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En matière de contrefaçon, il n’appartient pas au conseiller de la mise en état de suspendre, y compris partiellement, l’exécution provisoire de la décision, notamment en ramenant à un montant inférieur le montant des condamnations.
Il n’appartient pas au conseiller de la mise en état de se prononcer sur une disproportion éventuelle des sommes mises à la charge de la société appelante, s’agissant d’une appréciation de fond, et que celle-ci ne saurait en tout état de cause justifier une absence d’exécution de la condamnation.
Une saisie-contrefaçon a été opérée le 15 septembre 2017 dans des locaux de la Sas Mcs mais également, le 22 septembre 2017 dans une boutique ‘l’Effrontée’ à [Localité 3] à la demande de la Sca Hermès International et de la Sas Hermès Sellier, qui ont invoqué la contrefaçon par la société Buti Srl de deux modèles de sac Kelly et Birkin. Des opérations similaires ont eu lieu dans d’autres boutiques où étaient commercialisés des sacs par la société Buti Srl.
La société Buti Srl a été condamnée mais n’a pas commencé à exécuter les condamnations pécuniaires mises à sa charge, pour un montant total de 810.000 €. Il n’est pas davantage contesté qu’elle n’a pas retiré les publications litigieuses de ses réseaux sociaux.
La société Buti Srl a fait état, sans succès, de son impossibilité d’exécuter la décision. Il est constant que les conséquences manifestement excessives ou l’impossibilité d’exécuter la décision doit s’apprécier non au fond de l’affaire mais eu égard aux facultés de paiement du débiteur ou aux facultés de remboursement du créancier.
Par ordonnance de référé du 6 février 2023, le Premier Président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a écarté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, motif pris que la preuve d’un risque de conséquences manifestement excessives n’était pas rapportée.
Aux termes de l’article 526 ancien du code de procédure civile, applicable en l’espèce s’agissant d’une instance introduite devant la juridiction du premier degré avant le 1er janvier 2020 (devenu article 524), lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
Dans le cadre de l’incident soulevé, il résulte des bilans comptables produits par la société Buti Srl que le chiffre d’affaires des trois dernières années est en augmentation depuis 2020, pour atteindre 1.276.754 € en 2022, et que son actif en cours était de 703.741 € au 31 décembre 2022, de sorte qu’il n’est pas établi qu’un paiement immédiat des condamnations dues entraînerait nécessairement un risque de procédure collective.
La société Buti Srl oppose le fait qu’un paiement immédiat des condamnations l’amènerait à être dans l’incapacité à payer fournisseurs et salariés, faisant valoir que ce paiement ne lui laisserait qu’une somme de 456.766 € pour son activité courante (1.266.766 € correspondant au chiffre d’affaires ‘ 810.000 € correspondant aux condamnations en paiement), alors que les charges salariales représentaient au titre de l’année 2022 la somme de 473.335 € tandis que les coûts des matières premières s’élevaient à la somme de 241.025 €.
Or, s’il résulte de l’attestation de provisoire de bilan pour l’année 2023, établie par l’expert comptable de la société, et non par un consultant interne appartenant à la société, ainsi que le soutiennent la Sca Hermès International et de la Sas Hermès Sellier, que « la trésorerie et les équivalents de trésorerie résultant du bilan provisoire au 31 mai 2023 s’élevaient au 31 mai 2023 à 1.971,21 € », elle ne justifie toutefois pas de ce qu’elle ne pourra pas contracter un crédit afin de faire face à la condamnation en paiement.
En effet, les pièces produites par la société Buti Srl, et notamment de sa pièce n°7, démontrent qu’elle est débitrice de la somme de 341.590 € auprès des banques italiennes au 4 juillet 2023. Néanmoins, elle présentait un chiffre d’affaires de 1.276.754 € au titre du bilan 2022, et en constante hausse depuis 2020 (+20% en 2022), de sorte que son incapacité à emprunter n’est pas démontrée. Elle ne verse en outre aucun refus de prêt de la part d’établissements bancaires.
Nonobstant l’absence de fongibilité des patrimoines entre sociétés d’un même groupe, le fait que la société Buti Srl appartienne à un groupe de sociétés doit être pris en considération, les pièces versées par la Sca Hermès International et de la Sas Hermès Sellier démontrant de nombreux flux financiers existant entre les sociétés du groupe.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la société Buti Srl ne justifie pas des motifs selon lesquels elle n’a pas procédé à un paiement au moins partiel des sommes dont elle est redevable, pas plus qu’elle ne justifie s’être rapprochée de la Sca Hermès International et de la Sas Hermès Sellier pour la mise en place d’un échéancier, et ce alors qu’elle formule une demande subsidiaire en paiement à hauteur de 100.000 € maximum.
Elle ne justifie pas davantage des motifs selon lesquels elle n’a pas procédé au retrait des publications sur les réseaux sociaux accessibles en France, le seul fait que plusieurs procédures judiciaires soient en cours ne pouvant constituer un motif légitime.
L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation du jugement dont appel ne saurait davantage justifier une absence d’exécution de la décision au regard des dispositions de l’article 526 ancien du code de procédure civile, et l’appréciation des moyens soulevés n’appartient pas au conseiller de la mise en état.
Enfin, il n’est pas démontré par la société Buti Srl que la Sca Hermès International et de la Sas Hermès Sellier ne seront pas en mesure de restituer les sommes versées en cas d’infirmation de la décision.
L’article 526 ancien (article 524) a été institué dans un but de célérité, afin de constituer une protection pour le créancier, d’éviter les appels dilatoires et assurer une bonne administration de la justice. Cette disposition ne restreint pas l’accès du justiciable à la cour et n’est pas contraire à la Convention Européenne de droits de l’Homme.
Dans de telles conditions, il ne saurait être considéré comme établi que la société Buti Srl est dans l’impossibilité d’exécuter la décision, ou que l’exécution serait de nature à entraîner pour elle des conséquences manifestement excessives.