Conditions de mise en cause et d’expertise dans les relations contractuelles

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Conditions de mise en cause et d’expertise dans les relations contractuelles

Le 6 octobre 2022, le juge des référés a ordonné une expertise dans un litige entre la SCI ARBRE PRESTIGE et la société PINSON PAYSAGE, avec intervention de la société INEO TERTIAIRE IDF et mise en cause de plusieurs autres sociétés. La SCI ARBRE PRESTIGE, maître d’ouvrage, avait confié à PINSON PAYSAGE des travaux d’aménagement extérieur, incluant l’éclairage, sous-traités à INEO TERTIAIRE IDF. Après réception des travaux, des désordres liés à l’humidité sur certains luminaires sont apparus.

Le 29 juin 2023, la Cour d’appel de Versailles a infirmé l’ordonnance de 2022, réintégrant les sociétés LIGHT GRAPHIX LTD et INCIDENCE dans la procédure et déclarant les opérations d’expertise communes et opposables à ces sociétés. Les opérations d’expertise sont en cours.

Le 4 juin 2024, INEO TERTIAIRE IDF a assigné les sociétés [T] [S] ET COMPAGNIE et QUALICONSULT pour rendre communes l’ordonnance et les opérations d’expertise, demandant 2000 euros à QUALICONSULT pour frais irrépétibles. INEO soutient que [T] [S] a agi en tant que maître d’œuvre et QUALICONSULT en tant que contrôleur technique, justifiant ainsi leur mise en cause.

QUALICONSULT conteste cette demande, affirmant que les aménagements paysagers étaient exclus de son périmètre d’intervention, et demande 1000 euros à INEO pour frais. La décision est mise en délibéré au 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG
24/00958
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
17 SEPTEMBRE 2024

N° RG 24/00958 – N° Portalis DB22-W-B7I-SD2V
Code NAC : 54G
AFFAIRE : S.N.C. INEO TERTIAIRE IDF C/ S.A.S. [T] [S] ET COMPAGNIE, S.A.S. QUALICONSULT

DEMANDERESSE

La Société INEO TERTIAIRE IDF,
Société en nom collectif immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°429 425 150, dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Me Philippe EL FADL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L 293, Me Aliénor DE BROISSIA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 135

DEFENDERESSES

La Société [T] [S] ET COMPAGNIE,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180, Me Victor EDOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P21

La Société QUALICONSULT,
Société par actions simplifiée à associé unique au capital de 1 440 000,00 euros, immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n°401 449 855, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Me Chantal DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 334, Me Fabrice DE COSNAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P133

Débats tenus à l’audience du : 20 Août 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée lors des débats et de Virginie DUMINY, Greffier lors du prononcé;

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 20 Août 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

FAITS ET PROCEDURE

Par ordonnance du 6 octobre 2022 (RG 22/532), le juge des référés de ce tribunal a ordonné une mesure d’expertise, confiée à M. [K] [C], dans une instance opposant la SCI ARBRE PRESTIGE, demanderesse à l’expertise, à la société PINSON PAYSAGE, défenderesse, avec partie intervenante la société INEO TERTIAIRE IDF mettant en cause la société LIGHTING DESIGN INTERNATIONAL, la société LIGHT GRAPHIX LTD et la société INCIDENCE. Les sociétés LIGHT GRAPHIX LTD et INCIDENCE ont été mises hors de cause.

Il était rappelé que la SCI ARBRE PRESTIGE, agissant en qualité de maître d’ouvrage, a confié à la société PINSON PAYSAGE différentes prestations de service portant sur les aménagements extérieurs du [Adresse 4], comprenant notamment la réalisation de l’éclairage linéaire des haies de la perspective principale. La fourniture et la pose des éclairages a été sous-traitée par la société PINSON ET PAYSAGES à la société INEO TERTIAIRE IDF, laquelle a ainsi réalisé la pose de 290 luminaires fabriqués par la société LIGHT GRAPHIX et distribués en France par la société INCIDENCE suivant un CCTP éclairage rédigé par la société LIGHTING DESIGN INTERNATIONAL. Après réception des travaux et levée des réserves, des désordres sont apparus sur certains luminaires en raison de présence d’humidité.

Par arrêt du 29 juin 2023, la Cour d’appel de Versailles a infirmé l’ordonnance du 6 octobre 2022 en ce qu’elle a mis hors de cause les sociétés LIGHT GRAPHIX LTD et INCIDENCE et en ce qu’elle a condamné la société INEO TERTIAIRE IDF à les indemniser au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et déclaré communes et opposables aux sociétés LIGTH GRAPHIX LTD et INCIDENCE les opérations d’expertise.

Les opérations d’expertise sont toujours en cours.

Par acte de Commissaire de Justice délivré le 4 juin 2024, la société INEO TERTIAIRE IDF a assigné la société [T] [S] ET COMPAGNIE et la société QUALICONSULT pour leur voir rendre communes l’ordonnance précédemment intervenue et les opérations d’expertise.

Aux termes de ses conclusions, la demanderesse maintient sa demande et sollicite de voir condamner la société QUALICONSULT à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Elle soutient que la société [T] [S] est intervenue en qualité de maître d’œuvre investi d’une mission complète selon contrat MOE, et que la société QUALICONSULT est intervenue en qualité de contrôleur technique, investie des missions CRE (vérification de la continuité radioélectrique) et VIEL (Vérification Initiale des Installations Electriques).

Elle précise que dans le cadre des investigations et échanges de documents intervenus en cours d’expertise, il est apparu que le maître d’ouvrage s’était adjoint le concours des sociétés [T] [S] ET COMPAGNIE, en qualité de maître d’œuvre investi d’une mission complète portant sur l’intégralité du lot confié à PINSON PAYSAGE en ce compris le volet électricité, ainsi que de la société QUALICONSULT investie en particulier d’une mission de contrôle portant sur les installations électriques objet du litige. Elle justifie donc d’un intérêt légitime dès lors qu’il n’est pas exclu qu’une responsabilité des sociétés QUALICONSULT ou [T] [S] ET COMPAGNIE puisse être recherchée au fond. Elle ajoute que l’expert judiciaire a, comme d’usage, été consulté sur cette mise en cause et a fait part de son accord.

Elle relève que le litige ne porte pas sur des « aménagements extérieurs paysagés » ou des « murs de soutènements » mais sur des installations électriques extérieures, lesquelles se rattachent au demeurant à la desserte privative de l’ouvrage (et ne sont donc pas concernées par la case mais inclues dans les missions de base, la case en question étant sans emport sur l’étendue du marché QUALICONSULT concernant les désordres en litige, et que le CCAG du lot jardin mentionne expressément que les travaux sont conduits sous le contrôle technique de QUALICONSULT, qui par ailleurs, en qualité de professionnel du contrôle technique, n’ignore pas qu’il serait de toutes façons de son devoir de conseiller son client sur l’étendue des missions qui doivent être souscrites.

La société [T] [S] ET COMPAGNIE a formulé protestations et réserves.

Aux termes de ses conclusions, la société QUALICONSULT sollicite de voir rejeter la demande de la société INEO TERTIAIRE, dès lors que les aménagements paysagers étaient exclus de son périmètre d’intervention, et condamner la société INEO TERTIAIRE à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Elle fait valoir qu’il ressort de la convention de contrôle technique conclue avec le maître d’ouvrage, la SCI CHATEAU LOUIS XIV, aux droits desquels vient aujourd’hui la société ARBRE PRESTIGE, que les éléments extérieurs paysagers n’ont pas été inclus dans le périmètre de la mission (convention de contrôle du 28 février 2017) étant rappelé que l’expertise judiciaire porte sur les luminaires des aménagements paysagers extérieurs ; par conséquent, la société INEO TERTIAIRE ne dispose d’aucun motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 17 septembre 2024.

MOTIFS

En application de l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Il sera rappelé par ailleurs que la juridiction des référés peut, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, déclarer commune à une autre partie une mesure d’instruction qu’elle a précédemment ordonnée en référé. Pour ce faire, il est nécessaire, et suffisant, conformément aux conditions prévues par ce texte, qu’il existe un motif légitime de rendre l’expertise commune à d’autres parties que celles initialement visées.

En l’espèce, il n’est pas contesté qu’un contrat a été conclu entre le SCI CHATEAU LOUIS XIV (aujourd’hui SCI ARBRE PRESTIGE) et la société [T] [S] ET COMPAGNIE, laquelle formule protestations et réserves.

De même, un contrat a été conclu entre le SCI CHATEAU LOUIS XIV (aujourd’hui SCI ARBRE PRESTIGE) et la société QUALICONSULT, en date du 28 février 2017, stipulant que le souscripteur confie à QUALICONSULT les missions de contrôle technique, de vérifications et d’attestations, portant notamment sur : « Fonctionnement des installations », « Vérification initiale des installations électriques avant mise sous tension » et « Vérification des installations électriques avant mise sous tension ». Le motif légitime est ainsi suffisamment caractérisé.

La demande de mise hors de cause de la société QUALICONSULT sera donc rejetée.

Il convient de faire droit à la demande dans les conditions qui seront détaillées au dispositif de la présente décision.

Les dépens seront mis à la charge de la demanderesse.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant en qualité de juge des référés, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,

Rejetons la demande de mise hors de cause de la société QUALICONSULT,

Déclarons communes et opposables à la société [T] [S] ET COMPAGNIE et la société QUALICONSULT les opérations d’expertise confiées à M. [K] [C] par ordonnance du juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles du 6 octobre 2022 (RG 22/532),

Disons que la société INEO TERTIAIRE IDF communiquera l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert,

Disons que l’expert devra poursuivre sa mission après avoir mis la société [T] [S] ET COMPAGNIE et la société QUALICONSULT en mesure de présenter leurs observations sur les opérations auxquelles il a déjà été procédé,

Disons que l’expert devra convoquer la société [T] [S] ET COMPAGNIE et la société QUALICONSULT à la prochaine réunion d’expertise, au cours de laquelle elles seront informées des diligences déjà accomplies et invitées à formuler leurs observations,

Laissons les dépens à la charge de la demanderesse.

Prononcé par mise à disposition au greffe le DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le Greffier La Première Vice-Présidente

Virginie DUMINY Gaële FRANÇOIS-HARY


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