COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2022
N° 2022/
MS
Rôle N° RG 19/14141 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE3CO
[T] [J]
C/
[H] [W] [X]
S.C.P. [D] & ROUSSELET
SA YOOPALA SERVICES
Copie exécutoire délivrée
le : 15/12/22
à :
– Me Sarah GUILLET, avocat au barreau de NICE
– Me Bertrand D’ORTOLI, avocat au barreau de NICE
– Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de GRASSE en date du 02 Août 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 16/00586.
APPELANTE
Madame [T] [J], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sarah GUILLET, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [H] [W] [X] (24/02/2020 : Assignation d’appel provoqué – Remise à domicile), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Bertrand D’ORTOLI, avocat au barreau de NICE
S.C.P. [D] & ROUSSELET (intervenante forcée) prise en la personne de Maître [Z] [D], en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SA YOOPALA SERVICES, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE,
et Me Alexandra BELLET, avocat au barreau de PARIS
SA YOOPALA SERVICES, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE,
et Me Alexandra BELLET, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [T] [J] a été embauchée par la SA Yoopala Services suivant contrat à durée indéterminée à compter du 8 septembre 2014, en qualité de garde d’enfants, après avoir été licenciée pour motif économique par l’association Yoopadom qui l’embauchait depuis 2013.
Deux contrats de travail à durée indéterminée ont été établis le 1er janvier 2015:
– en qualité de garde d’enfants auprès de M.[L] pour un horaire mensuel de 129,99 heures et un salaire horaire de 10,57 €
– en qualité de gouvernante auprès de MM[L] et [X], pour un horaire mensuel de 30 heures et un salaire horaire de 10,57 €.
Un avenant au contrat de travail du 1er juin 2015 fixe le montant de l’indemnisation de la salariée lors de sa présence nocturne de 22 heures à 7 heures du matin.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de service à la personne (IDCC 3127).
La société Yoopala Services employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
A compter du 19 janvier 2016, Mme [J] s’est trouvée placée en arrêt de travail.
Le 17 juin 2016, elle a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La SA Yoopala Services a appelé en intervention forcée M.[H] [X], ancien dirigeant de la société Yoopala Services et de l’association Yoopadom. Celui -ci a été révoqué de son mandat de dirigeant des sociétés et a fait l’objet de poursuites pénales des chefs d’infractions commises à l’occasion de l’exercice de celui-ci.
Au terme de deux visites de reprise en date du 3 octobre 2016 et du 18 octobre 2016, le le médecin du travail a déclaré Mme [J] inapte à son poste en précisant que son état de santé ne permettait pas de formuler des propositions de reclassement dans l’entreprise.
Le 25 octobre 2016, l’employeur s’est rapproché du médecin du travail pour lui demander son avis sur les postes disponibles envisagés.
Le 16 novembre 2016, l’employeur a proposé à Mme [J] un reclassement dans un poste de référent secteur départemental ou de référent secteur sédentaire, propositions auxquelles Mme [J] n’a pas donné suite.
Mme [J] après avoir été convoquée à un entretien préalable au licenciement par courrier du 1er décembre 2016, a été licenciée pour inaptitude d’origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement par courrier du 20 décembre 2016.
Le conseil de prud’hommes de Grasse, statuant en sa formation de départage, par jugement du 2 août 2019, réputé contradictoire, a:
Débouté Mme [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
Débouté Mme [J] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la société Yoopala Services à payer à Mme [J] la somme de 391,84 euros à titre de reliquat de l’indemnité de licenciement,
Condamné la société Yoopala Services à payer à Mme [J] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouté Mme [J] du surplus de ses demandes.
Mme [J] a interjeté appel de ce jugement, le 5 septembre 2019 dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
La SCP [D] & Rousselet ainsi que la SELAFA MJA ont été attraits à l’instance d’appel en leur qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SA Yoopala Services.
Par acte du 24 février 2020, la SA Yoopala Services a fait délivrer à M. [X] une assignation aux fins d’appel provoqué.
Par ordonnance du 12 mai 2022, le conseiller de mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. [X] sur le fondement des dispositions de l’article 910 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 octobre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2020, l’appelante demande à la cour de réformer le jugement entrepris excepté en ce qu’il condamne la société Yoopala Services à lui payer
‘ 391,84 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
‘ 1.500 euros au titre de l’article 700 du du code de procédure civile,
Le réformant et statuant à nouveau elle demande de:
A titre principal,
Dire et juger que la société Yoopala Services a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles, empêchant la poursuite du contrat de travail,
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
Condamner la société Yoopala Services au paiement des sommes suivantes:
‘ 2.669,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 266,99 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 26.698,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse.
A titre subsidiaire,
Dire et juger que l’inaptitude de Mme [J] résulte des manquements graves commis par la société Yoopala Services,
Dire et juger que la société Yoopala Services n’a pas respecté son obligation de reclassement.
En conséquence,
Dire et juger que le licenciement de Mme [J] est dénué de cause réelle et sérieuse,
Par suite,
Condamner la société Yoopala Services au paiement des mêmes montants.
En tout état de cause,
débouter la société Yoopala Services de sa demande tendant à voir condamner M. [X] à supporter les condamnations mises à sa charge,
Condamner la société Yoopala Services à lui payer:
‘ 6.490,95 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1 er juin 2015 au 28 janvier
2016, outre 649,10 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 1.925 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour présence nocturne,
‘ 16.019,28 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
‘ 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires,
‘ 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales du
travail,
‘ 2.140,21 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
‘ 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’appelante fait valoir:
– sur la caducité de son appel soulevée par l’intimée, que, par assignation en intervention forcée en date du 30 décembre 2019, la SCP [D] & Rousselet prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan a été attraite à la procédure , qu’ aucun appel ne pouvait être initialement dirigé contre cette dernière dans la mesure où elle n’était pas partie es qualités de commissaire à l’exécution du plan dans le cadre de la procédure de première instance que seule peut être prononcée une caducité partielle à l’égard de la Selafa Mja qui n’a pas d’intérêt au présent litige pour avoir été intimée par erreur; que l’avis d’avoir à signifier reçu le 30 octobre 2019 a bien été signifié au commissaire à l’exécution du plan le 29 novembre 2019, la procédure a donc été soigneusement régularisée dans les délais,
-la société Yoopala l’a fait travailler en violation des règles propres à la durée maximale du travail, occasionnant pour elle une fatigue physique et psychologique liée à cette surcharge de travail, elle a cessé en juin 2015 de rémunérer les heures supplémentaires effectuées, a modifié les taux de majoration des heures de nuit et des heures du dimanche sans son accord, lui a imposé le retrait de certaines tâches, elle travaillait 24 heures d’affilées au domicile des époux [X] ou de Madame [L], elle ne pouvait se voir régler 24 heures de travail effectif,
– elle bénéficiait de deux contrats un premier pour garde d’enfants de 30 heures par semaine et un second pour des tâches de gouvernante (ménage, repassage, cuisine, courses’) de 30 heures par mois, soit environ 7 heures par semaine,
-pour preuve de la parfaite connaissance de la situation, la société Yoopala a fait signer à Mme [J], le 1er juin 2015, un avenant à son contrat de travail concernant la rémunération à mettre en place pour les heures de nuit fixant le montant de l’indemnisation de la salariée lors de la présence nocturne de 22 heures à 7 heures du matin.
– c’est à ce moment là elle a cessé de percevoir ses heures supplémentaires à compter de juin 2015 au moment de la signature d’un avenant sur la prime nocturne et l’apparition d’une prime diverse,
-des pressions ont été exercées sur elle pour qu’elle accepte une rupture conventionnelle, et il lui a été demandé de ne plus travailler pour la famille [X], M. [X] étant notamment poursuivi pour abus de biens sociaux et la nouvelle direction oeuvrant pour ne pas conserver le personnel,
-elle a présenté une fatigue physique et psychologique liée à sa surcharge de travail,
-l’employeur, non seulement n’a pris aucune mesure pour protéger la santé de sa salariée mais au contraire a continué d’exercer à son endroit une véritable pression jusqu’à ce qu’elle « craque » littéralement et soit placée en arrêt de travail par son médecin traitant, puis déclarée inapte par le médecin du travail.
-la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et elle est bien fondée à solliciter le paiement de son préavis,
– l’employeur n’ a pas respecté son obligation de reclassement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2021, la société Yoopala Services et la SCP [D] & Rousselet pris en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SA Yoopala Services demandent de:
Sur la procédure,
Constater, dire et juger l’appel en intervention forcée à l’encontre de la Scp [D] & Rousselet est tardif, et compte tenu de l’indivisibilité des parties, juger l’appel caduc.
Sur le fond,
Confirmer le jugement:
A titre principal,
Constater dire et juger infondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
A titre subsidiaire,
Constater, dire et juger le licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle de
Madame [J] régulier et reposant sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Débouter Madame [J] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis d’un mois et
de congés payés afférents ;
Débouter Madame [J] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse ;
En tout état de cause,
Débouter Madame [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Débouter Madame [J] de sa demande de rappel de salaire à titre d’heures
supplémentaires ;
Débouter Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
Débouter Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts pour violation des durées
maximales du travail ;
Débouter Madame [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la Société à
verser un reliquat de l’indemnité légale de licenciement à hauteur de 391,84 € et statuant
à nouveau :
Constater, dire et juger que les arrêts de maladie ne peuvent être pris en compte dans le calcul de l’ancienneté de Madame [J] et en conséquence ;
Constater, dire et juger que l’ancienneté de Madame [J] est de 1 an et 2 mois et que l’indemnité légale de licenciement déjà versée de 631 € par la société Yoopala Services au moment de la rupture est le montant réellement dû et en conséquence ;
Condamner Madame [J] à restituer la somme de 391,84 € à la société Yoopala Services.
Si par extraordinaire, la Cour entrait en voie de condamnation :
Constater, dire et juger que Monsieur [H] [W] [X] était l’employeur de Madame
[J] et en conséquence ordonner la mise en cause Monsieur [H] [W] [X] aux fins de voir supporter les éventuelles condamnations mises à la charge de la société Yoopala Services,
Condamner Madame [J] et Monsieur [X] au versement de la somme de 3 000 € au
titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Madame [J] et Monsieur [X] aux entiers dépens.
L’intimé réplique que:
– sur la caducité de l’appel: la mise en cause du commissaire à l’exécution du plan n’a pas été effectuée en temps utile, compte tenu de l’indivisibilité de l’appel celui-ci est irrecevable,
– sur le fond: Mme [J] comptabilise dans son décompte à la fois les heures de travail au service de la famille [L] et celles au service de la famille [X], comme le montre le décompte des heures du mois de juin 2015 entrées dans la base Yoopala Services,
– elle décompte des temps de travail nocturne qui ne sont pas du temps de travail effectif,
-le décompte est inexact voire falsifié avec la complicité de M. [X], ancien président de la société Yoopala Services qui a été révoqué de son mandat qui lui laissait déclarer pour Mme [J] un nombre d’heures illégales ne correspondant pas à la réalité, une procédure pénale étant en cours,
-aucune pression n’a été exercée sur Mme [J] pour accepter une rupture conventionnelle,
au contraire la salariée a tenté de négocier par tout moyens son départ, comme le montrent des sms et divers témoignages,
– la dégradation de l’état de santé invoquée par la salariée n’a aucun rapport avec son travail, alors même qu’elle a dans le même temps elle accepté une mission auprès d’une autre famille et n’a jamais demandé la reconnaissance d’une maladie d’origine professionnelle,
-la salariée n’établit aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,
– la société a été dans l’obligation de licencier la salariée suite à son avis d’inaptitude,
-elle a recherché des postes de reclassement dans chacun de ses établissements en France ainsi qu’au sein du groupe auquel elle appartient,
– rares étaient les emplois correspondant aux capacités professionnelles de la salariée, qui occupait des ofnctions de babysitter,
-la rédaction de l’avis d’inaptitude dispensait la société Yoopala Services d’une recherche de reclassement,
– l’offre de reclassemnt n’a pas été acceptée par la salariée,
– le véritable lien de subordination qui existait entre Mme [J] et M; [X] ainsi que l’immixtion permanente de M. [X] dans la relation de travail entre Mme [J] et la société Yoopala Servicesjusqu’à la rupture du contrat de travail justifie la condamnation solidaire de M. [X] au paiement des indemnités éventuellement allouées par la cour,
-mais l’intention qu’avait la société Yoopala Services de dissimuler les horaires réalisés par Mme [J] n’est pas caractérisée,
– les réclamations indemnitaires doivent en tous les cas être modérées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la caducité de l’appel
Par assignation en intervention forcée en date du 30 décembre 2019, la SCP [D] & Rousselet prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, non partie en première instance a été attraite en la cause, et la procédure d’appel ainsi régularisée,la Selafa Mja ayant été intimée par erreur en qualité de commissaire à l’exécution du plan. Le moyen sera écarté.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
1-Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées du 1er juin 2015 au 31 janvier 2016 et la contrepartie obligatoire en repos
Mme [J] expose que:
– elle s’est retrouvée lésée à compter du mois de juin 2015 puisque l’intégralité de ses heures supplémentaires ne lui était alors plus payée en même temps que la mise en place de « primes diverses » dont elle ne savait aucunement à quoi elles correspondaient. Ainsi, l’intégralité des heures accomplies ne lui était plus payée, ni les majorations à 50% ni les repos compensateurs, les heures du dimanche qui étaient jusqu’à présent majorées à 50% ne l’ont été qu’à 15% au mois d’octobre 2015 puis plus du tout majorées à compter du mois de novembre 2015,
-à ce moment là, un avenant au contrat de travail du 1er juin 2015 a fixé le montant de l’indemnisation de la salariée lors de sa présence nocturne de 22 heures à 7 heures du matin.
– elle a finalement refusé une proposition de rupture conventionnelle en l’état d’une impossibilité de trouver un accord entre les parties intégrant les heures supplémentaires toujours dues à la salariée. D’ailleurs, à compter du mois de juin 2015 ses bulletins de salaire sont devenus parfaitement illisibles.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Mme [J] a produit un décompte journalier de ses heures de travail 1er juin 2015 au 31 décembre 2015 et un email de la société Yoopala concernant l’organisation de son travail.
La société Yoopala Services n’apporte aucun justificatif des horaires de travail effectivement réalisés en se bornant à réfuter toute l’argumentation de la salariée.
Les heures supplémentaires doivent être payées en tant que telles et le paiement d’indemnités ou de prime, quelle qu’en soit la nature ne peut en tenir lieu, et ce même avec l’accord du salarié.
Il découle de ces constatations que la demande en paiement des heures supplémentaires accomplies par la salariée et que l’employeur ne prouve pas avoir rémunérées est fondée. Au vu des pièces produites de part et d’autre il y sera fait droit, par voie d’infirmation du jugement déféré, et ce, à concurrence des sommes suivantes:
‘ 3.000 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1 er juin 2015 au 28 janvier
2016, outre 300 euros au titre des congés payés afférents, 300 euros au titre des congés payés y afférents,
‘ 1.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
‘ 1.925 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour présence nocturne.
2-Sur le travail dissimulé
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du
temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Pour que le travail dissimulé soit caractérisé, il est nécessaire qu’il présente un caractère intentionnel.
L’intention de dissimuler est particulièrement caractérisée en l’espèce. En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu’il ne retient pas l’existence du délit de travail dissimulé.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
En droit, lorsqu’un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée sur les agissements de l’employeur constituant faute d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Seul un manquement de l’employeur suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Le non-paiement des salaires justifie la résiliation, même en cas de difficultés financières. Il en est de même du manquement à l’obligation de sécurité et de l’organisation sciemment d’une situation de travail dissimulé .
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il déboute la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le seul défaut de paiement de la totalité de son temps de travail effectif ayant empêché la poursuite du contrat de travail.
Si les juges prononcent la résiliation aux torts de l’employeur, celle-ci produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’article L. 8223-1 du code du travail dispose : « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »
Au moment de la rupture comptait une ancienneté de 1 an et 11 mois dans une entreprise de plus de 11 salariés et son salaire mensuel moyen s’élevait à la somme de 2.669,88 euros.
La salariée peut prétendre à une indemnité de préavis d’un mois de salaire ainsi qu’aux congés payés y afférents.
En application de l’article L 1235-5 alinéa 2 du code du travail, la salariée a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi.
En conséquence il sera alloué à Mme [J], par infirmation du jugement déféré les sommes suivantes:
‘ 2.669,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 266,99 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 16 019,28 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
‘ 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse.
La salariée ne justifie pas d’une autre faute de l’employeur ni d’un préjudice distinct qui ne serait pas déjà réparé par les dits montants.
Sur les autres demandes
1- Sur les demandes dirigées contre M. [X]
Pour que soit caractérisée une situation de coemploi il doit être démontré une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
Au cas d’espèce, alors que les contrats de travail ainsi que l’avenant à ceux-ci ont été établis par le service RH de la société Yoopala Services lequel organisait et comptabilisait le travail de la salariée, il n’est pas suffisamment démontré que les critères caractérisant le coemploi en la personne de M. [X] se trouvent réunis. Le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute la société Yoopala de son appel en garantie dirigé contre ce dernier.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Yoopala Services sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Infirme partiellement le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Yoopala Services à payer à Mme [J] :
– 3.000 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er juin 2015 au 28 janvier 2016, outre 300 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 1.925 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour présence nocturne,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement, 20 décembre 2016,
Condamne la société Yoopala Services à payer à Mme [J] :
‘ 2.669,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 266,99 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse,
‘ 16 019,28 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société Yoopala Services aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne la société Yoopala Services à payer à Mme [J] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Yoopala Services de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT