Your cart is currently empty!
[well type=””][icon type=”fa fa-cube” color=”#dd3333″]Point juridique
Dans le cadre de la réforme du secteur audiovisuel, l’Autorité de la concurrence a rendu son avis à la Commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale. L’objectif est clair : desserrer toutes les contraintes pesant sur les acteurs historiques de l’audiovisuel pour leur permettre de rivaliser, à armes égales, avec les plateformes de vidéo en ligne (Amazon, Netflix). [/well]
En ce sens, l’Autorité propose principalement : i) d’assouplir les obligations portant sur les investissements des diffuseurs dans les œuvres cinématographiques et audiovisuelles ; ii) d’ouvrir la publicité télévisée aux secteurs interdits (cinéma, édition, campagnes promotionnelles de la grande distribution) ; iii) de permettre la publicité ciblée sur le modèle de la publicité sur Internet.
Les nouvelles offres internationales, diffusées sur l’Internet mondial, ne sont quasiment pas régulées, alors que, pour les acteurs historiques nationaux, la réglementation sectorielle est aujourd’hui toujours fondée sur le modèle historique d’une offre linéaire diffusée en hertzien. Les acteurs historiques ne peuvent développer la publicité ciblée quand ils retransmettent leur programme via les offres des FAI. De même, le développement de plateformes VàDA leur permettant de mettre à la disposition des consommateurs les œuvres qu’ils ont financées est contraint par les obligations relatives à l’investissement dans les contenus.
Les télévisions payantes voient leur nombre d’abonnés chuter, compte tenu de l’attrait des programmes délinéarisés des plateformes, de la richesse de leur offre premium et du faible coût de leurs offres. Les télévisions payantes doivent donc baisser les prix de leurs abonnements, ce qui réduit leurs ressources pour investir dans les programmes les plus attractifs (sport, cinéma, séries).
Pour les chaînes gratuites, la durée d’écoute individuelle commence à diminuer, et donc leurs ressources publicitaires à stagner, du fait de la popularité croissante des programmes à la demande, en particulier la consommation massive des séries en « binge watching » (« consommation boulimique »). Cette stagnation de la durée d’écoute s’ajoute à la concurrence de la publicité ciblée sur Internet, de plus en plus prisée par les annonceurs, mais interdite pour la télévision hertzienne linéaire.
Grâce à ces nouveaux modes de diffusion, permis par l’extension progressive du haut et du très haut débit, de nouveaux acteurs sont récemment entrés sur le marché : principalement les plateformes de vidéos à la demande sur abonnement (VàDA) telles que Netflix ou Amazon Prime Video. Ces acteurs, qui proposent de nouveaux usages et plus de liberté aux consommateurs, connaissent un succès très rapide : Netflix, entré sur le marché en 2014, dispose aujourd’hui de plus de 5 millions d’abonnés, davantage que Canal Plus.
En termes de modèle économique, ces nouvelles plateformes innovent également en intégrant dans la même entreprise à la fois les fonctions de production de contenus, d’édition et de distribution, soit l’intégralité de la chaîne de valeur traditionnelle de l’audiovisuel.
Netflix ou Amazon investissent massivement dans la production de programmes, notamment « originaux » qu’elles produisent en direct, en gardant tous les droits d’exploitation, sur tous les territoires et pour une très longue durée. De ce fait, leur capacité d’investissement est sans commune mesure avec celle des éditeurs de chaînes nationales dans la mesure où leur base d’abonnés est mondiale, et non nationale, et où les droits du catalogue n’ont pas de durée de péremption. Par ailleurs, contrairement aux chaînes linéaires, les plateformes numériques bénéficient de l’accès aux données de leurs utilisateurs, ce qui leur permet d’améliorer sans cesse leurs offres et notamment leur algorithme de recommandation.
Afin de permettre aux acteurs historiques de mieux répondre aux défis de la révolution numérique, l’Autorité préconise une libéralisation des obligations pesant exclusivement sur les opérateurs historiques tant en matière de publicité qu’en matière de programmes.
En matière de publicité
Bien qu’aujourd’hui la distinction entre le marché de la publicité télévisuelle et celui de la publicité en ligne persiste, il existe néanmoins une convergence croissante entre les deux marchés. Les évolutions économiques et technologiques rendent nécessaire de réexaminer la réglementation existante relative à la publicité télévisuelle, nettement plus contraignante que celle qui pèse aujourd’hui sur les acteurs d’Internet.
Autoriser la publicité ciblée
Il est probable, eu égard aux évolutions du secteur, qu’à l’avenir, la publicité en ligne et la publicité télévisuelle constituent de plus en plus des alternatives entre lesquelles les annonceurs souhaiteront arbitrer. Aujourd’hui, le cadre réglementaire de la publicité télévisuelle ne permet pas cet arbitrage, notamment parce qu’il empêche les régies des chaînes de télévision d’offrir aux annonceurs de la publicité ciblée. L’Autorité propose de permettre aux chaînes de proposer de nouvelles formes de publicité adressée et ciblée.
Ouvrir les secteurs interdits
Certains secteurs sont interdits de publicité télévisuelle afin de protéger la diversité culturelle et les ressources des autres medias. Compte tenu de l’incertitude sur l’efficacité du dispositif, dans la mesure où ces secteurs ont largement recours à la publicité digitale, l’Autorité propose d’autoriser la diffusion de publicités pour le cinéma, l’édition et les promotions dans le secteur de la distribution.
En matière de programmes
La réglementation française impose aux éditeurs de services de télévision de contribuer au financement de la production cinématographique et audiovisuelle, dont une partie doit répondre à la qualification de « production indépendante ». Elle organise ainsi un système d’investissements obligatoires, complexe, différencié selon les services de télévision et selon les genres (cinéma et audiovisuel, œuvres de stock et œuvres de flux…), qui obère la liberté de l’éditeur dans la construction de sa grille de programmes.
S’ajoute à ces obligations de production un quota (75 %) nécessairement réservé à des œuvres « indépendantes » pour lesquelles les diffuseurs voient leurs droits d’exploitation et de diffusion sur les œuvres qu’ils commandent très étroitement limités au profit du producteur. Les diffuseurs ne peuvent donc, contrairement aux plateformes internationales, exploiter ces droits à l’étranger ou sur leurs propres plateformes VàDA autrement que de façon très limitée dans le temps, alors même qu’ils ont, le plus souvent, très majoritairement financé ces œuvres.
Les éditeurs sont donc désavantagés dans la mesure où, d’une part, ils ne peuvent s’intégrer verticalement comme le font les plateformes numériques qui achètent des studios de production et, d’autre part, ils ne peuvent pas acquérir de droits exclusifs de longue durée pour exploiter une œuvre dans différents services en France et/ou à l’étranger et créer ainsi les services audiovisuels plébiscités par les téléspectateurs.
En l’absence de modification, les services de medias audiovisuels français pourraient être affaiblis par la concurrence des plateformes numériques et n’être plus en mesure de maintenir durablement le financement de la production française à des niveaux importants, qu’elle soit indépendante ou non.
Assouplir les obligations portant sur les investissements dans les œuvres européennes et françaises
Une mutualisation des obligations au niveau des groupes de télévision doit être instaurée afin de préserver la souplesse nécessaire dans les choix d’investissement des chaînes et la différenciation des lignes éditoriales au sein de ce groupe. Par ailleurs, il conviendrait d’introduire une certaine dose de mutualisation entre les « couloirs » des obligations de production audiovisuelle et cinématographique, afin de permettre aux éditeurs de s’adapter à l’évolution des goûts du public et aux conditions de marché.
Revoir les conditions de recours à la production indépendante
Conserver une obligation de recours à la création indépendante permet d’éviter une trop forte concentration qui nuit à la disponibilité des contenus et in fine à la diversité de l’offre. Mais il suffit pour ce faire de limiter la définition de l’indépendance à l’indépendance capitalistique du producteur vis-à-vis du diffuseur, sans fixer les conditions de la négociation contractuelle sur la répartition des droits.
Les éditeurs de chaînes ayant financé l’œuvre devraient pourvoir négocier directement avec le producteur les droits de diffusion (par exemple les droits de diffusion en linéaire et sur les plateformes VàDA) ainsi que les mandats de commercialisation, notamment pour l’étranger, de façon à concourir à armes égales avec les autres acteurs, linéaires et non linéaires, européens et internationaux.
Supprimer les « jours interdits » de cinéma
L’Autorité recommande de simplifier les conditions de diffusion des contenus en supprimant, ou à tout le moins en assouplissant, la règle des « jours interdits », qui prohibe la diffusion de films les mercredis et vendredis soirs, le samedi ainsi que le dimanche avant 20h30. Cette disposition n’a plus de sens dans la mesure où les films sont disponibles à tout moment sur les plateformes VàDA.
Revoir la loi de 1986 sur le dispositif anti-concentration
Ces dispositions, qui s’ajoutent au dispositif normal de contrôle des concentrations, semblent dépassées en raison des évolutions économiques du secteur. Si des garde-fous garantissant le pluralisme demeurent nécessaires, les dispositions actuelles ne s’appliquent qu’aux opérateurs de télévision et excluent donc une partie de plus en plus significative des fournisseurs de contenus. L’Autorité appelle donc à une refonte du dispositif.
Réformer dès que possible ce qui peut l’être dans les décrets
L’ensemble de ces adaptations sont urgentes, pour éviter que les acteurs historiques ne soient bloqués dans leurs efforts d’adaptation, et progressivement marginalisés sur le marché national et sur le marché international, ce qui nuira à terme à toute la filière. C’est pourquoi l’Autorité recommande que, sans attendre l’intervention de la loi, les dispositions relatives à la publicité et aux obligations de production dans les décrets du 27 mars 1992 et du 2 juillet 2010 soient rapidement réformées dans le sens des recommandations qui précèdent.