Conditions de recevabilité et effets de la défaillance dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Conditions de recevabilité et effets de la défaillance dans le cadre d’un crédit à la consommation

La SA FRANFINANCE a accordé un crédit de 3.500 euros à [E] [V] et [B] [L] épouse [V] le 11 septembre 2007, remboursable en 120 mensualités. Une attestation de livraison a été signée le 21 septembre 2007. En mai 2009, la SA FRANFINANCE a sommé les emprunteurs de payer 4.200,65 euros, puis a saisi le tribunal pour obtenir une condamnation à 4.334,93 euros. Le 6 juin 2009, le juge a ordonné le paiement de 3.697,50 euros, avec intérêts et frais. Cette décision a été signifiée le 15 juin 2009. En novembre 2017, la créance a été cédée à la SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG, qui a ensuite signifié un commandement de payer de 6.713,47 euros en septembre 2023. [E] [V] et [B] [L] épouse [V] ont formé opposition à l’ordonnance le 16 octobre 2023. L’affaire a été renvoyée à plusieurs audiences, et le 17 juin 2024, le juge a relevé des moyens d’ordre public concernant le code de la consommation. La SA INTRUM JUSTITIA a demandé la déclaration d’irrecevabilité de l’opposition et le paiement de la somme due, tandis que les emprunteurs n’ont pas comparu. La décision est attendue pour le 7 octobre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
23/09829
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/09829 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XVDU

JUGEMENT

DU : 07 Octobre 2024

Société INTRUM JUSTITIA VENANT AUX DROITS DE FRANFINANCE

C/

[E] [V]
[B] [L] épouse [V]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 07 Octobre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

Société INTRUM JUSTITIA VENANT AUX DROITS DE FRANFINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 5]

représentée par Représentant : Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [E] [V], demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]
non comparant

Mme [B] [L] épouse [V], demeurant [Adresse 2] – [Localité 4], non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 17 Juin 2024

Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 07 Octobre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

RG : 23/9829 PAGE

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre acceptée le 11 septembre 2007, la SA FRANFINANCE, (ci-après le prêteur) a consenti à [E] [V] et [B] [L] épouse [V] un crédit d’un montant de 3.500 euros accessoire à la vente d’une alarme, remboursable en 120 mensualités de 43,69 euros hors assurance, au taux nominal annuel de 7,9 %.

L’attestation de livraison du bien auquel était affecté le crédit a été signée le 21 septembre 2007 par [E] [V].

Par acte d’huissier de justice du 14 mai 2009, la SA FRANFINANCE a fait délivrer à [E] [V] et [B] [L] épouse [V] sommation de payer immédiatement la somme de 4.200,65 euros.

Par requête du 19 mai 2009, la SA FRANFINANCE a saisi le président du tribunal d’instance de Lille d’une requête aux fins d’obtenir la condamnation de [E] [V] et [B] [L] épouse [V] à lui payer la somme totale de 4.334,93 euros au titre du contrat de crédit et frais de procédures.

Par ordonnance du 6 juin 2009, le juge d’instance de Lille a enjoint à [E] [V] et [B] [L] épouse [V] de payer solidairement à la SA FRANFINANCE la somme en principal de 3.697,50 euros, avec intérêts au taux contractuel de 8,19% à compter du 14 mai 2009, outre la somme de 260,85 euros au titre de la clause pénale et les dépens.

Ladite ordonnance a été signifiée à [E] [V] et [B] [L] épouse [V] le 15 juin 2009 par actes d’huissier de justice délivrés selon les formes de l’article 659 du code de procédure civile.

Par actes d’huissier de justice respectivement délivrés à l’étude les 14 novembre 2017 et 20 novembre 2017, la SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG a fait signifier à [B] [L] épouse [V] et [E] [V] la cession à son profit de la créance que détenait à leur encontre la SA FRANFINANCE en vertu de l’ordonnance portant injonction de payer du 6 juin 2009.

Agissant en vertu de l’ordonnance portant injonction de payer du 6 juin 2009, la SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG a, par actes d’huissier respectivement délivrés à personne et à tiers présent au domicile le 14 septembre 2023, fait signifier à [B] [L] épouse [V] et [E] [V] un commandement d’avoir à payer la somme de 6.713,47 euros sous peine de saisie vente de leurs biens.

Par déclarations enregistrées au SAUJ du Tribunal judiciaire de Lille le 16 octobre 2023, [E] [V] et [B] [L] épouse [V] ont formé opposition à l’encontre de l’ordonnance portant injonction de payer du 6 juin 2009.

L’affaire a été appelée à l’audience du 11 mars 2024 lors de laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 17 juin 2024 à la demande du conseil de [B] [L] épouse [V].

Par courrier du 12 juin 2024, le conseil de [B] [L] épouse [V] a indiqué qu’elle ne représenterait pas cette dernière à l’audience du 17 juin 2024, ayant dégagé sa responsabilité.

A l’audience du 17 juin 2024, le juge a relevé d’office les moyens d’ordre public du code de la consommation relatifs aux crédits.

Se référant oralement aux termes de ses dernières écritures visées à l’audience, la SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG, représentée par son conseil, a demandé au juge des contentieux de la protection de :
déclarer [B] [L] épouse [V] malfondée et irrecevable en son opposition ;condamner solidairement [E] [V] et [B] [L] épouse [V] à lui payer la somme de 6.713,47 euros, avec intérêts au taux contractuel de 8,19% l’an ;condamner solidairement [E] [V] et [B] [L] épouse [V] à lui payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner [E] [V] et [B] [L] épouse [V] aux dépens.
Pour conclure à l’irrecevabilité de l’opposition formée par [B] [L] épouse [V], elle soutient que celle-ci a été faite postérieurement au délai d’un mois suivant délivrance du commandement de payer aux fins de saisie vente délivré à sa personne le 14 septembre 2023.

Elle ajoute que sa demande est bien fondée au regard des pièces qu’elle verse aux débats.

Régulièrement convoqués par le greffe, [E] [V] et [B] [L] épouse [V] n’ont pas comparu.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 7 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’opposition

Aux termes de l’article 1416 du code de procédure civile, l’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance.

Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

Une ordonnance portant injonction de payer, même revêtue de la formule exécutoire, est susceptible d’opposition dans les conditions prévues à l’article 1416 du code de procédure civile.

En application de l’article 641 du code de procédure civile, lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.
Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
Aux termes de l’article 642 du même code, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

En l’espèce, aucun acte n’a été signifié à la personne de [E] [V], de sorte que son opposition est recevable.

Le commandement de payer aux fins de saisie vente du 14 septembre 2023 constitue le premier acte délivré à la personne de [B] [L] épouse [V].

Le 14 octobre 2023 était un samedi, en sorte que [B] [L] épouse [V] avait jusqu’au 16 octobre 2023 à 24h pour former opposition.

Le tampon du SAUJ, daté du 16 octobre 2023, permet d’établir que ce délai a été respecté.

Par conséquent, [E] [V] et [B] [L] épouse [V] seront déclarés recevables en leur opposition.

Il convient dès lors de mettre à néant l’ordonnance rendue le 6 juin 2009 et de lui substituer le présent jugement.

Sur la demande en paiement du solde du prêt

A titre liminaire, il convient de relever que la requérante, qui se borne à conclure au bienfondé de ses demandes « au regard des pièces produites », n’invoque pas le fondement juridique de son action. En l’absence de précision sur ce point, il convient de considérer, au regard des articles listés au visa de son dispositif, qu’elle fonde sa demande sur les dispositions de l’article L.311-30 du code de la consommation.

Sur la recevabilité de l’action
Aux termes de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

La forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge en vertu de l’article 125 du code de procédure civile comme étant d’ordre public.

Aux termes de l’article L 311-37 du code de la consommation dans sa version applicable à la date du contrat de crédit telle qu’issue de la loi n°95-125 du 8 février 1995, désormais repris par l’article R 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire (anciennement tribunal d’instance) dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, la SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG verse l’historique de compte retraçant les opérations enregistrées depuis le déblocage des fonds jusqu’à la transmission de la créance au service contentieux. Il en résulte que l’action en paiement a pris naissance au premier incident de paiement non régularisé situé au mois de mai 2008, soit moins de deux ans avant la signification de l’ordonnance portant injonction de payer effectuée le 15 juin 2009.

La SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG est donc recevable à agir en paiement.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Aux termes de l’article L.311-30 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat de crédit telle issue de la loi 93-949 du 27 juillet 1993, « En cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret. »

En application de ce texte, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
En l’espèce, le contrat de crédit litigieux stipule qu’en cas de défaillance de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.

Une telle clause n’affranchit pas de manière expresse et non équivoque le prêteur de délivrer une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Or, la requérante ne justifie pas qu’ait été adressée aux emprunteurs, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Seule est en effet versée aux débats une sommation d’avoir à payer sans délai le solde du contrat de crédit.

Il s’ensuit que la déchéance du terme n’est jamais intervenue, de sorte que la SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG ne peut solliciter le paiement du solde du contrat de crédit litigieux en application des dispositions susvisées.

Par conséquent, la SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires

La SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire par application de l’article 514 du code de procédure civile.

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