Conditions de validité et conséquences des contrats de crédit à la consommation en cas de défaillance de l’emprunteur

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Conditions de validité et conséquences des contrats de crédit à la consommation en cas de défaillance de l’emprunteur

La société SOGEFINANCEMENT a accordé un crédit d’un an renouvelable de 5500 euros à M. [Y] [G] le 21 février 2018, avec des mensualités de 180 euros et un taux d’intérêt nominal de 12,15%. En raison de paiements manquants, SOGEFINANCEMENT a assigné M. [Y] [G] devant le tribunal judiciaire de Paris le 7 mars 2024, réclamant un total de 5785,70 euros pour le crédit impayé, des intérêts, une indemnité légale de 462,85 euros, et des frais de justice. La société a déclaré que le premier incident de paiement a eu lieu le 3 avril 2022, entraînant la déchéance du terme le 21 octobre 2022. Lors de l’audience du 21 mai 2024, M. [Y] [G] n’était pas présent, et le tribunal a décidé de statuer par jugement réputé contradictoire, avec une décision attendue le 5 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/03414
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître Sébastien MENDES GIL

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Monsieur [Y] [G]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/03414 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4N3V

N° MINUTE :
14 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024

DEMANDERESSE
S.A.S. SOGEFINANCEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

DÉFENDEUR
Monsieur [Y] [G], demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 05 septembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/03414 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4N3V

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 21 février 2018, la société SOGEFINANCEMENT a consenti à M. [Y] [G] un crédit d’un an renouvelable d’un montant maximal en capital de 5500 euros remboursable pas mensualités de 180 euros (option lente) au taux nominal de 12,15% (soit un TAEG de 12,92%).

Des échéances étant demeurées impayées, la société SOGEFINANCEMENT a, par acte de commissaire de justice en date du 7 mars 2024, fait assigner M. [Y] [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
5785,70 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 12,15% à compter du 21 octobre 2022, et capitalisation des intérêts, avec prononcé de la résolution judiciaire aux torts de l’emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière, 462,85 euros au titre de l’indemnité légale de 8%,500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande, la société SOGEFINANCEMENT fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 21 octobre 2022, rendant la totalité de la dette exigible. Elle situe le premier incident de paiement non régularisé au 3 avril 2022.

A l’audience du 21 mai 2024, à laquelle l’affaire a été appelée, la société SOGEFINANCEMENT, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations particulières sur ces points.

Assigné par procès-verbal de recherches infructueuses conformément à l’article 659 du code de procédure civile, M. [Y] [G] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, le défendeur n’a pas comparu, de sorte qu’il sera fait application des dispositions précitées.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 21 mai 2024.

L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L’article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Le délai de forclusion étant un délai de procédure, la règle de computation de l’article 641 du code de procédure civile s’applique, de sorte que le délai expire le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’évènement qui fait courir le délai (Civ 1°,17 mars 1998, 96-15.567).

Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme, le premier incident de paiement non régularisé ou encore, dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable, le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance de juin 2022 de sorte que la demande effectuée le 7 mars 2024 n’est pas atteinte par la forclusion.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636), étant précise qu’il n’a pas à justifier de la remise effective de la mise en demeure au débiteur (Ccass 1ère civ, 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20.680).

En l’espèce, une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 720 euros précisant le délai de régularisation (de 15 jours) a bien été envoyée le 8 septembre 2022 ainsi qu’il en ressort de l’avis de recommandé produit . De sorte qu’en l’absence de régularisation dans le délai, ainsi qu’il en ressort de l’historique de compte, la société SOGEFINANCEMENT a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme le 21 octobre 2022.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :
la fiche d’information précontractuelle -FIPEN- (article L.312-12 du code de la consommation) mentionnant l’ensemble des informations énumérées par l’article R312-2 (annexe I) du code de la consommation) à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-1), étant précisé qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information et que la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information précontractuelle normalisée européenne, ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire et notamment de la production de la FIPEN, de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information (Ccass Civ 1ère 5 juin 2019 n° 17-27.066, 8 avril 2021 19-20890),la notice d’assurance comportant les conditions générales (article L.312-29) à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-4), étant précisé également que la preuve de la remise de la notice et de sa conformité ne sauraient résulter d’une simple clause pré-imprimée selon laquelle l’emprunteur reconnaît la remise, une telle clause ne constitue qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents, et étant rappelé que la synthèse des garanties ne répond pas à l’exigence légale, le fonctionnement des garanties et les cas particuliers n’y figurant pas ; si l’assurance est obligatoire pour obtenir le financement, l’offre préalable rappelle que l’emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix : si l’assurance est facultative, l’offre préalable rappelle les modalités suivant lesquelles l’emprunteur peut ne pas y adhérer ;la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L.312-16) à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.341-2), étant précisé que cette consultation doit avoir été effectuée avant la remise des fonds, et préciser son résultat,la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur au moyen nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.312-16), à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.341-2), étant précisé que le prêteur ne doit pas s’arrêter aux seules déclarations de l’emprunteur compilées dans la « fiche dialogue » mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production de relevés bancaires et d’un avis d’imposition) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement,la justification de la fourniture à l’emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement (article L.312-14), à peine de déchéance du droit aux intérêts totale ou partielle (article L.341-2), étant précisé que la cause de reconnaissance de l’emprunteur de la réception des explications adéquates est abusive en ce que par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d’apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l’emprunteur (avis CCA n°13-01 du 6 juin 2013),la mention du taux effectif global (TAEG) dans l’encadré (R312-10), et le montant total dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit, toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux étant mentionnées, un taux erroné ou une absence de taux entraînant la déchéance du droit aux intérêts,pour les opérations de crédit conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’un technique de communication à distance, la preuve de la remise d’une fiche d’information distincte de la FIPEN, fiche de dialogue, qui comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l’emprunteur ainsi que le cas échéant aux prêts en cours contractés par ce dernier signée par l’emprunteur qui contribue à l’évaluation de sa solvabilité, à peine de déchéance du droit aux intérêts (L312-17 et L341-1)
Ces documents ont été produits.

Toutefois, la banque ne démontre pas avoir adressé au défendeur une lettre de reconduction annuelle précisant les conditions de reconduction du contrat (article L.312-65) laquelle est prévue uniquement pour les crédits renouvelables, ce qui est le cas en l’espèce, à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-5).

Il n’est pas non plus produit de justificatif de consultation annuelle du FICP avant de proposer la reconduction du contrat, ce grief faisant également encourir la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

La banque sera en conséquence déchue de son droit aux intérêts contractuels.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article L.341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, la déchéance s’appliquant même aux frais, commissions et autres accessoires inscrits au compte (Ccass 1ère civ, 31 mars 2011, pourvoi n°09-69.963). Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l’espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

De surcroît, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts résultant de l’article L.311-48 susvisé exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance prévue à l’article L.311-24 du code de la consommation.

S’agissant des primes d’assurances afférentes aux mensualités impayées, les termes de l’article L311-48 du code de la consommation excluent également que la demanderesse puisse en obtenir le paiement, celle-ci n’ayant au surplus pas qualité à agir pour le compte de l’assureur – sauf subrogation qui ne se trouve pas démontrée en l’espèce.

Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de rejeter la demande en paiement de la société SOGEFINANCEMENT, M. [Y] [G] ayant remboursé un montant total de 12 637,41 euros sur une somme de 12450 euros, correspondante à la réserve de crédit utilisée.

Les demandes formées au titre des intérêts de retard et de capitalisation des intérêts deviennent ainsi sans objet.

Sur les demandes accessoires

Le demandeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Il convient par ailleurs de rejeter la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,

Déboute la société SOGEFINANCEMENT de l’intégralité de ses demandes ;

Dit que la société SOGEFINANCEMENT conservera la charge de ses propres dépens ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le greffier, Le juge des contentieux
de la protection


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