Conclusions : la suppression des passages diffamatoires

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Conclusions : la suppression des passages diffamatoires
Ce point juridique est utile ?

Il résulte des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Il résulte de cet article pris en son alinéa 4 que tout juge saisi de la cause et statuant au fond peut ordonner la suppression de propos outrageants contenus dans les écritures produites devant lui et condamner leur auteur à des dommages-intérêt, l”exercice cette faculté relèvant de son pouvoir souverain.

En l’espèce Mme [K] demande la suppression de passages des conclusions de l’appelant sans indiquer en quoi ils seraient injurieux ou outrageants, alors qu’une partie de ceux-ci visent à contester l’aggravation de l’état de santé alléguée et que les seuls termes de ‘mauvaise foi et de mensonges’ ne peuvent suffire à démontrer l’outrage.

Dès lors il n’y a pas lieu à ordonner la suppression desdits passages et aucun abus n’étant démontré, Mme [K] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne une condamnation de [Y] [B] pour avoir exercé des violences à l’encontre de [U] [K] en 1994, entraînant une aggravation de son état de santé. Suite au décès de [Y] [B], son fils [Z] [B] a été assigné en indemnisation. Le tribunal judiciaire de Grenoble a condamné [Z] [B] à payer à [U] [K] 11 570 euros de dommages et intérêts. [Z] [B] a interjeté appel, demandant la réformation du jugement et contestant le lien de causalité entre les faits de 1994 et l’état de santé actuel de [U] [K]. [U] [K] demande l’infirmer du jugement en partie, notamment en rejetant la pièce 14 produite par [Z] [B] et en demandant une indemnisation plus importante. La clôture de l’instruction a été ordonnée pour le 19 mars 2024.

Les points essentiels

1- sur la pièce 14

Si toute personne a droit au respect de sa vie privée, en application de l’article 9 du code civil, le seul fait de produire en justice un cliché ne révélant rien de la vie privée du sujet ne constitue pas en soi une atteinte à la vie privée.

Tel est le cas en l’espèce, la photographie produite ne permettant même pas d’identifier la personne figurant sur le cliché.

Il ne peut donc y avoir non plus atteinte à l’image de ladite personne.

La pièce 14 produite par M. [B] ne porte donc pas atteinte à la vie privée, ni au droit à l’image de Mme [K] et il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande visant à écarter cette pièce.

2- sur les propos figurant dans les conclusions de l’appelant

Il résulte des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Il résulte de cet article pris en son alinéa 4 que tout juge saisi de la cause et statuant au fond peut ordonner la suppression de propos outrageants contenus dans les écritures produites devant lui et condamner leur auteur à des dommages-intérêt, l”exercice cette faculté relèvant de son pouvoir souverain.

En l’espèce Mme [K] demande la suppression de passages des conclusions de l’appelant sans indiquer en quoi ils seraient injurieux ou outrageants, alors qu’une partie de ceux-ci visent à contester l’aggravation de l’état de santé alléguée et que les seuls termes de ‘mauvaise foi et de mensonges’ ne peuvent suffire à démontrer l’outrage.

Dès lors il n’y a pas lieu à ordonner la suppression desdits passages et aucun abus n’étant démontré, Mme [K] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

3- sur le lien de causalité entre l’état de santé de Mme [K] et l’agression du 18 août 2014

M. [B] conteste les conclusions expertales estimant que les attestations qu’il produit suffisent à les combattre.

Cependant, outre le fait que ces pièces 6, 8 à 10, 15 à 18, décrivant Mme [K] comme se livrant habituellement à des activités de jardinage, ne respectent pas les formes prévues pour valoir à titre d’attestations, elles ne suffisent pas à contredire les conclusions expertales, dans la mesure où l’expert n’a jamais indiqué que ces activités étaient impossibles pour Mme [K], cette dernière décrivant des douleurs cervicales, lombaires, au niveau du bras et de l’épaule droite ainsi que du membre inférieur gauche.

A la suite de l’agression subie, le certificat médical du 19 août 1994 fait état pour Mme [K] d’une douleur thoracique gauche, d’une gêne fonctionnelle de son bras gauche, de difficultés pour soulever son bras et de céphalées frontales, avec traces de griffures au niveau du bras gauche et des ecchymoses.

L’expert fait le lien entre les lésions initiales de la sphère ORL et de la sphère ostéo-articulaire, notamment la névralgie d’Arnold et les douleurs de l’épaule gauche, avec des séquelles sur la plan neuro-sensoriel, de la sphère ORL, de la sphère ostéo-articulaire, incluant la pathologie de l’épaule gauche.

En réponse au dire du conseil de M. [B], l’expert a pu préciser que ses conclusions ‘mettent en évidence un rapport certain et direct entre les constatations récentes et celles présentées à la suite du traumatisme de 1994″, se basant pour se faire sur la corrélation entre le certificat médical initial mentionnant les lésions qui sont identiques à celles mentionnées dans les derniers rapports médicaux.

Dès lors, les témoignages produits par M. [B] sur suffisent pas à combattre les conclusions de l’expert, qui ne laissent aucun doute sur le lien de causalité entre les faits de 1994 et l’aggravation de l’état de santé de Mme [K], tenant d’ailleurs compte d’un état antérieur pour fixer le déficit fonctionnel permanent à 10%.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a jugé fondée l’action en indemnisation de Mme [K].

M. [B] sera dès lors débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

4- sur l’indemnisation

Frais divers :

Les parties s’opposent sur le tarif horaire à retenir pour le besoin en assistance par tierce personne retenu par l’expert à :

une heure et demie pendant 45 jours de déficit fonctionnel temporaire à 45 %

3 heures par semaine pendant les 3 mois de déficit fonctionnel temporaire à 30 %, soit un total de 103,5 heures.

Il convient de retenir le taux horaire de 20 euros fixé par le premier juge, qui apparaît satisfactoire et de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à ce titre une somme de 2 070 euros à Mme [K].

Déficit fonctionnel temporaire :

M. [B] conteste la somme de 25 euros par jour retenue par le premier juge et celle de 2 000 euros allouée à Mme [K] à ce titre sans fournir la moindre argumentation.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à 2 000 euros la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Souffrances endurées :

Elles ont été fixées à 4/7 par l’expert judiciaire au titre de céphalées, douleurs de l’épaule gauche, douleur au niveau para-lombaire droit avec irradiation au niveau de la racine de la cuisse droite.

Cependant, au vu des lésions initiales, seules les céphalées et douleurs du membre supérieur gauche peuvent être retenues et le taux de 4/7 fixé par l’expert semble inadapté.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à 5 000 euros la somme allouée à Mme [K] au titre des souffrances endurées.

Déficit fonctionnel permanent et préjudice esthétique

Le déficit fonctionnel permanent et le préjudice esthétique permanent ne sont pas contestés, M. [B] s’en rapportant à la justice sur ces postes et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé le déficit fonctionnel permanent de 10 % à 1 500 euros et le préjudice esthétique à la somme de 1 000 euros.

Les montants alloués dans cette affaire: – Frais divers : 2 070 euros alloués à Mme [K]
– Déficit fonctionnel temporaire : 2 000 euros alloués à Mme [K]
– Souffrances endurées : 5 000 euros alloués à Mme [K]
– Déficit fonctionnel permanent : 1 500 euros alloués à Mme [K]
– Préjudice esthétique : 1 000 euros alloués à Mme [K]

Réglementation applicable

– Code pénal
– Code de procédure civile
– Code civil
– Convention Européenne des Droits de l’Homme

Article du Code pénal cité :

Article 222-13 du Code pénal : “Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.”

Article du Code de procédure civile cité :

Article 700 du Code de procédure civile : “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

Article du Code civil cité :

Article 1240 du Code civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.”

Article de la Convention Européenne des Droits de l’Homme cité :

Article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : “Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.”

Article 9 du Code civil : “Chacun a droit au respect de sa vie privée.”

Mots clefs associés & définitions

– Jugement
– Tribunal correctionnel de Grenoble
– Violences
– Expertise médicale
– Tribunal de grande instance
– Dommages et intérêts
– Décès
– Appel
– Causalité
– Procédures abusives
– Préjudice corporel
– Expertise médicale
– Conclusions
– Recevabilité
– Vie privée
– Droit à l’image
– Code de procédure civile
– Convention Européenne des Droits de l’Homme
– Irrecevabilité
– Préjudice moral
– Responsabilité
– Ayant cause
– Entiers dépens
– Clôture de l’instruction
– Jugement: décision rendue par un tribunal à l’issue d’un procès
– Tribunal correctionnel de Grenoble: juridiction compétente pour juger les infractions pénales commises dans la région de Grenoble
– Violences: actes de violence physique ou morale commis contre une personne
– Expertise médicale: évaluation médicale réalisée par un expert pour déterminer l’état de santé d’une personne
– Tribunal de grande instance: juridiction compétente pour juger les litiges civils de grande importance
– Dommages et intérêts: somme d’argent versée à une victime pour compenser le préjudice subi
– Décès: mort d’une personne
– Appel: recours permettant à une partie mécontente d’un jugement de le contester devant une juridiction supérieure
– Causalité: lien de cause à effet entre un acte et ses conséquences
– Procédures abusives: actions judiciaires intentées de manière malveillante ou dans le but de nuire
– Préjudice corporel: atteinte à l’intégrité physique d’une personne entraînant un préjudice
– Conclusions: arguments et demandes finales présentés par les parties lors d’un procès
– Recevabilité: caractère admissible d’une demande ou d’un recours devant une juridiction
– Vie privée: ensemble des informations et des faits relevant de la sphère intime d’une personne
– Droit à l’image: droit de contrôler l’utilisation de son image par autrui
– Code de procédure civile: ensemble des règles régissant la procédure civile en France
– Convention Européenne des Droits de l’Homme: traité international protégeant les droits fondamentaux des individus en Europe
– Irrecevabilité: caractère non admissible d’une demande ou d’un recours devant une juridiction
– Préjudice moral: souffrance psychologique subie par une personne suite à un préjudice
– Responsabilité: obligation de répondre des conséquences de ses actes
– Ayant cause: personne qui succède à une autre dans ses droits et obligations
– Entiers dépens: frais de justice intégralement supportés par la partie perdante
– Clôture de l’instruction: étape du procès où les preuves sont recueillies et les débats clos

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 mai 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/03263
N° RG 22/03263 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LQCU

N° Minute :

C2

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie france KHATIBI

la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 28 MAI 2024

Appel d’un jugement (N° R.G. 21/03302) rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 19 mai 2022, suivant déclaration d’appel du 01 septembre 2022

APPELANT :

M. [Z] [B]

né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par Me Marie France KHATIBI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIM ÉE :

Mme [U] [C] veuve [K]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me François-xavier LIBER-MAGNAN de la SELARL COUTTON GERENTE LIBER MAGNAN, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Iurilli, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 mars 2024, Mme Emmanuèle Cardona, présidente chargée du rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par un jugement du 9 novembre 1994 le tribunal correctionnel de Grenoble a déclaré [Y] [B] coupable, notamment, d’avoir à [Localité 6], le 18 août 1994, exercé des violences à l’encontre de [U] [K]. Au plan civil, le tribunal l’a condamné à payer à cette dernière la somme de 2 000 francs à titre de dommages et intérêts.

Faisant valoir que son état s’était aggravé, Mme [K] a saisi le juge des référés qui, par une ordonnance du 15 mars 2017, a ordonné son expertise médicale.

Le Dr [L], finalement désigné comme expert, a déposé son rapport le 13 février 2018.

Par acte d’huissier du 21 février 2019 Mme [K] a fait assigner devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Grenoble [Y] [B] en indemnisation de l’aggravation de son préjudice corporel, la CPAM de l’Isère et la Mutuelle Générale de l’Education Nationale (la MGEN) étant appelées en cause.

[Y] [B] est décédé le [Date décès 3] 2020.

L’affaire a été radiée par une ordonnance du 16 mars 2021.

Par acte d’huissier du 30 juin 2021 Mme [K] a fait assigner [Z] [B] en qualité d’héritier de son père [Y] [B]. L’affaire a été enrôlée sous le n° RG 21/03302.

A la demande de Mme [K] l’affaire initiale a été rétablie le 29 novembre 2021 sous le n° RG 21/05708, laquelle a été jointe à celle enrôlée sous le n° RG 21/03302.

Par jugement du 19 mai 2022 le tribunal judiciaire de Grenoble a :

– Rejeté la demande de [U] [K] visant à écarter la pièce n° 14 produite par [Z] [B] ;

– Fixé comme suit le préjudice afférent à l’aggravation de l’état de santé de [U] [K] résultant des violences du 18 août 1994 :

– frais divers : 2 070 euros

– déficit fonctionnel temporaire : 2 000 euros

– souffrances endurées : 5 000 euros

– déficit fonctionnel permanent : 1 500 euros

– préjudice esthétique permanent : 1 000 euros ;

– Condamné en conséquence [Z] [B], en qualité d’héritier de son père [Y] [B], à payer à [U] [K] la somme de 11 570 euros à titre de dommages et intérêts ;

– Débouté [Z] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour procédures abusives ;

– Condamné [Z] [B] à payer à [U] [K] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté [Z] [B] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné [Z] [B] aux entiers dépens, qui comprennent les frais d’expertise, avec distraction.

M. [B] a interjeté appel le 1er septembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions il demande à la cour de :

– déclarer l’appel de Monsieur [Z] [B] recevable et bien-fondé

– réformer le jugement du 19 mai 2022 en toutes ses dispositions.

A titre principal :

– relever l’absence de lien de causalité entre les faits de 1994 et les éléments médicaux constatés aujourd’hui sur Madame [K].

– débouter purement et simplement Madame [K] de toutes ses demandes, ‘ns et conclusions.

– condamner Madame [K] à verser à Monsieur [B] la somme de 3.000€ pour procédures abusives.

A titre subsidiaire :

– ramener à de plus justes proportions les sommes reclamées par Madame [K] et limiter la condamnation de Monsieur [B] à :

la somme de 2.070 € pour l’assistance d’une tierce personne ;

la somme de 2.000 € pour le de’cit fonctionnel temporaire ;

la somme de 5.000 € pour les souffrances endurées ;

la somme de 1.500 € pour le de’cit fonctionnel permanent ;

la somme de 1.000 € pour le préjudice esthétique permanent.

En tout état de cause :

– Sur la recevabilité de la pièce n°14 de Monsieur [B] :

principalement :

– dire et juger qu’il n’y a pas eu de violation de la vie privée de Madame [K]

– Débouter Madame [K] de ses demandes.

Subsidiairement

– dire et juger que la preuve rapportée par Monsieur [B] est recevable.

– Débouter Madame [K] de ses demandes.

– condamner Madame [K] à verser a Monsieur [B] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamner Mme [K] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise, avec distraction.

Il expose au soutient de ses prétentions que :

– la production de la photographie en pièce 14 ne constitue pas une atteinte à la vie privée, ni au droit à l’image de Mme [K], dès lors que son visage n’est pas identifiable,

– qu’à défaut, cette atteinte est indispensable à l’exercice de son propre droit à la preuve et proportionnée aux intérêts en présence,

– que malgré l’expertise médicale, le lien de causalité entre le préjudice invoqué et les faits de 1994,

– que la procédure entreprise est abusive,

– qu’à titre subsidiaire, il y a lieu de ramener l’indemnisation à de plus justes proportions.

Aux termes de ses conclusions d’intimé et d’appel incident Mme [K] demande à la cour de :

– Infirmer le Jugement dont appel, mais seulement en ce qu’il a :

– Rejeté la demande de [U] [K] visant à écarter la pièce n° 14 produite par [Z] [B] ;

– Fixé comme suit le préjudice afférent à l’aggravation de l’état de santé de [U] [K] résultant des violences du 18 août 1994 :

– souffrances endurées : 5.000 euros

– Condamné en conséquence [Z] [B], en qualité d’héritier de son père [Y] [B], à payer à [U] [K] la somme de 11 570 euros à titre de dommages et intérêts ;

– Condamné [Z] [B] à payer à [U] [K] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Le confirmer en tous ses points pour le surplus.

Dès lors, par voie de conséquence,

Vu l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme,

Vu l’article 9 du code civil,

– Prononcer l’irrecevabilité de la production en Justice de la photographie prise de Madame [K] par Monsieur [B], contraire aux droits fondamentaux de Madame [K]

En conséquence,

– Ecarter des débats la pièce adverse n°14 ;

– Ordonner le retrait des passages suivants des conclusions adverses :

« L’ensemble des voisins étaient usés de par son comportement totalement impossible puisqu’elle avait décrété qu’elle faisait la loi dans son village !

Depuis peu, Madame [K] a vendu son bien immobilier, et a quitté les lieux, et l’ensemble des voisins s’en félicite et vit à nouveau dans la sérénité et la bonne entente, après 40 ans de conflits perpétuels avec tous’

Sa mauvaise foi a peut-être des limites et elle se retrouve sans arguments face à ses attestations qui la décrivent alerte à se mouvoir dans son jardin sans la moindre gène ni le moindre problème.

Comment peut-elle expliquer pouvoir déplacer des troncs ou même pousser une charrette chargée sans avoir une quelconque douleur et se présenter en expertise limite en fauteuil roulant et geindre devant l’expert pour gruger son appréciation ‘

Madame [K] use de mensonges depuis tant d’années. »

– Condamner Monsieur [Z] [B] à verser à Madame [K] 1.000,00 euros au titre du préjudice moral

Vu l’article 1240 du code civil,

– Juger que Monsieur [Y] [B] est pleinement responsable du préjudice corporel subi par Madame [K] a travers l’aggravation de son état de santé, consécutive à l’agression dont elle a été victime en 1994.

En conséquence,

– Condamner Monsieur [Z] [B], ès qualités d’ayant cause de Monsieur [Y] [B] à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie les frais relatifs aux soins avancés par cette dernière (mémoire).

– Condamner Monsieur [Z] [B] à verser à Madame [K] :

– 2.380,50 euros au titre des frais divers

– 2.000,00 euros au titre du DFT

– 10.000,00 euros au titre des souffrances endurées

– 1.500,00 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

– 1.000,00 euros au titre du préjudice esthétique permanent

– Condamner Monsieur [Z] [B] à verser à Madame [K] :

– la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les diligences effectuées dans le cadre du référé, de l’expertise et de la première instance, outre la condamnation de Monsieur [Z] [B], ès qualités d’ayant cause de Monsieur [Y] [B], au paiement des entiers dépens, incluant les frais d’expertise, avec distraction.

– la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les diligences effectuées dans le cadre de l’appel, outre la condamnation de Monsieur [Z] [B], ès qualités d’ayant cause de Monsieur [Y] [B], au paiement des entiers dépens avec distraction.

Elle expose :

– que la production de la pièce 14 porte atteinte à ses droits fondamentaux,

– que les passages des conclusions litigieux sont gratuits et justifient l’allocation de dommages et intérêts,

– que le lien de causalité entre l’agression et l’aggravation de son état de santé a été démontré par l’expert judiciaire.

Elle développe ensuite les différents postes de préjudice dont elle demande l’indemnisation.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 19 mars 2024.

MOTIVATIONS

1- sur la pièce 14

Si toute personne a droit au respect de sa vie privée, en application de l’article 9 du code civil, le seul fait de produire en justice un cliché ne révélant rien de la vie privée du sujet ne constitue pas en soi une atteinte à la vie privée.

Tel est le cas en l’espèce, la photographie produite ne permettant même pas d’identifier la personne figurant sur le cliché.

Il ne peut donc y avoir non plus atteinte à l’image de ladite personne.

La pièce 14 produite par M. [B] ne porte donc pas atteinte à la vie privée, ni au droit à l’image de Mme [K] et il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande visant à écarter cette pièce.

2- sur les propos figurant dans les conclusions de l’appelant

Il résulte des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Il résulte de cet article pris en son alinéa 4 que tout juge saisi de la cause et statuant au fond peut ordonner la suppression de propos outrageants contenus dans les écritures produites devant lui et condamner leur auteur à des dommages-intérêt, l”exercice cette faculté relèvant de son pouvoir souverain.

En l’espèce Mme [K] demande la suppression de passages des conclusions de l’appelant sans indiquer en quoi ils seraient injurieux ou outrageants, alors qu’une partie de ceux-ci visent à contester l’aggravation de l’état de santé alléguée et que les seuls termes de ‘mauvaise foi et de mensonges’ ne peuvent suffire à démontrer l’outrage.

Dès lors il n’y a pas lieu à ordonner la suppression desdits passages et aucun abus n’étant démontré, Mme [K] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

3- sur le lien de causalité entre l’état de santé de Mme [K] et l’agression du 18 août 2014

M. [B] conteste les conclusions expertales estimant que les attestations qu’il produit suffisent à les combattre.

Cependant, outre le fait que ces pièces 6, 8 à 10, 15 à 18, décrivant Mme [K] comme se livrant habituellement à des activités de jardinage, ne respectent pas les formes prévues pour valoir à titre d’attestations, elles ne suffisent pas à contredire les conclusions expertales, dans la mesure où l’expert n’a jamais indiqué que ces activités étaient impossibles pour Mme [K], cette dernière décrivant des douleurs cervicales, lombaires, au niveau du bras et de l’épaule droite ainsi que du membre inférieur gauche.

A la suite de l’aggression subie, le certificat médical du 19 août 1994 fait état pour Mme [K] d’une douleur thoracique gauche, d’une gêne fonctionnelle de son bras gauche, de difficultés pour soulever son bras et de céphalées frontales, avec traces de griffures au niveau du bras gauche et des ecchymoses.

L’expert fait le lien entre les lésions initiales de la sphère ORL et de la sphère ostéo-articulaire, notamment la névralgie d’Arnold et les douleurs de l’épaule gauche, avec des séquelles sur la plan neuro-sensoriel, de la sphère ORL, de la sphère ostéo-articulaire, incluant la pathologie de l’épaule gauche.

En réponse au dire du conseil de M. [B], l’expert a pu préciser que ses conclusions ‘mettent en évidence un rapport certain et direct entre les constatations récentes et celles présentées à la suite du traumatisme de 1994″, se basant pour se faire sur la corrélation entre le certificat médical initial mentionnant les lésions qui sont identiques à celles mentionnées dans les derniers rapports médicaux.

Dès lors, les témoignages produits par M. [B] sur suffisent pas à combattre les conclusions de l’expert, qui ne laissent aucun doute sur le lien de causalité entre les faits de 1994 et l’aggravation de l’état de santé de Mme [K], tenant d’ailleurs compte d’un état antérieur pour fixer le déficit fonctionnel permanent à 10%.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a jugé fondée l’action en indemnisation de Mme [K].

M. [B] sera dès lors débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

4- sur l’indemnisation

Frais divers :

Les parties s’opposent sur le tarif horaire à retenir pour le besoin en assistance par tierce personne retenu par l’expert à :

une heure et demie pendant 45 jours de déficit fonctionnel temporaire à 45 %

3 heures par semaine pendant les 3 mois de déficit fonctionnel temporaire à 30 %, soit un total de 103,5 heures.

Il convient de retenir le taux horaire de 20 euros fixé par le premier juge, qui apparaît satisfactoire et de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à ce titre une somme de 2 070 euros à Mme [K].

Déficit fonctionnel temporaire :

M. [B] conteste la somme de 25 euros par jour retenue par le premier juge et celle de 2 000 euros allouée à Mme [K] à ce titre sans fournir la moindre argumentation.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à 2 000 euros la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Souffrances endurées :

Elles ont été fixées à 4/7 par l’expert judiciaire au titre de céphalées, douleurs de l’épaule gauche, douleur au niveau para-lombaire droit avec irradiation au niveau de la racine de la cuisse droite.

Cependant, au vu des lésions initiales, seules les céphalées et douleurs du membre supérieur gauche peuvent être retenues et le taux de 4/7 fixé par l’expert semble inadapté.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à 5 000 euros la somme allouée à Mme [K] au titre des souffrances endurées.

Déficit fonctionnel permanent et préjudice esthétique

Le déficit fonctionnel permanent et le préjudice esthétique permanent ne sont pas contestés, M. [B] s’en rapportant à la justice sur ces postes et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé le déficit fonctionnel permanent de 10 % à 1 500 euros et le préjudice esthétique à la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Déboute Mme [K] de ses demandes visant à écarter la pièce n°14 de l’appelant et certaines parties des conclusions de celui-ci,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant et statuant de nouveau,

Déboute les parties de leurs demandes respectives de dommages et intérêts,

Condamne M. [B] à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d’appel,

Condamne M. [B] aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


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