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Comme tout acteur économique, l’hébergeur doit s’adapter à l’augmentation du volume des informations stockées de la même manière qu’il doit régler les autres problèmes pratiques, techniques ou administratifs inhérents à son activité.
Contester sa condamnation pénale, pour réaction tardive à une demande de retrait de contenus illicites, par la voie de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) est voué à l’échec.
La SAS DStorage et son représentant légal ont été condamnés à 120 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel, pour contrefaçon par reproduction, communication ou mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres de l’esprit (oeuvres cinématographiques et phonogrammes).
Les parties, agissant en qualité de prestataire de services d’hébergement de données, n’ont pas promptement retiré les informations stockées à la demande de tiers ou supprimé l’accès aux dites informations alors qu’ils avaient connaissance du caractère manifestement illicite de l’activité ou des informations stockées.
Les dispositions de l’article 6 de la LCEN ne violent pas le principe de légalité des délits et des peines puisqu’elles ne créent aucun nouveau cas de responsabilité pénale mais se bornent à fixer des règles dérogatoires au régime d’irresponsabilité de principe de l’hébergeur (connaissance et inaction).
L’article 6 de la LCEN, a déjà fait l’objet d’une déclaration de « conformité » dans la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004.
Dans cette décision le conseil constitutionnel a en effet rappelé que les dispositions réserve d’interprétation qu’elle contient se bornant à tirer les conséquences nécessaires d’une directive ne peuvent être critiquées devant lui, ce qui est le cas en l’espèce puisque les dispositions de la LCEN reprennent mot pour mot les termes de l’article 14 de la directive communautaire.
En vertu de l’article 62 alinéa 3 de la constitution, les décisions du conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et cette autorité s’attache non seulement au dispositif mais aussi au motif de ses décisions.
Sauf à ce qu’elle mette en cause une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, une disposition législative ne peut être critiquée sur le plan de sa constitutionnalité si elle se borne à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises d’une directive.
La décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004, revêtue de l’autorité de la chose jugée, règle définitivement la question de la constitutionnalité du régime de l’exonération de responsabilité de l’hébergeur qui retire un contenu manifestement illicite qu’un tiers lui a notifié.
En émettant spécifiquement une réserve d’interprétation sur les dispositions de l’article 6 de la LCEN, le conseil constitutionnel a vidé sa saisine les concernant et sa décision présente un caractère irrévocable.
La notion de « promptitude » n’est pas contraire à l’exigence de clarté et de précision de la loi pénale car le législateur, dans l’impossibilité de règlementer à l’avance toutes les situations de fait qui peuvent survenir, peut avoir recours à des notions ouvertes ou qui font appel à des standards, tant que le contenu de ces notions n’est pas équivoque et qu’il peut être précisé, sans risque d’arbitraire, par le juge dans le cadre de son office d’interprétation de la loi.
Le terme « promptement » est en l’espèce, dénué d’équivoque puisqu’il renvoie à un pénale. comportement consistant à prendre sans délai et de manière rapide des mesures appropriées.
Le régime d’exonération de responsabilité aménagée par l’article 14 de la directive commerce électronique 2000/32 du 8 juin 2000 répond à la nécessité de garantir la sécurité juridique en permettant à l’hébergeur d’agir de manière la plus adaptée et en fonction de ses moyens propres, après avoir pris connaissance d’un contenu illicite.
Par sa décision et sa réserve d’interprétation du 10 juin 2004, le conseil constitutionnel a répondu à la question de savoir si une simple notification suffisait à engendrer la responsabilité pénale de l’hébergeur d’un contenu manifestement illicite à défaut de décision de justice préalable de sorte que les prévenus ne peuvent lui demander de modifier cette décision, revêtue de l’autorité de chose jugée.
La réserve d’interprétation émise par le conseil constitutionnel répond à l’objectif affiché de la directive européenne de préserver un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, la prévention des activités illégales en ligne et le respect des droits fondamentaux dont la liberté d’expression
Il n’appartient plus au conseil constitutionnel qui a vidé sa saisine de se prononcer sur la constitutionnalité des notions de « connaissance de l’illicéité » et de « promptitude » et il incombe aux seules juridictions, dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation de vérifier, dans chacune des espèces qui leur sont soumises, si les contenus notifiés doivent être considérés ou non comme illicites et s’il a été procédé promptement ou non à leur retrait.
A noter que l’article 17 et suivants de la loi dite Avia n’a pas modifié le régime juridique de l’exonération de responsabilité de l’hébergeur posé par la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004.
Pour mémoire, la loi dite Avia vise à lutter contre les contenus haineux sur Internet modification qu’elle apporte à la rédaction de l’article 6.1-3 désormais libellé comme suit :
« les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance du caractère manifestement illicite de l’activité ou de l’information ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible”.
Cette rédaction apparaît être la simple reprise par le législateur de la réserve d’interprétation posée par le conseil constitutionnel pour les responsabilités civiles et pénales de l’hébergeur.
Elle n’ajoute rien au droit antérieur dès lors que, depuis la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004, la réserve d’interprétation, revêtue de l’autorité absolue de chose jugée, s’impose aux pouvoirs publics à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en vertu de l’article 62 de la constitution.
Du reste, ces nouvelles dispositions de la loi dite Avia applicables aux « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » n’affectent nullement l’application des dispositions de l’article 6 de la LCEN aux hébergeurs lesquels ne répondent pas à la définition de tels fournisseurs, ce dont conviennent expressément les prévenus en page 11 de leurs écritures.
Dans une décision du 18 juin 2020 rendue au sujet de la constitutionnalité de la loi dite Avia, le conseil constitutionnel a d’ailleurs confirmé la réserve d’interprétation émise le 10 juin 2004, réserve d’interprétation qui n’est pas affectée par la nouvelle rédaction de l’article 6.1-3 et qui fixe le régime juridique applicable à l’exonération de la responsabilité pénale de l’hébergeur.
L’ajout par l’article 17 de la loi numéro 2020-766 des mots « caractère manifestement illicite » ne modifie nullement la portée de cette disposition puisque, selon le conseil constitutionnel « ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ».
DOSSIER N° 21/287 PARQUET N° 18197000138
COUR D’APPEL DE NANCY
ARRE DU 24 JANVIER 2023
4ème CHAMBRE
—–
Prononcé publiquement le MARDI 24 JANVIER 2023, par la 4ème Chambre des Appels
Correctionnels (formation JIRS)
Sur appel d’un jugement du tribunal correctionnel (formation JIRS) du 23 AVRIL 2021,
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
PRÉVENUS :
COMPARANT-ASSISTE de Maître HARDOUIN Ronan, avocat (Barreau de PARIS)
La société SAS DSTORAGE
Adresse : 9 les Grands prés […], son repésentant légal et Maître REPRESENTEE par M. HARDOLIN Ronan, avocat Barreau de PARIS)
PARTIES CIVILES :
La SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES SCPP Adresse: […]
REPRESENTEE par Maître BOESPFLUG Elisabeth (Barreau de PARIS)
La SA SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE
[…]: […]
La SOCIETE POUR L’ADMINISTRATION DU DROIT DE REPRODUCTION
[…]
Adresse: […]
REPRESENTEES toutes deux par Maître DIRINGER Yvan, avocat (Barreau de
PARIS)
La SA FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE M FNEF
Adresse: […]
Le SYNDICAT DE L’EDITION VIDEO NUMERIQUE SEVN
Adresse: […]
La société UGC IMAGE
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
[…]
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La société O ENTREPRISES INC.
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La société LES M DU 24
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La société R K INC.
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La société J K CORPORATION
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La société L M
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La COLUMBIA K INDUSTRIES INC.
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
L’AA AB AC AD
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La société GAUMONT
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
La société S T INC.
Adresse: Chez la SCP Soulié et […]
Toutes REPRESENTEES par Maître URBACH Jonathan, avocat (Barreau de PARIS) de la SCP Soulié et Coste Floret, avocats au barreau de PARIS,
LE MINISTÈRE PUBLIC
Appelant.
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats,
Président de Chambre Monsieur Pascal BRIDEY,
Conseillers : Madame Raphaëlle GIROD, Monsieur Jean-Louis FIRON,
GREFFIER Monsieur U V-W :
MINISTÈRE PUBLIC: Madame Agnès CORDIER, avocat général;
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l’audience publique du 13 décembre 2022, le président a constaté l’identité de Monsieu présent, en sa qualité propre et représentant la société SAS DSTORAGEet l’ a informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Ont été entendus :
Maître HARDOUIN, en sa plaidoirie sur la question prioritaire de constitutionalité;
Maître URBACH, en sa plaidoirie sur la question prioritaire de constitutionalité;
Maître DIRRINGER en sa plaidoirie sur la question prioritaire de constitutionalité;
Maître BOESPFLUG en sa plaidoirie sur la question prioritaire de constitutionalité;
Le Ministère public est entendu en ses réquisitions en sa plaidoirie sur la question prioritaire de constitutionalité;
Maitre HARDOUIN est entendu en sa plaidoirie et en dernier ce point;
Sur la question préjudicielle,
Maître HARDOUIN, en sa plaidoirie sur la question préjudicielle;
Maître URBACH, en sa plaidoirie sur la question préjudicielle;
Maitre BOESPFLUG en sa plaidoirie sur la question préjudicielle; ‘
Maitre DIRRINGER en sa plaidoirie sur la question préjudicielle;
Le Ministère public est entendu en ses réquisitions en sa plaidoirie en sa plaidoirie sur
la question préjudicielle;
Maitre HARDOUIN est entendu en sa plaidoirie et en dernier ce point;
Les parties ont toutes eu la parole dans l’ordre prévu par les articles 513 et 460 du
Code de Procédure pénale,
Les débats étant clos, la cour a mis l’affaire en délibéré et Monsieur le président a averti les parties que l’arrêt sur les questions préjudicielle et prioritaire de constitutionnalité serait rendu à l’audience publique du 24 janvier 2023; Advenue ladite audience publique, la cour, vidant son délibéré, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
La SAS DSTORAGE représentée par Monsieur son représentant légal a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Nancy réuni dans sa
formation JIRS pour avoir :
– à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, reproduit, représentée ou diffusé des œuvres de l’esprit. en l’espèce des ceuvres cinématographiques, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1, établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Fédération
Nationale des Éditeurs de M),
*****
Faits prévus par les article L.335-3 B,D.3, ART.L.33 5-2 B, ART.L.1 12-2 D.I 6°, ART.L.122-3, ART.L.122-4 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par Y Z, A B, X, ART.L.335-7 B du code de la propriété intellectuelle ;
– à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et lc 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans l’autorisation des producteurs de vidéogrammes, alors qu’elle était exigées, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des vidéogrammes, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1, établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Fédération Nationale des Distributeurs de M), nouvellement dénommée FNEF (Fédération Nationale des Editeurs de M). Faits prévus par C B, ART.L.215-1 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par C D. 1, A D. 1, X, ART.L.335-7 B du code de la propriété intellectuelle;
– à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 4 juillet 2019 et le 31 juillet 2019, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 2, sans l’autorisation des producteurs de phonogrammes, alors qu’elle était exigées, reproduit, communiqué ou mis disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des phonogrammes, ct ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 2, établi suivant les constats réalisés par la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques); prévus par C D.I, ART.L.213-1 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par les articles L.335-4 D. 1, A B. ART.L.33 5-6, ART.L.335-7 B du code de la propriétéintellectuelle:
– à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 3, sans l’autorisation des producteurs de leurs auteurs, alors qu’elle était exigées, reproduit, représenté ou diffusé, des oeuvres de l’esprit, en l’espèce des oeuvres musicales, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 3, établi suivant les constats réalisés par la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), Faits prévus par les article L.335-3 B,D.3, ART.L.33 5-2 B, ART.L.1 12-2 B 6°, ART.L.122-3, ART.L.122-4 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par Y Z, A B, X, ART.L.335-7 B du code de la propriété intellectuelle;
Monsieur T a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nancy réuni dans sa formation JIRS pour avoir :
– à La Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, reproduit, représentée ou diffusé des oeuvres de l’esprit, en l’espèce des ceuvres cinématographiques, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1. établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Fédération Nationale des Éditeurs de M); Faits prévus par les article L.335-3 D.I.D.3, ART.L.33 5-2 B, ART.L.I 12-2 B 6 ART.L.122-3, ART.L.122-4 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par Y Z, A B, X, ART.L.335-7 B du code de la propriété intellectuelle;
– à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 1, sans l’autorisation des producteurs de vidéogrammes, alors qu’elle était cxigées, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des vidéogrammes, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 1, établi suivant les constats réalisés par l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) pour le compte de la FNDF (Fédération Nationale des Distributeurs de M). nouvellement dénommée FNEF (Fédération Nationale des Éditeurs de M),
Faits prévus par C B, ART.L.215-1 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par C D. 1, A D. 1, X, ART.L.335-7 D.I du code de la propriété intellectuelle.
– à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 4 juillet 2019 et le 31 juillet 2019, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 2, sans l’autorisation des producteurs de phonogrammes, alors qu’elle était exigées, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, des phonogrammes, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 2, établi suivant les constats réalisés par la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques), prévus par C D.I. ART.L.213-1 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par les articles L.335-4 D. 1, A B, ART.L.33 5-6, ART.L.335-7 B du code
de la propriété intellectuelle;
– à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps précisées au tableau joint en annexe 3, sans l’autorisation des producteurs de leurs auteurs, alors qu’elle était exigées, reproduit, représenté ou diffusé, des ceuvres de l’esprit, en l’espèce des oeuvres musicales, et ce selon le détail précisé au tableau joint à l’annexe 3. établi suivant les constats réalisés par la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique),
Faits prévus et réprimés par les articles . L.335-3 D. 1, Y B, ART.L. 112-2 B 5°. ART.L.122-3, ART.L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle et par les articles L.335-2 D. 1, A B. X, ART.L.335-7 B du code de la propriété intellectuelle;
Lors d’une première audience en date du 12 octobre 2020, 1 et la société DSTORAGE ont déposé de demande, l’une tendant à obtenir un sursis à statuer et la transmission à la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’autre tendant à obtenir un sursis à statuer aux fins de poser une question préjudicielle à la cour de justice de l’union européenne. Par jugement du 21 ianvier 2021, le tribunal correctionnel a rejeté les demandes et la société DSTORAGE tendant à obtenir un sursis présentées par Monsieur T à statuer et la transmission à la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité portant” sur la constitutionnalité des articles 6.1.3 et 6.1.5 de la loi sur la confiance en l’économie numérique au regard de la liberté d’expression et de communication. de la liberté d’entreprendre, du principe d’égalité devant les charges publiques du principe de légalité des délits et des peines.
Le tribunal correctionnel a déclaré cette question recevable mais l’a rejetée pour les motifs suivants : Cette question a déjà fait l’objet d’une déclaration de conformité à la constitution dans une décision du conseil constitutionnel numéro 2004-496 DC du 10 juin 2004;
Le conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation considérant « que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge ».
Sur cette réserve, le conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions se bornaient à tirer les conséquences nécessaires des dispositions de l’article 14 de la directive européenne sur le commerce électronique du 10 juin 2000.
Le tribunal correctionnel a considéré que la question était dénuée de tout caractère sérieux dès lors qu’elle tend à remettre en cause dispositions du droit national se bornant à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises d’une directive communautaire.
Le 21 janvier, les débats ont été renvoyés pour continuation sur la question préjudicielle qui, avec les exceptions de nullité de la procédure a été jointe au fond.
Par jugement contradictoire en date du 23 avril 2021, le tribunal “a déclaré la demande de sursis à statuer tendant à transmettre à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union Européenne des questions sur la conformité de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin
2004, mais l’a rejetée ;
a déclaré les exceptions de procédure recevables mais les a jugées mal fondées et les
a rejetées : a relaxé les prévenus :
des faits de contrefaçon par reproduction, communication ou mise à disposition du public non autorisée de phonogrammes commis à la Chapelle aux bois, entre le 4 juillet et le 31 juillet 2019, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SCPP:
des faits de contrefaçon par reproduction, représentation ou diffusion non autorisée des ceuvres de l’esprit musicales incluses dans l’album Vent debout interprété par Tryo commis à la Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017 établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SACEM et de la $DRM:
– des faits de contrefaçon par reproduction, représentation ou diffusion non autorisée des œuvres de l’esprit cinématographiques listées à l’annexe 1 de la présente décision commis à La Chapelle aux bois, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de M, incluant en particulier les faits de contrefaçon des œuvres cinématographiques suivantes : #F G, […], […], […], CONNASSE, […], […], […], […], ROCK’N ROLL, SAHARA, SELLS, SPIDER-MAN :
HOMECOMING, THE LOST AB OF Z, TRANSFORMERS: THE LAST KNIGHT, H I;
a constaté que Monsi et la SAS DESTORAGE, agissant en qualité de prestataire de services d’hébergement de données, n’ont pas promptement retiré les informations stockées à la demande de tiers ou supprimé l’accès aux dites informations alors qu’ils avaient connaissance du caractère manifestement illicite de l’activité ou des informations stockées dont la liste figure aux annexes 2 et 3 de la dé on ;
a requalifié les infractions de contrefaçon par reproduction d’œuvres de l’esprit et de contrefaçon par reproduction de vidéogrammes en complicité par fourniture de moyens desdites infractions ;
a déclaré les prévenus coupables des faits de complicité par fourniture de moyen du délit de contrefaçon par reproduction, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée. des oeuvres de l’esprit cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de M; des faits de contrefaçon par représentation ou diffusion sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, des oeuvres de l’esprit cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la présente décision, commis à la Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la présente décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de M; des faits de complicité par fourniture de moyens du délit de contrefaçon par reproduction sans autorisation des producteurs de vidéogrammes, alors qu’elle était exigée, des vidéogrammes fixant les ceuvres cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la décision; commis à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de M; de contrefaçon par mise à disposition du public ou diffusion, sans autorisation des producteurs de vidéogrammes, alors qu’elle était exigée, des vidéogrammes fixant les œuvres cinématographiques dont la liste figure à l’annexe 2 de la présente décision, commis à La Chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 20 janvier 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 2 de la décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de l’ALPA, agissant pour le compte de la FNEF, du SEVN et de diverses sociétés de production de M; des faits de complicité par fourniture de moyens du délit de contrefaçon par reproduction sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, des ceuvres de l’esprit musicales dont la liste figure à l’annexe 3 de la décision, commis à la Chapelle aux Bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août 2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 3 de la décision, établis suivant les constats réalisés par les agents assermentés de la SACEM et de la SDRM ; ainsi que des faits de contrefaçon par représentation ou diffusion, sans autorisation de leurs auteurs, alors qu’elle était exigée, des œuvres de l’esprit musicales dont la liste figure à l’annexe 3 de la décision, commis à La chapelle aux bois, en tout cas sur le territoire national, entre le 21 novembre 2016 et le 31 août
2017, et plus précisément dans les circonstances de temps définies à l’annexe 3 de la décision.
En répression, le tribunal a condamné
– La SAS DStorage à la peine de 100 000 euros d’amende ;
à la peine d’un an d’emprisonnement assortie du
– Monsieur sursis simple et une amende de 20 000 euros;
A titre de peine complémentaire, le tribunal a ordonné à la SAS DStorage et à leurs frais, de retirer de leurs serveurs les fichiers dont l’URL figure aux annexes 2 el 3 de la décision et de diffuser sur le service de Monsieur T communication au public en ligne accessible à partir du nom de domaine 1fichier.com le communiqué suivant, de manière lisible de prime abord, en tête de la page d’accueil et de toutes les pages internet permettant le téléchargement ascendant ou descendant de fichiers. dans un encadré centré, en noir sur fond blanc, avec la police de caractères utilisée pour les autres mentions importantes figurant sur le site et dans une taille minimale de 22 pixels (corps 16) et pendant une durée d’un mois à compter de la signification de la présente décision : Par jugement du 23 avril 2021. le tribunal judiciaire de Nancy a déclaré la SAS DStorage. éditrice du service fichier.com, et son dirigeant social, coupables du délit de contrefaçon d’œuvres de l’esprit et de vidéogrammes et complices des mêmes infractions, avec obligation de mentionner cette décision sur son site internet.
Sur l’action civile, le tribunal a reçu la constitution de partie civile de la SACEM. la SDRM, la FNEF, le SEVN, la SCPP, les sociétés Columbia K Industry Inc., O Entreprises Inc., Gaumont, Les M du 24, J K Corporation, L M, R K Inc, Twentieth Century Fox Film Corporation, UGC Image, AA AB AC AD, S T Inc. Le tribunal déclare les prévenus responsables des préjudices subis par la CASEM, la SDRM, la FNEF, le SEVN, les sociétés Columbia K Industry Inc., O Entreprises Inc., Gaumont, Les M du 24, J K Corporation, L M, R K Inc. Twentieth Century Fox Film Corporation, LGC Image, AA AB AC AD, S T Inc. Le tribunal a débouté la SCPP de l’ensemble de ses demandes et débouté la SACEM et la SRDM de leurs demandes tendant à indemniser le préjudice subi de fait de la contrefaçon d’œuvres musicales incorporées dans les ceuvres cinématographiques et vidéogrammes notifiée par l’ALPA pour le compte de la FNDF (devenue FNEF).
Le tribunal a condamné solidairement les deux prévenus à payer les sommes suivantes aux parties civiles :
– 2359,70 euros à la SACEM et la même somme à la SRDM en réparation de leur préjudice matériel, 2500,00 euros à chacune en réparation de leur préjudice moral; et 9 000 euros à chacune en application des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;
– 50 000 euros à la FNEF et la même somme au SEVN en réparation de leur préjudice et 750 curos à chacun en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
– 146 530,02 eurus à la société Columbia K Industry Inc. en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
226 792,86 euros à la société O P Inc. en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
37 957,20 euros à la société Gaumont en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;
– 987 euros à la société Les M du 24 en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
– 55 356,60 euros à la société J K Corporation en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
29 765.10 euros à la société L M en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
– 2752,32 euros à la société R K Inc. en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
– 115 642,56 euros à la société Twentieth Century Fox Film Corporation en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
445,56 euros à la société UGC Image en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
– 156 763,80 euros à la société AA AB AC AD en réparation de son préjudice ct 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale :
– 442 120,16 euros à la société S T Inc. en réparation de son préjudice et 750 euros en l’application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.
En outre, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire des dispositions civiles du jugement.
LES APPELS
Par déclaration en date du 23 avril 2021, la SAS DSTORAGE a interjeté appel des dispositions civiles, pénales et procédurales du jugement en précisant ne pas faire appel sur
les relaxes partielles.
Le ministère public a interjelė appel incident le même jour.
Par déclaration du même jour, Monsieu a interjeté appel des dispositions civiles, pénales et procédurales du jugement en précisant ne pas faire appel
sur les relaxes partielles.
Le ministère public a interjeté appel incident le même jour.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, la SA SOCIETE DES AUTEURS
COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE a interjeté appel du dispositif civil du
jugement. Par déclaration en date du 28 avril 2021, la SOCIETE POUR L’ADMINISTRATION
DU DROIT DE REPRODUCTION MECANIQUE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET
EDITEURS (SDRM) a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, la SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS
PHONOGRAPHIQUES (SCPP) a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, le SYNDICAT DE L’EDITION VIDEO
NUMERIQUE (SEVN) a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, la SA FEDERATION NATIONALE DES
EDITEURS DE M (FNEF) anciennement dénommée FEDERATION NATIONALE DES
DISTRIBUTEURS DE M (FNDF) a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, COLUMBIA K INDUSTRIES INC.
a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021. O P INC. a interjeté
appel du dispositif civil du jugement. Par déclaration en date du 28 avril 2021, J K
CORPORATION a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, R K INC. a interjeté appel
du dispositif civil du jugement. Par déclaration en date du 28 avril 2021, TWENTIETH CENTURY FOX FILM
CORPORATION a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, S T INC. a interjeté appel du
dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, GAUMONT a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par declaration en date du 28 avril 2021, AA AB AC AD a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, la SA SOCIETE DES AUTEURS
COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, LES M DU 24 a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021. L M a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par déclaration en date du 28 avril 2021, I’UGC IMAGE a interjeté appel du dispositif civil du jugement.
Par ordonnance en date du 28 octobre 2021, le Premier Président de la cour d’appel a. en application de l’article 515-1 du code pénal, ordonné la suspension de l’exécution provisoire à hauteur de 50 % des condamnations prononcées par jugement du tribunal correctionnel de Nancy le 23 avril 2021 à l’encontre des prévenus au titre des intérêts civils.
A l’audience du 13 décembre 2022, la défense a présenté une demande de sursis à statuer et sollicité la transmission à la Cour de cassation de 4 questions prioritaires de constitutionnalité et à la cour de justice de l’union européenne d’une question préjudicielle.
Le ministère public et les parties civiles se sont opposées à ces demandes de transmission.
La défense a eu la parole en dernier.
*
***
CECI ETANT EXPOSE, LA COUR :
EN LA FORME
Les appels interjelés par les prévenus, le ministère public et les parties civiles, réguliers en la forme, ont été enregistrés dans les délais légaux et doivent être déclarés recevables.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité
Par conclusions déposées à l’audience du 28 juin puis du 13 décembre 2022, la société DSTORAGE et ont, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance numéro 58-1067 du 7 novembre 1958, présenté à la cour une demande de transmission de questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation.
Ils contestent l’interprétation faite par le ministère public et les parties civiles de l’article 6.1-3 de la loi du 21 juin 2004 qui fonde les poursuites à leur encontre et aux termes duquel les hébergeurs sont pénalement responsables dès lors qu’ils disposent effectivement de la connaissance du caractère illicite d’une activité ou d’une information et qui n’ont pas procédé à son prompt retrait dès cette connaissance établie”.
Ils affirment que les dispositions de l’article 6. 1-3 la loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui fixent les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des hébergeurs, portent atteinte aux principes constitutionnels de légalité des délits et des peines, d’ interprétation stricte et de prévisibilité de la loi pénale, garantis par les articles 7et 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 34 de la constitution, ainsi qu’à la liberté d’expression et de communication des internautes, garanti par
l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Ils sollicitent la transmission à la Cour de cassation des quatre questions suivantes : 1) Les dispositions de l’article 6.1-3 de la LCEN, en ce qu’elles ne définissent pas de manière suffisamment claire et précise l’exigence de promptitude avec laquelle les informations doivent être retirées ou être rendues inaccessibles, portent -elles atteinte au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, d’interprétation stricte et de prévisibilité de la loi pénale garantis par les articles 7 et 8 de la déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 et de la constitution ?
2) La modification de cette disposition opérée par l’article 17 la loi du 24 juin 2020 dite loi Avia introduisant la nécessité de démontrer que l’hébergeur a « effectivement connaissance du caractère manifestement illicite »d’un contenu permet-elle de s’appuyer sur une notification en la forme de l’article 6.1-5 de la LCEN permettant d’établir le caractère manifestement illicite
d’un contenu pour pouvoir engager sa responsabilité pénale ?
3) En cas de réponse affirmative à la première question, ce mécanisme porte-t-il une atteinte disproportionnée aux droits, principes et libertés constitutionnellement protégés que sont la liberté d’expression et de communication des internautes et le principe de légalité des
délits et des peines ? 4) En cas de réponse négative à la première question, faut-il considérer, pour qu’un hébergeur dispose « effectivement de la connaissance du caractère illicite », que l’illicéité soi
portée à sa connaissance par une décision de justice? Les prévenus motivent leur demande de transmission à la Cour de cassation de ces quatre questions préjudicielles par les considérations suivantes :
– Le retrait de contenus signalés comme violant un droit de propriété littéraire et artistique sur simple notification, en l’absence de toute décision de justice caractérisant la violation alléguée, revient à placer l’hébergeur en censeur de la liberté d’expression et de communication des
– Imposer aux hébergeurs le traitement systématique de telles notifications revient à exiger internautes ;
d’eux la mise en œuvre de ressources et de moyens disproportionnés au regard de l’objectif
poursuivi;
– L’engagement de la responsabilité pénale d’un hébergeur ne peut reposer sur une simple apparence d’illicéité dénoncée comme telle par un acteur privé mais requiert que cette illicéité soit caractérisée de manière effective par l’autorité judiciaire ;
– La lettre de l’article échoue à préciser ce qui constitue, pour un hébergeur, une prompte action empêchant l’engagement de sa responsabilité pénale.
Il y a lieu de rappeler que devant le tribunal correctionnel de Nancy, les prévenus avaient déjà soulevé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles 6.1-3 et 6.1-5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
Par jugement du 21 janvier 2021, la juridiction de première instance y a répondu en prononçant un refus de transmission de cette question qu’il a considérée comme dénuée de caractère sérieux en rappelant que, dans une décision numéro 2004-496 du 10 juin 2004, le conseil constitutionnel avait jugé « qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la conformité à la constitution de dispositions nationales se bomant à transposer des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive communautaire ».
Il est à constater que l’acte d’appel des prévenus ne vise que la décision du 23 avril 2021 et ne mentionne pas la décision autonome du 21 janvier 2021 portant rejet de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée en première instance. En application de l’article 502 du code de procédure pénale modifiée par la loi du 1er juin 2019 qui fait obligation à l’appelant de préciser les chefs de la décision attaquée faisant l’objet de son recours, les prévenus auraient dû préciser que leur appel portait sur cette décision, ce qu’ils n’ont pas fait.
L’absence d’indication dans la déclaration d’appel des prévenus de la décision du 21 janvier 2021 fait obstacle à ce que l’effet dévolutif de l’appel s’applique à la même demande de transmission de question prioritaire de constitutionnalité que celle présentée devant les premiers juges.
La question numéro 2 soumise à la cour a exactement le même objet que la question soumise aux premiers juges puisqu’elle vise à demander au conseil constitutionnel si les notifications adressées à un hébergeur sur le fondement des dispositions de l’article 6.1-5 de la LCEN permettent d’engager la responsabilité pénale de cet hébergeur en l’absence de recours
à l’autorité judiciaire.
Les premiers juges ont considéré que cette question était dénuée de tout caractère sérieux.
Contrairement à ce qu’affirment les prévenus, l’ajout par l’article 17 de la loi numéro 2020-766 des mots « caractère manifestement illicite » ne modifie nullement la portée de cette disposition puisque, selon le conseil constitutionnel « ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncéc comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ».
Le rejet de la question portant sur l’inconstitutionnalité de l’article 6.1-5 et de la notion de « connaissance du caractère manifestement illicite d’un contenu » a un caractère définitif puisque le jugement du tribunal correctionnel de Nancy du 21 janvier 2021 n’est pas mentionné dans les dispositions comprises dans la déclaration d’appel formalisée par les prévenus.
La question préjudicielle numéro 4 doit également être déclarée irrecevable car elle ne précise pas les dispositions de la constitution auxquelles il est porté atteinte par les termes effectivement de la connaissance du caractère illicite et que, selon les écritures des ” prévenus, cette question n’a de raison d’être qu’en cas de réponse négative à la première question. La question selon laquelle la connaissance de l’illicéité devrait être portée à la connaissance de l’hébergeur par une décision de justice a également été soumise aux premiers juges qui y ont répondu par la référence à l’article 14 de la directive communautaire et à la réserve posée par le conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2004.
En l’absence de recours formé à l’encontre du jugement du 21 janvier 2021, il y a lieu de considérer que cette réponse présente un caractère définitif.
Au surplus, il convient de constater que, telle qu’elle est posée, cette question ne précise pas les dispositions de la constitution qui seraient violées par la formulation de l’article
6.1-3 de la LCEN.
Il ne s’agit donc pas véritablement d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Il s’ensuit que la demande de transmission de cette question au conseil constitutionnel sera également déclarée irrecevable.
S’agissant des questions numéro 1 et numéro 3, il doit être rappelé que les dispositions qu’elles visent, soit l’ensemble de l’article 6 de la LCEN, ont déjà fait l’objet d’une déclaration de « conformité » dans la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004
Dans cette décision le conseil constitutionnel a en effet rappelé que les dispositions réserve d’interprétation qu’elle contient. législatives se bornant à tirer les conséquences nécessaires d’une directive ne peuvent être critiquées devant lui, ce qui est le cas en l’espèce puisque les dispositions de la LCEN reprennent mot pour mot les termes de l’article 14 de la directive communautaire.
En vertu de l’article 62 alinéa 3 de la constitution, les décisions du conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et cette autorité s’attache non seulement au dispositif mais aussi au motif de ses décisions.
Sauf à ce qu’elle mette en cause une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, une disposition législative ne peut être critiquée sur le plan de sa constitutionnalité si elle se bome à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises d’une directive. La décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004, revêtue de l’autorité de la chose jugée, règle définitivement la question de la constitutionnalité du régime de l’exonération de responsabilité de l’hébergeur qui retire un contenu manifestement illicite qu’un tiers lui a notifié. En émettant spécifiquement une réserve d’interprétation sur les dispositions de l’article 6 de la LCEN, le conseil constitutionnel a vidé sa saisine les concernant et sa décision présente un caractère irrévocable, nonobstant les changements de circonstances invoqués par les prévenus. et la société DSTORAGE se prévalent à tort de l’incorporation par l’article 17 de la loi dite Avia de la réserve d’interprétation contenue dans l’arrêt du 10 juin par l’ajout des termes « caractère manifestement illicite » dans les articles 6.1-2 et 6.1-3 pour soutenir qu’un nouveau contrôle de la constitutionnalité des dispositions litigieuses pourrait être porté devant le conseil constitutionnel.
Mais si une disposition légale déclarée conforme à la constitution par le conseil constitutionnel peut faire l’objet d’un nouveau contrôle dans le cadre d’une QPC en cas de changement de circonstances, encore faut-il que la décision querellée ait été déclarée conforme à la constitution. Tel n’est pas le cas des dispositions de l’article 6 de la LCEN puisqu’en consacrant l’absence de contestabilité dans sa décision du 10 juin 2004 du fait de l’obligation de transposition de la directive communautaire, le conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions échappaient purement et simplement à son contrôle.
Le prétendu changement de circonstances, de droit ou de fait, dont se prévalent les prévenus, n’est pas de nature à remettre en cause les limites que le conseil constitutionnel s’est assigné à lui-même lors du contrôle des lois de transposition.
Contrairement à ce que soutiennent les prévenus, l’article 17 et suivants de la loi dite Avia n’a pas modifié le régime juridique de l’exonération de responsabilité de l’hébergeur posé par la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004. et la La loi dite Avia vise à lutter contre les contenus haineux sur Internet modification qu’elle apporte à la rédaction de l’article 6.1-3 désormais libellé comme suit “les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance du caractère manifestement illicite de l’activité ou de l’information ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible”.
Cette rédaction apparaît être la simple reprise par le législateur de la réserve d’interprétation posée par le conseil constitutionnel pour les responsabilités civiles et pénales de l’hébergeur.
Elle n’ajoute rien au droit antérieur dès lors que, depuis la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004, la réserve d’interprétation, revêtue de l’autorité absolue de chose jugée, s’impose aux pouvoirs publics à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en vertu de l’article 62 de la constitution.
Du reste, ces nouvelles dispositions de la loi dite Avia applicables aux « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » n’affectent nullement l’application des dispositions de l’article 6 de la LCEN aux hébergeurs lesquels ne répondent pas à la définition de tels fournisseurs, ce dont conviennent expressément les prévenus en page 11 de leurs écritures.
La défense n’entend d’ailleurs pas solliciter l’application de la loi dite Avia au présent litige et ne le pourrait pas, cette loi postérieure aux faits reprochés aux prévenus, n’étant pas visée par les poursuites diligentées par le ministère public.
Si les premiers juges y font référence, ce n’est qu’à titre informatif et pour démontrer que cette loi ne fait que conforter la portée de la réserve posée par le conseil constitutionnel.
Mais ne s’appliquant pas au présent litige, l’article 17 de cette loi ne peut faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, une telle question ne pouvant porter que sur les dispositions applicables au litige en cours.
Dans une décision du 18 juin 2020 rendue au sujet de la constitutionnalité de la loi dite Avia, le conseil constitutionnel a d’ailleurs confirmé la réserve d’interprétation émise le 10 juin 2004, réserve d’interprétation qui n’est pas affectée par la nouvelle rédaction de l’article 6.1-3 et qui fixe le régime juridique applicable à l’exonération de la responsabilité pénale de l’hébergeur.
Les dispositions législatives qui fondent les poursuites engagées à l’encontre de la société DSTORAGE de Monsie ne peuvent donc faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalite car elles procedent d’une transposition de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive européenne qui, ainsi que l’a reconnu définitivement le conseil constitutionnel, échappent au contrôle de constitutionnalité.
Le changement de circonstances de fait invoqué par les prévenus n’est pas davantage de nature à justifier le réexamen de la conformité à la constitution des dispositions législatives fondant les poursuites.
En effet, le développement de l’économie numérique était prévisible à la date où le conseil constitutionnel a statué et l’augmentation du volume des informations stockées est indifférente à la question de savoir si le principe de légalité a été ou non méconnu.
Comme tout acteur économique, l’hébergeur doit s’adapter à l’augmentation du volume des informations stockées de la même manière qu’il doit régler les autres problèmes pratiques, techniques ou administratifs inhérents à son activité.
Les changements de circonstances de fait sont sans rapport avec la constitutionnalité des dispositions de la LCEN dont le seul but est de faciliter le mode de retrait des contenus illicites par l’hébergeur.
Contrairement à ce qui est soutenu par les prévenus, les dispositions de l’article 6 de la LCEN ne violent pas le principe de légalité des délits et des peines puisqu’elles ne créent aucun nouveau cas de responsabilité pénale mais se bornent à fixer des règles dérogatoires au régime d’irresponsabilité de principe de l’hébergeur (connaissance et inaction).
La notion de « promptitude » n’est pas contraire à l’exigence de clarté et de précision de la loi pénale car le législateur, dans l’impossibilité de règlementer à l’avance toutes les situations de fait qui peuvent survenir, peut avoir recours à des notions ouvertes ou qui font appel à des standards, tant que le contenu de ces notions n’est pas équivoque et qu’il peut être précisé, sans risque d’arbitraire, par le juge dans le cadre de son office d’interprétation de la loi
Le terme « promptement » est en l’espèce, dénué d’équivoque puisqu’il renvoie à un pénale. comportement consistant à prendre sans délai et de manière rapide des mesures appropriées.
Le régime d’exonération de responsabilité aménagée par l’article 14 de la directive communautaire répond à la nécessité de garantir la sécurité juridique en permettant à l’hébergeur d’agir de manière la plus adaptée et en fonction de ses moyens propres, après avoir pris connaissance d’un contenu illicite.
La réserve d’interprétation émise par le conseil constitutionnel répond à l’objectif affiché de la directive européenne de préserver un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, la prévention des activités illégales en ligne et le respect des droits fondamentaux dont
la liberté d’expression. Par sa décision et sa réserve d’interprétation du 10 juin 2004, le conseil constitutionnel a répondu à la question de savoir si une simple notification suffisait à engendrer la responsabilité pénale de l’hébergeur d’un contenu manifestement illicite à défaut de décision de justice préalable de sorte que les prévenus ne peuvent lui demander de modifier cette décision, revêtue de l’autorité de chose jugée.
Il n’appartient plus au conseil constitutionnel qui a vidé sa saisine de se prononcer sur la constitutionnalité des notions de « connaissance de l’illicéité » et de « promptitude » et il incombe aux seules juridictions, dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation de vérifier, dans chacune des espèces qui leur sont soumises, si les contenus notifiés doivent être considérés ou non comme illicites et s’il a été procédé promptement ou non à leur retrait.
Les questions n°1 et n°3 posées par la société DSTORAGE et Monsieur T N apparaissent dénuées de tout caractère sérieux dès lors qu’elles tendent à remettre en cause une disposition de droit national se bomant à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises d’une directive communautaire.
Il convient en conséquence de rejeter les demandes de sursis à statuer et de transmission à la Cour de cassation des questions prioritaires de constitutionnalité présentées par les prévenus.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire;
EN LA FORME
DÉCLARE irrecevable la demande de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité n°2 et n°4 présentées par la société DSTORAGE et Monsieur
REJETTE les demandes de sursis à statuer et de transmission à la Cour de cassation
des questions prioritaires de constitutionnalité n°1 et n°3;
RAPPELLE que la décision de refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours contre la décision réglant tout ou partie du litige:
ORDONNE la continuation des débats à l’audience du 24 janvier 2023 sur la transmission à la cour de justice de l’union européenne de la question préjudicielle posée en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne.
Le tout par application des dispositions des articles susvisés, 515 du code de procédure pénale.
L’arrêt a été prononcé à l’audience publique du 24 janvier 2023 par Monsieur
BRIDEY, président de chambre,
Assisté de Monsieur V-W, greffier;
En présence du Ministère public;
Et ont le président et le greffier, signé le Présent arrêt.
PRÉSIDENT, LE GREFFIER