Votre panier est actuellement vide !
Contexte de l’affaireMme [W] a soumis des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2009 et 2010, accompagnées d’une attestation de la société Finaréa Essor, affirmant avoir investi dans son capital. Cette société se présentait comme une holding animatrice de groupe. Proposition de rectificationL’administration fiscale a contesté la qualité de Finaréa Essor en tant que holding animatrice, entraînant une proposition de rectification des déclarations de Mme [W]. Après le rejet de sa réclamation, elle a assigné l’administration pour obtenir la décharge des impositions. Arguments de Mme [W]Mme [W] a soutenu que l’administration fiscale devait lui communiquer l’ensemble des éléments ayant conduit à la proposition de rectification, y compris ceux qui n’avaient pas été retenus. Elle a également contesté le fait que l’administration n’ait pas fourni d’explications sur l’origine des documents utilisés pour son redressement. Réponse de la Cour d’appelLa cour d’appel a rejeté les demandes de Mme [W], affirmant que l’administration n’était pas tenue de communiquer tous les documents, mais seulement ceux sur lesquels elle avait fondé sa proposition de rectification. Elle a également précisé que l’administration avait respecté ses obligations en matière de communication. Décision de la Cour de cassationLa Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel, indiquant que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme n’étaient pas applicables dans ce contexte. Elle a également précisé que l’administration fiscale n’était pas obligée de fournir des documents non retenus pour fonder les rectifications. Conséquences de la décisionLa Cour a rejeté le pourvoi de Mme [W], la condamnant aux dépens et lui ordonnant de verser une somme de 3 000 euros aux autorités fiscales. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
FM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 629 F-D
Pourvoi n° K 22-15.346
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
Mme [F] [W], domiciliée [Adresse 6], [Localité 4], a formé le pourvoi n° K 22-15.346 contre l’arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d’appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l’opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 5], [Localité 1], agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de Mme [W], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône et du directeur général des finances publiques, après débats en l’audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
2. Considérant que la société Finaréa Essor n’avait pas cette qualité, de sorte que Mme [W] ne pouvait prétendre à l’avantage en cause, l’administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification.
3. Après rejet de sa réclamation contentieuse, Mme [W] a assigné l’administration fiscale afin d’obtenir la décharge des impositions réclamées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
En application de l’article 1014 alinéa 2 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Mme [W] fait grief à l’arrêt de rejeter toutes ses demandes alors :
« 1°/ que l’administration doit, si la demande lui en est faite et avant la mise en recouvrement, communiquer au contribuable l’ensemble des éléments considérés par elle pour émettre la proposition de rectification : les éléments à charge comme les éléments à décharge, ceux ayant fondé les motifs de la proposition de rectification comme ceux ayant été considérés par l’administration mais n’ayant pas été retenus par elle dans sa motivation ; qu’au cas présent, la contribuable avait demandé à l’administration fiscale, avant la mise en recouvrement, la communication de son entier dossier, en ce compris les éléments recueillis par l’administration lors du contrôle des sociétés holdings Finaréa, contrôle qui avait conduit à délivrer des avis de non-redressement auxdites sociétés holdings ainsi qu’à les inviter à demander remboursement de crédits de TVA ; que les conclusions d’appel des contribuables rappelaient qu’il n’avait jamais été déféré à cette demande par l’administration ; qu’en réponse, la cour d’appel s’est contentée d’énoncer que l’administration fiscale “n’était pas tenue de communiquer aux contribuables l’intégralité des documents issus de la procédure de vérification de comptabilité de la holding au capital duquel ils avait été investis, mais seulement les documents sur lesquels elle avait fondé sa proposition de rectification” ; qu’en statuant ainsi, cependant que les principes de loyauté et du procès équitable imposent la communication par l’administration au contribuable qui en fait la demande y compris des éléments en sa possession qu’elle a choisi de ne pas viser mais qui sont susceptibles de jeter un jour nouveau ou simplement différent sur les faits de la cause, la cour d’appel a violé l’article L. 76 du Livre des procédures fiscales, l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire, du respect des droits de la défense et du procès équitable ;
2°/que l’administration doit s’expliquer sur l’origine des pièces prétendument accessibles au public visées à l’appui de son redressement ; qu’au cas présent, la contribuable soulignait dans ses conclusions d’appel n’avoir jamais obtenu d’explication de ce chef de la part de l’administration fiscale ; qu’en retenant que “la cour relève que l’administration fiscale a régulièrement communiqué à la contribuable, par courrier du 6 juin 2013, les documents visés dans sa proposition de rectification”, la cour d’appel a exonéré l’administration fiscale de son obligation en la matière, en violation des articles L. 76 et L. 76 B du Livre des procédures fiscales, de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes des droits de la défense, du procès équitable et de loyauté ;
3°/ qu’il résulte du principe du respect des droits de la défense, qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision ; que Mme [W] a sollicité la transmission de l’entier dossier de pièces constitué par l’administration fiscale au cours de ses investigations auprès de la société Finaréa Essor ; qu’en retenant que l’administration fiscale “n’était pas tenue de communiquer aux contribuables l’intégralité des documents issus de la procédure de vérification de comptabilité de la holding au capital duquel ils avait été investis, mais seulement les documents sur lesquels elle avait fondé sa proposition de rectification”, la cour d’appel, qui s’est retranchée derrière un motif qui n’était pas de nature à exonérer l’administration fiscale de toute obligation de communication, s’est prononcée par un motif inopérant en violation des articles L. 76 et L. 76 B du Livre des procédures fiscales, de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes des droits de la défense, du procès équitable, de l’égalité des armes et de loyauté ».
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’est pas applicable au présent litige, dès lors que l’ISF n’entre pas dans le champ d’application du droit de l’Union. Il en va de même de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui n’est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l’espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d’impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.
6. En second lieu, selon l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l’administration fiscale est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.
7. L’obligation qui résulte de ce texte ne s’impose à l’administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu’elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu’ils soient mis à sa disposition.
8. Ni ce texte ni l’obligation de loyauté dans l’établissement des impositions à laquelle l’administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu’elle n’a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d’apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l’imposition réclamée n’est pas due.
9. Par ailleurs, l’obligation qui résulte de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d’une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n’avoir pu y avoir accès.
10. L’arrêt énonce que la réponse de l’administration fiscale du 3 avril 2013 est un document de neuf pages reprenant point par point chaque observation des contribuables sur la régularité de la procédure et sur le fond. Ce document contient des développements circonstanciés étayés par des éléments factuels précis l’ayant conduit à considérer que la société Finaréa Essor n’était pas une holding animatrice. Il ajoute que l’administration fiscale a pris le soin de détailler les éléments juridiques et matériels dont elle a déduit que la société Finaréa n’était pas une holding animatrice, que cette administration a précisé l’origine et la teneur des renseignements obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée, et que les éléments à décharge n’avaient pas à être communiqués.
12. De ces énonciations, constatations et appréciations, la la cour d’appel a déduit à bon droit que la procédure de rectification était régulière.
13. Le moyen n’est donc fondé en aucune de ses branches.
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [W] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Labat, greffier, qui assisté au prononcé de l’arrêt.