Conditions de la marque renommée : Cora c/ Coravin
Conditions de la marque renommée : Cora c/ Coravin
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La société Cora qui est une société ancienne et connue comme exploitant des hypermarchés, si elle jouit d’une forte notoriété sur sa zone de chalandise, n’a pas établi que sa marque présentait les caractéristiques d’une marque renommée.

La  renommée du signe « Cora », en tant qu’enseigne de la grande distribution pour une partie significative du public, n’avait pas pour effet de conduire le public concerné à associer ce signe à une marque déposée pour désigner divers produits destinés au ménage et à la cuisine, la cour d’appel a exactement déduit que la renommée de la marque « Cora » n° 1 274 805 n’était pas établie pour ces produits visés à son enregistrement.

Par ailleurs, aux yeux du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé, l’impression d’ensemble résultant de la comparaison des signes opposés était suffisamment différente pour exclure tout risque de confusion, voire d’association, même pour des produits ou services similaires, la cour d’appel, qui ne s’est pas contredite et qui n’était pas tenue de répondre au moyen visé par la seconde branche, tiré de la connaissance de la marque première, inopérant dans la mesure où elle avait exclu toute similitude entre les signes, a légalement justifié sa décision.

___________________________________________________________________________________________

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

Cour de cassation, Chambre commerciale

5 janvier 2022

Pourvoi 19-22.673, Inédit

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 5 janvier 2022

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 4 F-D

Pourvoi n° N 19-22.673

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JANVIER 2022

1°/ la société Cora, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société Louis Delhaize financière et de participation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Belgique),

ont formé le pourvoi n° N 19-22.673 contre l’arrêt rendu le 14 juin 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant à la société Coravin Inc., dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis), défenderesse à la cassation.

La société Coravin Inc a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Cora et Louis Delhaize financière et de participation, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Coravin Inc., et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2019) la société Cora, qui appartient à la société Louis Delhaize financière et de participation (la société Delfipar), exerce son activité dans la grande distribution sous l’enseigne et le nom commercial « Cora » et est titulaire de la marque française verbale « Cora » n° 1 274 805, déposée le 5 décembre 1974, régulièrement renouvelée depuis, qui vise notamment des « outils et instruments à main ; coutellerie, fourchettes et cuillers » et des « petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine (non en métaux précieux ou en plaqué), à l’exception des appareils à faire le café » en classes 8 et 21.

2. La société Coravin est une société de droit américain qui a pour activité la fabrication et la commercialisation, notamment en France, de produits permettant de servir du vin sans retirer le bouchon, vendus sous la dénomination « Coravin ». Elle est titulaire d’une marque verbale de l’Union européenne « Coravin » n° 011 363 496, déposée sous priorité d’une marque américaine, qui a été limitée par la société Coravin, après son enregistrement, aux seuls produits suivants de la classe 21 : « bouchons-verseurs pour le vin ; dispositifs d’accès au vin ; systèmes pour la conservation du vin ; ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine, tous destinés à être utilisés avec du vin. »

3. La société Cora a assigné la société Coravin en responsabilité pour atteinte à la renommée de la marque « Cora » n° 1 274 805. Parallèlement, la société Coravin a assigné la société Delfipar en annulation, pour dépôt frauduleux, de la marque française « Cora Wine » n° 4 136 852, déposée le 26 novembre 2014 pour désigner des produits et services des classes 11, 20, 21 et 35 liés à l’univers du vin. Les deux instances ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches, et sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Cora et Delfipar font grief à l’arrêt de débouter la société Cora de sa demande formée au titre de l’atteinte à la renommée de sa marque française « Cora » n° 1 274 805 et de rejeter toutes ses autres demandes contraires à la motivation, alors :

« 1°/ que pour qu’une marque puisse être considérée comme renommée, il suffit qu’une partie significative du public concerné par les produits ou services visés connaisse le signe qui la constitue ; que lorsque la marque en cause est constituée d’un signe qui est utilisé également à titre de nom commercial ou d’enseigne, il suffit donc qu’une partie significative du public pertinent connaisse ce nom commercial ou cette enseigne ; qu’en retenant que la preuve de la renommée de la marque « Cora » n° 1 274 805 ne serait pas à suffisance rapportée, tout en relevant que la société Cora est une société ancienne et connue comme exploitant des hypermarchés, que l’enseigne de commerce Cora est connue en France dans la grande distribution « laquelle inclut les produits invoqués au titre de la contrefaçon », c’est-à-dire les produits couverts par la marque litigieuse, et par motifs adoptés, que les éléments invoqués par les exposants permettent de justifier de la notoriété de l’enseigne « Cora » dans le secteur de la grande distribution, la cour d’appel, qui n’a ainsi nullement constaté que le signe « Cora » ne serait pas connu d’une partie significative du public concerné par les produits couverts par la marque litigieuse, a violé l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

2°/ qu’à tout le moins, une marque doit être considérée comme renommée, lorsque le signe qui la constitue est connu comme enseigne par une partie significative du public pertinent et que ce dernier est conduit à faire un lien entre cette enseigne connue et les produits et services visés par la marque ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même relevé que la connaissance de l’enseigne « Cora » ou de son activité d’hypermarché/supermarché sur sa zone de chalandise ne pouvait qu’amener spontanément sa clientèle à comprendre que l’apposition sur partie des produits et services qu’elle propose dans le cadre de cette activité portant mention du signe éponyme « Cora » en identifie l’origine, et a ainsi constaté l’existence d’un lien fait par la clientèle des hypermarchés « Cora » entre l’enseigne « Cora » et les produits revêtus de la marque éponyme ; qu’en refusant néanmoins de considérer que l’existence d’un tel lien serait de nature à rapporter la preuve de la renommée de la marque « Cora », sans constater que l’enseigne « Cora » ne serait pas connue d’une partie significative du public auquel s’adressent les produits et services couverts par la marque, la cour d’appel a violé l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. »

Réponse de la Cour

6. L’arrêt relève que la société Cora est une société ancienne et connue comme exploitant des hypermarchés, qu’elle jouit d’une forte notoriété sur sa zone de chalandise et que, notamment, sur cette zone, une personne sur cinq la cite spontanément parmi les marques d’hypermarchés/supermarchés.

7. Il retient, par motifs adoptés, que les éléments versés aux débats sont néanmoins insuffisants pour justifier de la renommée de la marque « Cora » auprès du public concerné par les produits qu’elle désigne, relevant en particulier qu’un sondage montre que les personnes interrogées n’associent pas, dans leur très grande majorité, l’enseigne à la marque, et qu’il n’est pas démontré que les dépenses de publicité sont consacrées à la marque plutôt qu’à l’enseigne.

8. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la renommée du signe « Cora », en tant qu’enseigne de la grande distribution pour une partie significative du public, n’avait pas pour effet de conduire le public concerné à associer ce signe à une marque déposée pour désigner divers produits destinés au ménage et à la cuisine, la cour d’appel a exactement déduit que la renommée de la marque « Cora » n° 1 274 805 n’était pas établie pour ces produits visés à son enregistrement.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Les sociétés Cora et Delfipar font grief à l’arrêt de débouter la société Cora de son action en contrefaçon de la marque française « Cora » n° 1 274 805 et de rejeter toutes autres demandes de cette société contraires à la motivation, alors :

« 1°/ que l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, et notamment de la connaissance de la marque antérieure sur le marché ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen aura pour effet de remettre en cause, non seulement le constat de l’arrêt selon lequel la preuve de la renommée de la marque antérieure « Cora » ne serait pas rapportée, mais également son appréciation quant à l’absence de risque de confusion ; qu’une telle cassation entraînera donc également, par voie de conséquence, celle du chef de l’arrêt visé par le présent moyen, et ce, par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, et notamment de la connaissance de la marque antérieure sur le marché ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur la connaissance du signe « Cora » sur le marché et de rechercher si, compte tenu du degré de connaissance de ce signe et de l’identité de certains produits en cause, il n’existait pas un risque de confusion dans l’esprit du public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

3°/ qu’en relevant, tout à la fois, d’une part, que le signe « Coravin » renverrait spontanément à la contraction de l’expression « cor à vin », qui serait « usuelle tant en la forme que phonétiquement », et d’autre part, que le signe « Coravin » serait compris comme formant « un tout dénué de sens particulier » et que le terme « cor » serait « perçu comme un terme de fantaisie », la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. En premier lieu, le premier moyen ayant été rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu sans portée.

12. En second lieu, procédant à la comparaison de la marque « Cora » et du signe verbal « Coravin » utilisé à titre de nom commercial, d’enseigne et de marque, l’arrêt retient d’abord que la ressemblance visuelle, tenant à la reprise en attaque dans le même ordre des quatre lettres formant la marque « Cora », est largement occultée par le fait qu’elles sont insérées dans un terme comportant trois lettres supplémentaires en finale dans le signe contesté et que, phonétiquement, malgré une identité des deux syllabes d’attaque « co » et « ra », l’adjonction d’une troisième syllabe « vin » dans le signe « Coravin » modifie sensiblement la prononciation et la sonorité des signes. Intellectuellement, après avoir relevé que l’élément « cora » pouvait être perçu comme un nom sans signification particulière, même s’il peut directement renvoyer à un prénom féminin, évocation totalement inexistante dans le signe « Coravin », il estime que ce dernier sera compris comme formant un tout dénué de sens particulier, même si vraisemblablement en lien avec le vin, compte tenu de la compréhension immédiate de son élément final. Il ajoute que la perception du signe « Coravin », par ailleurs visuellement présenté sans césure, n’incitera pas le public concerné à comprendre le signe contesté en deux termes « cora » et « vin », soit en une déclinaison du terme Cora, mais renverra spontanément à la contraction de l’expression « cor à vin », usuelle tant en la forme que phonétiquement, même si le sens du mot « cor » voulue par l’inventeur du système Coravin n’est pas nécessairement compris comme signifiant « au coeur du vin », mais peut être perçu comme un terme de fantaisie.

13. En l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu’aux yeux du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé, l’impression d’ensemble résultant de la comparaison des signes opposés était suffisamment différente pour exclure tout risque de confusion, voire d’association, même pour des produits ou services similaires, la cour d’appel, qui ne s’est pas contredite et qui n’était pas tenue de répondre au moyen visé par la seconde branche, tiré de la connaissance de la marque première, inopérant dans la mesure où elle avait exclu toute similitude entre les signes, a légalement justifié sa décision.

14. Le moyen n’est donc pas fondé

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. Les sociétés Cora et Delfipar font grief à l’arrêt de débouter la société Cora de sa demande formée sur l’atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial et de rejeter toutes autres demandes de cette société contraires à la motivation, alors :

« 1°/ que pour écarter toute atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial « Cora », la cour d’appel s’est expressément référée à sa motivation sur la contrefaçon ; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen entraînera donc, par voie de conséquence, celle du chef de l’arrêt critiqué par le présent moyen, et ce par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que la connaissance sur le marché du signe constituant la dénomination sociale ou le nom commercial antérieur constitue un facteur pertinent qui doit être pris en compte pour l’appréciation du risque de confusion ; qu’en l’espèce, pour écarter toute atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial « Cora », la cour d’appel a relevé que “si l’enseigne de commerce Cora, qui correspond à son nom commercial et à sa dénomination sociale, est connue en France dans la grande distribution, laquelle inclut la vente, outre [d]es produits invoqués au titre de la contrefaçon de marque, notamment celle de vin de divers producteurs, y compris des grands crus« , il ne pourrait en être déduit l’existence d’un risque de confusion »alors que l’existence d’un tel risque doit être démontrée« , et a ensuite retenu, en se référant à sa motivation sur la contrefaçon, que »comme ci-dessus retenu, il n’existe aucun risque de confusion entre les signes en cause, y compris pour des produits identiques” ; que cependant, dans sa motivation sur la contrefaçon, la cour d’appel n’avait pas pris en considération la connaissance de l’enseigne « Cora » comme facteur pertinent pour l’appréciation du risque de confusion entre la marque « Cora » et le signe « Coravin » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, tout en relevant la connaissance de l’enseigne Cora sur le marché, mais en subordonnant les effets de cette circonstance à l’existence d’un risque de confusion, alors que l’existence de ce risque doit être appréciée au regard de l’ensemble des facteurs pertinents de la cause, parmi lesquels figure précisément la connaissance du signe antérieur sur le marché, la cour d’appel a violé l’article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

16. D’une part, le premier moyen ayant été rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu sans portée.

17. D’autre part, l’arrêt retient que si la dénomination sociale, le nom commercial et l’enseigne « Cora » sont connus en France dans le domaine de la grande distribution, il ne peut pour autant en être déduit qu’il existe un risque de confusion avec la dénomination « Coravin », dès lors que la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes, opérée au titre de la contrefaçon de marque, a fait ressortir que les ressemblances relevées étaient insuffisantes pour établir l’existence d’un risque de confusion, voire d’association entre les signes en cause, y compris pour des produits identiques. Il ajoute que la société Coravin s’est fait connaître en France comme une société innovante dont la dénomination, comme les noms de domaine, correspondent au nom donné à son dispositif et ses accessoires, qu’elle a toujours présentés comme le fruit de ses propres recherches.

18. En cet état, c’est sans encourir le grief de la seconde branche que la cour d’appel a retenu qu’en dépit de la connaissance de l’enseigne « Cora » sur le marché de la grande distribution, il n’existait pas de risque de confusion entre les dénominations sociales et noms commerciaux en présence.

19. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Cora et Louis Delhaize financière et de participation et les condamne solidairement à payer à la société Coravin Inc. la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Cora et Louis Delhaize financière et de participation.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Cora de sa demande formée au titre de l’atteinte à la renommée de sa marque française « Cora » n° 1 274 805 et rejeté toutes autres demandes de cette société contraires à la motivation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La société Cora maintient que sa marque verbale Cora est renommée et bénéficie ainsi d’une protection au-delà du principe de spécialité.

Toutefois, une marque est renommée ou notoire si elle est connue d’une partie signifiante du public concerné pour les produits ou services couverts par cette marque, cette connaissance pouvant être établie par sondages. Le juge doit prendre en compte tous les éléments pertinents de la cause à savoir notamment ainsi qu’exactement rappelé par les premiers juges, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés pour la promouvoir.

Le tribunal a retenu que les éléments produits étaient insuffisants à justifier de la renommée de la marque Cora auprès du public concerné, relevant en particulier que le classement revendiqué de 2012 concernait les enseignes, que le sujet du baccalauréat professionnel 2010 ne portait que sur l’enseigne Cora, que le sondage de 2014 montrait que les personnes interrogées n’associent pas, dans leur très grande majorité, l’enseigne à la marque, qu’enfin il n’était pas démontré à suffisance que des dépenses de publicité ont été consacrées à la marque et non à l’enseigne.

Certes la société Cora est une société ancienne et connue comme exploitant des hypermarchés mais il ressort des pièces produites en première instance qu’en 2012 elle occupait, avec d’autres, la 61 ème place sur 84 au titre des enseignes connues en France (pièce 54) et jouissait en février 2014 sur sa zone de chalandise représentant (selon sa pièce 55) 43 % du territoire d’une forte notoriété (59 % de réponses spontanées). Une nouvelle étude de notoriété d’avril 2018 (pièce 124), qu’elle produit en cause d’appel, montre que toujours sur sa zone de chalandise une personne sur 5 la cite spontanément parmi les marques d’hypermarchés/ supermarchés.

S’il peut être admis que la connaissance de l’enseigne Cora ou de son activité d’hypermarché/supermarché sur sa zone de chalandise ne peut qu’amener spontanément sa clientèle, limitée à moins de la moitié de la clientèle du territoire métropolitain, à comprendre que l’apposition sur partie des produits et services qu’elle propose dans le cadre de cette activité portant mention du signe éponyme « cora » en identifie l’origine, il ne peut en être déduit que la marque Cora est notoirement connue en France par le public concerné par les produits et services commercialisés par ce type de distributeur.

La société Cora produit également des éléments sur son chiffre d’affaires, ou ses achats, en particulier pour les petits ustensiles de cuisine, mais il ressort de sa pièce 145 (article publié le 14 décembre 2017, du magazine professionnel LSA) que l’enseigne ne détenait que 2,3 % des parts de marché des distributeurs tandis que son chiffre d’affaires la même année s’établissait à 4,69 milliards d’euros (selon sa pièce 127) et pour les petits ustensiles pour la cuisine et le ménage à un peu plus de 2,5 millions d’euros dont moins d’1,5 million pour ceux de marque Cora, étant précisé que les extraits de catalogues précédemment examinés montrent globalement que la société Cora ne commercialise pas majoritairement des produits de marque Cora.

Par ailleurs, si elle justifie de dépenses promotionnelles, aucun élément ne permet d’en apprécier l’importance au regard de celles engagées par d’autres sociétés exerçant comme elle une activité de vente au détail d’un hypermarché ou supermarché, étant observé que le consommateur est habitué aux actions publicitaires et aux catalogues ou prospectus promotionnels des distributeurs. Il s’infère de l’ensemble de ces éléments que la preuve de la renommée de la marque n’est pas à suffisance rapportée et que les demandes pour atteinte à la renommée ne sauraient en conséquence prospérer. La décision dont appel sera en conséquence confirmée sur ce point. » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’« En application de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle :

« la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsable civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».

Il ressort de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de la directive 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, et notamment de son article 5 § 2, que peut être considérée comme renommée la marque qui est connue d’une fraction significative au public concerné par les produits ou services couverts par elle.

Afin d’apprécier la renommée d’une marque, il convient de prendre en compte notamment la part de marché occupée par la marque, la connaissance de la marque pour le public concerné, le cas échéant fondée sur des sondages d’opinion, l’intensité de son exploitation, son étendue géographique, la durée de son usage, ou encore l’importance des investissements de son titulaire.

En l’espèce, pour justifier de la renommée de la marque française verbale « CORA » déposée le 5 décembre 1974 sous le numéro 1 274 805 pour désigner divers produits et services en classes 1, 4, 8, 10 à 23, 26 à 32, 34 à 36. 38. 39. 41. 42 à 45, et notamment pour la classe les « petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine (non en métaux précieux ou en plaqué), à l’exception des appareils à faire le café », la société CORA justifie exploiter 59 hypermarchés à travers la France, dont trois d’entre eux (CORA à [Localité 5], [Localité 8] et [Localité 7]) sont reconnus comme étant parmi les plus importants en surface (+ de 14 000 mètres carré) et qui réalisent chacun un chiffre d’affaires de plus 138 millions d’euros par an sachant que pour l’ensemble des hypermarchés le chiffre d’affaires s’est élevé en 2013 à 4,88 milliards d’euros.

La société CORA se prévaut en outre du lancement à compter de 1989 de la commercialisation de ses propres produits « CORA » couvrant à la fois des produits alimentaires, ménagers, mais aussi d’un nombre de consommateurs ayant fréquenté en 2012 ses hypermarchés de 3,9 millions, outre de plus de 10 millions d’internautes visitant chaque année le site accessible à l’adresse www.cora.fr (2012, 2013, 2014) et allègue également de dépenses en publicité d’environ 20 millions d’euros en publicité par an entre 2012 et 2014, et de plus de 9 millions en 2015.

Elle justifie en outre avoir été l’objet d’un sujet du baccalauréat professionnel en 2010 et produit un rapport d’étude effectué auprès de 1 000 personnes par l’agence MDTC en février 2014 montrant que l’enseigne CORA affiche 59 % de notoriété spontanée et 94 % de notoriété assistée. Elle produit enfin une étude réalisée par OC&C en 2012 montrant qu’elle est la 61ème enseigne préférée des français.

Cependant, si ces éléments permettent de justifier de la notoriété de l’enseigne CORA dans le secteur de la grande distribution, ils sont insuffisants à justifier précisément de la renommée de la marque CORA invoquée dans le cadre de la présente instance en ce qu’elle garantit pour le consommateur la provenance des produits ou des services qu’elle désigne.

Ainsi, le classement de 2012 invoqué par la société CORA qui la porte au 61ème rang concerne expressément un classement des « enseignes en France ».

Si par ailleurs, la société CORA a été l’objet d’un sujet au baccalauréat 2010 intitulé « CORA », celui-ci n’évoque pas CORA à titre de marque mais bien à titre d’enseigne puisqu’il porte sur une mise en situation du candidat qui est « embauché (e) dans un hypermarché de l’enseigne CORA située à [Localité 6], en périphérie d'[Localité 3] », le libellé dudit sujet ajoutant que « L’enseigne CORA est plus particulièrement implantée dans l’est de la France ».

De même, le sondage invoqué par la société CORA datant de février 2014 est un rapport d’étude intitulé « notoriété CORA & Positionnement de l’enseigne CORA AUTOMOBILE ». Si ce sondage révèle que CORA figure « parmi les enseignes les plus fréquentées » (43 % du panel) et que cette enseigne est dotée d’une « forte notoriété » (94 % des personnes interrogées déclarent connaître l’enseigne CORA), il précise aussi que « pour définir CORA les répondants font référence à des notions en rapport avec la grande distribution : prix/promotion, offre/qualité des produits en citant directement le type de magasin. À noter aucune mention relative au secteur de l’automobile ». Le signe CORA est ainsi essentiellement relié aux hypermarchés et à l’activité commerciale de la société CORA dans le secteur de la grande distribution et non spécialement à la marque CORA.

Au demeurant, ce même sondage tend à établir au contraire de ce que soutient la société CORA, que la marque CORA est peu connue des personnes interrogées dès lors qu’ils ne sont que 11 % à associer CORA à « l’image perçue de la marque » et que ce faisant les personnes interrogées n’associent pas dans leur très grande majorité l’enseigne à la marque, ce qui est de nature à faire obstacle à un raisonnement par analogie consistant à associer la marque CORA à l’enseigne CORA pour en apprécier la notoriété.

En outre, le chiffre d’affaires communiqué ne permet pas de justifier de la part exacte représentée par les produits et services proposés sous la marque CORA par rapport à d’autres produits et services ayant une autre provenance étant observé que la pièce n°42 produite aux débats est une simple liste intitulée « PRODUITS À MARQUE CORA » sous forme d’un tableau comportant 159 pages sans aucune précision sur les volumes commercialisés sous cette marque, et ce faisant insuffisante pour appuyer une demande fondée sur la renommée de la marque.

Enfin, si d’importantes dépenses en publicité sont alléguées, seul un tableau interne est produit pour justifier ces montants (pièce n° 50), ce document étant en outre insuffisant pour démontrer que lesdites dépenses aient été consacrées à la promotion de la marque CORA invoquée pour désigner des produits ou services et non de l’enseigne du même nom.

L’ensemble de ces éléments n’est en conséquence pas de nature à établir la renommée de la marque CORA auprès du public concerné par l’ensemble des produits ou services qui sont couverts par celle-ci. » ;

1°) ALORS QUE pour qu’une marque puisse être considérée comme renommée, il suffit qu’une partie significative du public concerné par les produits ou services visés connaisse le signe qui la constitue ; que lorsque la marque en cause est constituée d’un signe qui est utilisé également à titre de nom commercial ou d’enseigne, il suffit donc qu’une partie significative du public pertinent connaisse ce nom commercial ou cette enseigne ; qu’en retenant que la preuve de la renommée de la marque « Cora » n° 1 274 805 ne serait pas à suffisance rapportée, tout en relevant que la société Cora est une société ancienne et connue comme exploitant des hypermarchés, que l’enseigne de commerce Cora est connue en France dans la grande distribution « laquelle inclut les produits invoqués au titre de la contrefaçon », c’est-à-dire les produits couverts par la marque litigieuse, et par motifs adoptés, que les éléments invoqués par les exposants permettent de justifier de la notoriété de l’enseigne « Cora » dans le secteur de la grande distribution, la cour d’appel, qui n’a ainsi nullement constaté que le signe « Cora » ne serait pas connu d’une partie significative du public concerné par les produits couverts par la marque litigieuse, a violé l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU’à tout le moins, une marque doit être considérée comme renommée, lorsque le signe qui la constitue est connu comme enseigne par une partie significative du public pertinent et que ce dernier est conduit à faire un lien entre cette enseigne connue et les produits et services visés par la marque ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même relevé que la connaissance de l’enseigne Cora ou de son activité d’hypermarché/supermarché sur sa zone de chalandise ne pouvait qu’amener spontanément sa clientèle à comprendre que l’apposition sur partie des produits et services qu’elle propose dans le cadre de cette activité portant mention du signe éponyme « cora » en identifie l’origine, et a ainsi constaté l’existence d’un lien fait par la clientèle des hypermarchés « Cora » entre l’enseigne « Cora » et les produits revêtus de la marque éponyme ; qu’en refusant néanmoins de considérer que l’existence d’un tel lien serait de nature à rapporter la preuve de la renommée de la marque « Cora », sans constater que l’enseigne « Cora » ne serait pas connue d’une partie significative du public auquel s’adressent les produits et services couverts par la marque, la cour d’appel a violé l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le rapport d’étude de l’agence MDTC de février 2014, constituant la pièce 55 des exposantes, indique simplement que sur sa zone de chalandise, l’enseigne « Cora » est fréquentée par 43 % des répondants et qu’elle figure ainsi parmi les enseignes les plus fréquentées, et non que la zone de chalandise de l’enseigne « Cora » représenterait 43 % du territoire français ; qu’en relevant que la zone de chalandise de la société Cora représenterait, selon la pièce 55, 43 % du territoire et qu’ainsi, la clientèle de l’enseigne Cora serait limitée à moins de la moitié de la clientèle du territoire métropolitain, la cour d’appel a dénaturé la pièce 55 des exposantes, en violation de l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE pour qu’une marque puisse être considérée comme renommée, il suffit qu’une partie significative du public concerné par les produits ou services visés connaisse le signe qui la constitue ; qu’en relevant que la société Cora jouirait sur sa zone de chalandise représentant 43 % du territoire d’une « forte notoriété » et que sa clientèle serait « limitée à moins de la moitié de la clientèle du territoire métropolitain », sans caractériser en quoi le signe « Cora » ne serait pas connu d’une partie significative du public français concerné par les produits en cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU’en relevant ainsi que la société Cora jouirait sur sa zone de chalandise représentant 43 % du territoire d’une « forte notoriété » et que sa clientèle serait « limitée à moins de la moitié de la clientèle du territoire métropolitain », sans prendre en considération le fait, invoqué par les exposantes, que les hypermarchés Cora sont fréquentés par 3,9 millions de consommateurs et qu’environ 10 millions d’internautes visitent chaque année les sites internet de Cora, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les arguments et les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties à l’appui de leurs prétentions ; qu’en écartant la renommée de la marque « Cora », sans examiner ni analyser, même sommairement, l’article de la revue « LSA Commerce & Consommation » d’octobre 2017 classant Cora 11ème dans le « Top 100 » des enseignes de distribution en France (pièce n° 143) et le classement OC&C des enseignes 2017-2018 dans lequel Cora figurait au 9ème rang des enseignes nationales dans la catégorie « alimentation généraliste » (pièce n° 144), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE pour apprécier si une marque est renommée, le juge doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause et se livrer à une appréciation globale de celle-ci ; qu’en écartant la renommée de la marque « Cora », sans s’expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que selon l’étude de notoriété d’avril 2018 communiquée par les exposantes, 75 % des répondants citent Cora comme une marque qui commercialise des ustensiles de cuisine et des accessoires relatifs au vin, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Cora de son action en contrefaçon de la marque française « Cora » n° 1 274 805 et rejeté toutes autres demandes de cette société contraires à la motivation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La société Cora conteste encore la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas admis de risque de confusion entre le signe Coravin et sa marque verbale Cora.

Sur la comparaison des produits

Ainsi qu’exactement rappelé en première instance, pour apprécier la similarité des produits ou services il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents et notamment de leur nature, de leur destination, de leur utilisation, de leur caractère concurrent ou complémentaire.

Il n’est pas discuté que les produits à prendre en considération sont, d’une part, les produits précités, désignés dans la marque Cora, d’autre part, les produits commercialisés par la société Coravin sous cette dénomination.

Le dispositif Coravin, qui permet d’accéder au vin contenu dans une bouteille à l’aide d’une aiguille, qui peut s’analyser en un tire-vin ou un système de vin au verre, ne se résume certes pas en un tire-bouchon ou un ouvre-bouteille, quoique ayant pu être présenté comme un substitut du tire-bouchon, ou un tire-bouchon innovant.

Cet appareil, ainsi que sa gamme de consommables et d’accessoires tels les aiguilles, les capsules d’argon (gaz dont l’injection permet la conservation du vin après une première utilisation), les housses ou support de bouteilles, bouchon à vis ou aérateur, s’adressent à une clientèle soucieuse de pouvoir déguster du vin contenu dans une bouteille tout en assurant sa conservation, ainsi qu’à utiliser et transporter ce système Coravin, ou protéger une bouteille de vin.

Il n’en demeure pas moins que le dispositif Coravin, qui permet à la fois de se servir d’un vin embouteillé et de conserver le vin restant dans la bouteille, peut par sa nature et ses fonctions être assimilé à un instrument à main, pouvant manuellement être utilisé par les professionnels dans le domaine du vin, et être considéré comme un petit ustensile pour la cuisine à l’instar de ses accessoires.

Tant l’instrument que ses accessoires sont par ailleurs susceptibles d’être distribués dans des lieux autres que ceux consacrés au domaine du vin. En effet si le système Coravin n’est pas couramment utilisé, s’adressant aux amateurs de vin, ceux-ci n’en constituent pas moins une fraction du grand public. Au demeurant, le degré de technologie du dispositif n’exclut pas qu’il est effectivement distribué dans de grandes enseignes partenaires (tel Darty ou Boulanger) commercialisant, entre autres, des appareils d’électroménager et de petits ustensiles pour la cuisine, ainsi qu’il en est justifié par les pièces produites au débat, et la société Coravin ne conteste pas être en relation avec une plate-forme de vente (Amazon) à destination de tous types de clientèle. Ils ne relèvent ainsi pas de circuits de distribution sélectifs ou réellement distincts mais s’adressant à un public commun à celui des hypermarchés.

Enfin, il ne peut pas être considéré qu’un système permettant de prélever un verre de vin, comme ses accessoires, serait nécessairement sans rapport avec la cuisine, alors qu’il s’agit de produits au service du vin, lequel peut par nature accompagner un plat ou s’incorporer à sa préparation, même s’il a pu être relevé que ‘cet outil mérite de faire le calcul pour les vins de moins de 20 euros’ (pièce 56 de la société Coravin).

Dès lors, il existe une identité ou une similitude entre les divers produits Coravin et les petits ustensiles pour la cuisine et les instruments à main désignés dans l’enregistrement de la marque verbale Cora.

Sur la comparaison des signes

Le signe contesté n’étant pas la reproduction à l’identique de la marque invoquée, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments la composant, il convient de rechercher s’il existe entre les signes en présence un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble par eux produite, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants ainsi que rappelé par les premiers juges.

Il convient de comparer la marque telle qu’enregistrée avec le signe litigieux tel qu’il est exploité. A cet égard si le signe Coravin peut se présenter comme suit :

le terme coravin se trouve également parfois mentionné de manière isolée notamment sur une partie du dispositif Coravin et ainsi utilisé à titre de marque.

Dès lors, il convient de prendre en compte, pour la comparaison des signes, non la représentation complexe incluant un logo distinctif, dominant au plan visuel, ou l’adjonction d’un slogan de nature à modifier l’appréciation de l’élément verbal du signe contesté, mais la seule dénomination « Coravin », laquelle correspond également au nom commercial et aux noms de domaine de la société intimée.

Visuellement, chacun des deux signes en cause « Cora » et « Coravin » est composé d’un terme unique mais d’une longueur différente. La similitude tenant à la reprise en attaque dans le même ordre des quatre lettres formant la marque Cora est largement occultée au plan visuel dans le signe contesté par le fait qu’elles sont insérées dans un terme comportant trois lettres supplémentaires en finale.

Phonétiquement, malgré une identité des deux syllabes d’attaque « co » et « ra » l’adjonction d’une troisième syllabe « vin » dans le signe Coravin modifie sensiblement la prononciation. La sonorité, en deux temps courts, ouverte en finale par le son « ra » de la marque Cora disparaît en effet dans la prononciation plus longue en trois temps, avec une finale « vin » plus fluide du signe contesté, sans rapport avec la précédente.

Intellectuellement, le public français concerné ne connaît pas forcément les définitions latines (pièce 39 de la société Coravin) des mots « cora » et « cor » signifiant respectivement jeune fille et coeur.

Le terme cora peut ainsi être perçu comme un nom sans signification particulière, même s’il peut directement renvoyer à un prénom féminin, évocation totalement inexistante dans le signe Coravin. Ce dernier sera compris comme formant un tout dénué de sens particulier, même si, vraisemblablement, en lien avec le vin compte tenu de la compréhension plus immédiate de cet élément pour des produits identiques ou similaires aux ustensiles pour la cuisine, que de l’élément ‘ravin’ bien que celui-ci ait également un sens en langue française.

Cette perception du signe Coravin, par ailleurs visuellement présenté sans césure, n’incitera pas le public concerné à comprendre le signe contesté en deux termes « cora » et « vin », soit en une déclinaison du terme Cora, mais renverra spontanément à la contraction de l’expression « cor à vin », usuelle tant en la forme que phonétiquement, même si le sens du mot « cor » voulue par l’inventeur du système Coravin (selon l’extrait d’un article daté du 3 janvier 2016 traduit en page 67 des conclusions de la société Coravin) n’est pas nécessairement compris comme signifiant « au coeur du vin » mais perçu comme un terme de fantaisie. Le signe Coravin sera bien, dès lors, retenu au plan conceptuel dans sa globalité distinctive.

Il s’infère en définitive de la comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle des signes en présence une impression d’ensemble suffisamment différente pour exclure un risque de confusion, même pour des produits identiques ou similaires, dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé, lequel ne serait pas fondé à considérer la marque seconde comme une déclinaison de la marque première et attribuer aux produits couverts par la marque Cora en cause et à ceux exploités sous la dénomination Coravin une origine commune ni à les associer comme provenant d’entreprises économiquement liées.

Il sera ajouté que si un rapport d’étude en ligne d’avril 2016 (pièce 94 de la société Cora) montre que dans sa zone de chalandise 2/3 des répondants évoquent Cora comme lieu où l’on peut acheter les produits Coravin il n’en ressort pas pour autant que puisse exister un risque de confusion entre les signes, étant observé que la société Cora, même si elle dispose de références propres est connue comme un généraliste de la distribution qui commercialise toutes sortes de marques de produits y compris pour des ustensiles pour la cuisine ou des instruments à main.

Par ailleurs, les extraits des résultats du moteur de recherche Google montrent clairement que les liens Coravin sont distincts de ceux de Cora et qu’il n’existe aucun risque de confusion possible pour un internaute normalement attentif entre les annonces de la société Coravin et celles de foires au vin organisées par la société Cora, ni entre les sites internet coravin et cora ainsi que justement relevé par les premiers juges. Même si le site internet de la société Cora n’apparaît pas en première position en saisissant les deux termes « cora » et « vin », la copie d’écran la plus récente du 15 février 2018 (pièce 99) produite par cette société montre que sa foire aux vins demeure annoncée distinctement en première page.

Il ne peut dès lors être retenu une contrefaçon de la marque Cora par l’utilisation de la dénomination Coravin pour distinguer des produits ou services en cause, ni des noms de domaine internet permettant de les identifier, ni du nom commercial identifiant la société intimée auprès de la clientèle.

L’ensemble des demandes pour contrefaçon de marque seront donc rejetées, le jugement étant également confirmé sur ce point. »

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Il a été précédemment exposé que la société CORA est titulaire de la marque française verbale « CORA » déposée le 5 décembre 1974 sous le numéro 1 274 805 pour désigner en classe 21 les « petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine (non en métaux précieux ou en plaqué), à l’exception des appareils à faire le café ».

L’action en contrefaçon est dirigée contre la société CORAVIN qui exploite un produit dénommé « CORAVIN » permettant la consommation d’une bouteille de vin sans avoir à en extraire le bouchon.

L’article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ».

Pour apprécier la demande en contrefaçon, il y a lieu de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d’association dans l’esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et du consommateur normalement attentif et raisonnablement averti qui en l’espèce sans être un professionnel du vin doit être assimilé au consommateur, amateur de vin, prêt à investir dans des dispositifs liés au vin.

Sur la comparaison des produits :

Afin de déterminer si les produits et/ou services similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

Il résulte des pièces versées aux débats que le produit CORAVIN litigieux vise à permettre la consommation d’une bouteille de vin sans avoir à en extraire le bouchon, grâce à l’utilisation d’une aiguille creuse qui transperce la capsule et le bouchon de la bouteille de vin pour accéder au liquide, et qui après utilisation permet au bouchon en liège de se rétracter sans laisser passer l’oxygène et injecte un gaz inerte (de l’argon) pour ne pas éventer le vin et assurer sa conservation. Ce produit permet ainsi une consommation au verre sans déboucher la bouteille et ainsi sans altérer la qualité du produit.

La société CORA considère que ce produit, qui a pour finalité, comme un tire-bouchon, de servir du vin, appartient, dès lors, comme le tire-bouchon, à la catégorie des « petits ustensiles pour le ménage et la cuisine » visée dans l’enregistrement de sa marque.

Cependant, le produit CORAVIN se différencie par nature d’un tire-bouchon, puisqu’il ne résume pas en un dispositif visant à réaliser une opération simple consistant à tirer un bouchon d’une bouteille pour l’ouvrir mais fait appel à une technologie plus sophistiquée consistant non seulement à accéder au vin à l’aide d’une aiguille creuse mais aussi à injecter un gaz inerte dans la bouteille pour conserver la qualité du produit liquide.

Il s’en différencie aussi et surtout par ses fonctions en ce que contrairement au tire-bouchon, le système CORAVIN a une double fonction : d’une part, accéder au vin contenu dans une bouteille et d’autre part, garantir sa conservation après une première utilisation.

À cet égard, il est exact que le produit CORAVIN est présenté par certains articles de presse dans la catégorie des tire-bouchons et comme un dispositif qui pourrait à l’avenir se substituer à ces derniers, à l’instar d’un article du journal Le Monde du 18 décembre 2016 qui mentionne le produit CORAVIN parmi l’ensemble des tire-bouchons existants sur le marché ou du magasin FNAC qui le présente dans la catégorie générale des « tire-bouchons ».

La société CORAVIN elle-même, pour présenter son produit, l’inscrit bien dans l’histoire du tire-bouchon comme en atteste son site internet coravin.fr qui comporte une image d’un tire-bouchon classique et la phrase « Adieu tire-bouchon » pour ensuite présenter son produit avec la phrase « Bonjour Coravin ».

Cependant, il peut être aussi constaté que le produit CORAVIN est également principalement présenté, dans d’autres articles de presse, comme une « innovation » (article paru dans le FIGARO), un « outil révolutionnaire » (article paru dans Sud-Ouest), porteur d’une « révolution technique et culturelle » (article paru dans le quotidien DNA) ou encore comme un « appareil en forme de microscope » (article paru dans la PRESSE OCEAN) de telle sorte que le lien qui est opéré avec le tire-bouchon doit davantage se comprendre comme la volonté de rattacher ce nouveau dispositif à une filiation connue du public (le tire-bouchon) pour en faciliter la compréhension mais aussi en montrer les spécificités et les différences et donc davantage pour distinguer ces produits que pour les assimiler.

Il convient en conséquence de considérer au regard de ces différences que contrairement à ce que soutient la société CORA, le système CORAVIN ne peut être regardé comme similaire à un tire-bouchon.

De même si un tel dispositif est susceptible d’être rattaché à une catégorie plus large couvrant les ustensiles pour la cuisine dès lors que ce dispositif permet manuellement de servir du vin et que cette catégorie ne peut être exclusivement cantonnée comme le propose la société CORAVIN aux seuls ustensiles qui ont pour fonction de fournir une assistance dans la préparation des aliments ou la confection des plats mais peut aussi couvrir les ustensiles destinés au service d’un liquide ou d’un aliment, tels que les pinces à sucre, les pinces à glaçons, les pelles à tartes et les louches de service, la similitude avec les « petits » ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine, expressément visés dans la marque CORA, demeure faible eu égard aux fonctions du produit litigieux décrites ci-dessus (servir du vin et le conserver) rendues possibles grâce au recours à une technologie avancée et un degré supérieur de sophistication qui ne sont généralement pas l’apanage des produits traditionnellement associés à la catégorie des « petits » ustensiles de cuisine.

Il sera en conséquence considéré que le système CORAVIN ne présente qu’une faible similitude avec les petits ustensiles de cuisine visés dans la marque CORA.

Sur la comparaison des signes ;

L’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.

En l’espèce, il s’agit de comparer le signe CORA avec le signe CORAVIN.

D’un point de vue visuel, les deux signes comportent un nombre de lettres différent, quatre pour le signe CORA, sept pour le signe CORAVIN. Si les quatre premières lettres sont identiques (CORA) les signes se distinguent ensuite par la terminaison, le signe querellé comportant trois lettres supplémentaires (VIN).

Phonétiquement, les deux signes présentent une identité dans la sonorité d’attaque (CORA), mais divergent dans leur terminaison.

Sur le plan intellectuel, les signes CORA et CORAVIN apparaissent tous deux comme arbitraires. Si le signe CORAVIN est susceptible de renvoyer au domaine et au concept du VIN, tel n’est pas le cas du signe CORA.

Au regard de ces éléments, il convient de conclure que les signes présentent une similarité moyenne.

Sur l’appréciation du risque de confusion :

Pour apprécier le risque de confusion que l’usage du signe CORAVIN est susceptible d’emporter auprès du consommateur amateur de vin et qui serait de nature à lui faire croire que les produits proviennent de la même entreprise il convient de comparer la marque antérieure CORA telle qu’elle est enregistrée et le signe CORAVIN litigieux telle qu’il est effectivement utilisé.

Comme relevé ci-dessus, le produit CORAVIN ne peut être assimilé à un tire-bouchon. Compte tenu en outre de ses caractéristiques, nécessitant un maniement particulier impliquant l’utilisation d’une aiguille creuse et d’une cartouche de gaz, il est essentiellement destiné à un public amateur éclairé de vin qui, s’il fait partie aussi du grand public, sera cependant prêt à dépenser des sommes comprises entre 199 et 450 euros pour acquérir un dispositif permettant de servir du vin d’une qualité suffisamment élevée pour avoir le souci d’en garantir la conservation après une première utilisation de telle sorte qu’il ne procédera à cet achat qu’après un examen attentif du produit et sera donc nécessairement guidé par une attention supérieure à celle qu’il prêterait à l’achat d’un tire-bouchon.

Par ailleurs, il convient d’observer que les circuits de distribution du produit CORAVIN, quand bien même ils ne sont pas confidentiels, présentent des différences significatives avec celui des petits ustensiles pour la cuisine qui sont habituellement disponibles dans toutes les petites moyennes et grandes surfaces destinées à la grande consommation puisqu’il fait essentiellement appel à un réseau de vendeurs spécialisés dans le monde du vin (des cavistes tels que [H], [L]), la restauration, ou l’épicerie de luxe (LE BON MARCHE), ou encore à un réseau de spécialistes de l’électroménager (DARTY) et/ou de la culture (FNAC), auxquels les hypermarchés CORA, quand bien même ils proposent aussi des produits électroménagers et des produits culturels (livres, disques …), en raison de leur vocation généraliste, ne peuvent être assimilés.

Si la société CORA et la société DELFIPAR produisent un sondage réalisé par l’institut MDTC en avril 2016 aux termes duquel 65 % des personnes interrogées mentionnent CORA comme étant le lieu où ils iraient acheter des produits CORAVIN, il convient de relever que ce sondage qui a eu pour but « d’évaluer l’association CORA vs. CORAVIN » a été effectué sur un panel de 1037 personnes « appartenant à la zone de chalandise des magasins Cora en France » et donc ayant l’habitude de fréquenter les magasins CORA, voire même ont été interrogés sur un lieu de vente CORA si bien que les résultats sont nécessairement biaisés. Il peut être en outre observé que malgré ce biais, les personnes interrogées ne sont qu’à une courte majorité (53 %) promptes à considérer que les enseignes CORA et CORAVIN sont liées. Il ne peut ce faisant être tiré de ce sondage un élément de nature à caractériser le risque de confusion allégué.

En outre, ce risque de confusion ne saurait non plus se déduire des résultats qui sont effectués par le moteur de recherche GOOGLE en fonction d’une recherche qui pourrait associer les mots CORA et VIN alors qu’il ressort des pièces produites que le site coravin.fr apparaît en 4ème position après les sites de CORA et que si pour une recherche avec les mots « foire aux vins cora » le site de la société CORAVIN figure en première position, il s’agit ici d’une annonce commerciale et donc d’un référencement qui n’est pas naturel et qui ne suffit pas à caractériser un risque de confusion, la société CORA ne démontrant ni n’alléguant nullement que l’internaute une fois sur le site précité puisse être conduit à procéder à une confusion de nature à lui faire croire qu’il est sur un site proposant des produits ayant pour origine la société CORA.

Enfin, la renommée de la marque CORA n’ayant pas été reconnue par la présente décision, le public pertinent ne sera pas particulièrement enclin à considérer le signe CORAVIN comme la simple addition des deux vocables CORA puis VIN mais davantage comme un tout ou un ensemble insécable peu propice à les rattacher à une origine commune.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, nonobstant la similitude moyenne des signes, la faible similitude entre les produits ainsi qu’entre les réseaux de distribution et la clientèle ciblée, excluent tout risque de confusion pour le public pertinent.

L’action en contrefaçon sera en conséquence rejetée. » ;

1°) ALORS QUE l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, et notamment de la connaissance de la marque antérieure sur le marché ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen aura pour effet de remettre en cause, non seulement le constat de l’arrêt selon lequel la preuve de la renommée de la marque antérieure « Cora » ne serait pas rapportée, mais également son appréciation quant à l’absence de risque de confusion ; qu’une telle cassation entraînera donc également, par voie de conséquence, celle du chef de l’arrêt visé par le présent moyen, et ce, par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, et notamment de la connaissance de la marque antérieure sur le marché ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur la connaissance du signe « Cora » sur le marché et de rechercher si, compte tenu du degré de connaissance de ce signe et de l’identité de certains produits en cause, il n’existait pas un risque de confusion dans l’esprit du public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

3°) ALORS QU’en relevant, tout à la fois, d’une part, que le signe « Coravin » renverrait spontanément à la contraction de l’expression « cor à vin », qui serait « usuelle tant en la forme que phonétiquement », et d’autre part, que le signe « Coravin » serait compris comme formant « un tout dénué de sens particulier » et que le terme « cor » serait « perçu comme un terme de fantaisie », la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Cora de sa demande formée sur l’atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial et rejeté toutes autres demandes de cette société contraires à la motivation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La société Cora soutient qu’il existerait un risque de confusion entre sa dénomination sociale et son nom commercial et le signe Coravin. Les premiers juges ont justement rappelé qu’il convient d’apprécier l’existence d’une faute de la société Coravin.

Si l’enseigne du commerce Cora, qui correspond à son nom commercial et à sa dénomination sociale, est connue en France dans la grande distribution, laquelle inclut la vente, outre les produits invoqués au titre de la contrefaçon de marque, notamment celle de vins de divers producteurs, y compris des grands crus (ainsi qu’il ressort en particulier de sa pièce 4), et si la société Cora organise, à l’instar d’autres distributeurs, des foires aux vins, il ne peut pour autant en être déduit, qu’il existe un risque de confusion avec la dénomination Coravin alors que l’existence d’un tel risque doit être démontré.

En l’espèce, la société Coravin exerce son activité commerciale sous le nom qu’elle a par ailleurs donné à ses produits ainsi qu’à ses noms de domaine, et comme ci-dessus retenu il n’existe aucun risque de confusion entre les signes en cause y compris pour des produits identiques, étant précisé qu’il n’est pas contesté que la société Coravin ne commercialise pas de vins.

Même si elle a élargi la distribution de ses produits et partant le public auquel elle s’adresse, ainsi que précédemment relevé, aucun élément ne permet de considérer qu’elle tirerait un quelconque profit ou avantage de la connaissance du nom commercial ou de la dénomination sociale de la société Cora, ni qu’elle empêcherait cette dernière de la possibilité d’exploiter sa marque dans le domaine du vin.

Il ressort au contraire des pièces produites, notamment par la société Cora (telles les pièces 10, 13, 15, 105, 128) que la société Coravin s’est clairement fait connaître en France comme une société innovante dont la dénomination, comme les noms de domaine, correspondent au nom donné à son dispositif et ses accessoires qu’elle a toujours présentés comme le fruit de ses propres recherches.

En réalité, il ne résulte d’aucun élément que la société Coravin porte atteinte à la dénomination sociale ni au nom commercial de la société Cora et aucune des demandes formées à ce titre ne peut en conséquence prospérer.

La décision entreprise sera dès lors confirmée en ce qu’elle a rejeté ce chef de demande.

Il n’y a donc lieu ni à mesure d’interdiction, ni à rappel ou destruction de produits, ni à transfert de noms de domaine, ni à condamnation à paiement à titre de réparation. » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « La société Cora agit sur le fondement de l’article 1240 du code civil pour considérer que la dénomination sociale et le nom commercial sont des signes distinctifs qui font l’objet d’une protection sur le fondement de cet article et qui permettent à leur titulaire d’en interdire toute usurpation ou usage sans son consentement.

Il convient de rappeler cependant que si en application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, il appartient à celui qui s’en prévaut de prouver la faute, le dommage subi et le lien de causalité entre cette faute et le dommage étant observé que les agissements reprochés doivent être appréciés au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce ; que la preuve d’une faute suppose ainsi l’existence d’un risque de confusion dont l’appréciation doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

En l’espèce, il s’agit d’apprécier si l’usage du signe « Coravin » par la société Coravin pour promouvoir la commercialisation de produits en lien avec le vin constitue une faute à l’égard de la société Cora, qui use du terme « Cora », sans que cela soit contesté, à titre de nom commercial et de dénomination sociale, depuis au moins 1981 comme en atteste l’extrait Kbis communiqué.

Cependant, comme il a été indiqué ci-dessus, la preuve d’un risque de confusion entre Cora et Coravin n’est pas rapportée, étant rappelé que le signe Coravin, en un seul mot, ne constitue pas la reproduction servile du signe Cora ;

Ce faisant, il n’est pas rapporté la preuve d’une faute imputable à la société Coravin au sens de l’article 1240 du code civil précité.

Cette demande sera en conséquence rejetée. » ;

1°) ALORS QUE pour écarter toute atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial « Cora », la cour d’appel s’est expressément référée à sa motivation sur la contrefaçon ; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen entraînera donc, par voie de conséquence, celle du chef de l’arrêt critiqué par le présent moyen, et ce par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la connaissance sur le marché du signe constituant la dénomination sociale ou le nom commercial antérieur constitue un facteur pertinent qui doit être pris en compte pour l’appréciation du risque de confusion ; qu’en l’espèce, pour écarter toute atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial « Cora », la cour d’appel a relevé que « si l’enseigne de commerce Cora, qui correspond à son nom commercial et à sa dénomination sociale, est connue en France dans la grande distribution, laquelle inclut la vente, outre [d]es produits invoqués au titre de la contrefaçon de marque, notamment celle de vin de divers producteurs, y compris des grands crus », il ne pourrait en être déduit l’existence d’un risque de confusion « alors que l’existence d’un tel risque doit être démontrée », et a ensuite retenu, en se référant à sa motivation sur la contrefaçon, que « comme ci-dessus retenu, il n’existe aucun risque de confusion entre les signes en cause, y compris pour des produits identiques » ; que cependant, dans sa motivation sur la contrefaçon, la cour d’appel n’avait pas pris en considération la connaissance de l’enseigne « Cora » comme facteur pertinent pour l’appréciation du risque de confusion entre la marque « Cora » et le signe « Coravin » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, tout en relevant la connaissance de l’enseigne Cora sur le marché, mais en subordonnant les effets de cette circonstance à l’existence d’un risque de confusion, alors que l’existence de ce risque doit être appréciée au regard de l’ensemble des facteurs pertinents de la cause, parmi lesquels figure précisément la connaissance du signe antérieur sur le marché, la cour d’appel a violé l’article 1240 du code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Coravin Inc.

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Coravin de sa demande formée à l’encontre de la société Louis Delhaize Financière de Participation relative au dépôt de la marque française « Cora Wine » n° 4136852 et relative à l’atteinte aux droits antérieurs de la première sur son nom commercial et sur ses noms de domaine « coravin.fr », « coravin.com », « coravin.de », « coravin.ie », « coravin.it », « coravin.com.es », « coravin.co.uk » et « coravin.eu » ;

Aux motifs propres que « la société Coravin prétend que le dépôt par la société Delfipar le 26 novembre 2014 de la marque française susvisée « cora Wine » enregistrée le 7 mai 2015 est frauduleux, faisant valoir que ce signe est proche de son nom commercial et du signe verbal Coravin qu’elle a enregistré le 25 avril 2013 à titre de marque de l’UE et ne tend qu’à l’empêcher de diffuser le système Coravin ; qu’il n’est pas discuté que celui qui se prétend victime d’une fraude doit justifier que le dépôt a été fait dans la seule intention de lui nuire pour le priver ou entraver son activité et qu’il ne poursuit ainsi pas un but légitime au regard des fonctions de la marque ; qu’il ressort des pièces produites que la société Delfipar n’ignorait pas l’activité de la société Coravin, ni la commercialisation du produit éponyme en France, préalablement au dépôt contesté, et que celui-ci a été effectué alors que la société Cora, qui dépend du groupe Delfipar, entendait s’opposer à l’acquisition de droits et à l’exploitation du signe Coravin ; que le dépôt litigieux concerne notamment les « bouchons-verseurs pour le vin », identiques ou similaires aux produits exploités par la société Coravin, mais également des produits tels le service de ventes au détail de vin qui ne ressorti (sic) aucunement à l’activité de la société Coravin comme précédemment relevé ; que si le déposant savait nécessairement qu’au plan conceptuel les deux signes peuvent facilement évoquer pour le public français le domaine du vin, visuellement le signe Coravin est constitué d’un seul terme à la différence de « cora Wine » qui met en exergue le terme Cora placé en gros caractères au-dessus du terme second Wine lequel apparaît dans une police plus fine et de moindre taille dans une couleur (rouge) et calligraphie très différentes, et phonétiquement l’attention du public français est attirée à raison de l’élément final « Wine » sur la sonorité étrangère, caractéristique dominante de « cora Wine », totalement inexistante dans le signe Coravin ; qu’il ne peut dès lors en être déduit la recherche d’un risque de confusion ni d’association et il n’est nullement établi que le signe « cora Wine » est indispensable à l’exercice de l’activité de la société Coravin, ni au demeurant que cette dernière a pu entendre en faire usage ; que par ailleurs, il n’est pas sérieusement contesté que la société de droit belge Delfipar qui exploite des hypermarchés Cora notamment en Belgique, vend comme la société française Cora des produits liés au vin depuis de nombreuses années, ni, qu’antérieurement au dépôt contesté, la marque Cora était déjà enregistrée sous diverses déclinaisons (telles Cora Nature Bio en 2011, Cora finances en 2002 ou Cora photos en 2004), ce dépôt relevant ainsi de la continuité du développement commercial du groupe et de son portefeuille de marques ; qu’il ne peut dès lors être reproché à la société Delfipar d’avoir entendu déposer un signe permettant d’exploiter la marque Cora en association avec un nom évocateur d’une gamme de produits, que le groupe commercialise de longue date et qui représente une partie de son activité dans la grande distribution, étant observé que si les premiers juges ont pu relever que le dépôt litigieux, incontestablement effectué pour couvrir, sous la marque Cora, divers produits en lien avec le vin, y compris des appareils et accessoires, s’inscrit dans une stratégie commerciale offensive, cette dernière n’est pas nécessairement fautive ; qu’en définitive, il n’est pas établi que le dépôt de la marque Cora Wine contesté traduit la seule intention de nuire ou d’entraver l’activité économique de la société Coravin ; qu’il n’y a donc pas lieu à annulation de ladite marque, ni à transcription, ni à condamnation à paiement, ni à publication à ce titre et le jugement dont appel sera confirmé en ce qu’il débouté la société Coravin de ce chef. » (arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 juin 2019, p. 12 et 13).

Et aux motifs éventuellement adoptés que : « en application de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ; qu’il est admis qu’en vertu de ce texte, qui est une application du principe général selon lequel la fraude corrompt tout, celui qui se prétend victime de la fraude peut, sans revendiquer la propriété de la marque, solliciter la nullité du dépôt frauduleux ; qu’il lui appartient pour ce faire de justifier que ce dépôt a été fait dans la seule intention de lui nuire pour le priver ou entraver son activité et qu’il ne poursuit ainsi pas un but légitime au regard des fonctions assignées à une marque ; qu’en l’espèce, s’il est constant que la société Delfipar ne pouvait ignorer l’activité de la société Coravin et la commercialisation de son dispositif Coravin, ne serait-ce qu’au regard des litiges en cours opposant les parties devant l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (OUEPI) puisqu’elle avait notamment, avec la société Cora, formé la veille et l’avant-veille du dépôt de la marque Cora Wine deux actions en nullité devant l’OUEPI à l’encontre de la marque de l’Union européenne Coravin n°011363496, il n’est pas rapporté la preuve que ce dépôt, s’il s’inscrit nécessairement dans une stratégie commerciale offensive, soit animé par la seule intention de nuire et d’entraver l’activité économique de la société Coravin ; qu’en effet, d’une part, la société Delfipar exploite des hypermarchés qui vendent des produits liés au vin depuis de nombreuses aimées de telle sorte que le dépôt de la marque litigieuse ne peut être considéré comme purement opportuniste pour s’insérer dans un nouveau marché. D’autre part, ce dépôt s’inscrit dans une stratégie du groupe CORA antérieure plus globale de développement de la marque Cora en association avec d’autres termes pour la décliner sous différentes formes (voir ainsi la marque Cora Harmony déposée en 2011, Cora Nature déposée en 1998, Cora Nature Bio déposée en 2011, Coramusic en 2002…) de telle sorte que ce nouveau dépôt s’inscrit dans la continuité d’un développement de portefeuille de marques déjà engagé bien auparavant ; qu’enfin, il n’est nullement démontré par la société Coravin, laquelle est titulaire d’une marque Coravin antérieure au dépôt présumé frauduleux de la marque Cora Wine, pour lesquelles au surplus l’existence d’un risque de confusion reste à démontrer, que ce dépôt puisse conduire la société Delfipar à lui interdire d’utiliser le nom Coravin en France ; qu’en l’état de ces éléments, la demande formée par la société Coravin sera rejetée (?) ; « en application de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : (…) b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; c) A un nom commercial ou à une enseigne connue sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public » ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la société CORAVIN utilise CORAVIN comme dénomination sociale depuis 2011, et qu’elle a étendu ses activités au territoire français à compter de 2013 et qu’elle est titulaire de plusieurs noms de domaine acquis progressivement depuis 2012 comportant le terme « CORAVIN » décliné sous différentes extensions <coravin.com>, <coravin.fr>, <coravin.e>, <coravin.ie>, <coravin.it>…. ; qu’il convient cependant de caractériser un risque de contusion entre CORAVIN et CORA WINE pour le public pertinent ; qu’à cet égard, il convient de rappeler que la marque CORA WINE a été déposée pour désigner sous le numéro 4136852, les produits et services suivants, tous liés au domaine du vin : En classe 11 : « Appareils et installations de climatisation ; armoires réfrigérées ou climatisées pour la conservation des vins, alcools, tabacs, cigares et tous produits alimentaires ; appareils de climatisation et de réfrigération pour la régulation de la température de dégustation ou de préservation de vins et de produits alimentaires » ; En classe 20 : « Meubles et armoires destinés au traitement, à la présentation, au stockage, à la conservation de vins, alcools, tabacs, cigares et tous produits alimentaires ; casiers à bouteilles ; bouchons à vis non métalliques pour bouteilles, bouchons de bouteilles, bouchons de liège, fûts en bois pour décanter le vin, plateaux de tables, centres de tables en bois » ; En classe 21 : « Corbeilles de service du vin, ouvre-bouteilles électriques et non électriques, tire-bouchons électriques et non électriques, carafes de décoration, carafes de service, cruches à vin, seaux à vin, seaux à vin réfrigérants, seaux à glace, seaux à rafraîchir, becs verseurs pour le vin, bouchons verseurs pour le vin, bouchons de verre, bouteilles, bouteilles isolantes, bouteilles réfrigérantes, paniers- verseurs à vin, dessous de carafes non en papier et autres que linge de table, dessous-de-bouteille de vin en métaux précieux, entonnoirs, tâte-vin [pipettes], colliers anti-gouttes spécialement adaptés aux goulots de bouteilles de vin pour arrêter les gouttes, verres, verres à vin, assiettes, dessous de plat, centres de tables (non en papier et autre que linge de table), salières, poivriers, chandeliers non en métaux précieux, vaisselle » ; En classe 35 ; « Service de vente au détail des produits suivants : vin, vins sans alcool, boissons à base de vin, cocktails de vins préparés, louches à vin, coupe-capsules de bouteilles de vin, sacs-cadeaux en papier pour bouteilles de vin, sacs-cadeaux en matières textiles pour bouteilles de vin, appareils et installations de climatisation, armoires réfrigérées ou climatisées pour la conservation des vins, alcools, tabacs, cigares et tous produits alimentaires, appareils de climatisation et de réfrigération pour la régulation de la température de dégustation ou de préservation de vins et de produits alimentaires, meubles et armoires destinés au traitement, ci la présentation, au stockage, à la conservation de vins, alcools, tabacs, cigares et tous produits alimentaires, casiers à bouteilles, bouchons à vis non métalliques pour bouteilles, bouchons de bouteilles, bouchons de liège, fûts en bois pour décanter le vin, plateaux de tables, corbeilles de service du vin, ouvre-bouteilles électriques et non électriques, tire-bouchons électriques et non électriques, carafes de décoration, carafes de service, cruches à vin, seaux à vin, seaux à vin réfrigérants, seaux à glace, seaux à rafraîchir, becs verseurs pour le vin, bouchons verseurs pour le vin, bouchons de verre, bouteilles, bouteilles isolantes, bouteilles réfrigérantes, paniers-verseurs à vin, dessous de carafes non en papier et autres que linge de table, dessous-de-bouteille de vin en métaux précieux, entonnoirs, tâte-vin [pipettes], colliers anti-gouttes spécialement adaptés aux goulots de bouteilles de vin pour arrêter les gouttes, verres, verres à vin, assiettes, dessous de plat, centres de tables, salières, poivriers, chandeliers non en métaux précieux, vaisselle » ; qu’il s’agit de comparer cette marque avec l’utilisation qui est faite par la société CORA VIN de sa dénomination sociale et des noms de domaine ; que sur la comparaison des produits ; qu’afin de déterminer si les produits et/ou services similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ; qu’il est constant que la société CORAV1N commercialise depuis 2013 son dispositif d’accès au vin décrit ci-dessus qu’elle expose comme étant destiné à la dégustation du vin, dont la promotion et la commercialisation sont aussi assurées par les divers sites rattachés aux noms de domaine dont elle est titulaire et qui sont tous destinés à la promotion de ce produit ; qu’il ressort de la comparaison entre ce produit et ceux visés dans la marque CORA WINE, que ces derniers, pour certains seulement sont susceptibles de présenter une certaine similitude, et particulièrement pour les « appareils de préservation du vin » en ce qu’ils ont ensemble cette même finalité, ou encore avec les « ouvre-bouteilles non électrique » en ce qu’ils ont pour fonction aussi d’accéder au contenu d’une bouteille ; qu’en revanche, le seul lien avec le domaine du vin ne suffit pas à caractériser une similitude avec l’ensemble des autres produits et services déclinés dans la marque CORA WINE, qui portent soit sur des services de ventes au détail de vins et alcool, étrangers à l’activité commerciale de la société CORAVIN, soit sur des meubles destinés à conserver le vin ou à le réfrigérer, soit sur des ustensiles communs (corbeille, carafes, bouteille isolante, verres…) destinés à servir le vin qui n’emportent pas comme le système CORAVIN, recours à une technologie particulière et s’en distinguent en conséquence nettement ; que sur la comparaison des signes ; qu’en l’espèce, il s’agit de comparer le signe CORAVIN avec le signe CORA WINE ; que d’un point de vue visuel, les deux signes comportent un nombre de lettres différents, sept pour le signe CORAVIN et 8 pour le signe CORA WINE mais présentent quatre premières lettres identiques (CORA). Ils sont cependant différents en ce qu’ils comportent un seul vocable pour le signe CORAVIN et deux vocables séparés pour le signe CORA WINE étant ajouté que cette dernière marque est semi- figurative, le terme WINE, de couleur rouge avec une calligraphie différente, étant placé sous le terme CORA ; que phonétiquement, les deux signes présentent une similitude dans la sonorité d’attaque, mais divergent ensuite, la sonorité étrangère du mot WINE renforçant encore cette différence ; que sur le plan intellectuel, les signes CORAVIN et CORA WINE apparaissent renvoyer tous les deux au domaine du vin, celui-là même visé par les deux marques litigieuses ; qu’il convient d’en conclure que les signes présentent une similarité moyenne ; que sur l’appréciation du risque de confusion ; que comme la société CORAVIN s’en est prévalu ci-dessus, le produit CORAVIN qu’elle commercialise, compte tenu des ses caractéristiques particulières nécessitant un maniement particulier est essentiellement destiné à un public d’amateurs éclairés de vin qui, s’ils font aussi partie du grand public, seront cependant prêts à dépenser des sommes comprises entre 199 et 450 euros pour acquérir un dispositif permettant de servir du vin avec le souci de le conserver de telle sorte qu’ils ne procéderont à cet achat qu’après un examen attentif du produit et seront donc guidés par une attention supérieure à celle qu’ils prêteraient à l’achat d’un tire-bouchon ; que de même, comme indiqué ci-dessus et revendiqué par la société CORAVIN, les circuits de distribution du produit CORAVIN diffèrent de ceux utilisés par la société DELFIPAR qui commercialise ses produits via des grandes surfaces destinées à la consommation courante, qui n’entendent pas se spécialiser dans un domaine particulier, notamment le commerce du vin et des produits y afférents, mais ont une politique de distribution générale couvrant l’ensemble des produits de consommation courante, tandis que la société CORAVIN s’adresse à un réseau de vendeurs spécialisés dans le monde du vin (cavistes ; [H], [L]), la restauration, ou l’épicerie de luxe (LE BON MARCHE), ou encore un réseau de spécialistes de l’électroménager (DARTY) et/ou de la culture (FNAC) ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que, nonobstant la similitude moyenne entre les signes ainsi que pour certains produits visés dans la marque CORA WINE, l’activité ciblée de la société CORAVIN et le public auquel elle s’adresse à travers un réseau de distribution sélective, conduisent à exclure tout risque de confusion pour le public pertinent ; que la société CORAVIN sera en conséquence déboutée de cette demande. » (jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 octobre 2017, p. 21 à 26).

1°) Alors que la fraude corrompt tout et que doit être annulé le dépôt frauduleux d’une marque réalisé dans la seule intention de nuire à un tiers pour le priver ou entraver son activité économique et qui ne poursuit donc pas un but légitime au regard des fonctions assignées à la marque ; que l’existence d’un risque de confusion entre les signes n’est pas une condition requise pour caractériser le caractère frauduleux du dépôt d’une marque ; que, dès lors, en se fondant sur l’absence de risque de confusion entre les signes pour exclure toute fraude de la société Delfipar lors du dépôt de la marque « Cora Wine », la cour d’appel a pris en compte des éléments inopérants, violant par là-même l’adage fraus omnia corrumpit ensemble l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle.

2°) Alors que dans ses écritures en cause d’appel, la société exposante faisait valoir que « l’absence d’usage témoigne de plus fort du caractère purement opportuniste du dépôt français CORA WINE » (conclusions de l’exposante, p. 113) ; qu’en retenant que le dépôt en cause n’était pas frauduleux sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si l’absence d’exploitation de la marque « Cora Wine » n’établissait pas l’intention frauduleuse de la société Delfipar lors du dépôt du signe en cause, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

3°) Alors que la fraude corrompt tout et que doit être annulé le dépôt frauduleux d’une marque réalisé dans la seule intention de nuire à un tiers pour le priver ou entraver son activité économique et qui ne poursuit donc pas un but légitime au regard des fonctions assignées à la marque ; que dans l’appréciation du caractère frauduleux du dépôt, le juge doit notamment prendre en compte la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance du dépôt ; qu’après avoir relevé le dépôt de la marque « Cora Wine » avait été effectué alors que la société Cora, qui dépend du groupe Delfipar, entendait s’opposer à l’acquisition et à l’exploitation du signe « Coravin », la cour d’appel a pourtant considéré qu’aucune fraude n’entachait le dépôt litigieux ; qu’en se prononçant ainsi alors que cette concomitance établissait la volonté de la société Delfipar d’entraver l’activité économique de la société Coravin et donc le caractère frauduleux du dépôt litigieux, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a une fois encore violé l’adage fraus omnia corrumpit ensemble l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle.


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