La société Banque Populaire Rives de Paris a accordé un crédit personnel de 12 000 euros à Mme [W] [O] le 20 novembre 2021, remboursable en 40 mensualités de 316,42 euros à un taux nominal de 3,15%. Suite à des impayés, la banque a obtenu le 10 juillet 2023 une ordonnance d’injonction de payer pour un montant total de 10 279,23 euros, plus des intérêts et des frais d’assurance, signifiée à Mme [W] [O] le 24 octobre 2023.
Mme [W] [O] a contesté cette décision par lettre recommandée reçue le 27 novembre 2023, entraînant une convocation des parties à une audience. Lors de l’audience du 21 mai 2024, la banque a demandé le paiement de 10 192,62 euros, avec intérêts, et a sollicité la résiliation judiciaire du contrat pour défaut de paiement, indiquant que le premier incident de paiement avait eu lieu le 4 juillet 2022. Mme [W] [O] ne s’est pas présentée à l’audience, et le tribunal a décidé de statuer par jugement réputé contradictoire, avec une décision mise en délibéré au 5 septembre 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Madame [W] [O]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Coralie-alexandra GOUTAIL
Pôle civil de proximité
■
PCP JCP fond
N° RG 24/01128 – N° Portalis 352J-W-B7H-C33QR
N° MINUTE :
1 JCP
JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024
DEMANDERESSE
Société BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Coralie-alexandra GOUTAIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0201
DÉFENDERESSE
Madame [W] [O], demeurant [Adresse 1]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier
Décision du 05 septembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/01128 – N° Portalis 352J-W-B7H-C33QR
Selon offre préalable acceptée le 20 novembre 2021, la société Banque Populaire Rives de Paris a consenti à Mme [W] [O] un crédit personnel d’un montant en capital de 12000 euros remboursable au taux nominal de 3,15% (soit un TAEG de 3,45%) en 40 mensualités de 316,42 euros hors assurance.
Des échéances étant demeurées impayées, la société Banque Populaire Rives de Paris a, le 10 juillet 2023, obtenu du tribunal judiciaire de Paris une ordonnance d’injonction de payer la somme de 10279,23 euros au titre du prêt, outre 194,49 euros d’intérêts et 83,52 euros au titre de l’assurance échue impayée, qu’elle a fait signifier à Mme [W] [O] par acte d’huissier du 24 octobre 2023.
Mme [W] [O] a formé opposition par lettre recommandée reçue le 27 novembre 2023 contestant sa condamnation et les parties ont été convoquées à l’audience par les soins du greffe.
L’affaire a été appelée à l’audience du 21 mai 2024, à laquelle la société Banque Populaire Rives de Paris, représentée par son conseil, a sollicité le paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
10 192,62 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 3,45% à compter du 21 février 2023, et capitalisation des intérêts, avec prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l’emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière, 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande, la société Banque Populaire Rives de Paris fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 21 février 2023, rendant la totalité de la dette exigible. Elle situe le premier incident de paiement non régularisé au 4 juillet 2022.
Bien que régulièrement convoquée à l’audience par courrier recommandé avec accusé de réception, Mme [W] [O] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2024.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce, la défenderesse, à l’origine de l’opposition, n’a pas comparu, de sorte qu’il sera fait application des dispositions précitées.
Sur la recevabilité de l’opposition
Aux termes de l’article 1416 du code de procédure civile, l’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
En l’espèce l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée à étude à Mme [W] [O] le 24 octobre 2023.
L’opposition, formée le 27 novembre 2023, est recevable. Il convient de statuer à nouveau sur les demandes de la société Banque Populaire Rives de Paris, le présent jugement se substituant à l’ordonnance d’injonction de payer en application de l’article 1420 du code de procédure civile.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 21 mai 2024.
L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.
La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).
En l’espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 29 novembre 2021, soit postérieurement au délai de sept jours précité courant à compter du 20 novembre 2021, de sorte qu’aucune nullité n’est encourue.
Sur la forclusion
L’article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance de 4 juillet 2022 de sorte que la demande effectuée le 24 octobre 2023 n’est pas atteinte par la forclusion.
Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).
Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636), étant précise qu’il n’a pas à justifier de la remise effective de la mise en demeure au débiteur (Ccass 1ère civ, 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20.680).
En l’espèce, une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 2471 euros précisant le délai de régularisation (de 8 jours) a bien été envoyée le 15 février 2023 ainsi qu’il en ressort de l’avis de recommandé produit (l’avis de réception ayant été par ailleurs signé le 16 février 2023).
Il résulte toutefois des éléments versés aux débats que la déchéance du terme a été prononcée le 21 février, soit avant l’expiration du délai de 8 jours qui avait été donné à Mme [W] [O] pour régulariser sa dette.
Il en résulte que la déchéance du terme n’a pu régulièrement intervenir et qu’il convient ainsi d’examiner la demande subsidiaire en prononcé de résolution judiciaire.
En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
En l’espèce, il ressort de l’historique de compte produit que les échéances du prêt sont impayées depuis le mois de juillet 2022 et que depuis et jusqu’à ce jour, seule la somme de 1965,73 euros a été versée, alors que le paiement des mensualités de remboursement figure comme première essentielle de l’emprunteur.
Ce défaut de paiement pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit aux torts de l’emprunteur au jour du présent jugement.
Sur le montant de la créance
La résolution d’un contrat de prêt entraîne la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion (Ccass 1ère civ., 14 novembre 2019 n°18-20955).
Dès lors, l’emprunteur est tenu de restituer le capital prêté, moins les sommes qu’il a déjà versées.
Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la BANQUE à hauteur de la somme de 10 034,27 euros au titre du capital restant dû (12000 – 1965,73 euros de règlements déjà effectués) avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’injonction de payer en application de l’article 1231-6 du code civil.
En ce qui concerne la clause pénale, l’indemnité de 8% du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt est manifestement excessive compte tenu du préjudice réellement subi par la banque, qui percevra des dommages et intérêts moratoires consistant en des intérêts au taux légal, laquelle sera réduite à 1 euro.
Sur la capitalisation des intérêts légaux
Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.
Il y a en conséquence lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts échus, à compter de l’assignation, sous réserve qu’ils soient dus pour une année entière.
Sur les demandes accessoires
Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Banque Populaire Rives de Paris les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 500 euros lui sera donc allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,
Déclare recevable l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer du 10 juillet 2023 formée par Mme [W] [O] et statuant à nouveau :
Rappelle que le présent jugement se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer ;
Constate que les conditions de prononcé régulier de la déchéance du terme du prêt personnel du 20 novembre 2021 de 12000 euros accordé par la société Banque Populaire Rives de Paris à Mme [W] [O] ne sont pas réunies ;
Prononce la résolution judiciaire du prêt personnel du 20 novembre 2021 de 12000 euros accordé par la société Banque Populaire Rives de Paris à Mme [W] [O] aux torts de l’emprunteur ;
Condamne Mme [W] [O] à verser à la société Banque Populaire Rives de Paris la somme de 10 034,27 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’injonction de payer, le 24 octobre 2023;
Condamne Mme [W] [O] à verser à la société Banque Populaire Rives de Paris la somme de 1 euro au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’injonction de payer, le 24 octobre 2023;
Ordonne la capitalisation des intérêts échus et dus pour une année entière à compter de la signification de l’injonction de payer, le 24 octobre 2023.
Condamne Mme [W] [O] à verser à la société Banque Populaire Rives de Paris la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [W] [O] aux dépens ;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.
Le greffier, Le juge des contentieux
de la protection