Conditions de validité et conséquences d’un contrat de crédit : enjeux de la déchéance des intérêts et de la résiliation

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Conditions de validité et conséquences d’un contrat de crédit : enjeux de la déchéance des intérêts et de la résiliation

La société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES a accordé un crédit personnel de 21.500 euros à M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] le 5 décembre 2019, remboursable en 69 mensualités. Après un défaut de paiement, la société a envoyé une mise en demeure le 1er juin 2023, sans réponse. Le 13 juin 2024, elle a assigné les emprunteurs devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse, demandant la constatation de la déchéance du terme et le paiement de sommes dues. Lors de l’audience du 4 juillet 2024, la société a maintenu ses demandes, tandis que les emprunteurs étaient absents. Le jugement du 8 octobre 2024 a débouté la société de sa demande de déchéance du terme et de condamnation solidaire, prononcé la résiliation judiciaire du contrat, et a condamné les emprunteurs à payer 9.981,81 euros, sans intérêts. La société a également été déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG
24/02311
TRIBUNAL JUDICIAIRE
Site Camille Pujol
2 allées Jules Guesde
BP 7015
31068 TOULOUSE cedex 7

NAC: 53B

N° RG 24/02311 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TB6T

JUGEMENT

N° B

DU : 08 Octobre 2024

S.A. LA CAISSE D’EPARGNE MIDI PYRENEES

C/

[L] [Y] [H] [D]
[P] [J] [N] [U]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 08 Octobre 2024

à Me Jérôme MARFAING-DIDIER

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Mardi 08 Octobre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargé des contentieux de la protection statuant en matière civile, assistée de Anne-Christelle PELLETIER Greffier, lors des débats et Fanny ACHIGAR Greffier chargé des opérations de mise à disposition.

Après débats à l’audience du 04 Juillet 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

S.A. LA CAISSE D’EPARGNE MIDI PYRENEES, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocats au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDEURS

M. [L] [Y] [H] [D], demeurant [Adresse 2]

non comparant, ni représenté

Mme [P] [J] [N] [U], demeurant [Adresse 2]

non comparante, ni représentée

RAPPEL DES FAITS

Suivant offre préalable acceptée le 05 décembre 2019, la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES a consenti à M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] un crédit personnel d’un montant de 21.5001 euros, remboursable en 69 mensualités d’un montant de 355,39 euros, au taux de 3,11% par an, hors contrat d’assurance.

M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] ayant cessé de faire face aux échéances du crédit, la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES leur a adressé une lettre de mise en demeure de régler ces échéances en date du 1er juin 2023, restée vaine.

Par actes de commissaire de justice en date du 13 juin 2024, la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES a ensuite fait assigner M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse pour obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire,
A titre principal,
– la constatation de l’acquisition de la déchéance du terme,
– leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :
-12.990,91 euros en principal avec intérêts au taux conventionnel de 4,31 % à compter du 04 mars 2024,
– 600 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
À titre subsidiaire,
– le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat,
– leur condamnation leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :
-12.990,91 euros en principal avec intérêts au taux conventionnel de 4,31 % à compter du 04 mars 2024,
– 600 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l’audience du 04 juillet 2024, la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES, représentée par son conseil, se réfère oralement à son assignation et maintient ses demandes.

Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation et les moyens pouvant être relevés d’office, elle a produit à l’audience la fiche de liaison avec le tribunal comportant ses observations par lesquelles elle a rejeté toute irrégularité.

Convoqués par actes de commissaire de justice signifiés selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile le 13 juin 2024 (lettre recommandée retournée avec la mention  » destinataire inconnu à l’adresse indiquée « ), M. [L] [Y] [H] [D] et
Mme [P] [J] [N] [U] ne sont ni présents ni représentés.

L’affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, en l’absence du défendeur, le Tribunal ne fait droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.

I. SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT AU TITRE DU CONTRAT DE CREDIT

A titre liminaire, il est rappelé que l’article R632-1 du code de la consommation permet au tribunal de relever d’office les moyens tirés de l’application du code de la consommation. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne impose au juge national d’examiner d’office l’existence de violations de ses obligations par le prêteur afin de garantir l’effectivité de l’objectif de protection du consommateur poursuivi par la directive 2008/48/CE (cf. notamment CJUE, C-679/18, OPR FINANCE SRO, 05/03/2020).

Aux termes de l’article 1353 du Code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il appartient donc au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier des sommes dues et de la régularité de l’opération, en produisant spontanément les documents nécessaires.

– Sur l’acquisition de la clause résolutoire

Selon l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’ancien article L.311-24 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

Le juge peut relever d’office l’irrégularité de la déchéance du terme (CA Paris, pôle 4 – ch. 9 – a, 10 mars 2022, n° 19/06663).

En l’espèce, le contrat du 05 décembre 2019 contient une clause résolutoire (IV-9), qui stipule que la résolution sera prononcée  » par simple notification préalable à l’emprunteur  » en cas de  » défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et accessoires, quinze jours après une mise en demeure « .

La société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES justifie du défaut de paiement de certaines échéances par l’emprunteur, d’une mise en demeure de régler les échéances impayées par lettre recommandée du 01 juin 2023 (AR pli avisé non réclamé).

Pour autant cette lettre de mise en demeure du 01 juin 2023 ne peut permettre l’acquisition de la clause résolutoire, dans la mesure où elle mentionne un délai de 8 jours pour s’acquitter de la dette (au lieu des quinze jours prévus dans la clause résolutoire).

Il convient ainsi de considérer que la déchéance du terme n’est pas régulière et de débouter la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES de sa demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire et de sa demande en paiement de l’intégralité des sommes restant dues à ce titre, la somme sollicitée dans le cadre de l’assignation n’étant pas exigible.

– Sur la résiliation judiciaire du contrat

L’article 1103 du Code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Selon l’article 1217 du même code, « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut […] provoquer la résolution du contrat ».

L’article 1227 du même code précise que « la résolution peut, en tout hypothèse, être demandée en justice ».

Dans le cadre d’un crédit à la consommation, l’obligation principale de l’emprunteur consiste à rembourser les sommes prêtées, de sorte qu’un manquement répété et prolongé à ladite obligation peut justifier la résiliation dudit contrat aux torts de l’emprunteur défaillant.

En l’espèce, l’offre de crédit acceptée par M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] emportait expressément pour eux l’obligation de rembourser les sommes prêtées selon les modalités contractuelles, notamment précisées par le tableau d’amortissement joint au contrat.

La société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES justifie du fait que les emprunteurs ont cessé le paiement de ses échéances de crédit depuis novembre 2022 soit depuis plus de 18 mois, sans apporter d’explication au créancier ou lors de la présente instance. Malgré l’assignation en justice, ils n’ont pas repris le paiement de leur crédit. Ils ont ainsi manqué à la principale obligation de leur contrat de crédit, de façon réitérée et sans y remédier.

Il convient ainsi de prononcer la résiliation judiciaire du contrat.

-Sur la régularité du contrat de prêt et le droit aux intérêts du prêteur

En l’espèce, la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES produit, au soutien de ses demandes :
– L’offre préalable de crédit signée électroniquement par M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] le 05 décembre 2019,
– l’attestation de preuve ICG,
– La fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée (FIPEN),
– La notice d’assurance, le document d’information sur l’assurance,
– la consultation du FICP en date du 5 décembre 2019 concernant chacun des emprunteurs
– La fiche de dialogue sur les revenus et charges des emprunteurs, ainsi que la pièce d’identité de M. [L] [Y] [H] [D], un avis d’imposition établi en 2019 sur revenus 2018 pour chacun des emprunteurs, les fiches de paie de Mme [P] [J] [N] [U], le justificatif de domicile
– Le tableau d’amortissement du prêt,
– La lettre de mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception du 01 juin 2023 (AR revenu pli avis non réclamé
– Un décompte de la créance,
– Un historique des opérations effectuées sur le compte.

a)Sur la vérification de la solvabilité des emprunteurs

En application de l’article L.312-16, avant de conclure le contrat de crédit et au plus tard sept jours après la signature de l’offre de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, étant précisé que  » de simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives  » (CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13, § 37). Le prêteur consulte le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).
Selon l’article L.312-17 du code de la consommation, lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, une fiche d’informations distincte de la fiche mentionnée à l’article L. 312-12 est fournie par le prêteur ou par l’intermédiaire de crédit à l’emprunteur. Cette fiche, établie sur support papier ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l’emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier.
La fiche est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l’emprunteur et contribue à l’évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche font l’objet d’une déclaration certifiant sur l’honneur leur exactitude.
Si le montant du crédit accordé est supérieur à 3.000 euros, la fiche est corroborée par des pièces justificatives, à jour au moment de l’établissement de la fiche d’information, dont la liste est définie par l’article D.312-8 du même code, à savoir :
1° Tout justificatif du domicile de l’emprunteur ; et
2° Tout justificatif du revenu de l’emprunteur ; et
3° Tout justificatif de l’identité de l’emprunteur.

L’article L341-2 prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

La société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES a produit la fiche de dialogue sur les revenus et charges remplie par M. [L] [Y] [H] [D]. Néanmoins, elle n’a pas transmis le justificatif d’identité de Mme [P] [J] [N] [U]. Par ailleurs, s’il est produit les fiches de paie de Mme [P] [J] [N] [U] pour la période concomitante à la conclusion du contrat, la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES justifie avoir recueilli uniquement un avis d’imposition de M. [L] [Y] [H] [D] de l’année 2019 portant sur les revenus de l’année 2018, soit des éléments qui ne sont pas contemporains à la souscription du contrat signé le 05 décembre 2019. Cette vérification apparaît insuffisante au regard des enjeux du contrat qui porte sur un montant non négligeable de 21.501 €. La société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES se montre ainsi défaillante dans son obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations.

b)Sur la notice d’assurance

Aux termes de l’article L.312-29 du code de la consommation, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

La charge de la preuve de l’existence de cette notice d’assurance et de sa remise repose sur l’organisme prêteur, lequel doit non seulement rapporter la preuve de l’existence de cette fiche mais encore de ce que sa teneur répond aux exigences de l’article précité.

Selon l’arrêt de la Cour de justice de l’union européenne du 18 décembre 2014 (C-449/13 CA CONSUMER FINANCE SA c. [S], [F] et [W]), les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, s’opposent à ce que le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur en raison d’une clause type, laquelle entraîne un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48. La cour a expliqué qu’il  » ressort de l’article 22, § 3 de la directive 2008/48 qu’une telle clause ne peut permettre au prêteur de contourner ses obligations et qu’elle ne constitue qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.  »

A défaut de production de la notice de prévue par l’article L.312-29, la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée par application de l’article L341-4 du même code.
En l’espèce, le prêteur se prévaut du contrat d’adhésion à l’assurance facultative signé électroniquement et listé dans l’attestation de preuve de l’ICG. En revanche, la notice d’information relative au contrat d’assurance qui fait l’objet d’une pagination distincte (8 pages) du contrat d’adhésion (2 pages) n’est ni signée, ni paraphée par les emprunteurs. En conséquence, il n’est pas rapporté par le prêteur que les emprunteurs ont pris connaissance de son contenu. Il convient en outre de rappeler à ce titre, que la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît avoir reçu un document de la part du prêteur constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. (Civ. 1re, 8 avr. 2021, n° 19-20. 890 ; articles
L.312-12 et L.312-7 du Code de la consommation)

c) Sur l’avertissement donné quant à la défaillance de l’emprunteur

Les articles L312.-28 et R.312-10 du code de la consommation prévoient que le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable, constituant un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article
L. 312-12.

Conformément à l’article R.312-10 6°, c), le contrat de crédit doit comporter un avertissement relatif aux conséquences d’une défaillance de l’emprunteur, ces conséquences étant par ailleurs énumérées par l’article L.312-36.

L’avertissement doit donc mentionner les risques encourus au titre de l’article L.312-39 du même code, à savoir le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés et d’une indemnité, au titre de l’article 4 de l’arrêté du 26 octobre 2010, à savoir l’inscription au FICP et au titre de l’article L.141-3 du Code des assurances, à savoir son exclusion du bénéfice du contrat d’assurance s’il a été souscrit.

A défaut du respect de ces obligations, la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée par application de l’article L341-4 du même code.

Dans les paragraphes du contrat du 05 décembre 2019 donnant l’avertissement relatif aux conséquences d’une défaillance de l’emprunteur (IV-2), l’exclusion du bénéfice de l’assurance en cas de défaillance n’est pas mentionnée, alors qu’une assurance a été souscrite par M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U].

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient de déchoir la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES de son droit aux intérêts.

– Sur les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts et le montant de la créance

Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.

En application de l’article L.341-8 du même code, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La jurisprudence nationale étend cette déchéance à tous les accessoires des intérêts contractuels, à savoir les frais de toute nature mais également les primes d’assurance (cf. Civ. 1ère, 31/03/2011, n° 09-69963 et CA Paris, 29/09/2011, Pôle 04 ch. 09 n°10/01284).

Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale de 8 %.

Du fait de la déchéance du droit aux intérêts, les sommes versées l’ont été au titre du capital exclusivement. Pour fixer les sommes dues par l’emprunteur, il convient alors de déduire du capital versé l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit par l’emprunteur depuis l’origine.

Les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] (21.501€) et les règlements effectués (11.519,19 €), tels qu’ils résultent du décompte et de l’historique de compte, soit 9.981,81 euros.

Par conséquent, M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] seront condamnés solidairement à payer à la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES la somme de 9.981,81 euros, au titre du capital restant dû et à l’exclusion de toute autre somme.

Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-6 du Code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.

Cependant par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/Fesih Kalhan) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si  » les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté  » ses obligations découlant de ladite directive. La Cour de Justice a ainsi indiqué que  » si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif  » (point 52).

En l’espèce, le taux légal est fixé à 4,92 % au 2eme semestre 2024 lorsque le créancier est un professionnel, tandis que le taux contractuel est fixé à 3,11 %. Il résulte de ces éléments que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ou même au seul taux légal, nonobstant la déchéance des intérêts, sont supérieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48.

Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ainsi que celle de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

II. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U], parties perdantes, supporteront in solidum la charge des dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité et la situation économique des parties commandent de dispenser M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] du paiement des frais irrépétibles exposés par le prêteur, tel que permis par l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES de sa demande tendant à constater la déchéance du terme ;

DEBOUTE la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES de sa demande tendant à obtenir la condamnation solidaire en paiement de M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] à ce titre ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de crédit en date du 05 décembre 2019 ;

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES concernant le contrat du
05 décembre 2019 ;

CONDAMNE solidairement M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] à payer à la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES la somme de 9.981,81 euros ;

DIT que cette somme ne portera pas intérêts même au taux légal ;

DEBOUTE la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI PYRENEES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [L] [Y] [H] [D] et Mme [P] [J] [N] [U] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus ;

La greffière, La vice-présidente


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