Il appartient aux radios de contester le taux annuel d’utilisation des phonogrammes par rapport à la totalité des programmes diffusés qui est fixé par défait par la SPRE à 85%, chaque service pouvant justifier d’un taux inférieur sur présentation de ses relevés de programmes.
Affaire Soropar Group
La SARL Soropar Group et son gérant n’ont pas rempli leurs obligations déclaratives et de paiement de la rémunération équitable malgré les transactions conclues avec la SPRE et les nombreuses mises en demeure.Responsabilité personnelle du dirigeant
Les dirigeants d’une société de radiodiffusion ont ainsi commis des fautes intentionnelles réitérées susceptibles de sanctions pénales prévues à l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle ; il s’agit alors de fautes personnelles incompatibles dans l’exercice normal des fonctions sociales et donc distinctes de celles-ci, imposant que soit retenue leur responsabilité. La SARL Soropar Group en sa qualité de président de la société Soprodi et Monsieur [W] en sa qualité de gérant de la SARL Soropar Group ont commis une faute délictuelle personnelle en se soustrayant délibérément et durablement à leurs obligations de paiement de la rémunération équitable auprès d’elle, mais aussi en raison de leur résistance face aux nombreuses demandes de régularisation amiable, du non-respect des engagements pris lors de la transaction du 19 novembre 2018, de la violation des dispositions de la convention collective avec le CSA et de manière générale de l’irresponsabilité du dirigeant maintenant un service de radiodiffusion sonore en activité depuis plusieurs années dans une situation d’illicéité caractérisée. En vertu de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ; il est également constant que le gérant d’une société commerciale qui commet dans l’exercice de ses fonctions une faute intentionnelle, distincte de ses fonctions sociales engage sa responsabilité civile personnelle à l’égard des tiers auxquels cette faute a causé un préjudice.Obligations déclaratives des radios
Il résulte de l’article 7 de la décision réglementaire du 9 septembre 1987 de la commission créée par l’article 24 de la loi n°85-660 du 3 juillet 1985 modifiée, relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, que « les redevables sont tenus de fournir tout justificatif des éléments nécessaires au calcul de la rémunération aux bénéficiaires représentés par la SPRE ». Cette même obligation est rappelée à l’article 3 de la loi n°93-924 du 20 juillet 1993 fixant les modalités de calcul de rémunération due aux artistes- interprètes et aux producteurs de phonogrammes par les services de radiodiffusion sonore : « les redevables sont tenus de fournir aux organisations représentatives des artistes-interprètes et des producteurs visées au premier alinéa de l’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle tous justificatifs des éléments nécessaires au calcul et à la répartition entre les ayants droit de cette rémunération », la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable retient implicitement cette obligation pour la détermination de l’assiette de calcul de la rémunération énoncée en son article 2.République française
Au nom du peuple français
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2022 DU 13 JUIN 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02666 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E3YK
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 21/00152, en date du 05 octobre 2021,
APPELANTS :
Monsieur [E] [W]
né le 31 Mai 1969 à BELFORT (90)
domicilié 12 rue de la Motte – 70000 VESOUL
Représenté par Me Aurélie ARCHEN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Michel MIGNOT, avocat au barreau de BELFORT
S.A.S. SOPRODI RADIOS REGION, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis 14 rue Frédéric Japy – 25200 MONTBELIARD
Représentée par Me Aurélie ARCHEN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Michel MIGNOT, avocat au barreau de BELFORT
S.A.R.L. SOROPAR GROUP, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis 14 rue Frédéric Japy – 25200 MONTBELIARD
Représentée par Me Aurélie ARCHEN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Michel MIGNOT, avocat au barreau de BELFORT
INTIMÉE :
S.C. SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE (SPRE), prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis 27 rue de Berri – 75008 PARIS
Représentée par Me Caroline FRIOT, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Guillem QUERZOLA, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport, et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FOURNIER ;
——————————————————————————————————–
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2022, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Juin 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE :
La société par actions simplifiée (SAS) Soprodi Radios Région est dirigée par sa société mère, la société à responsabilité limitée (SARL) Soropar Group, dirigée elle- même par Monsieur [E] [W]. La société Soprodi exploite un service de radiodiffusion sonore sous l’enseigne « Radio Star » depuis 1996.
En application des dispositions des articles L. 214-1 et suivants du code de la
propriété
> <
intellectuelle
>, la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable (SPRE) et de la communication au public des phonogrammes du commerce a l’obligation de percevoir et de répartir entre ses ayants droits, la rémunération équitable dont doivent s’acquitter tous les utilisateurs de phonogrammes publiés dans le commerce notamment lorsque ces derniers font l’objet d’une radiodiffusion.
Par ordonnance du 18 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Nancy a homologué un accord passé le 24 septembre 2016 entre la SAS Soprodi Radios Région et la SPRE portant sur la rémunération équitable impayée pour la période du 1er octobre 2015 au 31 mai 2016. Une nouvelle transaction a été passée entre les parties le 19 novembre 2018, la somme de 78968,06 euros TTC étant fixée d’un commun accord à 82286,40 euros TTC, intérêts compris pour la période du 1er octobre 2015 au 30 juin 2018 et faisant l’objet d’un échelonnement sur 32 mois.
Par actes des 1er et 2 avril 2021, la SPRE a fait assigner la société Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group et Monsieur [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy au visa des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile, L. 214-1 et suivants du code de la <
propriété
> <
intellectuelle
> et 1240 du code civil, aux fins de les condamner in solidum à lui verser une provision de 103478,05 euros, somme ramenée à 75006,93 euros au titre de la rémunération équitable due pour l’exploitation de leur service de radiodiffusion sonore entre le 1er octobre 2015 et le 31 décembre 2020, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 25229,47 euros à compter de la mise en demeure du 3 décembre 2019 et sur celle de 73566,86 euros à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2021 outre capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ainsi qu’à la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Par ordonnance contradictoire du 5 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy a :
– condamné in solidum la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group et Monsieur [W] à verser à la SPRE une provision de 75006,93 euros au titre de la rémunération équitable due pour l’exploitation de leur service de radiodiffusion sonore entre le 1er octobre 2016 et le 31 décembre 2020, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2019 sur la somme de 25229,47 euros et du 19 janvier 2021 sur celle de 49777,46 euros,
– rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
– condamné in solidum Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Région et la SARL Soropar Group à verser à la SPRE la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande formée par Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Région et la SARL Soropar Group sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Région et la SARL Soropar Group aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, le juge des référés a relevé, sur la demande de provision au titre de la rémunération équitable contre la société Soprodi Radios Région, une absence de contestation sérieuse puisque Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Région et la SARL Soropar Group ne formulent aucun commentaire sur le tableau récapitulatif par année des droits du 1er mai 1996 au 30 juin 2021 des sommes dues pour l’utilisation de phonogrammes et notamment sur l’application du barème des radios privées du 15 octobre 2007 ; le juge a aussi retenu que les défendeurs ne mentionnaient aucune remarque sur l’intégration de commission ou le chiffre d’affaire des prestations, outre les commentaires de leur expert-comptable et ne justifiaient pas l’application d’un abattement de 22 % pour programme local. Le tribunal a aussi estimé que les demandeurs ne produisaient pas les éléments permettant une étude des sommes dues par années comptables et les débiteurs des obligations de paiement en fonction des contrats de régie.
Le juge a appliqué sur la somme due de 75006,93 euros les intérêts à taux légal à compter du 6 décembre 2019, date certaine d’une mise en demeure, sur la somme de 25229,47 euros et du 19 janvier 2021, date certaine d’une seconde mise en demeure, sur le solde, soit 49777,46 euros par application de l’article 1231-6 du code civil ; il n’a pas retenu la capitalisation des intérêts faute de motif justifiant son application.
Sur la demande de condamnation in solidum de Monsieur [W] et la société Soropar Group, le juge des référés a retenu une faute de la part des dirigeants de la société Soprodi Radios Région dans l’absence de paiement perdurant plusieurs années justifiant une condamnation in solidum avec la société Soropar Group aux sommes dues à la SPRE au titre de la rémunération équitable.
Sur la demande de provision au titre des dommages et intérêts, le juge a retenu des entraves de la part de Monsieur [W] et des sociétés Soprodi Radios Région et Soropar Group justifiant un préjudice matériel pour la SPRE constitué par les démarches coûteuses réalisées et il lui a alloué la somme de 1000 euros.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 28 octobre 2021, Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Régions, la SARL Soropar Group ont relevé appel de cette ordonnance.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 4 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group demandent à la cour, au visa de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :
– déclarer recevables et bien fondés leur appel à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 5 octobre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy,
– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,
– constater que les demandes de la société SPRE se heurtent à des contestations sérieuses,
– débouter la société SPRE de l’ensemble de ses demandes à leur encontre et l’inviter à mieux se pourvoir,
– condamner la société SPRE à leur payer la somme de 1500 euros chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société SPRE aux entiers dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 23 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SPRE demande à la cour, au visa de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, les articles L. 214-1 et suivants du code de la <
propriété
> <
intellectuelle
>, et l’article 1240 du code civil, de :
– débouter la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group et Monsieur [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– confirmer l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Nancy du 5 octobre
2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner in solidum la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group et Monsieur [W] à lui payer une provision de 21528,88 euros au titre de la rémunération équitable due pour l’exploitation de leur service de radiodiffusion sonore entre le 1er juillet 2021 et le 31 décembre 2021, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 10764,44 euros à compter du 11 janvier 2022, date de notification des conclusions d’intimée valant mise en demeure, et sur le solde à compter de la notification des présentes conclusions valant mise en demeure,
– condamner in solidum la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group et Monsieur [W] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’audience de plaidoirie a été fixée le 5 avril 2022 et le délibéré au 13 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group le 4 mars 2022 et par la SPRE le 23 février 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance de clôture du 7 mars 2022,
Sur la demande de provision de la créance de rémunération équitable non sérieusement contestable
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Sur les périodes couvertes par la transaction signée le 19 novembre 2018
En premier lieu, Monsieur [W], la SAS Soprodi Radios Région ainsi que la SARL Soropar Group contestent la condamnation prononcée à leur encontre par l’ordonnance déférée qui a retenu la somme de 75006,93 euros au titre de la rémunération équitable due pour l’exploitation de leur service de radiodiffusion sonore entre le 1er octobre 2016 et le 31 décembre 2020, outre l’application des intérêts légaux ;
en réponse, la SPRE allègue que ces contestations ne peuvent pas porter sur la période du 30 septembre 2017 au 30 septembre 2018 puisque cette dernière est couverte par la transaction signée par les parties le 19 novembre 2018 ;
Il résulte de la transaction du 19 novembre 2018 et de son article 2.2 : « Engagement du service de radiodiffusion sonore », que « le service de radiodiffusion sonore s’engage à s’acquitter de l’intégralité des sommes dues pour la période allant du 01/10/2015 au 30/06/2018 soit 78986,06 euros TTC, en principal suivant les modalités arrêtées dans l’acte », que l’article 4 : « renonciation » en son dernier alinéa énonce que « plus généralement, les parties renoncent chacune l’une envers l’autre à faire valoir quelque droit que ce soit en relation avec ledit différend » ;
Il s’en déduit alors, que les appelants ne peuvent remettre en cause le montant des sommes dues conformément à l’accord des parties dans la transaction du 19 novembre 2018 pour la période qu’elle couvre à savoir du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018 et, plus particulièrement, pour la période du 30 septembre 2017 au 30 septembre 2018 ; il convient alors de rejeter les contestations portées par les appelants sur ces périodes, en application de l’article 2052 du code civil ;
Sur le taux d’utilisation de phonogrammes
Les appelants critiquent le taux appliqué par la SPRE, à savoir 85% d’utilisation des phonogrammes chaque année à l’exception de la période du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 pour laquelle un taux de 80% a été appliqué ;
ils expliquent alors que ce taux ne s’applique que sur les temps de passage des ‘uvres musicales et non pas sur les temps liés aux diffusions des informations régionales et nationales, des informations météorologiques et des rubriques emplois et des écrans publicitaires sur un créneau horaire défini entre 5h et 20h ;
ainsi, elles exposent que les flashs infos et météos représentent, sur l’antenne de la société Soprodi Radios Région, 6 minutes par heure, la rubrique emploi 45 secondes par heure sur la journée calculée sur 15 heures (5h-20h), la publicité 8 minutes par heure, soit un total de 14 minutes et 45 secondes pour un temps de diffusion hors ‘uvres musicales, soit un pourcentage de 24.17% et qui entraine un taux d’utilisation des phonogrammes de 75.84 % ;
En réponse, la SPRE affirme que les appelants n’apportent pas la justification d’un taux inférieur de 85% prévu par défaut par la décision réglementaire du 15 octobre 2007 puisqu’ils ne s’appuient que sur un raisonnement in abstracto en référence à une convention passée avec le CSA relative aux modalités d’insertion des messages publicitaires sur sa grille selon des durées non justifiées ;
Selon l’article L. 214-1 du code de la <
propriété
> <
intellectuelle
>, les utilisations de phonogrammes publiés à des fins de commerce ouvrent droit à une rémunération au profit des artistes interprètes et des producteurs, assise sur les recettes d’exploitation ou à défaut, évaluées forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4 du même code ;
La décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l’article L.214-4 du code de la <
propriété
> <
intellectuelle
> décide en son article 1er que le taux annuel d’utilisation des phonogrammes par rapport à la totalité des programmes diffusés est fixé à 85%, chaque service pouvant justifier d’un taux inférieur sur présentation de ses relevés de programmes ;
En l’espèce, pour justifier de l’application d’un taux de 75.84 %, les appelants exposent que leur temps de diffusion distinctes des ‘uvres musicales de 14 minutes et 45 secondes par heure selon les exigences de l’annexe V à une convention conclue avec le CSA (pièce 6 – appelant) ;
Or, ce dernier document, qui ne constitue qu’un extrait de la convention en cause (le modèle étant produit par la SPRE ‘ pièce 1-6 ‘ intimée), fait état des modalités d’insertion des messages publicitaires et, le cas échéant, des modalités d’insertion des messages publicitaires spécifiques mais ne constitue pas un relevé des programmes de la radio ; au demeurant les appelants ne versent aucun relevé de ses programmes permettant de déterminer un taux distinct de celui de 85% appliqué par défaut, ce qui leur avait été indiqué par la SPRE dans un courriel du 20 novembre 2020 (pièce 5.4 ‘ intimée) ; en outre, il importe peu qu’un taux inférieur ait pu être appliqué antérieurement, dès lors que ce dernier n’est pas justifié dans la période des sommes réclamées ;
Par ailleurs, les appelants critiquent le recours de la SPRE à une pige constituant un contrôle des programmes réellement diffusés datée de juin 2018 révélant un taux d’utilisation de phonogrammes de 85,64% puisque cette dernière est trop ancienne et non réalisée par la société Yacast avec laquelle le CSA collabore de manière exclusive (pièce 7 ‘ appelants) ; ces allégations seront rejetées car elles ne permettent pas de remettre en cause le taux de 85 % applicable par défaut en raison de la carence probatoire des appelants quant aux relevés de leur programme justifiant l’application d’un taux plus faible ;
Ainsi, il ressort de ces éléments que les appelants n’apportent aucun élément de nature à établir une contestation sérieuse quant au taux d’utilisation des phonogrammes applicable ;
Sur la base de calcul retenu pour l’établissement des sommes dues
Les appelants contestent également l’assiette de calcul retenu par le SPRE pour la détermination des sommes dues et soumettent à l’appui de leurs allégations les commentaires de l’expert-comptable reprenant les composantes du chiffre d’affaires de 2017 à 2020 ; les indications de l’expert mettent alors en exergue la nécessité de reprendre le calcul afin d’y intégrer la part de certaines commissions, relèvent le changement du taux d’utilisation de phonogrammes à compter de 2016 et l’absence d’application du taux d’abattement de 22% pour les années 2018-2019 et interrogent sur le calcul des assiettes soulignant des éléments pris en considération sur l’année civile et d’autres sur l’année comptable ; leur analyse conduit à une somme due de 121100 euros TTC sur la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2020, le 4ème trimestre 2020 étant neutralisé et mis en compte dans les demandes principales de la SPRE pour un montant de 11732,41 euros ;
En réponse, le SPRE énonce avoir déjà répondu aux commentaires de l’expert-comptable par l’intermédiaire de son conseil et indique que la prise en compte d’année civile pour l’évaluation provient des éléments communiqués par la radio mais est sans incidence sur la facturation globale ; en outre, elle rappelle qu’il appartient au redevable de fournir les éléments nécessaires pour la facturation de la rémunération équitable et à défaut elle ne peut se plaindre a posteriori d’une facturation établie sur la base des éléments comptables recueillis ;
Il résulte de l’article 7 de la décision réglementaire du 9 septembre 1987 de la commission créée par l’article 24 de la loi n°85-660 du 3 juillet 1985 modifiée, relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, que « les redevables sont tenus de fournir tout justificatif des éléments nécessaires au calcul de la rémunération aux bénéficiaires représentés par la SPRE » ;
Cette même obligation est rappelée à l’article 3 de la loi n°93-924 du 20 juillet 1993 fixant les modalités de calcul de rémunération due aux artistes- interprètes et aux producteurs de phonogrammes par les services de radiodiffusion sonore : « les redevables sont tenus de fournir aux organisations représentatives des artistes-interprètes et des producteurs visées au premier alinéa de l’article L. 214-3 du code de la <
propriété
> <
intellectuelle
> tous justificatifs des éléments nécessaires au calcul et à la répartition entre les ayants droit de cette rémunération », la décision du 15 octobre 2007 de la commission prévue à l’article L. 214-4 du code de la <
propriété
> <
intellectuelle
> qui prévoit le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable retient implicitement cette obligation pour la détermination de l’assiette de calcul de la rémunération énoncée en son article 2 ;
En l’espèce, les éléments apportés par les appelants ne constituent que des commentaires de leur expert-comptable s’interrogeant sur le traitement des données par la SPRE et, comme l’a justement relevé le juge des référés, ils ne constituent pas une contestation sérieuse n’étant pas corroborés par des documents comptables permettant la détermination de l’assiette de la rémunération par année comptable, de déterminer les personnes sur lesquelles pèsent les obligations de paiement en fonction des contrats de régie et de l’application de possibles abattements alors que la déclaration de ces revenus pèse sur les appelants ; la somme de 121100 euros TTC revendiquée par ces derniers n’est ainsi pas justifiée,
En conséquence, en l’absence de contestation sérieuse formulée par Monsieur [W] et des sociétés Soprodi Radios Région, Soropar Group, sur les éléments comptables versés par la SPRE, il convient de confirmer le montant de la provision retenue par le juge des référés à 75006,93 euros TTC pour la période de droits du 1er octobre 2017 au 30 juin 2021, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2019 sur la somme de 25229,47 euros et du 19 janvier 2021 sur celle de 49777,46 euros ;
Le rejet de l’application de la capitalisation des intérêts n’est pas contesté par les parties, l’ordonnance déférée sera ainsi confirmée sur ce point ;
Aussi, en application des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile, la SPRE est en droit de solliciter une actualisation de sa demande de provision dans la mesure où les appelants ne formulent pas de contestation sérieuse sur cette somme si ce n’est une remarque sur l’application du taux d’utilisation des phonogrammes et que l’intimée justifie de la teneur de la somme alléguée par un extrait de compte de la société Soprodi, un tableau récapitulatif par année des droits de 1996 au 30 septembre 2022 de cette société et d’une facture n°133004198 émise le 31 janvier 2022 ( pièces 2.5, 2.6 et 4.3 – intimée) ;
Ainsi, le paiement de la provision de 21528,88 euros TTC pour l’exploitation du service de radiodiffusion sonore par la société Soprodi Radios Région, entre le 1er juillet 2021 et le 31 décembre 2021 sera ordonné, assorti des intérêts au taux légal sur la somme de 10764,44 euros à compter du 11 janvier 2022, date de notification des conclusions d’intimée valant mise en demeure et à compter de la date des dernières conclusions, soit le 23 février 2022 sur le solde ;
Sur la condamnation in solidum de Monsieur [W] et de la société Soropar Group
Les appelants contestent la condamnation de Monsieur [W] et de la société Soropar Group in solidum s’opposant à l’existence d’une faute de leur part résultant du maintien pendant plusieurs années dans une situation de non-paiement des sommes dues auprès de la SPRE alors qu’ils justifient l’absence de paiement par les contestations portées sur l’augmentation arbitraire du taux d’utilisation des phonogrammes ;
La SPRE allègue quant à elle, que la SARL Soropar Group en sa qualité de président de la société Soprodi et Monsieur [W] en sa qualité de gérant de la SARL Soropar Group ont commis une faute délictuelle personnelle en se soustrayant délibérément et durablement à leurs obligations de paiement de la rémunération équitable auprès d’elle, mais aussi en raison de leur résistance face aux nombreuses demandes de régularisation amiable, du non-respect des engagements pris lors de la transaction du 19 novembre 2018, de la violation des dispositions de la convention collective avec le CSA et de manière générale de l’irresponsabilité du dirigeant maintenant un service de radiodiffusion sonore en activité depuis plusieurs années dans une situation d’illicéité caractérisée ;
En vertu de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ; il est également constant que le gérant d’une société commerciale qui commet dans l’exercice de ses fonctions une faute intentionnelle, distincte de ses fonctions sociales engage sa responsabilité civile personnelle à l’égard des tiers auxquels cette faute a causé un préjudice ;
En l’espèce les appelants contestent l’application de cette condamnation in solidum entre les sociétés et leur gérant, dès lors que leur abstention dans le paiement des sommes réclamées, se fonde sur une contestation sérieuse portant sur le taux de rémunération applicable ;
Cependant, cette contestation ne peut être valablement qualifiée de sérieuse, au vu des développements précédents relatifs au taux d’utilisation des phonogrammes appliqué par défaut ; en effet, comme l’a retenu le juge de première instance, la SARL Soropar Group et Monsieur [W] n’ont pas rempli leurs obligations déclaratives et de paiement de la rémunération équitable malgré les transactions conclues en 2016 et 2018 et les nombreuses mises en demeure ;
les dirigeants de la société de radiodiffusion ont ainsi commis des fautes intentionnelles réitérées susceptibles de sanctions pénales prévues à l’article L. 335-4 du code de la <
propriété
> <
intellectuelle
; il s’agit alors de fautes personnelles incompatibles dans l’exercice normal des fonctions sociales et donc distinctes de celles-ci, imposant que soit retenue leur responsabilité ;
Dès lors, il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu la condamnation in solidum de Monsieur [W], la SARL Soropar Group et la SAS Soprodi Radios Région au paiement des indemnités provisionnelles assorties de leurs intérêts dans les conditions surdéterminées ;
Sur le paiement de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice par la SPRE
La responsabilité des appelants étant reconnue, il convient d’indemniser le préjudice subi par la SPRE constitué par le coût imposé par les mesures de recouvrement et des procédures contentieuses réalisées à l’encontre des appelants afin d’obtenir le paiement des sommes dues ;
Par conséquent, l’ordonnance déférée ayant accordé la somme provisionnelle de 1000 euros sera confirmée étant rappelé que les intérêts moratoires ne sauraient couvrir ce préjudice matériel distinct de la SPRE.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [W], la SARL Soropar Group, la SAS Soprodi Radios Région, parties perdantes, devront supporter les entiers dépens de la procédure ;
en outre, ces derniers seront condamnés à payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SPRE ;
Monsieur [W], la SARL Soropar Group, la SAS Soprodi Radios Région seront déboutés de leur propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme l’ordonnance du 5 octobre 2021 rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
Condamne in solidum Monsieur [E] [W], la SAS Soprodi Radios Région et la SARL Soropar Group à verser à la SPRE la somme de 21528,88 euros (vingt-et-un mille cinq cent vingt-huit euros et quatre-vingt-huit centimes) à titre de provision sur la rémunération équitable due pour l’exploitation de leur service de radiodiffusion sonore entre le 1er juillet 2021 et le 31 décembre 2021, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2022, date de notification des conclusions d’intimée valant mise en demeure et à compter de la date des dernières conclusions, soit le 23 février 2022 sur le solde ;
Condamne in solidum Monsieur [E] [W], la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group à payer à la SPRE la somme de 3000 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne in solidum Monsieur [E] [W], la SAS Soprodi Radios Région, la SARL Soropar Group aux dépens de la procédure d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en dix pages.