Concurrence déloyale et Brevets : le Tribunal de commerce compétent
Concurrence déloyale et Brevets : le Tribunal de commerce compétent
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Le Tribunal de commerce est compétent pour connaître d’une action en concurrence déloyale portant sur l’exploitation d’un brevet. Il ne s’agit pas là d’une action relative à un brevet ou connexe à une action relative à un brevet qui entraîne la compétence exclusive du Tribunal judiciaire. 


En l’espèce, si la société Crealyst fait état de l’existence de brevets dont elle est titulaire, l’action engagée contre la société Time Services est une action, d’une part en responsabilité contractuelle, et d’autre part en responsabilité délictuelle, et non pas une action relative à un brevet ou connexe à une action relative à un brevet

La société Crealyst indique avoir récemment découvert que la société Time Service n’a pas respecté depuis 2012 certaines obligations figurant dans les différents contrats conclus entre les parties, lui imposant de ne pas porter atteinte à ses droits sur sa technologie, son savoir-faire et ses machines, et se positionnait ainsi comme un de ses concurrents.

Or en l’espèce, il résulte des termes du jugement dont appel que la société Crealyst a, par acte d’huissier de justice en date du 2 mars 2021, fait assigner la société Time Service devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles 1134, 1142 et 1147 anciens du code civil ainsi que 1382 ancien du même code, pour obtenir paiement de diverses sommes en réparation de différents préjudices subis du fait de manquements de la société défenderesse à ses obligations contractuelles et à son obligation de négocier de bonne foi, dans des conditions de nature à créer la confusion entre la machine «’Pro Dense’» de la société Time Service et sa machine «’Calydens’» ainsi que les services respectivement proposés par les parties.

Si la société Crealyst fait état de l’existence de brevets dont elle est titulaire, l’action engagée contre la société Time Services est une action, d’une part en responsabilité contractuelle, et d’autre part en responsabilité délictuelle, et non pas une action relative à un brevet ou connexe à une action relative à un brevet, qui impliquerait un examen de l’existence ou de la méconnaissance d’un droit attaché à ce brevet, de sorte que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaitre de l’action.


 
République française
Au nom du peuple français
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 21 AVRIL 2023
(n°73, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/11008 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CF6OU
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 juin 2022 – Tribunal de Commerce de PARIS – 3ème chambre – RG n°2021018476
APPELANTE
S.A.R.L. T.I.M.E SERVICE CATALYST HANDLING GmbH, société de droit allemand, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ALLEMAGNE
Représentée par Me Elisabeth DE LA TOUANNE-ANDRILLON, avocate au barreau de PARIS, toque P 0017
Assistée de Me Isabelle SETTON-BOUHANNA plaidant pour la SARL DMS AVOCAT, avocate au barreau de PARIS, toque A 152
INTIMEE
 
S.A.S. CREALYST-GROUP, anciennement dénommée CREALYST, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Immatriculée au rcs de Mans sous le numéro 451 653 414
Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477
Assistée de Me Elise CADORET plaidant pour la SELARL ARMAND AVOCATS, avocate au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mmes Véronique RENARD et Laurence LEHMANN ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
 
ARRET :
 
Contradictoire
 
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
 
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
 
Vu le jugement contradictoire rendu le 9 juin 2022 par le tribunal de commerce de Paris, qui a’:
– dit recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Time Service,
– s’est déclaré compétent,
– renvoyé les parties à l’audience collégiale de la 3ème chambre du 14 septembre 2022 à 14 heures pour dépôt des conclusions de la société Time Service,
– dit que le greffe procèdera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties,
– dit qu’en application de l’article 84 du code de procédure civile, la voie de l’appel est ouverte contre la présente décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification,
– réservé les autres demandes des parties, en ce comprenant les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
Vu l’appel interjeté le 24 juin 2022 par la société Time Service Catalyst Handling GmbH (ci-après dénommée la société Time Service),
Vu l’assignation à jour fixe délivrée le 8 juillet 2022 à la société Crealyst-Group anciennement dénommée Crealyst (ci-après la société Crealyst) par la société Time Service dûment autorisée par ordonnance présidentielle du 29 juin 2022, et remise au greffe le 18 juillet 2022,
Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 juin 2022 par la société Time Service, appelante, qui demande à la cour de’:
– confirmer le jugement rendu le 9 juin 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a’considéré comme recevable l’exception d’incompétence soulevée par l’appelante,
– infirmer le jugement rendu le 9 juin 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a considéré infondée l’exception d’incompétence soulevée par l’appelante et retenu sa compétence,
Statuant à nouveau,
– déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent pour trancher le litige au profit du tribunal judiciaire de Paris conformément aux dispositions des articles L 617-15 et D 631-2 du code de la
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et D 211-6 du code de l’organisation judiciaire,
En conséquence,
– renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris à qui il appartiendra de convoquer les parties ou fixer une date d’audience pour connaître de l’ensemble des demandes formées par les parties,
A titre subsidiaire,
– prononcer la connexité entre l’instance engagée par la société Time Service devant le tribunal judiciaire de Paris (RG 22/02829) et l’instance engagée par Crealyst devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’article 101 du code de procédure civile,
En conséquence,
– retenir l’exception de connexité et renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris,
– débouter la société Crealyst-Group de toutes demandes, fins ou conclusions contraires,
– condamner la société Crealyst-Group à verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Crealyst-Group aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux modalités de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023 par la société Crealyst, intimée, qui demande à la cour de’:
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 juin 2022 en ce qu’il a dit mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Time Service et s’est déclaré compétent,
– débouter la société Time Service de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Time Service à payer à la société Crealyst-Group la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Vu l’audience du 8 février 2023 ;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Crealyst a pour activité le remplissage dense de récipients verticaux cylindriques, à destination de l’industrie pétrolière. Elle indique réaliser à ce titre des chantiers de chargement dense dans le monde entier, soit directement par ses propres équipes, soit par des prestataires tiers, parmi lesquels se trouve la société Time Service, et auxquels elle concède le droit d’utiliser ses technologies. Elle a mis au point des machines dédiées à son activité et déposé différents brevets qui ont été développés sous l’appellation «’Calydens’».
La société de droit allemand Time Service est un prestataire de service partenaire d’industries hautement spécialisées. Elle effectue des manipulations de catalyseurs industriels, et particulièrement des chargements ou déchargements de catalyseurs de réacteurs dans les raffineries et usines pétrochimiques’; elle a également des activités de chargement dense à l’instar de la société Crealyst.
Plusieurs contrats ont été conclus entre les parties précisant les conditions dans lesquelles la société Crealyst autorisait la société Time Service à exploiter la technologie «’Calydens’» ainsi que les brevets lui appartenant.
La société Crealyst indique avoir récemment découvert que la société Time Service n’a pas respecté depuis 2012 certaines obligations figurant dans les différents contrats conclus entre les parties, lui imposant de ne pas porter atteinte à ses droits sur sa technologie, son savoir-faire et ses machines, et se positionnait ainsi comme un de ses concurrents.
Elle a adressé une mise en demeure à la société Time Service le 30 décembre 2020 lui demandant de cesser l’utilisation de sa machine de chargement «’ProDense’» qui «’copierait’»’les éléments extérieurs de la machine «’Calydens’».
Aucun accord n’étant intervenu entre les parties, la société Crealyst a, par acte d’huissier de justice en date du 2 mars 2021, fait assigner la société Time Service devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles 1134, 1142 et 1147 anciens du code civil ainsi que 1382 ancien du même code, pour obtenir paiement de diverses sommes en réparation de différents préjudices invoqués.
C’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement du tribunal de commerce du 9 juin 2022, dont appel, qui a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Time Service.
Parallèlement, la société Time Service a fait assigner la société Crealyst devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité des brevets EP 1’687’223 et FR 3083526’dont celle-ci est titulaire.
La société Crealyst a soulevé le défaut d’intérêt à agir de la société Time Service et la prescription partielle de l’action en nullité, et par ordonnance du 11 janvier 2023, le juge de la mise en état a dit que les demandes de la société Time Service en annulation des brevets EP 1687223 et FR 3083526 détenus par la société Crealyst étaient irrecevables, faute d’intérêt à agir.
Sur la compétence du tribunal de commerce pour connaitre du litige
La société Time Service soutient que’le tribunal de commerce de Paris est matériellement incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris’dès lors que la clause attributive de compétence figurant dans les contrats entre la société Time Service et la société Crealyst dont la validité n’est pas contestée ne prévoit pas la compétence du tribunal de commerce mais celle des tribunaux compétents du ressort de la cour d’appel de Paris, que le tribunal judiciaire de Paris a une compétence exclusive pour connaître des actions en matière de brevets d’invention et des questions connexes de concurrence déloyale et qu’en l’espèce, pour pouvoir apprécier le bien-fondé des demandes de la société Crealyst relatives à sa responsabilité tant contractuelle que délictuelle, il est nécessaire d’appréhender les règles spécifiques au droit des brevets. Elle précise que la détermination du respect de ses obligations contractuelles nécessite de se prononcer sur la validité des brevets de la société Crealyst qu’elle a contestée devant le tribunal judiciaire de Paris, et le cas échéant sur la portée de la protection que la société brevetée pourrait revendiquer, ainsi que de comparer la technologie qu’elle met en ‘uvre avec la technologie brevetée’; elle ajoute que l’examen des fautes délictuelles qui lui sont reprochées met également nécessairement en cause les règles spécifiques du droit des brevets s’agissant tant de l’appréciation des conditions de la négociation du contrat du 1er avril 2016 que des actes de concurrence déloyale invoqués par la société Crealyst’; subsidiairement, elle invoque une exception de connexité avec une affaire pendante devant le tribunal judiciaire de Paris.
 
La société Crealyst soutient au contraire que’seul le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaitre du litige car’les contrats conclus depuis 2011 avec la société Time Service comportent tous un article 9 prévoyant la compétence des tribunaux du ressort de la cour d’appel de Paris, que la demande introduite devant le tribunal de commerce ne concerne que le défaut d’exécution de ses obligations contractuelles par la société Time Service et des actes de concurrence déloyale autonomes, et non pas l’existence de brevets, la violation de droits attachés à des brevets ou une concurrence déloyale liée à un brevet, enfin que le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, a, par ordonnance du 11 janvier 2023, jugé la société Time Service irrecevable en ses demandes en annulation de brevets, faute d’intérêt à agir, mettant ainsi fin à l’instance pendante devant le tribunal judiciaire de Paris, de sorte que l’exception de connexité invoquée par la société Time Service est désormais sans objet.
La recevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par la société Time Service n’est pas contestée.
Les contrats conclus depuis 2011 entre la société Crealyst et la société Time Service comportent tous une clause attributive de compétence, dont la validité n’est pas non plus contestée, au profit des tribunaux du ressort de la cour d’appel de Paris.
Aux termes de l’article L 615-17 du code de la <
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« Les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention, (‘) ou lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire (‘) ».
Selon l’article D 211-6 du code de l’organisation judiciaire « Le tribunal judiciaire ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de brevets d’invention, de certificats d’utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs, dans les cas et conditions prévus par le code de la <
propriété
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intellectuelle
, est celui de Paris ».
Or en l’espèce, il résulte des termes du jugement dont appel que la société Crealyst a, par acte d’huissier de justice en date du 2 mars 2021, fait assigner la société Time Service devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles 1134, 1142 et 1147 anciens du code civil ainsi que 1382 ancien du même code, pour obtenir paiement de diverses sommes en réparation de différents préjudices subis du fait de manquements de la société défenderesse à ses obligations contractuelles et à son obligation de négocier de bonne foi, dans des conditions de nature à créer la confusion entre la machine «’Pro Dense’» de la société Time Service et sa machine «’Calydens’» ainsi que les services respectivement proposés par les parties.
Si la société Crealyst fait état’de l’existence de brevets dont elle est titulaire, l’action engagée contre la société Time Services est une action, d’une part en responsabilité contractuelle, et d’autre part en responsabilité délictuelle, et non pas une action relative à un brevet ou connexe à une action relative à un brevet, qui impliquerait un examen de l’existence ou de la méconnaissance d’un droit attaché à ce brevet, de sorte que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaitre de l’action.
Par ailleurs, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, a, dans le cadre de l’action engagée par la société Time Service en nullité des brevets EP 223 et FR 526 dont est titulaire la société Crealyst, déclaré la société Time Service irrecevable en ses demandes, faute d’intérêt agir. L’exception de connexité opposée par la société Time Service est donc à ce jour sans objet.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a déclaré mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Time Services.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront également confirmées.
La société Time Services qui succombe devant la cour sera condamnée aux dépens de l’appel.
Enfin la société Crealyst a dû engager en cause d’appel des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
 
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 juin 2022.
Y ajoutant,
Condamne la société Time Service Catalyst Handling GmbH à payer à la société Crealyst-Group la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Time Service Catalyst Handling GmbH aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente

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