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Contrairement à la jurisprudence AdWords, se référencer sur Cdiscount avec la marque d’un concurrent expose à une condamnation pour concurrence déloyale.
La société Az Flag a obtenu la condamnation d’un concurrent (The Morganis Company) qui a profité de la réputation de ses produits, pour induire en erreur le public, et s’est placé dans son sillage pour s’accaparer une partie de sa clientèle.
En l’espèce, il résulte du procès-verbal dressé par huissier de justice les 19 et 24 juillet 2020 que la société The Morganis Company commercialise, sur le même site marchand que la société Az Flag, des produits identiques, en reprenant les mêmes visuels, les mêmes formats de produits et la même mention que les produits sont ‘proposés par Az Flag’, créant ainsi fautivement un risque de confusion pour l’internaute, qui peut penser acheter un produit de la société Az Flag. Ces faits distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon par reproduction de marques caractérisent des actes de concurrence déloyale au détriment de la société Az Flag. Le jugement sera également infirmé de ce chef.
La société The Morganis Company a commercialisé ses produits avec le même format que les siens, en utilisant les mêmes photographies et en mentionnant que ses produits sont «’proposés par Az Flag’» alors qu’il n’en est rien, les produits étant d’une qualité inférieure à celle des produits authentiques.
La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 25 MAI 2021
Numéro d’inscription au répertoire général :20/10728 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCELR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juin 2020 -Tribunal Judiciaire de Paris – 3e chambre
– 2e section – RG n° 19/11259
APPELANTE
S.A.S. AZ FLAG
Société au capital social de 10 000 euros,
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nîmes sous le numéro 512 552 290,
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représentée et assistée de Me Camille PECNARD du cabinet d’avocats LAVOIX, avocat au barreau de PARIS, toque E1626
INTIMEE
S.A.S.U. THE MORGANIS COMPANY domiciliée chez […],
Société au capital social de 1 000 euros,
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 849 189 352,
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
9 rue du Quatre-Septembre
[…]
N’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant
Madame Déborah BOHÉE, conseillère et Madame Françoise BARUTEL, conseillère chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHEE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
• Réputé contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 26 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l’appel interjeté le 24 juillet 2020 par la société Az Flag,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 décembre 2020 par la société Az Flag, appelante,
Vu l’absence de constitution de la société The Morganis Company,
Vu la signification à la société The Morganis Company de la déclaration d’appel et des conclusions par procès-verbaux de remise à l’étude de l’huissier de justice délivrés respectivement le 25 septembre 2020 et le 11 décembre 2020,
Vu l’ordonnance de clôture du 15 décembre 2020,
SUR CE, LA COUR :
La société Az Flag est spécialisée dans le commerce de répliques de drapeaux. Elle vend ses produits notamment sur le site internet www.cdiscount.com. Elle est titulaire de deux marques semi-figuratives ‘Az Flag’ :
— la marque française n°3669956, déposée le 10 août 2009 et enregistrée le 15 janvier 2010 pour désigner des produits des classes 6, ‘Métaux communs et leurs alliages ; Mâts métalliques de pavillons ou de drapeaux’, et 24 ‘Tissus ; tissus à usage textile ; Pavillons et drapeaux non en papier ; calicots ; bannières ; fanions en tissu – et 25 – Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; couches en matières textiles ; sous-vêtements ; Habillement personnalisé’ ;
— la marque internationale n°1326923 désignant l’Union européenne, enregistrée le 17 août 2016 pour désigner divers produits en classe 24.
La société The Morganis Company SAS, immatriculée depuis le 20 mars 2019, a pour activités la conception, commercialisation de produits en e-commerce. Elle propose ses articles sur le site cdiscount.com sous le nom de vendeur ‘TendanceWeb’.
Considérant que la société The Morganis Company commercialisait illicitement ses produits sous la marque précitée, la société Az Flag, après avoir fait établir les 24 et 30 juillet 2019 un constat d’huissier, a fait assigner la société The Morganis Company, par acte d’huissier en date du 12 septembre 2019, sur le fondement de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale et du parasitisme.
Par jugement rendu le 26 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :
Débouté la société Az Flag de ses demandes formées à l’encontre de la société The Morganis Company au titre de la contrefaçon de la marque française n°3669956 et de la marque internationale n°1326923 ;
Débouté la société Az Flag de ses demandes formées à l’encontre de la société The Morganis Company au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
Rejeté les demandes subséquentes au titre des mesures réparatrices et indemnitaires;
Rejeté les demandes au titre du droit d’information ;
Rejeté les demandes de publication ;
Condamné la société Az Flag aux dépens.
Sur la contrefaçon
La société Az Flag expose qu’en première instance elle a produit, par erreur, le constat d’huissier d’un dossier parallèle, au lieu du constat d’huissier des 24 et 30 juillet 2019 relatif aux agissements de la société The Morganis Company, raison pour laquelle elle a été déboutée, dans cette affaire qui s’est tenue devant le tribunal judiciaire selon la procédure sans audience.
Elle soutient que ses marques semi-figuratives n°3669956 et n°1326923 sont reproduites, sans modification ni ajout, par la société The Morganis Company sur sa boutique en ligne présente sur le site.cdiscount.com, et ce pour des ‘pavillons et drapeaux non en papier (‘)’; bannières et fanions en tissu’, pour lesquels ses marques sont enregistrées, de sorte que les actes de contrefaçon par reproduction sont constitués.
Elle ajoute que ces faits relèvent aussi de la contrefaçon par substitution de produits au sens de l’article L.716-10 d), puisque ces marques sont reproduites sur des produits qui ne sont pas authentiques.
La cour rappelle que l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au litige, dispose que ‘sont interdits, sauf autorisation du propriétaire:
a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : ‘formule, façon, système, imitation, genre, méthode’ ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement’.
Il résulte du constat dressé par huissier de justice les 24 et 30 juillet 2019 que sur le site cdiscount.com, lorsque l’huissier de justice tape les mots ‘Az Flag’, il est dirigé notamment vers un lien relatif à la ’boutique de TendanceWeb’ éditée par la société The Morganis Company, et que dans cette boutique en ligne, sont offerts à la vente des drapeaux en tissu polyester, sur lesquels sont reproduites, à l’identique, les marques semi-figuratives n°3669956 et n°1326923, dont la société Az Flag est titulaire, étant rappelé que les marques invoquées sont notamment déposées pour des ‘ pavillons et drapeaux non en papier ; fanions en tissu’.
Les signes et les produits en cause étant identiques, la contrefaçon par reproduction des marques litigieuses est ainsi caractérisée. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
La société Az Flag invoque également l’article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle qui punit de trois ans d’emprisonnement le fait de sciemment livrer un produit autre que celui qui est demandé sous une marque enregistrée. Toutefois, cette disposition pénale n’est pas applicable devant une juridiction civile de sorte que sa demande de ce chef sera rejetée.
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
La société Az Flag soutient que l’intimée tente de profiter de la réputation de ses produits, pour induire en erreur le public, et de se placer dans son sillage pour s’accaparer une partie de sa clientèle. Elle expose que la société The Morganis Company commercialise ses produits avec le même format que les siens, en utilisant les mêmes photographies et en mentionnant que ses produits sont «’proposés par Az Flag’» alors qu’il n’en est rien, les produits étant d’une qualité inférieure à celle des produits authentiques.
Elle ajoute que la société The Morganis Company profite ainsi indûment des efforts et investissements qu’elle a réalisés pour assurer le bon référencement de ses produits sur internet et construire une excellente réputation.
La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.
En l’espèce, il résulte du procès-verbal dressé par huissier de justice les 19 et 24 juillet 2020 que la société The Morganis Company commercialise, sur le même site marchand que la société Az Flag, des produits identiques, en reprenant les mêmes visuels, les mêmes formats de produits et la même mention que les produits sont ‘proposés par Az Flag’, créant ainsi fautivement un risque de confusion pour l’internaute, qui peut penser acheter un produit de la société Az Flag. Ces faits distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon par reproduction de marques caractérisent des actes de concurrence déloyale au détriment de la société Az Flag. Le jugement sera également infirmé de ce chef.
En revanche, faute de justifier de ses investissements, de sa particulière notoriété, de son image de qualité et de la valeur économique individualisée qui aurait été captée, la société Az Flag sera déboutée de ses demandes sur le fondement du parasitisme.
Sur les mesures de réparation
La société Az Flag sollicite des mesures de destruction, d’interdiction sous astreinte, de condamnation provisionnelle à 30 000 euros au titre de la contrefaçon, à 15 000 euros au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, ainsi que des mesures de communication sous astreinte et de publication.
Il convient au regard de la nécessité de prévenir le renouvellement des actes illicites de faire droit à la demande d’interdiction sous astreinte, dans les conditions prévues au présent dispositif. Il y a lieu également, en tant que de besoin, d’ordonner une mesure de destruction des produits incriminés restant en stock.
La société Az Flag, titulaire des marques Az Flag, a subi, du fait des actes de contrefaçon, un préjudice d’atteinte à ses marques, dont la plus ancienne a été enregistrée en 2009, qu’il y a lieu, au vu des faits de l’espèce d’évaluer à 15 000 euros.
Commercialisant des drapeaux portant les marques contrefaites, elle a également nécessairement subi du fait des actes de concurrence déloyale, un préjudice commercial et d’image, qu’il convient d’évaluer à la somme de 15 000 euros.
Il s’ensuit, et sans qu’il soit nécessaire d’ordonner des mesures de droit à l’information, que la société The Morganis Company, sera condamnée à payer à la société Az Flag les sommes de 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon, et de 15 000 en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale.
Il est outre établi que les agissements incriminés continuent, à tout le moins jusqu’à la fin de l’année 2020, la société Az Flag ayant fait dresser un nouveau procès-verbal par huissier de justice le 9 décembre 2020 constatant que la société The Morganis Company offre toujours à la vente, dans sa boutique TendanceWeb sur le site cdiscount.com, des drapeaux portant la mention ‘Az Flag’, de sorte que la demande de publication est justifiée, et sera ordonnée, dans les conditions du dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a débouté la société Az Flag de ses demandes au titre du parasitisme, et du droit à l’information ;
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que la société The Morganis Company a commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques n°3669956 et n°1326923 au préjudice de la société Az Flag ;
Dit que la société The Morganis Company a commis des actes distincts de concurrence déloyale au préjudice de la société Az Flag ;
Fait interdiction à la société The Morganis Company de poursuivre ces agissements, sous astreinte de 50 euros par infraction constatée, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Ordonne, en tant que de besoin, la destruction des drapeaux portant la mention Az Flag restant en stock au sein de la société The Morganis Company, à ses frais, par un huissier de justice ;
Condamne la société The Morganis Company à payer à la société Az Flag les sommes de:
— 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,
— 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;
ORDONNE la publication de l’insertion suivante : ‘Par décision en date du 25 mai 2021, la cour d’appel de Paris a jugé que la société The Morganis Company a commis des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale à l’encontre de la société Az Flag, et a condamné la société The Morganis Company à indemniser la société Az Flag en réparation des préjudices subis de ce fait’,et ce dans deux journaux ou revues au choix de la société Az Flag et aux frais de la société The Morganis Company, sans que le coût de chaque insertion ne puisse être supérieur à 3 500 euros HT ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société The Morganis Company aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et vu l’article 700 dudit code la condamne à verser à la société Az Flag à ce titre pour les frais irrépétibles de première d’instance et d’appel une somme de 8 000 euros, en ce compris les frais de constat d’huissier et de lettres de relance.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE