C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 16 MARS 2023 à
la SCP RILOV
la AARPI M&J – Cabinet d’Avocats
Me GRASSIN
Me JOURDE
LD
ARRÊT du : 16 MARS 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/03096 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GPJ4
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 12 Novembre 2021 – Section : ENCADREMENT
APPELANT :
Monsieur [K] [A]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représenté par Me Fiodor RILOV de la SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉS :
Maître [N] [M] ès-qualités de co-mandataire liquidateur de la société MORY GLOBAL, désigné à cette fonction par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de BOBIGNY du 31 décembre 2017
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Vincent JARRIGE de l’AARPI M&J – Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de PARIS
Maître [P] [R] ès-qualités de co-mandataire liquidateur de la société MORY GLOBAL, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de BOBIGNY du 31 mars 2015
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Vincent JARRIGE de l’AARPI M&J – Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de PARIS
CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) [Localité 7] – Unité déconcentrée UNEDIC/AGS [Localité 7], association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale Madame [H] [E].
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d’ORLEANS
S.A. ARCOLE INDUSTRIES, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Marie-Alice JOURDE de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture : 15 décembre 2022
Audience publique du 10 Janvier 2023 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Puis le 16 Mars 2023, Madame Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Ducros Express, qui avait repris le 30 juin 2010 l’activité messagerie de la société Deutsche Post DHL, a été absorbée par la société Mory SAS en 2012, laquelle a constitué la société Mory Ducros le 31 décembre 2012, avec effet rétroactif au 1er janvier 2012.
La société Arcole industries est une holding industrielle spécialisée dans la reprise et le redressement d’entreprise sous performantes ou dont l’exploitation est déficitaire.
Après ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Mory Ducros le 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise, par jugement du 6 février 2014, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros, avec poursuite de son activité pendant trois mois, et arrêté un plan de cession des activités et des biens de la société Mory Ducros à la société Arcole industries, donnant lieu à la création de la société Mory Global en février 2014, celle-ci procédant à la reprise des
contrats de travail d’une partie du personnel tandis qu’une première procédure de licenciement économique collectif était initiée.
Par jugement du 10 février 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Mory Global, Me [L] et Me [Y] étant désignés administrateurs judiciaires.
Puis, par jugement du 31 mars 2015, il a prononcé la liquidation judiciaire de la société Mory Global, avec poursuite de l’activité jusqu’au 30 avril 2015, et a désigné Me [I] et Me [R], en qualité de co-mandataires liquidateurs, ultérieurement remplacés par la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [M], et la SELAS MJ Partners, prise en la personne de Me [R]. Me [L] a été maintenu dans ses fonctions d’administrateur judiciaire.
Le 17 avril 2015, un accord collectif majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l’emploi et mise en ‘uvre des licenciements a été signé entre les partenaires sociaux et l’administrateur judiciaire prévoyant le licenciement de l’ensemble du personnel.
Le 21 avril 2015, la DIRECCTE a homologué cet accord.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2015, Me [L] a notifié à M. [K] [A], salarié de la société Mory Global engagé en qualité de responsable affrètement avec reprise d’ancienneté au 9 mai 2011, son licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement.
Ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 19 mai 2015, la rupture du contrat de travail est intervenue le 21 mai 2015.
Par requête du 28 avril 2016, M. [K] [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours de demandes tendant à reconnaître une situation de coemploi entre les sociétés Mory Global et Arcole Industries, dire qu’elles n’ont pas respecté leurs obligations sociales, prononcer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi ainsi que le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 12 novembre 2021 auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :
Dit et jugé qu’íl n’existe pas de situation de coemploi entre les sociétés Mory Global et Arcole Industries ;
Dit et jugé que l’obligation de reclassement a été parfaitement respectée par l’Administrateur Judiciaire de la société MORY GLOBAL ;
Débouté Monsieur [A] [K] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamne Monsieur [A] [K] à verser à la société Arcole Industries la somme de un euro ( 1 euro) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [A] [K] à verser à la liquidation judiciaire de la société
Mory Global la somme de cent euros (100 euros) au titre de Particle 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [A] [K] aux dépens ;
M. [K] [A] a relevé appel de cette décision le 06 décembre 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions remises au greffe le 2 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [K] [A] demande à la cour de:
D ‘ infirmer le jugement rendu par le conseil de prud ‘ hommes de Blois
Statuant à nouveau,
À titre principal,
– Condamner in solidum du fait de la situation de co-emploi les sociétés Mory Global et Arcole Industries, à verser à M. [K] [A] les indemnités suivantes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
pour une ancienneté de 4 ans 0 mois, 1 année et demie de salaire soit 66.300,00 euros
Juger que les sommes ci-avant seront inscrites au passif de la société MORYGLOBAL
À titre subsidiaire,
– Condamner la société Mory Global du fait de la violation de l’obligation individuelle de reclassement à payer à l’appelant les indemnités suivantes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
pour une ancienneté de 4 ans 0 mois, 1 année et demie de salaire soit 66.300,00 euros
Ordonner que les sommes ci-avant seront inscrites au passif de la société Mory Global
En tout état de cause,
Dire la décision à intervenir opposable au CGEA [Localité 7]
Condamner les sociétés Mory Global et Arcoles Industries à payer aux parties appelantes une indemnité de 500 Euros sur le fondement de l ‘article 700 du code de procédure civile ;
Assortir les condamnations à intervenir d’intérêts au taux légal ;
Condamner les sociétés intimées aux entiers dépens ;
***
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Me [P] [R] et Me [N] [M] es qualité de mandataires liquidateurs de la société Mory Global demandent à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le conseil de Prud’hommes de Blois en toutes ses dispositions,
En conséquence de quoi,
Débouter Monsieur [A] de l’intégralité de ses demandes, tant à titre principal qu’à titre subsidiaire qu’en tout état de cause,
Y ajoutant,
Condamner Monsieur [A] à verser à la liquidation judiciaire de la société Mory Global la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause :
Débouter Monsieur [A] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Débouter Monsieur [A] de sa demande d’intérêts au taux légal,
Juger qu’une condamnation ne pourra que tendre à la fixation d’une créance au passif de la société Mory Global,
Juger que l’arrêt à intervenir sera opposable à l’AGS CGEA [Localité 7],
***
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 14 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S. Arcole Industries demande à la cour de :
Confirmer le jugement du 12 novembre 2021 rendu par le conseil de prud’hommes de Blois,
Ce faisant, jugeant à nouveau
Constater l’absence de co-emploi entre les sociétés Mory Global et Arcole Industries,
Constater l’absence de lien contractuel entre le demandeur et la société Arcole Industries,
En conséquence :
Mettre hors de cause la société Arcole Industries et ne pas lui rendre opposable l’arrêt qui serait rendu à l’encontre de Messieurs [P] [R] et [N] [M], mandataires liquidateurs.
Débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre reconventionnel :
Condamner l’appelant au paiement de la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
***
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 14 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’A.G.S., C.G.E.A. d'[Localité 7] demande à la cour de :
In limine litis
Déclarer irrecevable la demande indemnitaire formulée par Monsieur [Z] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur un prétendu manquement à l’obligation de reclassement.
A titre principal
Confirmer le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le Conseil de prud’hommes de Blois en ce qu’il a :
« ‘
– Constaté l’absence de co-emploi entre les sociétés Mory Global et Arcole INdustries,
– Débouté Messieurs [Z] et [A] de l’ensemble de leurs demandes,
– Jugé que l’obligation préalable de reclassement a été respectée par l’administrateur Judiciaire de la société Mory Global,
– Condamné Messieurs [Z] et [A] à verser à la société Arcole INdustries la somme de un euro au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– Condamné Messieurs [Z] et [A] à verser à la liquidation judiciaire de la société Mory Global la somme de cent euro au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– Condamné Messieurs [Z] et [A] aux dépens’»
En conséquence,
Constater l’absence de co-emploi entre les sociétés Arcole et Mory Global.
En conséquence,
Débouter Messieurs [Z] et [A] de leurs demandes de dommages et intérêts de ce chef.
Dire et juger que la société Mory Global n’a pas manqué à son obligation de reclassement.
Débouter Messieurs [Z] et [A] de leurs demandes indemnitaires de ce chef.
Subsidiairement, en présence d’un co-emploi,
Dire et juger que le licenciement des salariés repose sur un motif économique incontestable et que l’obligation de reclassement a parfaitement été respectée.
En conséquence,
Débouter les salariés de leurs demandes indemnitaires de ces chefs.
Dire et juger que, compte tenu des moyens à sa disposition et des délais qui lui étaient impartis, Maître [O] [L], es-qualités d’Administrateur Judiciaire de la société Mory Global, a mis en ‘uvre tous les moyens à sa disposition pour essayer de reclasser les salariés avant de leur notifier leur licenciement.
En conséquence,
Débouter les salariés de leurs demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause,
Dire et juger qu’une condamnation in solidum à l’égard du passif de la procédure collective est impossible
En conséquence,
Mettre hors de cause de l’AGS en vertu du principe de subsidiarité en présence d’un co-employeur in bonis
Condamner la société Arcole Industries à verser à l’AGS la somme de 66.766.523,17 euros au titre des avances réalisées par l’AGS dans le cadre de la liquidation de la société Mory Global.
Condamner la société Arcole Industries à garantir l’AGS pour les éventuels montants qui seront fixés au passif de la société Mory Global.
Dire et juger que, dans les rapports entre l’AGS et la société Arcole Industries, qui est
in bonis, la contribution à la dette solidaire incombera le cas échéant entièrement à cette dernière.
Dire et juger que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.
Dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les
astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.
Dire et juger qu’aux termes des dispositions de l’article L.3253-17 du code du travail, la garantie est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur le coemploi :
Selon la Cour de cassation, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n°18-13.769 publié et Soc.,14 avril 2021, pourvoi n° 19-10.232).
Il appartient au salarié de démontrer l’existence du coemploi qu’il invoque.
M. [K] [A] soutient que la société Arcole industries, qui détenait la société Mory Ducros pour le compte de Caravelle, s’est totalement immiscée dans la gestion économique et sociale de l’entreprise de messagerie depuis sa création jusqu’à sa liquidation définitive. Il fait valoir que la société Arcole industries aurait pris en main la gestion de la société Mory Ducros puis Mory global en ayant signé un certain nombre de conventions avec les sociétés reprises transférant l’essentiel des prérogatives de la gestion économique et sociale, ces contrats donnant également lieu au versement de sommes d’argent par les sociétés Mory à la société Arcole industries. Les dirigeants de celle-ci auraient de manière incontestable géré Mory Ducros la privant de toute autonomie réelle. Il soutient l’existence d’une pluralité d’indices en faveur du coemploi.
Cependant, M. [K] [A] procède par voie d’allégations générales et ne produit aucune pièce pour étayer sa démonstration, la pièce 8 produite aux débats émanant d’un rapport SECAFI et portant sur des montants facturés par les sociétés Arcole et Caravelle au titre de refacturations intra-groupe, document datant du 31 décembre 2012, n’étant en aucune manière de nature à démontrer la réalité d’une totale immixtion de la société Arcole industries dans la gestion sociale et économique de la société Mory Global privant celle-ci de toute autonomie d’action. Il convient, au contraire, de relever, ainsi que le font valoir la société Arcole industries et les mandataires judiciaires de la société Mory Global, que celle-ci disposait de moyens humains et matériels pour assumer son fonctionnement dans le domaine commercial,
la direction des achats, le contrôle de gestion, ou encore les ressources humaines. Il n’est démontré aucun élément concret et factuel sur des actes d’immixtion ou d’ingérence de la société Arcole industries dans la gestion du personnel ou dans la gestion commerciale, financière ou administrative de la société Mory Global.
Par voie de confirmation du jugement attaqué, il convient de dire que la société Arcole industries n’est pas coemployeur avec la société Mory Global et de rejeter la demande du salarié à l’encontre de la société Arcole industries, sans qu’il y ait lieu de mettre cette dernière hors de cause.
– Sur le respect par la société Mory Global de son obligation de reclassement :
Aux termes de l’article L.1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige,’ le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’
Lorsque l’employeur appartient à un groupe, il est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette recherche doit être sérieuse et loyale.
La Cour de cassation a précisé que les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe, auquel appartient l’employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement (Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-11.114 publié) et elle a admis qu’un employeur qui avait adressé à toutes les sociétés du groupe des demandes aux fins de recenser avec précision tous les postes disponibles, quelles que soient leurs caractéristiques, avait correctement rempli son obligation de reclassement (Soc., 2 février 2017, pourvoi n° 15-26.543 et s.).
M. [K] [A] soutient, tout d’abord, que les mandataires liquidateurs n’ont pas effectué une recherche active précise et sérieuse des possibilités de reclassement au sein du groupe, se contentant de l’envoi de simples lettres circulaires dépourvues de toute mention relative au profil et à la situation professionnelle des salariés à reclasser.
Il convient toutefois d’apprécier le respect par les liquidateurs judiciaires de l’obligation de rechercher les possibilités de reclassement en fonction des moyens et du délai qui leur était imparti pour procéder aux licenciements, afin de maintenir au salarié la garantie de l’AGS conformément à l’article L.3253-8 du code du travail.
Au cas particulier, il est constant que le licenciement collectif visait l’ensemble du personnel de la société Mory Global, soit plus de 2000 personnes et qu’aucune solution de reclassement ne pouvait être envisagée en interne en raison de la liquidation judiciaire de la société.
Par jugement du tribunal de commerce du 31 mars 2015 prononçant la liquidation judiciaire de la société Mory global, la mission de l’administrateur judiciaire de la société a été poursuivie jusqu’au 30 avril 2015 pour mener à bien les négociations et la validation par l’autorité administrative du plan de sauvegarde de l’emploi.
Dans un souci d’efficacité dans l’identification de tous les postes de reclassement disponibles au sein des sociétés du groupe, l’administrateur a fait le choix d’interroger ces sociétés sur tous les postes disponibles susceptibles d’être proposés aux salariés licenciés. Les organes de la procédure collective justifient, par la production de pièces aux débats, des courriers et relances adressés aux sociétés du groupe de reclassement en mars et avril 2015. S’il n’est pas avéré que la liste des emplois supprimés évoquée dans les conclusions des mandataires a été jointe aux lettres de recherche de postes disponibles adressées aux sociétés du groupe Arcole qui n’en font pas état, pour autant, ces lettres de recherche comportaient en pièce jointe, sans que cela soit contesté, une lettre formulaire de réponse que les sociétés interrogées étaient invitées à renseigner précisément sur les postes disponibles, dont la classification, le coefficient, les diplômes requis, la rémunération, le lieu d’exécution du travail, durée du travail, horaires’
Le nombre de salariés concernés par la procédure de licenciement et le respect des délais impartis au regard de la procédure collective justifiaient de procéder de la sorte. Cette méthode permettait à l’administrateur, débiteur de l’obligation de reclassement, d’identifier précisément les postes vacants susceptibles d’être utilement proposés aux salariés concernés. Sont produites aux débats les réponses négatives des sociétés et les courriers de relance de l’admnistrateur. Ces démarches ont permis l’identification de six emplois disponibles, un certain nombre de sociétés n’ayant apporté aucune réponse, malgré des relances, aucun ne correspondant aux qualifications de M. [K] [A], responsable d’affrètement au moment de son licenciement.
Il est par ailleurs établi que cette recherche de reclassement au sein des entreprises du groupe a été complétée par une recherche de reclassement externe au groupe auprès de différentes entreprises de transport ainsi qu’auprès d’organismes professionnels du transport routier et de logistique.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’administrateur judiciaire a ainsi procédé à une recherche sérieuse et active de reclassement des salariés dont M. [K] [A]. Ce moyen sera rejeté.
Le salarié soutient également que l’administrateur a omis d’effectuer des recherches de reclassement auprès de la société DHL et de ses filiales ainsi qu’auprès des sociétés Caravelle et les filiales du groupe Caravelle.
Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties (Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-17.303 et s. Publié).
En ce qui concerne le groupe DHL, le fait que cinq ans avant la liquidation judiciaire de la société Mory Global, la société Ducros express ait repris le 30 juin 2010 l’activité messagerie que la société DHL souhaitait externaliser, avant d’être absorbée par la société Mory SAS en 2012 puis confiée en 2014 à la société Mory Global, ne permet pas de présumer que la société employeur appartenait au groupe DHL.
Outre le fait qu’il n’existe aucun lien capitalistique entre la société Mory Global et la société DHL, élément qui certes ne suffit pas à exclure cette dernière du périmètre de reclassement et ce délai de 5 années écoulé depuis l’opération d’externalisation, il n’existe aucun élément en faveur d’un partenariat entre ces deux sociétés ou de relations, ni capitalistique ni organisationnelle, de nature à retenir l’existence de possibilités de permutation des salariés.
Le seul fait allégué mais non établi que les salariés auraient continué à utiliser les vêtements et camions munis du sigle DHL au sein de la société Mory Global et que de nombreux clients de la société Mory Global l’étaient également de la société DHL ne suffisent pas à caractériser une organisation permettant la permutation du personnel.
Enfin, s’agissant de la société Caravelle, le rôle joué par cette dernière dans la constitution de la société Mory Ducros, placée depuis en liquidation judiciaire, ne suffit pas à l’intégrer au groupe de reclassement. Il est admis que la société Caravelle n’est plus actionnaire du groupe Arcole industries. La thèse du salarié selon laquelle le retrait de cette société du capital de la société Arcole présenterait un caractère artificiel et que Caravelle en conserverait le contrôle, reste une allégation sans aucune offre de preuve. Aucun élément ne vient par ailleurs étayer la possibilité d’une permutation du personnel entre les sociétés Mory Global et Caravelle.
Il en résulte que le périmètre de reclassement à retenir était bien celui des sociétés appartenant au groupe Arcole industries auprès desquelles l’administrateur judiciaire a procédé à une recherche de reclassement des salariés. Ce moyen sera rejeté.
Par votre confirmation du jugement, il convient, en conséquence, de dire que le licenciement de M. [K] [A] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande indemnitaire présentée à ce titre.
‘Sur les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [K] [A] sera également condamné à payer à la société Arcole industries ainsi qu’aux organes de la procédure collective de la société Mory Global la somme de 100 euros chacun au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens. Il sera débouté de sa demande présentée à ce titre contre les sociétés Mory global et Arcole industries.
Les dépens exposés en première instance et cause d’appel seront supportés par M. [K] [A].
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu entre les parties le 12 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Blois en toutes ses dispositions.
Ajoutant,
Dit qu’il n’y pas lieu de mettre hors de cause la société Arcole Industries ;
Condamne M. [K] [A] à payer à la société Arcole industries la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [A] à payer aux organes de la procédure collective de la société Mory Global la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande présentée par M. [K] [A] contre la société Arcole industries et la société Mory Global sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déclare le présent arrêt opposable à l’Unédic délégation A.G.S., C.G.E.A. d'[Localité 7] ,
Dit que M. [K] [A] supporte la charge des dépens de première instance et d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Karine DUPONT Laurence DUVALLET