirétroviraux (ARV): longtemps des trithérapies (c’est-à-dire l’association de trois antirétroviraux) : depuis peu. des bithérapies (des associations de deux antirétroviraux) ont été développées. notamment par F. Il n’existe à ce jour pas de traitement qui permette de lutter contre le VII par l’administration d’un seul antirétroviral.

Le choix de l’association des différents médicaments antirétroviraux résulte d’une consultation du patient avec son médecin, afin qu’une association efficace lui soit proposée en fonction de sa situation. Les médecins prenant en charge les patients vivant avec le VIH sont en grande majorité des médecins infectiologues spécialisés dans le traitement de cette maladie. Leur expertise dans le bon usage des antirétroviraux permet la prévention de l’émergence des résistances et la minimisation des risques d’effets secondaires.

En 2018, 12,9 % des patients souffrant du VIH en France étaient traités par bithérapie. Le traitement antirétroviral standard de première ligne, prescrit à des patients « naïfs » (qui n’ont pas encore reçu de traitements) a longtemps consisté à associer trois médicaments antirétroviraux, en trithérapie. Les bithérapies ont été majoritairement utilisées en seconde ligne, autrement dit après une première période de traitement.

Le Dovato

Le Dovato, objet du présent litige, est la première bithérapie indiquée en première ligne (bien qu’il puisse également être utilisé en seconde ligne). Il s’agit d’une bithérapie à dose fixe. En 2016, F lance deux études cliniques de Phase III, GEMINI 1 et GEMINI 2, qui se sont achevées en mars 2018. Ces deux études de non-infériorité comparaient, pour des patients naïts de traitement, l’association libre DTG + 3TC (c’est-à-dire les molécules qui composent le Dovato, mais administrées en association libre) avec une trithérapie « DTG + TDF/FTC » (c’est-à-dire les molécules dolutégravir, ténofovir disoproxil (TDF) et emtricitabine (FTC)). Le bras comparateur choisi était une trithérapie ad hoc, pour les besoins des études, et qui ne correspondait pas à une trithérapie commercialisée par un autre laboratoire.

Les études GEMINI 1 et 2 ont été concluantes : elles ont démontré la non-infériorité du Dovato par rapport à une trithérapie DTG + TDF/PFTC.

Autorisations de mise sur le marché et stratégie thérapeutique

Le 1″ juillet 2019, F I obtient de la part de l’Agence Européenne du Médicament (« EMA ») une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) européenne centralisée pour la spécialité Dovato, association de dolutégravir (DTG) et de lamivudine (3 TC), indiquée dans le traitement de l’infection par le VIII de type I (VIH-1), chez l’adulte et l’adolescent âgés de plus de 12 ans et pesant au moins 40 kg, sans preuve actuelle ou antérieure de résistance aux molécules qui la composent. L’EMA, conformément à ses normes, valide également le Résumé des caractéristiques du produit (RCP), accessible sur internet et destiné aux professionnels de santé, qui précise les données cliniques du médicament et, notamment, ses indications thérapeutiques.

La section 5.] du RCP expose l’utilisation du Dovato chez les sujets naïfs de traitement et expose les détails des études GEMINI I et 2. Elle indique dans la rubrique « Efficacité et sécurité cliniques ». à l’onglet « Sujets naïfs d’antirétroviraux » :

« L’efficacité du Dovato repose sur les données de 2 études identiques de phase III de non- infériorité ramdomisées, multicentriques, de 148 semaines, GEMINI-1 (204861) et GEMINI- 2 (205543), mendes en double aveugle et en groupe parallèles. »

Le 13 février 2020, sur la base de l’étude TANGO, l’EMA rend un avis favorable à l’extension de l’indication thérapeutique du Dovato aux patients prétraités adultes et adolescent âgés de plus de 12 ans et pesant au moins 40 kg, sans résistance connue ou suspectée vis-à-vis du DTG et de la 3 TC.

La section 5.1 du RCP précise ainsi l’utilisation du Dovato chez les « sujets virologiquement contrôlés » et expose en détail l’étude TANGO. Le Dovato est la deuxième bithérapie de F (après le Juluca) à être indiquée chez les patients virologiquement contrôlés.

Détermination du remboursement et du prix

Le 8 janvier 2020, la Commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (« /ZAS ») rend un avis, mis en ligne le 22 janvier 2020 : « Avis favorable au remboursement dans le traitement de l’infection par le VIH-1 uniquement chez l’adulte et l’adolescent âgés de plus de 12 ans et pesant au moins 40 kg : Naïfs de traitement, ayant plus de 200 CD4/mm3, une charge virale (CV) inférieure à 100 000 copies/ml et sans résistance connue ou suspectée vis-à-vis de l’une des deux molécules ; Prétraités, ayant de façon stable une CV < 50 copies/ml depuis au moins un an, plus de 350 CD4/mm3 et sans résistance connue ou suspectée vis-à-vis de l’une des deux molécules. Avis défavorable dans les autres populations ».

Par arrêté du 26 février 2020, publié le lendemain au Journal Officiel (JO), le Dovato est inscrit sur la liste des spécialités pharmaceutiques autorisées à être vendues au public par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, puis par arrêté du 3 mars 2020 , publié au JO du 12 mars 2020, le Dovato est inscrit sur (1) la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux et (11) sur la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l’usage des collectivités et divers services publics. Ces deux arrêtés contenaient toutefois une erreur puisque seule l’indication relative aux patients naïfs (et non celle relative aux patients prétraités) était mentionnée. Cette erreur a fait l’objet de deux correctifs publiés au JO du 17 mars 2020. Le prix du Dovato est publié au JO du 12 mars 2020 et fixé à 606,59 € par boîte (une boîte correspond environ à un mois de traitement).

Documents promotionnels

Peu après le Ier juillet 2019, date de l’AMM, F I soumet à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) le 25 juillet 2019, en même temps que d’autres documents destinés à être diffusés dans le cadre du lancement du Dovato, le courriel de lancement qui présente la spécialité Dovato de manière succincte et visuelle, en faisant référence aux informations incluses dans l’AMM et, en particulier, aux résultats des études GEMINI 1 et 2. Après une illustration entourant le slogan du Dovato (« La puissance à deux »), \l présente un court paragraphe introductif, reprenant verbatim l’indication thérapeutique de l’AMM. La dernière phrase précise également que la stratégie thérapeutique n’a pas encore été définie par la HAS (« Actuellement en attente de la place dans la stratégie thérapeutique de Dovato »). F MEALTHCARE soumet également à l’ANSM une fiche posologique, que les visiteurs médicaux doivent remettre aux médecins lors de leurs rendez- vous. C’est un dépliant d’une vingtaine de pages, dont la couverture s’inspire largement de celle du courriel de lancement. Il sera désigné ci-après « publicité intermédiaire ».

Le visa de publicité (« visa PM ») nécessaire à la diffusion du courriel de lancement et de la publicité intermédiaire est obtenu deux mois après la période de dépôt. soit le 28 septembre 2019 (visa tacite sous la référence 19/07/67301 23 1/PM/002.).

Le lancement du Dovato a lieu dès le lendemain de la publication du prix du médicament au IO, le 12 mars 2020. Le 13 mars 2020, la société Medexact., mandatée par F I diffuse le courriel de lancement à 5 925 professionnels de santé. Environ 17% des destinataires, soit 994 personnes, prennent connaissance de ce courriel.

L’Annonce Presse est soumise, avec, en particulier, une version révisée du courriel de lancement, à l’ANSM le 30 janvier 2020, suite à l’avis de la HAS du 8 janvier 2020, qui a défini la stratégie thérapeutique pour le Dovato. Elle est validée par lANSM par courrier du 19 juin 2020.

Le 6 avril 2020, D E adresse à F I une lettre de réclamations portant sur le courriel de lancement, diffusé le 13 mars 2020, lui indiquant notamment que ce courriel souffre de nombreux manquements au regard de la règlementation encadrant la publicité des médicaments auprès des professionnels de santé. Elle conclut en enjoignant à F I de ne pas réitérer la diffusion du courriel de lancement.

Le 7 mai 2020, F I répond point par point aux allégations de D E, en soulignant que les mentions du courriel de lancement avaient reçu l’assentiment de l’ANSM.

Le 19 juin 2020, AC E assigne F G en procédure de référé d’heure à heure devant le président de ce tribunal, lui demandant notamment d’interdire à F I la poursuite et la réitération de la diffusion du courriel de lancement, ainsi que l’utilisation du logo « Powered by DTG », de l’allégation « Efficacité démontrée chez les patients naïfs versus une trithérapie » et « Une réduction de l’exposition aux ARV, sans TDF, ni TAF versus une trithérapie ». Par ordonnance du 22 juillet 2020, le président de ce tribunal déboute D E de l’ensemble de ses demandes. Le 3 août 2020, J E interjette appel de l’ordonnance du 22 juillet 2020, mais se désiste de son appel le 10 novembre 2020.

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

C’est dans ces circonstances que, par acte d’huissier de justice du 23 décembre 2020, délivré à personne habilitée, D E fait assigner F K devant ce tribunal, lui demandant de :

lu l’article 858 du code de procédure civile,

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu les articles L. 5121-3, L. 5122-2, L. 5122-9, L. 5122-14, R. 5122-9 et R 22-14 du code de la santé publique,

Fu les articles L. 16-4, L. 162-115, L. 162-17-3 et L. 16-37 du code de la sécurité sociale,

» Recevoir D E en ses écritures et les dire bien fondées,

» Condamner VV I à verser à D E la somme de | 922 821 €, à parfaire à la date de délibéré, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

» Condamner L M à verser à N E la somme de 300 000 € en réparation du préjudice d’image et de réputation subi du fait des actes de concurrence déloyale, » Ordonner à VV I de cesser d’utiliser dans ses communications portant sur le Dovato en France, sous quelque forme que ce soit, les allégations suivantes, seules ou en combinaison : « Powered by DTG », « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie ». « Réduction de l’exposition aux ARV, sans TDF ni TAF vs une trithérapie », « Réduction du nombre d’ARV. sans TDF ni TAF vs une trithérapie » ou leur équivalent traduit dans une autre langue, ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard et infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir.

‘ Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir, aux frais de F I,

— En haut de la page d’accueil des sites internet suivants, dans une police de caractère identique à celle des principaux messages mis en avant sur cette page d’accueil https://viivhealthcare.com/fr-fr/

https://fr.viivexchange.com/
https://gskpro.com/fr-fr/

— et dans deux publications au choix de D E dans la limite de 5 000 € par publication,

» Ordonner la diffusion par F I d’un email adressé aux professionnels de santé destinataires de l’email du 13 mars 2020 rédigé dans les termes suivants :

« Docteur,

F I vous a envoyé plusieurs documents promotionnels vous informant de la mise à Disposition de Dovato®. Par un jugement du (date), le tribunal de commerce de Paris (sic) a interdit la diffusion de ces documents en ce qu’ils sont constitutifs de concurrence déloyale à l’égard des spécialités de trithérapie de la société D E. Le tribunal a condamné la société VV I à verser à la société D E la somme de (à compléter) à titre de dommages-intérêts, outre des mesures de publication. »

La diffusion de cet email devant intervenir sous le contrôle d’un huissier de justice que le tribunal désignera dans le jugement à intervenir, l’officier ministériel devant s’assurer de son envoi effectif aux professionnels de santé concernés, selon des modalités identiques ou similaires à celles ayant permis l’envoi de l’email du 13 mars 2020, aux frais de F AA (y compris les coûts éventuels de tous prestataires extérieurs), D E étant autorisée à en faire l’avance afin d’éviter toute difficulté dans l’exécution de la décision.

* Condamner F O à verser à D E la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

» Condamner F P aux entiers dépens, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions en réponse n°1 déposées à l’audience du 3 mars 2021, D E demande au tribunal de :

Vu l’article 75 et 858 du code de procédure civile,

Fu l’article 1240 du code civil,

Vu les articles L. 5121-3, L. 5122-2, L. 5122-9, L. 5122-14, R. 5S122-9 et R. 5122-14 du code de la santé publique,

Fu les articles L. 16-4. L. 162-115, L. 162-17-3 et L. 16-37 du code de la sécurité sociale,

Fu les articles 6$1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et !« du 1 » protocole additionnel à la convention,

» Recevoir D E en ses écritures et les dire bien fondées,

» Condamner F I à verser à D E la somme de 2 200 000 €. à parfaire à la date de délibéré, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

» Condamner F I à verser à D E la somme de 300 000 € en réparation du préjudice d’image et de réputation subi du fait des actes de concurrence déloyale, » Ordonner à F I de cesser d’utiliser dans ses communications portant sur le Dovato en France, sous quelque forme que ce soit, les allégations suivantes, seules ou en combinaison : « Powered by DTG », « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie », « Réduction de l’exposition aux ARF, sans TDF ni TAF vs une trithérapie ». «

Réduction du nombre d’ARV, sans TDF ni TAF vs une trithérapie » ou leur équivalent traduit dans une autre langue, ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard et infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,

* Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir, aux frais de F I,

— En haut de la page d’accueil des site Internet suivants, dans une police de caractère identique à celle des principaux messages mis en avant sur cette page d’accueil https://viivhealthcare.com/fr-fr/ https://fr.viivexchange.com/

https://gskpro.com/fr-fr/

— et dans deux publications au choix de D E dans la limite de 5 000 € par publication.

* Ordonner la diffusion par F I d’un email adressé aux professionnels de santé destinataires de l’email du 13 mars 2020 rédigé dans les termes suivants :

« Docteur,

F AA vous a envoyé plusieurs documents promotionnels vous informant de la mise à Disposition de Dovato®. Par un jugement du (date), le tribunal de commerce de Paris (sic) a interdit la diffusion de ces documents en ce qu’ils sont constitutifs de concurrence déloyale à l’égard des spécialités de trithérapie de la société D E. Le tribunal a condamné la société VV I à verser à la société D E la somme de (à compléter) à titre de dommages-intérêts, outre des mesures de publication. »

La diffusion de cet email devant intervenir sous le contrôle d’un huissier de justice que le tribunal désignera dans le jugement à intervenir, l’officier ministériel devant s’assurer de son envoi effectif aux professionnels de santé concernés, selon des modalités identiques ou similaires à celles ayant permis l’envoi de l’email du 13 mars 2020, aux frais de F I (y compris les coûts éventuels de tous prestataires extérieurs), D E étant autorisée à en faire l’avance afin d’éviter toute difficulté dans l’exécution de la décision,

» Condamner F I à verser à D E la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

» Condamner F G aux entiers dépens, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions en réponse n°2 déposées à l’audience du 31 mars 2021, F I demande au tribunal de :

Vu l’article 81 du code de procédure civile,

Fu l’article 1240 du code civil,

Vu les articles L. 5122-1 et suivants et R. 5122-1 et suivants du code de la santé publique. Fu les articles 32-1, 49, 514-1, 696 et 700 du code de procédure civile.

A titre principal et in limine litis : » Se déclarer incompétent pour connaître de la présente action au profit du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, En conséquence, » Renvoyer D E à mieux se pourvoir, A titre subsidiaire : + Débouter D E de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, En tout état de cause : » Condamner Q E à régler une amende civile de 10 000 € pour procédure abusive,

» Condamner D E à verser à F G la somme de 100 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la procédure abusivement intentée à son encontre,

» Ecarter toute exécution provisoire des demandes de R E,

» Condamner S E à payer à F I la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

» Condamner D E aux entiers dépens de l’instance.

A l’issue de l’audience collégiale du 19 mai 2021, les parties ayant réitéré oralement leurs dernières demandes, le président de la formation de jugement a clos les débats et mis le jugement en délibéré pour un prononcé par mise à disposition au greffe le 30 juillet 2021.

DISCUSSION ET MOTIVATION

Sur l’exception d’incompétence matérielle

F I expose, in limine litis, que ce tribunal n’est pas compétent pour connaître de la présente action qui est du ressort de la juridiction administrative du fait de la réglementation encadrant la publicité médicale et du rôle dévolu exclusivement à l’ANSM par le code de la santé publique dans son article L. 5311-11.

Elle expose que l’ensemble des documents promotionnels du Dovato ont reçu des visas préalables de l’autorité administrative compétente, l’ANSM, qui s’est assurée de leur exactitude et de leur conformité à la réglementation, laquelle est particulièrement stricte en matière de publicité médicale.

Ainsi, sous couvert d’une action en responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale, R E invite le tribunal à remettre en cause les décisions d’une autorité administrative, à savoir les appréciations de l’ANSM sur les documents promotionnels du Dovato. Les faits de concurrence déloyale que D E reproche à F I reposent entièrement sur des manquements allégués à la réglementation applicable en matière de publicité du médicament, que l’ANSM est chargée de contrôler.

Ce faisant, D E demande au tribunal de s’immiscer dans l’exercice des pouvoirs dévolus à l’ANSM en matière de contrôle de la publicité des médicaments, de substituer son appréciation à celle qu’a portée l’ANSM au moment de considérer la conformité des documents promotionnels à la réglementation et de priver d’effet les visas accordés aux documents promotionnels du Dovato par l’ANSM.

En application de la jurisprudence du tribunal des conflits, l’action de R E relève donc de la compétence du juge administratif. Le tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer sur une telle question, qui relèverait de la scule compétence des tribunaux administratifs. Il devra renvoyer D E à mieux se pourvoir.

F I s’estime recevable en son exception car :

— Le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, au fondement de l’exception d’incompétence soulevée, constitue un moyen d’ordre public que le juge peut relever d’office, en application de l’article 76 du code de procédure civile.

— Conformément à la jurisprudence, il suffit, pour que l’exception d’incompétence soit jugée recevable, que le demandeur à l’exception donne des précisions suffisamment claires pour que la désignation de la juridiction soit certaine. Or tel était bien le cas en l’espèce, puisqu’elle a indiqué dans ses conclusions en réponse n°1. régularisées le 17 février 2021. que l’action de GILEAÏ) E relevait de la compétence exclusive du juge administratif, dès lors qu’elle tend à remettre en cause la validité des visas octroyés par l’ANSM à F I.

Dès lors, conformément à l’article R. 312-10 du code de justice administratif, il était évident que la juridiction compétente ne pouvait être que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (dans le ressort duquel la société qui a déposé les demandes de visas – en l’occurrence F HMEALTIICARE – a son siège).

— Quoi qu’il en soit, l’absence de désignation du tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans son premier jeu d’écritures n’a rien de problématique. Au cours d’une procédure orale, une exception d’incompétence peut être soulevée lors des débats, dès lors qu’elle l’est avant toute fin de non-recevoir ou défense au fond

D E rétorque que l’article 75 du code de procédure civile exige que celui qui élève une exception d’incompétence « fusse connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ».

La jurisprudence, qui exige une désignation unique, certaine et précise de la juridiction compétente, à peine d’irrecevabilité de l’exception, considère que cette obligation s’impose même lorsque la compétence revendiquée est celle du juge administratif.

Or, en l’espèce, F I s’est contentée de revendiquer la compétence du « juge administratif » sans préciser in limine lilis quel juge serait prétendument compétent. L’exception est donc irrecevable et ne pourra pas être examinée.

A la barre, D E soulève un moyen d’irrecevabilité de l’exception d’incompétence matérielle en s’appuyant sur les dispositions de l’article 446-2 du code de procédure civile qui selon elle, en l’espèce. ne permettrait pas à F I de régulariser oralement l’absence de désignation de la juridiction compétente dans son premier jeu d’écritures. En effet en cas d’établissement d’un calendrier de procédure, l’écrit l’emporte sur l’oral.

Sur le fondement de l’exception soulevée. D E rappelle le principe fondamental selon lequel le juge judiciaire est gardien de la propriété privée duquel elle en déduit que l’exercice d’un pouvoir de police par autorisation préalable d’une autorité administrative ne prive pas le juge judiciaire de son pouvoir d’appréciation et de réparation des conséquences dommageables de cette activité. Il est d’ailleurs admis que le juge judiciaire peut prendre toute décision qui ne contrarie pas une prescription de l’administration.

Cet impératif de ne pas substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative n’affecte pas la compétence du juge judiciaire pour réparer par équivalent les préjudices causés par une décision administrative et prendre toute mesure de nature à les faire cesser qui ne contrarie pas les mesures prises par l’administration.

Or, l’ANSM ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation et de police en matière de concurrence. Il ne lui est donc conféré légalement qu’une compétence de concours non exclusive. Elle exerce un contrôle à caractère sanitaire et médical. dans l’intérêt général, dans celui de l’État et dans l’objectif de protéger la santé des patients. Ceci ne fait pas obstacle à ce que d’autres autorités publiques ou juridictionnelles participent également à l’application des lois et règlements en matière de publicité.

Il entre bien dans les pouvoirs du tribunal de commerce d’apprécier le caractère trompeur, fautif et dénigrant de documents publicitaires et d’assurer la réparation du préjudice en résultant.

SUR CE

Sur la recevabilité de l’exception.

L’article 75 du code de procédure civile dispose que « s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente. la partie qui soulève cette exception doit, à

peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ».

L’article 860-1 du code de procédure civile dispose que « la procédure (devant le tribunal de commerce) est orale ».

Il en résulte que l’exception d’incompétence soulevée oralement par F I à l’audience du tribunal avant toute référence à ses prétentions au fond formulées par écrit et dans laquelle elle demande que l’affaire soit renvoyée devant le tribunal administratif de Cergy- Pontoise doit être déclarée recevable.

En effet le tribunal n’ayant ni établi de calendrier de procédure ni dispensé les parties de comparaître, D E est mal fondée à invoquer les dispositions de l’article 446-2 du code de procédure civile.

En conséquence le tribunal dira recevable l’exception d’incompétence soulevée, l’exception ayant été soulevée oralement avant toute défense au fond et désignant la juridiction devant laquelle elle doit être portée.

2. Sur son mérite.

R E a introduit son instance sur la base de l’article 1240 du code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Elle demande à ce tribunal réparation des actes de concurrence déloyale dont se serait rendue coupable F I en diffusant des documents promotionnels du Dovato qui seraient tout à la fois trompeurs et dénigrants à son endroit. Or conformément à l’article L.. 5122-9 du code de la santé publique qui dispose que « la publicité pour un médicament auprès des membres des professions de santé habilités à prescrire ou à dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l’exercice de leur art est soumise à une autorisation préalable de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dénommée » visa de publicité « , ces documents ont obtenu le visa tacite ou explicite de l’ANSM attestant qu’ils respectent les dispositions de l’article L.. 5122-2 du code de la santé publique qui dispose dans son premier paragraphe que »la publicité définie à l’article L. 5122-1 ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage. Elle doit respecter les dispositions de l’autorisation de mise sur le marché ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de Santé« . L’article R. 5122-1 dispose ainsi que »les éléments contenus dans la publicité pour un médicament doivent être conformes aux renseignements figurant dans le résumé des caractéristiques du produit mentionné à l’article R. 5121-21 ainsi qu’aux stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé mentionnées à l’article L. 5122. 

L’article R. 5121-3 dispose aussi que « sans préjudice de l’application de la législation relative aux marques de produits ou de services, le nom de fantaisie est choisi de façon à éviter toute confusion avec d’autres médicaments et ne pas induire en erreur sur la qualité ou les propriétés de la spécialité ».

Il en résulte qu’il n’entre pas dans les compétences de ce tribunal de juger de la véracité des qualités alléguées du Dovato telles que présentées dans les documents de présentation élaborés par F I et soumis au visa de l’ANSM mais, tout en respectant la réglementation à la lettre. une publicité ou communication sur un médicament (au sens de l’article L.. 5122-11 du code de la santé publique) pourrait s’avérer porter préjudice à un tiers sans porter atteinte aux exigences de santé publique ou d’information fiable des professionnels de santé que l’ANSM a la charge de contrôler.

Ainsi, le juge judiciaire reste compétent pour statuer sur des demandes d’indemnisation fondées sur des caractéristiques des documents ou communications querellées qui n’entreraient pas dans le périmètre de contrôle confié à l’ANSM et pour apprécier les conséquences de la mise en œuvre de ces publicités et communications au détriment d’un tiers.

Le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les demandes qui ne le conduisent pas à

s’immiscer dans le contrôle opéré par l’administration, sous réserve toutefois des questions

préjudicielles qu’il pourrait avoir à poser aux juridictions administratives au sujet de la légalité d’un acte administratif.

Il convient donc à ce stade d’examiner les fondements des demandes présentées et s’assurer

qu’elles ne tendent pas à remettre en cause les décisions prise par l’ANSM et définies par les

dispositions des articles L. 531 1-1.

Ainsi, il est défini que « l’agence participe à l’application des lois et règlements et prend, dans

les cas prévus par des dispositions régulières, des décisions relatives à (…) la publicité » et que

« elle contrôle la publicité en faveur de tous les produits, objets, appareils et méthodes

revendiquant une finalité sanitaire ».

Il en ressort que l’ANSM ne détient aucun pouvoir d’appréciation et de police en matière de

concurrence.

En résumé les demandes de D E se fondent,

+ Premièrement, sur l’utilisation dévoyée et trompeuse par F I de documents promotionnels obsolètes, ne mentionnant pas la stratégie thérapeutique, » – Deuxièmement, sur le dénigrement des produits de GILFAD E, en mettant en avant les caractéristiques de son médicament Dovato par comparaison avec les trithérapies de D E présentées implicitement comme moins efficaces.

L’ANSM n’ayant pas pour mission de vérifier proactivement si toutes les publicités médicales ayant fait l’objet de son visa sont utilisées de manière loyale au regard de la concurrence et notamment si tel laboratoire n’en tire pas un avantage concurrentiel anormal en dépassant les limites normales de son utilisation, du fait par exemple de changements postérieurs intervenus dans les conditions sur la base desquelles le visa a été accordé, une demande de réparation sur la base de ce fondement d’un préjudice allégué ressort bien de la compétence du juge judiciaire qui n’a pas à s’immiscer sur les raisons ayant conduit l’agence à délivrer son visa tacite ou formel.

De même, la mise en avant des qualités, avantages et caractéristiques d’un produit, même présentés de manière fiable et non trompeuse, peut comporter des mentions dénigrantes. volontaires ou non. qu’il n’est pas dans la mission de l’agence de contrôler et qui peuvent être à l’origine d’un préjudice qu’il conviendra de réparer selon les dispositions de l’article 1240 du code civil.

Sans remettre en cause les décisions de l’ANSM, le tribunal peut connaître et juger des demandes de réparation des préjudices subis allégués par D E du fait d’actes de concurrence déloyale qu’elle reproche à F I, de telles demandes ne relevant pas de la compétence du tribunal administratif.

En conséquence, le tribunal dira mal fondée l’exception d’incompétence matérielle formée par F I et se déclarera compétent pour juger de l’action intentée par GILI-AD E contre elle.

Sur les documents promotionnels utilisés par F I

D E fait valoir en premier lieu que la publicité de F G en date du 13 mars 2020 était illicite et trompeuse : Le courriel de lancement omettait en effet, de façon délibérée, de mentionner la place dans la stratégie thérapeutique et le Visa PM mentionné (celui de septembre 2019) ne correspondait plus à la situation à cette date. En effet, ce courriel comportait toujours une mention « Actuellement, en attente de la place dans la stratégie thérapeutique de DOVATO » alors que l’avis de la HAS avait été rendu le 8 janvier 2020, soit depuis plus de deux mois.

Le numéro interne de référencement de ce Visa PM reporté sur le document promotionnel litigieux lui conférait une apparence de régularité. Cette régularité n’était qu’apparente car l’examen de l’ANSM à l’époque ayant conduit à l’octroi du Visa PM implicite de septembre 2019 portait uniquement sur la conformité du document promotionnel à l’autorisation de mise sur le marché (précisément au RCP, puisque l’avis de la HAS n’était pas encore disponible). Ce document, autorisé tacitement le 27 septembre 2019, ne pouvait donc plus être utilisé en mars 2020 compte tenu de l’adoption et de la publication entretemps de l’avis de la HAS qui avait défini la place dans la stratégie thérapeutique. A partir du moment où la place dans la stratégie thérapeutique était connue, F I avait l’obligation de la faire figurer sur ses documents promotionnels, sauf à diffuser une publicité non conforme aux exigences posées par le code de la santé publique, notamment celles de l’article R. 5122-9 du code de la santé publique qui dispose : « Les informations contenues dans cette publicité doivent être exactes, à jour, vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament. ».

D’ailleurs, dès janvier 2020 (période de dépôt courant du 13 au 31 janvier 2020), F I a transmis à l’ANSM plusieurs demandes de visas pour une série de documents promotionnels, dont le document litigieux sous une forme modifiée, qui prenaient en compte l’avis de la HAS. Ainsi, F NMEALTNHCARE a envoyé à l’ANSM :

— un courriel le 23 janvier 2020 l’informant de la publication de l’avis du 8 janvier 2020 de la HAS et lui précisant « travailler sur son implémentation dans les documents promotionnels pour la période des dépôts de janvier » ;

— un autre courriel le 31 janvier 2020 pour l’informer que « nous avons implémenté dans les documents déposés sur cette période de dépôts la place dans la stratégie thérapeutique de DOYATO issue de l’Avis de la Commission de la Transparence du 8 janvier 2020. Nous nous sommes basés sur l’implémentation faite sur JUÙLUCA. A ce titre nous avons intégré la recommandation de la HAS concernant les femmes en âge de procréer à la suite de la place dans la stratégie thérapeutique et mis à jour le bon usage de DOVATO en conséquence. De même nous avons intégré les recommandations relatives à la prise de poids dans le bon usage ».

C’est donc délibérément que F I a diffusé le 13 mars 2020 son document promotionnel d’origine sans le mettre à jour ni même attendre les nouveaux visas PM sollicités auprès de l’ANSM, mais en se prévalant en toute connaissance de cause d’un visa PM qui ne pouvait plus être utilisé car ne correspondant plus à la situation de la spécialité pharmaceutique et véhiculant donc une fausse information :

« Actuellement, en attente de la place dans la stratégie thérapeutique de DOVATO ».

L’absence, dans la publicité du 13 mars 2020, des mentions relatives à la stratégie thérapeutique évitait donc d’informer les médecins sur les limites d’utilisation de Dovato et les conduisait inévitablement, en l’absence de cette information pourtant obligatoire, à prescrire en dehors de ces limites et donc à une population cible plus nombreuse.

Cette omission délibérée a eu pour conséquence directe la pénétration du marché par F I en positionnant sa spécialité en tant que traitement de première intention recommandé sans restriction spécifiques en lieu et place des trithérapies recommandées, en particulier celles de U E.

V W s’est en outre abstenue de porter sur sa publicité du 13 mars 2020 les mentions intéressant les conditions de prise en charge de Dovato, c’est-à-dire les conditions de remboursement et d’agrément aux collectivités de la spécialité. Or, toute publicité auprès des professionnels de santé doit préciser la situation du médicament au regard du remboursement par les organismes d’assurance maladie.

En conséquence, le prescripteur à qui aucune information d’aucune sorte n’a été fournie sur la situation de Dovato au regard du remboursement dans la publicité diffusée le 13 mars 2020, n’a pas été alerté sur ce point et n’a pu qu’en déduire que la spécialité était remboursée dans toutes ses indications, sans restriction alors que la prise en charge était limitée à une catégorie limitée de patients.

Cette erreur délibérée n’est là pas innocente puisque F I a entendu, par la mention très restreinte du prix dans le document promotionnel du 13 mars 2020, donner un signal aux médecins qu’ils pouvaient prescrire le médicament, mais sans leur indiquer les limites résultant de la place de Dovato dans la stratégie thérapeutique. Faute de connaître ces limitations, les prescripteurs ont été trompés et n’ont pas pu mentionner sur les ordonnances, en application de l’article L..162-4 du code de la sécurité sociale, les prescriptions hors champ du droit au remboursement, ce qui a par ailleurs probablement mécaniquement entrainé des charges inclues pour l’Assurance maladie qui a été conduite à rembourser des prescriptions de Dovato réalisées hors du champ du remboursement.

R E ajoute qu’en juin 2020, F I a diffusé un nouveau document promotionnel, qui était encore diffusé en septembre/octobre 2020. La principale différence de fond entre cette seconde publicité et celle diffusée le 13 mars 2020 est l’ajout, dans la seconde. de la place du Dovato dans la stratégie thérapeutique. Or, comme indiqué ci- dessus, l’ajout de la place dans la stratégie thérapeutique sur un document bénéficiant d’un visa PM nécessite impérativement l’accord de l’ANSM et ne fait pas partie des modifications mineures que le laboratoire est autorisé à effectuer seul.

Une fois de plus, F I se considère d’elle-même dégagée de ses obligations légales et réglementaires et ce du fait de circonstances sans aucun rapport avec les exigences de conformité à ces obligations. Ainsi qu’il a été démontré ci-dessus, la mention de la place dans la stratégie thérapeutique doit être soumise préalablement à l’ANSM dans le cadre du contrôle de la publicité. Les documents promotionnels comportant cette mention doivent donc faire l’objet de l’examen de l’ANSM et d’un visa à jour. Là encore, F AA a utilisé un « vier » visa, qui n’a en aucune manière été octroyé sur la base d’un projet de publicité comportant ces mentions, donnant ainsi une apparence de régularité à un document comportant des mentions qui n’ont jamais été examinées par l’ANSM. Le code de la santé publique exigeait qu’un nouveau visa soit demandé, ce que F I n’a pas respecté. La circonstance que l’organisation de l’ANSM ait été modifiée par la crise du COVID n’est pas de nature à justifier la diffusion d’une publicité non autorisée par l’ANSM, donc illégale.

D E, concernant les documents promotionnels auxquels a été accordé un nouveau visa PM le 19 juin 2020, fait valoir que F AB n’a jamais produit les éléments démontrant avoir effectivement diffusé cette publicité qui, si elle comporte Ja modification de « Réduction de l’exposition aux ARV » par « Réduction du nombre d’ARV », continue de comporter la majeure partie des items querellés, dont l’illicéité et la déloyauté sera démontrée.

F I rétorque en premier lieu qu’elle n’a jamais diffusé de publicités obsolètes, les accusations de D E sur ce point concernant principalement le courriel de lancement. De façon plus incidente, J E se prévaut également de manquements prétendument commis par F I au sujet de la publicité intermédiaire. Elle suggère également, à propos de l’Annonce Presse, que F I n’aurait pas respecté son engagement de modifier l’une des mentions des documents promotionnels du Dovato.

Contrairement à ce que prétend D E,

1 l’absence de la stratégie thérapeutique dans le courriel de lancement ne rendait pas son visa caduc ou obsolète,

2 l’absence de la stratégie thérapeutique n’a pas pu « doper » les ventes du Dovato,

3 GILEÉAN E ne peut reprocher à F I de ne pas avoir inclus les conditions de remboursement du Dovato dans le courriel de lancement.

1 Le code de la santé publique ne prévoit en aucun cas que la publication de l’avis de la HAS puisse entraîner la caducité d’un visa déjà octroyé par l’ANSM. En effet, les règles applicables sont les suivantes :

+ – Premièrement, un laboratoire pharmaceutique peut faire une demande de visa pour une publicité dès qu’il dispose d’une AMM, et sans attendre la publication de l’avis de la HAS sur la stratégie thérapeutique.

En effet, l’article L. 5122-3 alinéa premier dispose que « seuls peuvent faire l’objet d’une publicité les médicaments pour lesquels ont été obtenus l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à l’article L. 5121-8[{…] » ; l’avis de la HAS n’est pas une condition préalable à la diffusion de publicités.

Dans le même sens, l’article R. 5122-8, qui liste les éléments devant figurer a minima dans une publicité pour un médicament, ne fait pas mention de l’avis de la HAS.

Ce fait n’est pas contesté par la demanderesse.

» – Deuxièmement, le code de la santé publique liste de façon expresse et limitative les cas où le visa octroyé devient caduc, sans intervention de l’ANSM.

C’est le cas lorsque la durée de validité du visa a expiré, deux ans après son prononcé (article R. 5122-13 du code de la santé publique), lorsque l’AMM est expirée (article L.. 5122-9 alinéa 2). ou encore lorsque l’AMM est modifiée à la suite d’une réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques du médicament (article R. 5122-2-1). Dans ce dernier cas de figure, il est d’ailleurs expressément prévu que « la publicité est interdite lorsque ce médicament fait l’objet d’une réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques » (article L. 5122-3 alinéa 2) et que, une fois l’AMM modifiée, « l’exploitant doit, pour reprendre la publicité, obtenir un nouveau visa ».

» – Troisièmement, le code de la santé publique prévoit la possibilité d’une suspension ou d’un retrait de visa prononcés par l’ANSM (article L.. 5122-9 alinéa 3 du code de la santé publique) en cas de méconnaissance :

— - Des dispositions de l’article I.. 5122-2 du code de la santé publique, aux termes duquel la publicité ne doit pas être trompeuse, porter atteinte à la protection de la santé publique et doit présenter le produit de manière objective en respectant l’AMM et la stratégie thérapeutique ; et Des dispositions de l’article L. 5122-3 du code de la santé publique, qui interdit la publicité en cas de réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques.

L’ANSM peut donc retirer un visa s’il apparaît que la publicité est devenue trompeuse. car elle ne respecte plus les dispositions de l’AMM ou les stratégies thérapeutiques recommandées par la HAS.

Ainsi, aucune disposition ne prévoit qu’un visa devienne caduc du fait de la publication de l’avis de la HAS sur la stratégie thérapeutique. Cc principe est notamment absent des dispositions dont se prévaut D E, à savoir les articles L. 5122-2 et R. 5122-9 du Code de la santé publique et les Recommandations spécifiques de l’ANSM pour la publicité auprès des professionnels de santé. En particulier, contrairement à ce qu’affirme D E, l’article R. 5122-9 du code la santé publique dispose simplement que la publicité du médicament doit être « à jour » (sous- entendu : à la date où la demande de visa est faite). Il ne prévoit en aucun cas qu’un visa puisse devenir caduc ou obsolète par la suite. En janvier 2020, F I a prévenu l’ANSM, qu’elle allait implémenter dans les documents promotionnels du Dovato la place dans la stratégie thérapeutique issue de l’avis de la HAS du 8 janvier 2020 :

+ – Par un courriel du 23 janvier 2020,

» – En déposant ces documents le 30 janvier 2020,

» – Par un courriel du 31 janvier 2020.

L’ANSM aurait pu, à cette occasion, intimer à F I de ne plus utiliser les documents validés antérieurement aux motifs qu’ils ne comportaient pas la stratégie thérapeutique. Il n’en a rien été.

L’ANSM n’a pas, non plus, prononcé une suspension ou un retrait des visas qu’elle avait octroyés pour le courriel de lancement, même après la procédure de référé intentée par R E (qui était publique).

Cette absence de réaction confirme que les allégations de la demanderesse sont erronées et que le courriel de lancement n’était pas devenu caduc. F AG était en droit de le diffuser, ce qu’elle a fait le 13 mars 2020.

Dans ces conditions, les mentions du courriel de lancement relatives à la stratégie thérapeutique étaient exemptes de tout reproche.

Par ailleurs, le courriel de lancement indiquait : « Actuellement en attente de la place dans la stratégie thérapeutique de Dovato », ce qui était parfaitement exact au moment du dépôt de la demande de visa (en juillet 2019). Cette indication ne pouvait donc véhiculer une fausse information comme l’allègue D E.

En conclusion, les manquements dont se prévaut la demanderesse sont dépourvus de toute base légale.

2 D E affirme que F I aurait délibérément omis d’inclure la stratégie thérapeutique dans le courriel de lancement « afin de pouvoir doper le lancement de la spécialité Dovato de VV en évitant de dévoiler les limitations de prescription liées à la place dans la stratégie thérapeutique ». Autrement dit, F I aurait cherché à faire prescrire le Dovato à des patients à qui ce médicament n’était pas destiné. La demanderesse avance qu’il s’agit du « mobile » ayant poussé F I à diffuser un document obsolète.

Ces affirmations sont dénuées de toute logique.

La stratégie thérapeutique déterminée par la HAS précise les indications d’un médicament pour lesquelles celui-ci est remboursé par la sécurité sociale. Sans cet avis, un médicament ne peut être remboursé, ce que les professionnels de santé savent parfaitement.

Dès lors, le médecin qui lirait un document promotionnel sur lequel il est indiqué « en attente de la place dans la stratégie thérapeutique » en conclura que cette dernière n’a pas encore été déterminée et donc que le médicament n’est pas remboursé, ou il doutera de son remboursement par la sécurité sociale.

En tout cas, il ne conclura en aucun cas que le médicament est nécessairement remboursé à 100 %. Cela serait en effet totalement contraire à la législation.

Or, comme tout traitement contre le VIH, le prix du Dovato est élevé. Chaque boîte, correspondant à un mois de traitement, coûte plus de 600 €. Jamais un médecin n’a pu prescrire ce médicament à l’un de ses patients sans avoir eu la certitude qu’il était remboursé. L’absence d’indication sur la stratégie thérapeutique dans le courriel de lancement n’a donc pu que dissuader les médecins de prescrire le Dovato à leurs patients, et non les inciter à le prescrire davantage.

F I avait donc tout intérêt à inclure au plus tôt la stratégie thérapeutique dans ses documents promotionnels. Elle s’est d’ailleurs empressée de le faire, sitôt que la HAS a rendu son avis, dans les documents qu’elle a soumis pour visa à l’ANSM en janvier 2020.

Le pseudo « mobile » de F G n’est donc pas vérifié : le scénario avancé par D E, à savoir que F I aurait omis la stratégie thérapeutique afin d’augmenter artificiellement les prescriptions du Dovato, est chimérique. En réalité, les médecins qui ont prescrit le Dovato à la suite de son lancement en mars 2020 (et qui étaient peu nombreux compte tenu des reports de consultations dus au confinement) se sont, au préalable, nécessairement assurés que ce médicament était remboursé, en consultant d’autres sources que les publicités diffusées par F I, comme le Vidal ou la base de données du ministère de la santé.

Dès lors, l’absence de la stratégique thérapeutique dans le courriel de lancement n’a pu « doper » les ventes du Dovato.

Dans ses dernières conclusions, R E soutient désormais que les médecins auraient été nécessairement troublés par la coexistence dans le courriel de « la mention selon laquelle le positionnement dans la stratégie thérapeutique était en attente avec la mention d’un prix ». Selon AC E, « jamais un prix n’est publié pour un médicament sans que ses conditions de prise en charge n’aient été préalablement déterminées et publiées ». Aussi, selon D E, en prenant connaissance du prix du Dovato dans le courriel de lancement, les professionnels de santé seraient arrivés à la conclusion que le Dovato était remboursé alors que tel n’était pas le cas.

Un tel argument ne résiste pas à l’examen,

Il faut d’abord rappeler qu’un laboratoire peut, s’il le souhaite, fixer unilatéralement le prix de son médicament et le mettre sur le marché sans prise en charge par la sécurité sociale. Il n’y a donc pas de lien nécessaire entre indication du prix et prise en charge du médicament par la sécurité sociale.

Ensuite, quand bien même un médecin aurait été interpellé par la coexistence de ces deux mentions, il n’aurait pu en conclure que le Dovato était nécessairement remboursé : à supposer qu’il ait eu le moindre doute, il aurait nécessairement vérifié les conditions de remboursement du Dovato.

3 Le Courriel de lancement n’avait pas à indiquer les conditions de remboursement du Dovato

AD E soutient à tort que « la situation du Dovato au regard du remboursement était pourtant connue par VV HEÉALTIHCARE au moment de la diffusion du courriel de lancement, le 13 mars 2020, et donc que la défenderesse pouvait, et même devait, inclure cette information dans ce document ».

Le 13 mars 2020, F I ne disposait que des deux arrêtés dont on a vu qu’ils étaient incomplets (ils ne mentionnaient les conditions de remboursement du Dovato que pour les patients naïfs, à l’exclusion des patients pré-traités), et les correctifs portant sur les conditions de remboursement n’avaient pas encore été publiés. F I ne pouvait inclure dans le courriel de lancement les mentions des arrêtés, qu’elle savait fausses. En outre, F I n’avait aucun moyen de savoir que les arrêtés rectificatifs seraient publiés quelques jours après la date de diffusion du courriel de lancement, le 17 mars 2020. Elle était donc en droit de diffuser celui-ci sans attendre les arrêtés correctifs.

C’est pourquoi le courriel de lancement diffusé le 13 mars 2020 précisait la seule information qui était certaine à cette date, à savoir le prix du Dovato.

D E admet d’ailleurs dans son assignation qu’avant le 17 mars 2020, F I ne pouvait se prévaloir d’aucune inscription sur la liste des médicaments remboursables :

« F I a d’ailleurs confirmé dans ses conclusions en référé devant le président du tribunal de commerce de Nanterre que la publicité avant reçu le visa PM de septembre 2019 a été diffusée le 13 mars 2020. Cela se comprend aisément puisqu’avant le 17 mars 2020 (date de publication des arrêtés rectificatifs) en l’absence d’inscription sur la liste des médicaments remboursables et en l’absence de prix, le médicament ne pouvait pas être remboursé au patient, si bien que les professionnels de santé ne pouvaient pas le prescrire en pratique »

F I a parfaitement respecté la réglementation. Or l’absence d’indication des conditions de remboursement dans le courriel de lancement n’a pas eu les effets délétères que D E tente de lui associer.

Tout l’argument de D E découle ainsi du postulat que les arrêtés relatifs aux conditions de remboursement visaient une population-cible plus importante que celle visée par la stratégie thérapeutique. Or cette prémisse est erronée, et une simple lecture des termes des arrêtés en question permet de s’en convaincre.

En effet comme rappelé ci-dessus, les arrêtés « erronés » ne mentionnaient pas d’informations fausses, mais incomplètes.

Ces arrêtés excluaient les patients pré-traités de la population de patients atteints du VII-1 pouvant obtenir le remboursement de leur médicament, et ce contre l’avis de la HAS qui les incluait. Pour le reste, l’ensemble des informations contenues dans les premiers arrêtés étaient conformes à la stratégie thérapeutique définie par la HAS.

Ainsi, les conditions de remboursement telles que prévues dans les arrêtés erronés avait un périmètre plus restreint que celui de la stratégie thérapeutique.

Dans ces conditions, si la publication des arrêtés erronés a porté préjudice, c’est à F I et uniquement à elle, puisque les prescriptions du Dovato ont été limitées, jusqu’à la publication des arrêtés rectificatifs, aux patients naïfs de traitement (à l’exclusion des patients pré-traités, non visés dans les arrêtés relatifs au remboursement).

A toutes fins utiles, on rappellera que seulement quatre jours se sont écoulés entre la diffusion du courriel de lancement et la publication des arrêtés correctifs, de sorte que les conséquences, s’il y en avait eu, auraient été en tout état de cause extrêmement limitées, voire inexistantes. En conclusion, le tribunal constatera que la diffusion du courriel de lancement était parfaitement licite et n’a pu constituer un acte de concurrence déloyale. F HEALTHCARI pouvait en toute légalité diffuser le courriel de lancement le 13 mars 2020, qui n’était ni caduc. ni obsolète. Elle disposait en effet d’un visa PM valide, délivré par l’ANSM en toute régularité. La diffusion de cc document ne saurait être qualifiée d’acte de concurrence déloyale par D E.

En second lieu, la Publicité Intermédiaire n’est ni illicite ni trompeuse.

D E critique la diffusion de la Publicité Intermédiaire au motif que F I a ajouté au sein de ce document, sans l’accord de l’ANSM, une référence à la stratégie thérapeutique décidée par la HAS. GILLEAD E ne saurait être suivie car F I a effectivement modifié la Publicité Intermédiaire afin d’y insérer la stratégie thérapeutique, mais cette insertion ne saurait être considérée comme un acte de concurrence déloyale.

L’ajout de la stratégie thérapeutique consistait simplement à reprendre le contenu de l’avis de la HAS. tel qu’il avait été préalablement validé par l’ANSM pour d’autres documents promotionnels de F I,. dont l’Annonce Presse. Cette information ne pouvait nuire à personne, et certainement pas à D E.

En conclusion, le tribunal devra rejeter les critiques de D E sur ce point. La diffusion de la Publicité Intermédiaire par F AA n’a pu constituer un acte de concurrence déloyale.

Enfin, l’Annonce Presse n’encourt aucun grief.

D E critique principalement les mentions qu’elle conteste pour l’ensemble des documents promotionnels du Dovato qui ont reçu le nouveau visa PM du 19 juin 2020, qui seront abordées ci-dessous. Elle ajoute que « F I n’a jamais produit les éléments démontrant avoir effectivement diffusé cette publicité ».

La demanderesse suggère par-là que F I n’aurait pas respecté son engagement de modifier la mention « Réduction de l’exposition aux ARV » par « Réduction du nombre d’ARV », auquel le président du tribunal a fait référence dans son ordonnance du 22 juillet 2020.

F I conteste qu’elle ne respecterait pas cet engagement : depuis janvier 2020, l’ensemble des publicités qu’elle a soumises à l’ANSM comprennent cette modification et elle diffuse ces publicités une fois qu’elles ont reçu un visa de l’ANSM.

Enfin, F G rappelle qu’elle continue à utiliser les documents promotionnels visés par l’ANSM, ce qui n’est en rien déloyal ou trompeur puisqu’elle en avait la possibilité. Au vu de ce qui précède, elle demande donc au tribunal de reconnaître qu’elle n’a pas fait d’utilisation dévoyée et trompeuse de documents promotionnels obsolètes, de sorte qu’aucun acte de concurrence déloyale ne saurait lui être reproché à ce titre.

SUR CE

L’article L. 5122-2 du code de la santé publique dispose : « La publicité définie à l’article L. 5122-1 ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage.

Elle doit respecter les dispositions de l’autorisation de mise sur le marché ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de Santé ».

L’article L. 5122-3 du code de la santé publique dispose « Seuls peuvent faire l’objet d’une publicité les médicaments pour lesquels ont été obtenus l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à l’article L. 5121-8 ou l’autorisation mentionnée à l’article L. 5121-9-1 ou un des enregistrements mentionnés aux articles L. 5121-13 et L. 5S121-14-1 ou qui bénéficient d’une autorisation d’importation parallèle en application de l’article L. 5124-13.

La publicité pour un médicament est interdite lorsque ce médicament fait l’objet d’une réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques. Les professionnels de santé sont informés par l’exploitant du médicament de la réévaluation conduite dans le cadre du présent alinéa. L’information ainsi prodiguée doit être conforme à celle délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ».

L’article L.. 5122-9 du code de la santé publique dispose : « La publicité pour un médicament auprès des membres des professions de santé habilités à prescrire ou à dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l’exercice de leur art est soumise à une autorisation préalable de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dénommée « visa de publicité »

Ce visa est délivré pour une durée qui ne peut excéder la durée de l’autorisation de mise sur le marché pour les médicaments soumis à cette autorisation.

En cas de méconnaissance des articles L. 5122-2 ou L. 5122-3, le visa peut être suspendu en cas d’urgence ou retiré par décision motivée de l’agence… »

L’article R. 5122-2-1 du code de la santé publique dispose. « Lorsqu’un médicament fait l’objet d’une réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en informe sans délai l’exploitant. Il l’informe également sans délai de l’achèvement et du résultat de la réévaluation.

Si la réévaluation donne lieu à une modification de l’autorisation de mise sur le marché ou de l’enregistrement imposant une modification des mentions figurant dans une publicité qui bénéficiait, avant la réévaluation, du visa mentionné aux articles L. 5122-8 ou L. 5122-9, l’exploitant doit, pour reprendre la publicité, obtenir un nouveau visa. Dans ce cas, par dérogation aux dispositions des articles R. 5122-5 et R. 5122-13, la demande de visa peut être déposée en dehors des périodes déterminées par décision du directeur général de l’agence et est réputée acceptée en l’absence de décision du directeur général dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande ».

L’article R. 5122-8 du code de la santé publique dispose : « La publicité pour un médicament auprès des professionnels de santé mentionnés à l’article L. 5122-9 est adaptée à ses destinataires. Elle précise la date à laquelle elle a été établie ou révisée en dernier lieu et comporte au moins les informations suivantes :

1° La dénomination du médicament ;

2° Le nom et l’adresse de l’entreprise exploitant le médicament ;

3° La forme pharmaceutique du médicament ;

4° La composition qualitative et quantitative en principes actifs, avec la dénomination commune, et en constituants de l’excipient dont la connaissance est nécessaire à la bonne administration du médicament ;

5° Les numéros d’autorisation de mise sur le marché ou d’enregistrement ;

6° Les propriétés pharmacologiques essentielles au regard des indications thérapeutiques ;

7° Les indications thérapeutiques et les contre-indications ;

8° Le mode d’administration et, si nécessaire, la voie d’administration ;

9° La posologie ;

10° Les effets indésirables ;

11° Les mises en garde spéciales et les précautions particulières d’emploi ;

[…] et autres ;

13° Le classement du médicament en matière de prescription et de délivrance mentionné dans l’autorisation de mise sur le marché ;

14° Le prix limite de vente au public lorsqu’un tel prix est fixé en application des lois et règlements en vigueur, accompagné, dans ce cas, du coût du traitement journalier ;

15° La situation du médicament au regard du remboursement par les organismes d’assurance maladie ou de l’agrément pour les collectivités publiques prévu à l’article L. 5123-2 ;

16° Pour une spécialité générique, lu mention de cette qualité et, si le groupe générique auquel appartient la spécialité comporte une ou plusieurs spécialités de référence, la mention : « Cette spécialité est un générique de ». suivie du nom de la ou des spécialités de référence, de leur dosage et de leur forme pharmaceutique. En ce cas. la publicité comporte également la mention:  » Médicament inscrit au répertoire des génériques. Lors de la substitution, consultez

la liste des excipients à effet notoire figurant sur l’emballage ainsi que le répertoire des génériques pour prendre connaissance des mises en garde éventuelles y figurant.  » Toutefois, pour une publicité sur un support de diffusion radiophonique, seule est requise la mention que la spécialité est générique ».

L’article R. 5122-9 du code de la santé publique dispose : « Les informations contenues dans cette publicité doivent être exactes, à jour, vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament.

Les citations, tableaux et autres illustrations empruntés à des revues médicales ou à des ouvrages scientifiques, qui sont utilisés dans la publicité, doivent être reproduits fidèlement et la source exacte précisée.

La publicité ne peut mentionner la position prise à l’égard d’un médicament par une autorité administrative ou une instance consultative d’une manière susceptible d’altérer le sens ou l’objectivité de cette position.

Toute mention écrite doit être parfaitement lisible ».

L’article R. 5122-13 du code de la santé publique dispose, en ses alinéas 2 et 3, : « Les demandes de visa sont réputées acceptées en l’absence de décision du directeur général de l’agence dans un délai de deux mois à compter du jour suivant la fin de la période au cours de laquelle elles ont été déposées.

La durée de validité du visa est de deux ans ».

La validation par l’ANSM du courriel de lancement et d’autres documents promotionnels du Dovato, a été obtenue deux mois après la période de dépôt, soit le 28 septembre 2019 (visa tacite sous la référence 19/07/67301231/PM/002.). La contestation de R E porte tout d’abord sur l’utilisation de ce visa lors de l’envoi de ce courriel le 13 mars 2020 à 5 925 professionnels de santé: en effet, ce courriel comportait toujours une mention « Actuellement, en attente de la place dans la stratégie thérapeutique du DOVATO » alors que l’avis de la HAS sur la place dans la stratégie thérapeutique avait été rendu le 8 janvier 2020.

Le code de la santé publique précise, en premier lieu, que seuls les médicaments ayant obtenu une AMM peuvent faire l’objet d’une publicité (article L.. 5122-3 alinéa premier précité) et l’article R. 5122-8 (précité) liste les éléments devant figurer a minima dans une publicité pour un médicament, sans que l’avis de la HAS soit cité dans ces deux textes. L’avis de la HAS n’est donc pas une condition préalable à la diffusion de publicités, ni une mention obligatoire de celles-ci.

Le code de la santé publique précise, d’autre part, dans quels cas le visa octroyé par l’ANSM devient caduc, sans intervention de celle-ci : Expiration de la durée de validité de deux ans (article R. 5122-13, alinéa 3, précité, du code de la santé publique), expiration de l’AMM (article L. 5122-9 alinéa 2 précité), ou encore lorsque l’AMM est modifiée à la suite d’une réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques du médicament (articles L. 5122-3 et R. 5122-2-1 précités). Dans ce dernier cas, la publicité est interdite jusqu’à ce qu’un nouveau visa ait été obtenu.

Le code de la santé publique (article L. 5122-9 alinéa 3 précité) donne enfin à l’ANSM le pouvoir de suspendre ou retirer son visa en cas de méconnaissance :

— Des dispositions de l’article L. 5122-2 précité du code de la santé publique, qui dispose notamment que la publicité ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique et doit respecter les dispositions de l’autorisation de mise sur le marché ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées par la Naute Autorité de Santé ; et

— Des dispositions de l’article L. 5122-3 précité du code de la santé publique, qui interdit la publicité en cas de réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques.

L’ANSM peut donc retirer son visa s’il apparaît que la publicité est devenue trompeuse, car elle ne respecte plus les dispositions de l’AMM ou les stratégies thérapeutiques recommandées par la HAS.

En l’espèce, AC E fonde ses demandes sur l’article R. 5122-9 alinéa 1 précité du code de la santé publique qui dispose : « Les informations contenues dans cette publicité doivent être exactes, à jour, vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament. », en faisant valoir que l’avis de la HAS en date du 8 janvier 2020 n’avait pas été intégré en remplacement de la mention «Actuellement, en attente de la place dans la stratégie thérapeutique de DOVATO ».

Or, l’avis de la HAS n’est pas une mention obligatoire des publicités et le code de la santé publique ne contient aucune obligation d’obtenir un nouveau visa PM en cas de publication d’un avis de la HAS.

L’ANSM, selon les dispositions de l’article L. 5122-9 alinéa 3, avait le pouvoir de retirer le visa PM accordé aux documents promotionnels du Dovato. Elle avait d’ailleurs été destinataire de deux courriels les 23 et 31 janvier 2020, et avait reçu le 30 janvier 2020 plusieurs demandes de visas pour une série de documents promotionnels, dont le courriel de lancement litigieux sous une forme modifiée, qui prenaient en compte l’avis de la Haute Autorité de Santé. Ensuite, l’ANSM n’a pas exercé son pouvoir de retirer le visa PM du 28 septembre 2019, ni à la suite des communications de janvier 2020, ni quand etle a prolongé, deux mois après leur dépôt, le délai d’examen des demandes de visa PM des documents promotionnels mis à jour déposés le 30 janvier 2020, ni après la procédure de référé intentée par D E (qui était publique).

Le tribunal prendra acte de l’absence de retrait par l’ANSM, du visa PM donné aux premiers documents promotionnels du Dovato en date du 28 septembre 2019, jusqu’à la délivrance, par courrier du 19 juin 2020, d’un visa PM aux documents promotionnels révisés déposés le 30 janvier 2020.

Concernant l’absence, dans le courriel de lancement du 13 mars 2020, d’indication de la place dans la stratégie thérapeutique, elle conduit un médecin lisant ce courriel à conclure que cette dernière n’a pas encore été déterminée et donc que le médicament n’est pas remboursé, ou à douter de son remboursement par la sécurité sociale et des conditions de prise en charge du Dovato. En cas de doute, le Vidal ou la base de données du ministère de la santé lui donneront une information fiable. Dans tous les cas, en l’absence de faits concrets, la preuve n’est pas apportée que ce soit un avantage que F HEALTHCARI aurait pu rechercher.

Concernant l’absence. dans le courriel de lancement du 13 mars 2020, d’indication sur les conditions de remboursement, F I démontre que les deux arrêtés publiés à cette date ne mentionnaient les conditions de remboursement du Dovato que pour les patients naïfs, à l’exclusion des patients pré-traités, et que les correctifs portant sur les conditions de remboursement n’avaient pas encore été publiés. F I ne pouvait donc inclure

dans le courriel de lancement les mentions des arrêtés, qu’elle savait fausses, et n’avait aucun moyen de savoir que les arrêtés rectificatifs seraient publiés quelques jours après la date de diffusion du courriel de lancement. le 17 mars 2020. Comme indiqué ci-dessus, le doute sur les conditions de remboursement, qui peut être levé par des recherches complémentaires, ne peut être un avantage pour la commercialisation du Dovato par F I.

Pour ces deux groupes de mentions manquantes dans le courriel de lancement, AC E ne fonde ses demandes sur aucun moyen juridique, ni jurisprudentiel, et le tribunal écartera ces demandes.

L’ajout de la stratégie thérapeutique dans la publicité intermédiaire en juin 2020 visait simplement à reprendre le contenu de l’avis de la HAS, validé préalablement par l’ANSM pour d’autres documents promotionnels de F G, dont l’Annonce Presse. Il ne peut donc être reproché à F I.

En conclusion, D E ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que F I ait diffusé des documents promotionnels dépourvus d’un visa PM de l’ANSM en cours de validité. Elle ne rapporte pas davantage la preuve d’une utilisation dévoyée et trompeuse de documents obsolètes, et donc d’une faute de F I à l’égard des règles applicables aux documents promotionnels.

Sur le dénigrement allégué des produits de D E par F I

D E fait valoir que les trois publicités du Dovato :

» – Courriel de lancement du 13 mars 2020,

+ – Publicité intermédiaire en juin 2020,

+ – Documents promotionnels ayant reçu te visa PM le 19 juin 2020, comportent des revendications : – « Powered by DTG », – « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie », – « Réduction de l’exposition aux ARV, sans TDF ni TAF vs une trithérapie », puis après le visa du 19 juin 2020 : « Réduction du nombre d’ARV, sans TDF ni TAF vs une trithérapie » qui constituent des allégations triplement déloyales et des actes de concurrence déloyale par dénigrement.

Elle considère que les études GEMINI | et 2 n’ont testé l’efficacité (précisément la « non infériorité ») de la bithérapie Dovato que par rapport à une trithérapie précise composée des molécules DTG + TDF / FTC (et donc aucunement du TAF). La référence trompeuse aux molécules TDF ou TAF, dont les médecins savent qu’elles sont les molécules intégrantes des trithérapies commercialisées par D E en France, est de nature à inciter les professionnels de santé à conclure spontanément que la bithérapie de F I a une efficacité équivalente aux trithérapies de D E, ce qui est faux et non démontré scientifiquement car ne ressort en rien des études GEMINI I et 2, ni d’aucune autre étude.

S’agissant de la mention « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie », elle souligne que F G expose, dans ses conclusions du 17 février 2021 que la mention a été insérée afin de mettre en avant la raison même pour laquelle la spécialité Dovato a été autorisée et mise sur le marché : à savoir qu’elle constitue la première bithérapie à être indiquée dans le traitement du VIH chez les patients naïfs de traitement et qu’elle peut donc

être prescrite par les professionnels de santé « en lieu et place des trithérapies déjà disponibles ». Elle en conclut que F G admet ainsi que sa campagne a pour objectif d’inciter les professionnels de santé à prescrire Dovato en lieu et place « des trithérapies déjà disponibles » et non pas d’« une », et une seule, trithérapie, celle objet du bras comparateur des études GEMINI 1 et 2.

Dans le même ordre d’idées, elle note que F I indique dans ses conclusions du 17 février 2021 que « n’en déplaise à D E , il (Dovato) peut donc, en principe, être prescrit en lieu et place des trithérapies disponibles (une fois pris en compte le profil de chaque patient) » et que « si un professionnel de santé venait à penser, à la lecture des documents promotionnels, que le Dovato est aussi efficace que les trithérapies de D E, et qu’il peut donc le prescrire à ses patients, il aurait parfaitement raison. Ce fait a été établi scientifiquement. ».

D E ajoute : F I affirme encore que la mention « vs une trithérapie » serait suffisamment précise au motif que le code de la santé publique n’exige pas que la publicité comporte un verbatim de l’avis de la HAS. Il ne serait donc pas nécessaire, selon F I, de mentionner dans des documents promotionnels tous les détails des études menées avant l’obtention de l’AMM d’un médicament. Ainsi, au regard de la réglementation, F W n’avait pas à préciser « … vs une trithérapie DTG + TDF/FTC ». De même, F I affirme qu’elle pouvait se contenter d’inclure un renvoi à une note de bas de page faisant référence au RCP du Dovato.

Cet argument invoqué par F I met parfaitement en lumière la complémentarité du contrôle de l’ANSM fondé sur la conformité au code de la santé publique et celle du tribunal de commerce relatif au caractère dénigrant de la présentation faite de certaines allégations. Ce n’est pas parce que le code de la santé publique n’impose pas, dans cette situation, un formalisme particulier, que la présentation retenue par la publicité n’a pas un caractère dénigrant pour les concurrents du fait notamment de précisions opportunément omises, au détriment d’un concurrent (D E), que seul le tribunal de commerce est à même d’apprécier. D E sur ce point renvoie aux développements ci- dessus relatifs à la compétence complémentaire du tribunal de commerce.

Concernant l’allégation « Powrered by DTG », présente dans chacune des trois publicités, D soutient qu’elle ne peut être considérée comme renvoyant aux notions d’efficacité ct de tolérance (comme l’a considéré à tort l’ordonnance de référé du 22 juillet 2020). C’est bien l’idée de puissance qu’elle véhicule. Ces trois notions distinctes ne peuvent être confondues : – l’efficacité vise notamment à déterminer l’effet maximal d’une spécialité, le délai d’obtention de l’effet ainsi que la durée de l’effet.

— la tolérance renvoie à la sécurité à long terme (toxicité aiguë, chronique…),

— la puissance définit la dose efficace d’un produit. La notion de sécurité n’intervient pas.

Or il n’existe aucune donnée dans les études GEMINI 1 et 2 qui soit consacrée à la puissance spécifique du dolutégravir (DTG), puissance qui n’est pas un des critères des études.

Outre la déloyauté de principe de ces allégations à l’égard de tout concurrent de F I, dont D E, elle demande au tribunal de retenir comme un facteur aggravant que ces publicités déloyales de F I visaient précisément à dénigrer les trithérapies commercialisées par D E en France, qui sont clairement identifiables par les professionnels de santé destinataires :

— la mention « versus une trithérapie » est utilisée à l’envi : or D E est un acteur majeur dans la commercialisation des trithérapies ;

— les molécules issues de la recherche D) E et présentes dans ses spécialités — le TDF et le TAF -, sont spécifiquement citées.

Or, le public averti que constituent les professionnels de santé identifie forcément les spécialités de R E commercialisées en France, à la lecture de la mention des molécules TDF et TAF, ces dernières ayant été historiquement développées par D E.

F I rétorque que D E soutient que l’insertion des mentions « Powered by DTG », « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie » et « Réduction de l’exposition aux ARV vs une trithérapie » constituerait un acte de concurrence déloyale de sa part car :

1 – Ces mentions seraient « triplement déloyales »,

2 Elles viseraient les spécialités de D E,

3 – Ces mentions contiendraient des « allégations dénigrantes » à son égard. Or, selon elle,

1 Les mentions mises en cause ne sont pas déloyales : Contrairement à ce que prétend D E, les mentions contestées sont exactes, étayées scientifiquement et ainsi parfaitement justifiées. Les professionnels de santé qui en prennent connaissance vont les comprendre dans leur sens le plus immédiat et le plus simple, sans y chercher – à l’instar de AC E – un quelconque sens caché.

 – La mention « Powered by DTG » n’est pas trompeuse, et vise seulement à souligner la place du DTG dans la composition du Dovato, la contribution et l’efficacité de ce médicament. Ceci est confirmé par la traduction de l’expression dans une note de bas de page des Documents Promotionnels, par : « à base de DTG ». La justesse de cette traduction a d’ailleurs été établie par un traducteur assermenté, expert près la Cour d’appel d’Amiens. De plus, elle repose sur un fait incontestable : la présence du D’TG dans la spécialité Dovato. Enfin, l’ANSM n’a jamais émis d’objection ou d’observation sur cette mention.

La présentation graphique de cette mention n’est pas déloyale : contrairement aux allégations de D E, elle n’est pas utilisée comme une accréditation, puisqu’il n’est à aucun moment fait référence à un quelconque label de qualité. Elle est inscrite dans un cercle car cette figure rappelle simplement la forme d’un comprimé, choix banal pour une publicité pour un médicament.

La mention « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie » est critiquée par D E car elle suggérerait que le Dovato serait aussi efficace que les trithérapies – et donc nécessairement celles de D E, alors que le Dovato n’a été comparé qu’à la trithérapie « DTG + TDF/FTC » employée en tant que bras comparateur dans les études GEMINI 1 et GEMINI 2.

Cette mention a été insérée afin de mettre en avant la raison même pour laquelle la spécialité Dovato a été autorisée et mise sur le marché : à savoir qu’elle constitue la première bithérapie à être indiquée dans le traitement du VIH chez les patients naïfs de traitement et qu’elle peut donc être prescrite par les professionnels de santé en lieu et place des trithérapies déjà disponibles. Les études GEMINI 1 et 2 ont permis de démontrer la non-infériorité du Dovato par rapport au bras comparateur DTG + TDF/FTC, pour les patients naïfs de traitement. L’étude TANGO a permis de son côté de démontrer la non-infériorité du Dovato pour les patients pré- traités. Sur la base de ces études cliniques, l’EMA a accordé une AMM établissant que le Dovato était indiqué pour le traitement de l’infection par le VIH-1, chez l’adulte et l’adolescent âgé de plus de 12 ans et pesant au moins 40 kg, sans résistance connue ou suspectée à la classe des INI ou à la lamivudine. En d’autres termes, l’EMA a formellement reconnu que le Dovato pouvait être prescrit dans le cadre de l’indication précitée, au même titre que les trithérapies déjà disponibles. Le développement du Dovato a été salué comme une avancée majeure par nombre d’organisations mdépendantes.

L’efficacité du Dovato a été démontrée grâce aux données cliniques récoltées lors des études GEMINI ] et 2, dont le bras comparateur était constitué par une trithérapie DTG + TDF/FTC. Ces études cliniques ont conclu à la non-infériorité du Dovato par rapport au bras comparateur. Or, conclure à la non-infériorité du Dovato par rapport au bras comparateur revenait en fait à conclure à son efficacité. En effet, les notions de « non-infériorité » et d’« efficacité » sont équivalentes. Pour les autorités, démontrer la non-infériorité d’un produit dans le cadre d’une étude clinique revient en fait, à consacrer son efficacité. Cela ressort clairement du RCP du Dovato, lequel est annexé à l’AMM accordée par l’EMA :

« L’efficacité du Dovato repose sur les données de 2 études identiques de phase III de non- infériorité randomisées, multicentriques, de 148 semaines, GEMINT-1 (204861) et GEMINI-2 (205543), menées en double aveugle et en groupes parallèles ».

L’utilisation de la notion « d’efficacité » est donc parfaitement justifiée.

Au vu de ce qui précède, F I soutient qu’elle était fondée à inclure la mention « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie » dans ses documents promotionnels. L’ANSM n’a d’ailleurs jamais émis d’objection concernant cette mention, ce qui démontre, une fois de plus, que celle-ci est objective, exacte et scientifiquement fondée.

» -La mention « Réduction de l’exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, vs une trithérapie » n’est qu’une constatation objective de la composition en antirétroviraux des traitements disponibles sur le marché et, contrairement à ce que prétend D E, elle est parfaitement justifiée.

En effet. cette mention ne fait qu’énoncer la différence essentielle entre une bithérapie et une trithérapie : une trithérapie est composée de trois antirétroviraux, alors qu’une bithérapie n’en comporte que deux.

F I précise qu’elle ne s’est cn aucun cas permise de revendiquer, pour le Dovato, des effets bénéfiques qui n’étaient pas encore démontrés scientifiquement. Elle s’est contentée de faire état d’une réduction de l’exposition aux ARV, car celle-ci est certaine et reconnue par les autorités.

Cette distinction est reflétée par l’avis de la HAS :

« En l’état actuel des données, il est attendu un impact supplémentaire sur la morbidité et/ou sur la qualité de vie par rapport aux stratégies actuellement disponibles, du fait de la réduction de l’exposition médicamenteuse ; ce qui devrait améliorer la toxicité à long terme liée aux trithérapies à base de 3 ou 4 antirétroviraux. ».

Il ressort de cet avis que l’amélioration de la toxicité à long terme et l’impact sur la morbidité/qualités de vie sont encore « attendus » et présentés au conditionnel. En revanche. « la réduction de l’exposition médicamenteuse » est un « fait ».

VUV HEALTIHCAREF rappelle que si l’ANSM avait décelé une quelconque insinuation d’un bénéfice lié à la tolérance clinique des bithérapies en oppositions aux trithérapies, elle n’aurait eu d’autre choix que de refuser le visa ou d’émettre des observations. Or, elle n’a soulevé aucune objection contre la mention critiquée. La nouvelle mention modifiée en « Réduction du nombre C’ARY sans TDF ni TAF, vs une trithérapie ». a également reçu des visas PM expresses et tacites de l’ANSM à partir de juin 2020, ce qui confirme une nouvelle fois son caractère objectif et non trompeur.

Les arguments critiques de D E contre la mention « Réduction de l’exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, vs une trithérapie » devront dès lors être rejetés par le tribunal. Dans ces conditions, F I demande que les mentions contestées par D E ne soient pas qualifiées de déloyales, mais considérées exactes, fondées scientifiquement et non trompeuses.

2 Les mentions mises en cause ne visent pas D E

Celle-ci prétend que les documents promotionnels viseraient à dénigrer les trithérapies qu’elle commercialise. Or, F HEÉEALTHCARE fait remarquer qu’à aucun moment elle n’est mentionnée dans ces documents, bien qu’elle prétende que ses thérapies seraient clairement identifiables par les professionnels de santé. Le seul fait pour R E d’être l’acteur dominant sur le marché des thérapies liées au VIH ne suffit pas à démontrer que la mention objective « une trithérapie » permettrait de l’identifier. La jurisprudence exige en effet que le concurrent dénigré soit « facilement identifiable ». Or, c’est loin d’être le cas ici, dès lors que de nombreux laboratoires commercialisent des trithérapies à dose fixe, ou des antirétroviraux pour des trithérapies en association mais également F I, qui commercialise deux trithérapies à dose fixe et huit spécialités pour association libre.

R E ne rapporte donc pas la preuve que seuls ses médicaments sont visés par les documents promotionnels. Elle n’est donc ni visée, ni même identifiable par les documents promotionnels qui n’ont pu, en aucun cas, la dénigrer.

3 Les mentions mises en cause ne sont pas dénigrantes.

Selon D E, la mention « Réduction de l’exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, vs une trithérapie » serait dénigrante à l’égard des trithérapies qu’elle commercialise. Ainsi, selon elle, la référence à ces deux molécules en particulier a uniquement pour objet de dénigrer ses produits, afin de stigmatiser les effets secondaires négatifs que la formule sous- entend, sans d’ailleurs en mentionner les effets bénéfiques.

A ce sujet F I rappelle que les deux critères permettant d’apprécier l’existence d’un dénigrement, sont (i) l’identification expresse ou implicite de la victime du dénigrement et (ii) un acte de dénigrement ayant pour objet de discréditer une entreprise concurrente, ses produits ou services.

Ces critères ne sont pas remplis en l’espèce, car les documents promotionnels :

— ne visent ni les trithérapies de D E, ni D E en général. Les références aux molécules TAF et TDF sont justifiées scientifiquement par les études GEMINI | et 2 et TANGO.

— ne dénigrent aucunement les trithérapies, notamment ils ne suggèrent en rien une meilleure tolérance du Dovato par rapport aux produits contenant du TDF ou du TAF.

La mention « sans TDF ni TAF » a été insérée dans le but d’apporter une information précise aux médecins prescripteurs. Tout l’intérêt du Dovato est d’être une bithérapie et donc de comporter moins d’antirétroviraux que les trithérapies déjà présentes sur le marché. Il était donc tout à fait pertinent pour F I de souligner les molécules qui n’entrent pas dans la composition du Dovato par rapport à une trithérapie – à tout le moins pour les antirétroviraux inclus dans les bras comparateurs des études GEMINI et TANGO – sans que cette information ne soit péjorative ni dénigrante.

Dans ces conditions, aucun dénigrement n’est caractérisé. L’expression « sans TDF ni TAF » est non seulement vraie, mais encore justifiée et utile pour permettre aux médecins de comprendre ce que le Dovato peut apporter à leurs patients.

La référence au TAF était scientifiquement fondée au regard de l’étude TANGO, et elle était mentionnée dans le RCP du Dovato, disponible dès le moment où a été diffusé le courriel de lancement. Cette mention est donc, sur le fond, indiscutable.

L’argument selon lequel les documents promotionnels ne pouvaient porter que sur l’étude GEMINI 1 et 2 et non sur l’étude TANGO, cette dernière n’apparaissant pas dans l’encadré de la publicité, est inopérant. En effet, comme il a déjà été évoqué, le code de la santé publique n’exige pas que la publicité incorpore le RCP ou l’avis de la HAS dans leur entièreté. D E ne saurait soutenir, ainsi qu’elle le fait dans ses dernières écritures, que la HAS aurait conclu que l’étude TANGO « ne permet pas de conclure sur la non-infériorité par rapport aux trithérapies ». La mauvaise foi de D E sur ce point est patente. En effet, le passage des conclusions de la HAS qu’elle cite ne concerne pas l’étude TANGO, mais les études GEMINI | et 2 et un sous-groupe de la population étudiée.

En ce qui concerne l’étude TANGO, la HAS a bien conclu à la « non infériorité du changement vers la bithérapie DTG + 3TC versus la poursuite des trithérapies à base de TAF ». En d’autres termes elle a bien considéré que l’étude TANGO concluait à la non-infériorité d’un changement vers le Dovato face à la poursuite d’une trithérapie à base de TAF.

D E fait référence dans son assignation à un jugement de ce tribunal en date du 15 juillet 2005. Or, cette décision a été rendue à une époque où les publicités pour les médicaments n’étaient pas soumises à un visa préalable de l’ANSM. Par ailleurs, dans cette espèce, ce tribunal a sanctionné une contradiction entre les mentions publicitaires et l’avis de la HAS. Il n’existe aucune contradiction de ce type en l’espèce.

En conclusion, F I fait valoir que les arguments de D E sont inopérants et que les mentions figurant dans les documents promotionnels ne sont ni déloyales ni dénigrantes.

SUR CE

Les courriels et documents publicitaires dont D E prétend qu’ils contiennent trois mentions dénigrantes (« Powered by DTG », « Réduction de l’exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, vs une trithérapie » et « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie »), caractérisant à son égard des actes de concurrence déloyale, ont reçu le visa de l’ANSM.

Ce visa, qui n’a fait l’objet d’aucun recours, en particulier de la part de R E, suffit à établir devant ce tribunal l’exactitude sur le plan scientifique des informations ainsi communiquées aux professionnels de santé.

D E ne verse aux débats aucune autre communication, distincte de celle contenue dans les documents promotionnels validés par l’ANSM.

Mais il a déjà été jugé que « la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte ».

Il convient donc d’examiner si les trois mentions querellées incluses dans les publicités communiquées au personnel de santé par F I, constituent des actes de dénigrement.

Le dénigrement vise des agissements qui tendent à jeter le discrédit sur un concurrent ou sur les produits qu’il fabrique. Afin qu’il y ait dénigrement il est généralement retenu la réunion de trois conditions : les propos tenus ou les documents communiqués doivent avoir été rendus publics, ils doivent viser une entreprise identifiable, sa marque ou ses produits, et enfin ils doivent avoir un caractère péjoratif.

Le tribunal relève tout d’abord que le caractère public des courriels et documents publicitaires établis par V I et destinés au personnel de santé n’est pas contestable, ni contesté.

Le tribunal note ensuite que, dans lesdits documents, à aucun moment l’entreprise AC E, ni aucun de ses produits ne sont désignés par F I. Toutefois D E soutient que le public averti, que constituent les professionnels de santé, identifie forcément ses spécialités à la lecture de la mention des molécules TDF et TAF. Mais, pour justifier son propos elle ne verse aux débats aucun élément, ni aucune étude réalisée auprès des personnels de santé concernés, faisant état d’une identification qu’elle estime évidente.

Concernant la mention « Powered by DTG », le tribunal note que, quelle que soit la traduction, l’utilisation de ces termes, à connotation marketing, est banale et destinée à informer les médecins que le DTG est la molécule principale composant le Dovato. Ceci ne peut être considéré comme dénigrant.

Ainsi, le tribunal ne relève dans les trois mentions synthétiques citées plus haut aucun élément à caractère péjoratif ou malveillant à l’égard de thérapies concurrentes s’agissant de communications faites à des professionnels avertis qui, de surcroît, sont invités à consulter le RCP (Résumé des Caractéristiques du Produits) du Dovato. Il considère que F I a fait usage de son droit à communiquer sur ses produits dans un cadre de concurrence normale.

D E ne justifie donc pas valablement que les mentions portées par F I, prises ensemble ou séparément, dans les documents de lancement commercial du Dovato constituent des actes de dénigrement de nature à jeter un discrédit sur elle et/ou sur ses produits.

En conséquence, le tribunal dira que F AF n’a pas commis d’acte de concurrence déloyale, par dénigrement, à l’égard de D E et déboutera cette dernière de l’ensemble des demandes qu’elle forme au titre de la concurrence déloyale.

Sur les demandes reconventionnelles de F AG pour procédure abusive

F I demande au tribunal, selon les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil, de condamner D E à régler une amende civile de 10 000 € et à lui verser une somme de 100 000 € de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices.

Elle fait valoir à cet effet que AC E a multiplié les procédures à son encontre, manifestant un acharnement procédural constant, n’a pas hésité à user de procédés déloyaux dans sa conduite de la procédure, ne peut ignorer l’inanité de ses arguments, ni le caractère infondé des arguments soulevés. tant d’un point de vue juridique que factuel, profère des accusations qui portent gravement atteinte à sa réputation et a manifestement pour but de freiner son développement.

D E rétorque qu’elle s’est contentée de remettre en cause des documents utilisés par F I et de saisir le juge des référés dans un premier temps, puis ayant été déboutée, elle a saisi ce tribunal au fond, se désistant de son appel conservatoire du référé, précisément pour éviter que F I ne prenne des conclusions inutiles. Aucun abus ne peut donc lui être imputé.

SUR CE

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».

L’article 1240 du code civil dispose : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Cependant l’appréciation inexacte et de bonne foi qu’une partie peut faire de ses droits n’est pas constitutive d’un comportement abusif, et l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action constitue, en principe, un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, F I ne relève aucun élément de nature à faire dégénérer en faute le droit du demandeur d’ester en justice.

En conséquence, le tribunal déboutera F I de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens Pour faire reconnaître ses droits, F I a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

En conséquence, le tribunal condamnera R E à lui payer la somme de 50 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus de la demande, et condamnera GILEAT) E aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire en premier ressort, » – Déclare recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence matérielle formée par la SAS F I, » – Se déclare compétent pour juger de l’action en concurrence déloyale intentée par la SAS D E contre la SAS F I,

» – Déboute la SAS D E de l’ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale,

s Déboute la SAS F I de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive,

» – Condamne la SAS R E à payer à la SAS F I la somme de 50 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

» – Condamne la SAS D E aux dépens.

Liquide les dépens du Greffe à la somme de 74,54 euros, dont TVA – 12,42 euros.

Délibéré par Messieurs AH AI, AJ AK et AL AM.

Le présent jugement est mis à disposition au greffe de ce Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième

alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La minute du jugement est signée par Monsieur AH AI, Président du délibéré et M. Nicolaï LABEYRIE, Greffier.

Le Greffier Le Président du délibéré

Signé électroniquement le 02/08/2021 par M. AH ROUSSELIRN jure Signé électroniquement par M. Nicolaï LABEYRIE, greffier


Chat Icon