Conditions du coemploi : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03899

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Conditions du coemploi : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03899

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 1- A

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° /2023, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03899 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOU7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Mars 2022- Conseiller de la Mise en état de la Cour d’appel de PARIS – RG n° 21/06538

DEMANDERESSE A LA SAISINE

Madame [I] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157, substitué par Me Sarah DJABRI, Avocat

DEFENDERESSES A LA SAISINE

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro

542 029 848

Représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168, substitué par Me Cédric MARTINS, Avocat

S.A. BPCE agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 493 455 042

Représentée par Me Guillaume BORDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

S.A. BPCE INTERNATIONAL ET OUTRE MER- BPCE IOM agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 420 698 979

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090,

substitué par Me Victor MOLLET, Avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Christine DA LUZ, Présidente

Mme Marie-José BOU, Présidente de chambre

Mme Valérie BLANCHET, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Christine DA LUZ, Présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Christine DA LUZ, Présidente, et par Léa FAUQUEMBERGUE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

Par déclaration en date du 22 juillet 2021, Mme [I] [W] a interjeté appel du jugement du 18 juin 2021 rendu par le conseil de prud’hommes de Paris dans un litige l’opposant à la société crédit Foncier France, à la société BPCE et à la société BCPE International et Outre Mer.

Par conclusions d’incident en date du 05 novembre 2021, la société crédit Foncier France a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevable l’appel interjeté par la partie appelante au motif que l’appel portait sur un jugement avant dire droit, de la condamner à lui une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions d’incident notifiées respectivement en dates des 27 décembre 2021 et 12 janvier 2022, la société BPCE International et Outre Mer et la société BPCE ont formulé les mêmes demandes et sollicité des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident en date du 31 janvier 2022, Mme [W] a demandé au conseiller de la mise en état de juger recevable son appel, de débouter les sociétés intimées de l’ensemble de leurs demandes et de les condamner à lui payer à une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par ordonnance en date du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a jugé que l’appel de Mme [W] était irrecevable.

Le 24 mars 2022 Mme [W] a formé une requête en déféré contre cette ordonnance et demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance sur incident devant le magistrat de la mise en état en date 10 mars 2022 déférée en ce qu’elle a déclaré l’appel irrecevable et condamné Mme [W] aux dépens de l’instance,

– juger recevable l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 18 juin 2021,

– débouter les sociétés intimées de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner les sociétés intimées à payer à l’appelant une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés intimées aux entiers dépens.

Au soutien de sa requête, Mme [W] fait notamment valoir que :

– le jugement du conseil des prud’hommes met hors de cause la société BPCE International et Outre Mer, ce faisant il tranche une partie du litige au fond, s’agissant de la demande relative au co-emploi, il ne s’agit donc pas d’un jugement d’avant dire droit,

– le jugement en déboutant les salariés de leurs demandes vis à vis de la société BPCE International et Outre Mer a nécessairement débouté les salariés de leurs demandes principales relatives au co-emploi à l’égard de la société Crédit Foncier France, puisque du fait du lien étroit entre les deux sociétés, les jugements ne peuvent se comprendre séparément,

– le jugement rendu par le conseil de prud’hommes ne mentionne pas le caractère avant dire-droit du jugement mais fait état d’un jugement contradictoire,

– l’appel est recevable puisqu’il a été interjeté le 21 juillet 2021 dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

Aux termes de conclusions responsives notifiées par RPVA le 08 avril 2022, la société Crédit Foncier de France demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance sur incident rendue par le conseiller de la mise en état le 10 mars 2022,

– déclarer irrecevable l’appel interjeté par Mme [W],

– condamner Mme [W] à verser au Crédit Foncier de France une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Le crédit Foncier de France soutient notamment que :

– le conseil de prud’hommes n’a pas tranché dans son dispositif le principal du litige et a donc rendu un jugement avant dire droit,

– la qualification impropre faite d’une décision par le conseil des prud’hommes n’a pas autorité de la chose jugée et le fait qu’elle ait été rendue en dernier ressort ne la rend pas susceptible d’appel si cette qualification a été donnée à tort,

– à l’encontre d’un jugement qui non seulement tranche une partie du principal mais qui également statue sur une demande avant dire droit, le principal s’entend de l’objet du litige la concernant donc l’appel n’était pas recevable,

– un jugement avant dire droit n’est pas susceptible d’un appel immédiat puisqu’il ne tranche pas le litige et n’a donc pas autorité de la chose jugée. L’appel pourra en revanche être interjeté en même temps que le jugement qui tranchera le litige au fond.

Aux termes de conclusions responsives notifiées par RPVA le 18 avril 2022, la société BPCE International et Outre Mer demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance du magistrat en charge de la mise en état du 10 mars 2022,

– déclarer irrecevable l’appel interjeté par Mme [W],

– condamner Mme [W] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société BPCE International et Outre Mer fait valoir principalement que les jugements du conseil de prud’hommes de Paris du 18 juin 2021 ont été rendus avant dire droit puisqu’ils portent uniquement sur la communication de pièces et dès lors les appels doivent être déclarés irrecevables.

Aux termes de conclusions responsives notifiées par RPVA le 27 avril 2022, la société BPCE demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance du magistrat en charge de la mise en état du 10 mars 2022,

– déclarer irrecevable à l’égard de la société BPCE l’appel interjeté par Mme [W] à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 18 juin 2021,

– condamner Mme [W] à verser à la société BPCE une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [W] aux entiers dépens.

La société BPCE soutient notamment que :

‘ le conseil de prud’hommes n’était pas invité par les demandeurs à se prononcer sur le fond du litige, puisque les parties n’avaient toujours pas échangé leurs pièces et arguments sur le fond, mais uniquement sur l’incident de communication de pièces soulevé par les demandeurs,

‘ le conseil de prud’hommes n’a pas tranché dans son dispositif le principal du litige et a donc rendu un jugement avant dire droit,

‘ la BPCE IOM est une partie distincte de la société BPCE, de sorte que la partie de la décision du conseil de prud’hommes la concernant ne concerne nullement les autres parties au litige donc il s’agit bien d’un jugement avant-dire droit insusceptible d’appel.

L’ordonnance de fixation a été rendue le 29 juin 2022 pour une audience devant se tenir le 02 décembre 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

À l’issue des débats, les parties ont été informées de la date de délibéré fixée au 15 février 2023.

MOTIFS

Il sera observé en premier lieu que l’appel a été interjeté dans les délais et selon les formes prescrites et n’encourt aucune irrecevabilité de ces chefs. Du reste, cela n’est pas contesté dans le cadre de l’instance en déféré.

L’article 544 du code de procédure civile dispose que « Les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d’appel comme les jugements qui tranchent tout le principal. Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l’instance ».

Par conclusions délivrées pour l’audience du conseil de prud’hommes de Paris en date du 25 mars 2021, Mme [W] a sollicité qu’il soit ordonné sous astreinte aux sociétés crédit Foncier de France, à la société BPCE et à la société BCPE internationale et outre mer de produire diverses pièces contractuelles et comptables afin notamment de faire établir « la reconnaissance de la qualité de co-employeurs des trois sociétés défenderesses ».

Les deux premières se sont opposées à une telle demande et ont sollicité une indemnité au titre des frais irrépétibles.

La société BPCE IOM a fait de même mais a surtout demandé en premier lieu sa mise hors de cause en exposant notamment son absence d’immixtion dans la gestion économique et sociale de la société CFF.

Aux termes de son jugement du 18 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Mme [W] de ses réclamations et a mis hors de cause la société BPCE IOM après avoir exposé dans ses motifs qu’il n’était pas établi qu’il ait existé de confusion d’intérêts, d’activité ou de direction entre les sociétés et qu’il n’était pas établi non plus que la société BPCE IOM se serait jamais immiscée, même partiellement, dans la gestion économique et sociale de la société CFF.

Ce faisant, les premiers juges ont tranché au fond une partie du litige de sorte que le jugement précité ne peut apparaître comme un simple jugement avant dire droit, insusceptible d’un appel immédiat, contrairement à ce qu’allèguent les sociétés.

Il s’agit bien d’un jugement mixte qui peut faire immédiatement l’objet d’un appel pour la partie du litige qui a été tranchée sur le fond.

En outre, l’article 553 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’invisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.

Le jugement a bien tranché la demande au principal relative au coemploi à l’égard de l’une des sociétés et la voie de recours ouverte est l’appel à l’encontre de toutes les sociétés défenderesses en raison de l’indivisibilité du litige entre elles.

Il sera observé enfin que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris ne mentionne pas le caractère avant dire-droit du jugement mais fait état d’un jugement contradictoire.

Dès lors l’appel interjeté par Mme [W] est recevable et l’ordonnance entreprise sera infirmée.

Il n’apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve à charge ses propres dépens et ses propres frais irrépétibles. Les demandes de ces chefs seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE l’appel recevable ;

RENVOIE la présente affaire à la mise en état sous le N°RG 21/06538 pour fixation de l’affaire au fond ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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