Conditions du coemploi : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01365

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Conditions du coemploi : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01365

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 16 MARS 2023 à

la SCP RILOV

Me Hubert MARTIN de FREMONT

Me GRASSIN

Me JOURDE

LD

ARRÊT du : 16 MARS 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/01365 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GLRF

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 11 Mars 2021 – Section : COMMERCE

APPELANT :

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Fiodor RILOV de la SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉS :

Maître [I] [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la Société MORY DUCROS

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté par Me Hubert MARTIN de FREMONT, avocat au barreau de PARIS

L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA ILE-DE-FRANCE EST Association déclarée, représentée par sa Directrice, Madame [H] [J], domiciliée en cette qualité audit établissement,

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau D’ORLEANS

S.A. ARCOLE INDUSTRIES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Marie-Alice JOURDE de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture : 15 décembre 2022

Audience publique du 10 Janvier 2023 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Puis le 16 Mars 2023, Madame Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Ducros Express, qui avait repris le 30 juin 2010 l’activité messagerie de la société Deutsche Post DHL, a été absorbée par la société Mory SAS en 2012, laquelle a constitué la société Mory Ducros le 31 décembre 2012, avec effet rétroactif au 1er janvier 2012.

La société Arcole industries est une holding industrielle spécialisée dans la reprise et le redressement d’entreprise sous performantes ou dont l’exploitation est déficitaire.

Après ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Mory Ducros le 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise, par jugement du 6 février 2014, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros, avec poursuite de son activité pendant trois mois, et arrêté un plan de cession des activités et des biens de la société Mory Ducros à la société Arcole industries, donnant lieu à la création de la société Mory Global en février 2014, celle-ci procédant à la reprise des contrats de travail d’une partie du personnel tandis qu’une première procédure de licenciement économique collectif était initiée.

Le 3 mars 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi a homologué le document unilatéral élaboré par les administrateurs judiciaires et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société Mory Ducros.

Par jugement du 7 juillet 2014, le tribunal administratif a annulé la décision d’homologation de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (la Direccte). Ce jugement a été confirmé par arrêt du 22 octobre 2014 de la cour administrative d’appel, au motif que le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements devait être apprécié au niveau de l’entreprise et non de chaque agence. Cet arrêt est devenu définitif par suite de l’arrêt du Conseil d’État du 7 décembre 2015 ayant rejeté le pourvoi formé à son encontre.

Par suite, par jugement du 10 février 2015, le tribunal de commerce a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Mory Global, puis, par jugement du 31 mars 2015, il a prononcé la liquidation judiciaire de ladite société, la SCP Moyrand Bally et M. [X] étant désignés en qualité de mandataires liquidateurs.

M. [Z] [R], né en 1987 et engagé le 29 janvier 2013 par la société Mory Ducros en qualité de conducteur poids lourds, a été licencié le 13 mars 2014 à la suite du refus de plusieurs offres de reclassement, la relation contractuelle prenant fin le 4 avril 2014 à l’issue du délai de réflexion du contrat de sécurisation professionnelle accepté par le salarié.

Par requête du 17 février 2015, M. [Z] [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans d’une demande tendant à ordonner la communication de pièces des sociétés Arcole Industries et Mory Ducros, octroyer une indemnité sur le fondement de l’article L.1233-58 du code du travail au regard de l’annulation de la décision d’homologation du 3 mars 2014, reconnaître un coemploi entre les sociétés Mory Ducros et Arcole Industries et condamner celle-ci à lui payer une indemnité, prononcer le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour violation des règles relatives au reclassement et condamner la société Mory Ducros à lui payer une indemnité à ce titre et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 mars 2021 auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :

S’est déclaré compétent pour statuer sur ce litige ;

Dit qu’aucune situation de coemploi n’est déterminée entre les sociétés Mory Ducros et Arcole Industries ;

Dit que constatant l’absence de co-emploi, la Société Arcole Industries est mise hors de cause ;

Dit que l’administrateur judiciaire de la société Mory Ducros a satisfait à l’obligation de

reclassement ;

Déboute M. [R] [Z] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne M. [R] [Z] à payer la somme d’1 euro symbolique à la société Arcole Industries au titre de Particle 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] [Z] aux dépens.

M. [Z] [R] a relevé appel de cette décision le 27 avril 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions remises au greffe le 14 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Z] [R] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Blois

Et statuant à nouveau de :

1) Condamner du fait de l’annulation de la décision d’homologation du 3 mars 2014 la Société Mory Ducros sur le fondement de l’article L1233-58 du code du travail et allouer au salarié appelant, M. [Z] [R], les indemnités suivantes :

pour une ancienneté de 1 an et 2 mois, 1 année de salaire soit 18.833,92 euros

Fixer ces mêmes créances au passif de la société Mory Ducros ,

Dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d’Ile de France Est ,

2) Condamner in solidum du fait de la situation de co-emploi les sociétés Mory Ducros et Arcole Industries, à verser à M. [Z] [R] l’indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

pour une ancienneté de 1 an et 2 mois, 1 année de salaire soit 18.833,92 euros

Condamner la société Mory Ducros du fait de la violation de l’obligation individuelle de reclassement à payer à M. [Z] [R] l’indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

pour une ancienneté de 1 an et 2 mois, 1 année de salaire soit 18.833,92 euros ;

Fixer ces mêmes créances au passif de la société Mory Ducros ;

Dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d’Ile de France Est ;

Condamner la société Mory Ducros et la société Arcole à payer à la salariée appelante une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure

civile ;

Assortir les condamnations à intervenir d’intérêts au taux légal ;

Condamner les sociétés Mory Ducros et Arcole aux entiers dépens ;

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 19 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Me [W], es qualité de mandataire liquidateur de la société Mory Ducros demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [R] de ses demandes.

Et en tout hypothèse statuant à nouveau,

Dire irrecevable toute demande de condamnation,

Débouter Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire,

Dire et juger que Monsieur [R] ne peut prétendre qu’à l’indemnité prévue à l’article L1233-58 II à l’exclusion de toute(s) autre(s) indemnité (s) qui pourrait être due notamment au titre d’une violation de l’obligation individuelle de reclassement ,

Fixer cette indemnité à six mois de salaire,

Débouter Monsieur [R] de sa demande au titre d’une indemnité pour violation de l’obligation individuelle de reclassement.

En tout état de cause,

Débouter Monsieur [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déclarer le jugement à intervenir opposable à l’AGS-CGEA.

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 14 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A Arcole Industries demande à la cour de :

Confirmer le jugement du onseil de prud’hommes de Blois dont appel en ce qu’il a

débouté l’appelant de l’intégralité de ses demande(s),

Ce faisant, jugeant à nouveau,

Juger de l’absence de coemploi entre les sociétés Mory Ducros et Arcole Industries,

Juger de l’absence de lien contractuel entre les appelants et la société Arcole Industries ;

En conséquence :

Mettre hors de cause la société Arcole Industries et ne pas lui rendre opposable le jugement qui serait rendu à l’encontre de Monsieur [I] [W], mandataire

liquidateur.

Débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

En tout état de cause, à titre reconventionnel :

Condamner l’appelant à payer à la société Arcole Industries la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 22 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’Unédic A.G.S., C.G.E.A. d’Île de France Est demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

En conséquence,

Débouter Monsieur [R] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire,

Dire et juger que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.

Dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.

Dire et juger qu’en tout état de cause, aux termes des dispositions de l’article L.3253-17 du code du travail, la garantie est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2022 .

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

– Sur le coemploi

Selon la Cour de cassation, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n°18-13.769 publié et Soc.,14 avril 2021, pourvoi n° 19-10.232).

Il appartient au salarié de démontrer l’existence du coemploi qu’il invoque.

M. [Z] [R] soutient que la société Arcole industries, qui détenait la société Mory Ducros pour le compte de Caravelle, s’est totalement immiscée dans la gestion économique et sociale de l’entreprise de messagerie depuis sa création jusqu’à sa liquidation définitive, aboutissant à une perte totale d’autonomie. Il fait valoir que la société Arcole industries aurait pris en main la gestion de la société Mory Ducros en ayant signé un certain nombre de conventions avec les sociétés reprises transférant l’essentiel des prérogatives de la gestion économique et sociale, ces contrats donnant également lieu au versement de sommes d’argent par les sociétés Mory à la société Arcole industries. M. [K], directeur, assisté de son équipe composée de 5 salariés, auraient de manière patente géré la société Mory Ducros, moyennant rémunération, cette relation dépassant toute relation normale entre une société mère et sa filiale , la société Arcole Industries étant la seule décisionnaire. Il soutient une immixtion dans la gestion sociale, le directeur général de la société Arcole ayant signé la lettre de sollicitation de postes de reclassement adressées aux sociétés du groupe. Il soutient l’existence d’une pluralité d’indices en faveur du coemploi.

Cependant, l’existence de liens capitalistiques entre les deux sociétés ne suffit à caractériser une immixtion permanente de la société Arcole industries dans la filiale employeur, aboutissant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière, pas plus le fait que le dirigeant de la filiale soit issu du groupe et qu’il ait exercé des fonctions au sein des deux sociétés et cosigné, avec le mandataire judiciaire, en qualité de directeur de la société Mory Ducros, la lettre de recherche de postes de reclassement du 6 février 2014.

Par ailleurs, M. [Z] [R] ne produit aucune pièce probante pour étayer sa démonstration, la pièce 8 produite aux débats émanant d’un rapport SECAFI et portant sur des montants facturés par les sociétés Arcole et Caravelle au titre de refacturations intra-groupe, document datant du 31 décembre 2012, n’étant en aucune manière de nature à démontrer la réalité d’une totale immixtion de la société Arcole Industries dans la gestion sociale et économique de la société Mory Ducros privant celle-ci de toute autonomie d’action, pas plus que le document 7 de septembre 2011 relatif à la présentation du projet de reprise Mory par Caravelle dont il résulte que Mory reste autonome, la grande majorité de l’encadrement opérationnel de Mory étant repris. Il convient, au contraire, de relever, ainsi que le font valoir la société Arcole Industries et le mandataire judiciaire de la société Mory Ducros, que celle-ci disposait de moyens humains et matériels pour assumer son propre fonctionnement dans le domaine commercial, la direction des opérations, la comptabilité ou encore dans le domaine administratif et les ressources humaines. Il n’est démontré par le salarié aucun élément concret et factuel sur des actes d’immixtion ou d’ingérence permanente de la société Arcole industries dans la gestion du personnel ou dans la gestion commerciale et financière de la société Mory Ducros, aboutissant à la perte totale d’autonomie de cette dernière.

Par voie de confirmation du jugement attaqué, il convient de dire que la société Arcole Industries n’est pas coemployeur avec la société Mory Ducros et de rejeter la demande du salarié à l’encontre de la société Arcole industries, sans qu’il y ait lieu toutefois de mettre cette dernière hors de cause.

– Sur la demande en paiement de l’indemnité sur le fondement de l’article L.1233-58 du code du travail

Il est constant que M. [Z] [R] sollicite une indemnité sur le fondement de l’article L.1233-58 du code du travail.

Selon l’alinéa 5 de l’article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014, en cas de licenciements intervenus en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation ou en cas d’annulation d’une décision ayant procédé à la validation de l’accord collectif ou à l’homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Selon la Cour de cassation, cette indemnité est due quel que soit le motif d’annulation de la décision administrative ayant procédé à la validation de l’accord collectif ou à l’homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi établi dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, laquelle ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse ( Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 20-14.969, 20-14.970 publié), étant relevé que cette décision porte sur le cas de licenciements notifiés par le mandataire liquidateur de la société Mory Ducros à la suite du jugement prononçant sa liquidation judiciaire.

Au cas particulier, la décision de l’autorisation administrative homologuant le document unilatéral élaboré par les administrateurs judiciaires et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société Mory Ducros a été annulée le 11 juillet 2014 par jugement du tribunal admnistratif de Pontoise. Ce jugement a été confirmé par arrêt du 22 octobre 2014 de la cour administrative d’appel de Versailles, cet arrêt étant définitif par suite de l’arrêt du Conseil d’État du 7 décembre 2015 qui a rejeté le pourvoi formé à son encontre.

Il en résulte que M. [Z] [R], dont le contrat de travail a été rompu le 4 avril 2014 dans le cadre de cette procédure de licenciement économique collectif, peut prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L.1233-58 II du code du travail. Sa demande sera accueillie en son principe et le jugement infirmé sur ce point.

Il résulte de ce texte que la perte injustifiée de son emploi par le salarié licencié en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation, ou en cas d’annulation d’une décision ayant procédé à la validation de l’accord collectif ou à l’homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, lui cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.

M. [Z] [R] sollicite la somme de 18 833,92 euros représentant une année de salaires.

M. [Z] [R] était âgé de 27 ans au moment de son licenciement et avait une ancienneté d’un an et deux mois. Il ne communique aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle depuis son licenciement .

Au regard de ces éléments et des circonstances de la rupture, il lui sera alloué une indemnité de 10 000 euros en application de l’article L 1233-58 II du code du travail, le jugement étant infirmé sur ce point. Cette somme sera inscrite au passif de la procédure collective de la société Mory Ducros et garantie par les AGS.

– Sur la demande en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’ indemnité allouée sur le fondement de l’article L.1233-58 II du code du travail, qui répare le préjudice résultant pour les salariés du caractère illicite de leur licenciement, ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l’emploi ( Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 20-14.969, 20-14.970 publié).

La demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée par M. [Z] [R] ne peut être accueillie et sera rejetée par voie de confirmation du jugement, sans qu’il y ait lieu d’apprécier le moyen tiré d’un manquement à l’obligation de reclassement.

‘Sur les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [Z] [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée contre la société Mory Ducros et aux dépens.

Il convient de condamner Me [W], es qualité de mandataire liquidateur de la dite société, à payer à M. [Z] [R] la somme de 150 euros sur le même fondement.

Monsieur [M] [V] sera condamné à payer à la société Arcole Industrie la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront mises à la charge de la procédure collective de la société Mory Ducros.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu entre les parties le 11 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Blois en ce qu’il a rejeté la demande en paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article L.1233-58 II du code du travail présentée par M. [Z] [R] à l’encontre des organes de la procédure collective de la société Mory Ducros, en ce qu’il a rejeté sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a mis la société Arcole Industrie hors de cause,

Le confirme pour le surplus.

Statuant des chefs infirmés et ajoutant,

– Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros la créance de M. [Z] [R] au titre de l’indemnité résultant du licenciement illicite fondée sur l’article L.1233-58 II du code du travail à la somme de 10 000 euros, outre la somme de 150 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Déclare le présent arrêt opposable à la délégation Unedic AGS CGEA d’Ile de France Est dans la limite du plafond légal,

– Dit qu’en application des dispositions de l’article L.3253-17 du code du travail, la garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail ;

– Dit n’y avoir lieu à mettre hors de cause la société Arcole Industries ;

– Condamne M. [Z] [R] à payer à la société Arcole Industries la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande présentée contre elle à ce titre ;

– Fixe au passif de la procédure collective de la société Mory Ducros les dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET

 


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