Conclusions d’appel : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02418

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Conclusions d’appel : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02418

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02418 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKDD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2021 -Conseil des prud’hommes de LONGJUMEAU – RG n° 17/00260

APPELANTE

Madame [F] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Anne-constance COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653

INTIMÉE

S.A.S.U. LABN2

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Béatrice DE VIGNERAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1997

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, rédactrice

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [F] [J] a été engagée par la société ABB STE GENEVIEVE suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2013 en qualité de vendeuse.

Par avenant au contrat de travail à effet au 1er février 2014, la salariée est devenue responsable adjointe.

La salariée a été affectée à l’établissement de [Localité 3].

Le 1er janvier 2015, le contrat de travail de la salariée a été repris par la société LABN2 qui employait alors habituellement moins de onze salariés.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.

Par lettres respectivement datées des 11 avril, 14 juin et 22 septembre 2016, l’employeur a notifié trois avertissements à la salariée que celle-ci a contestés par écrit.

Par lettre datée du 27 octobre 2016, l’employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 novembre suivant et l’a mise à pied à titre conservatoire, puis par lettre datée du 15 novembre 2016, lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 20 avril 2017, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau afin d’obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer un rappel de salaire et des indemnités tant au titre de l’exécution du contrat de travail que du licenciement qu’elle estime dénué de cause réelle et sérieuse.

Par jugement mis à disposition le 27 janvier 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

– fixé le salaire de référence à la somme de 1 800 euros,

– dit que le licenciement n’est pas fondé sur une faute grave et condamné la société LABN2 à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

* 3 600 euros au titre de l’indemnité de préavis,

* 360 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 275 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 1 200 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

* 120 euros au titre des congés payés afférents,

rappelé que ces sommes sont exécutables de droit et dit que ces sommes porteront intérêts légaux à compter de la convocation au bureau de conciliation, soit le 20 avril 2017,

– dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Mme [J] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société LABN2 à payer à Mme [J] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,

– débouté la société LABN2 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les entiers dépens à la charge de la société LABN2,

– dit que l’intégralité du coût de l’exécution forcée par huissier de justice (y compris les frais de l’article 10 du barème des huissiers) sera à la charge de la société LABN2.

Le 1er mars 2021, Mme [J] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 1er juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [J] demande à la cour d’infirmer le jugement, de requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société LABN2 à lui verser les sommes suivantes :

* 1 200 euros à titre de rappel de salaire en raison de la mise à pied à titre conservatoire,

* 120 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat,

* 943,36 euros au titre des rappels d’heures supplémentaires,

* 94,33 euros au titre des congés payés afférents,

* 21 600 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 290 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 3 600 euros à titre d’indemnité de préavis,

* 360 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

* 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

d’ordonner l’exécution provisoire et de condamner la société LABN2 aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 5 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société LABN2 demande à la cour de réformer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à verser à Mme [J] les sommes de 3 600 euros à titre d’indemnité de préavis, 360 euros à titre de congés payés afférents, 1 275 euros à titre d’indemnité de licenciement, 1 200 euros à titre de mise à pied conservatoire, 120 euros à titre de congés payés afférents et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, de le confirmer pour le surplus des dispositions, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de débouter Mme [J] de l’ensemble de ses demandes et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d’instance.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 13 juin 2023.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle que les trois premiers alinéas de l’article 954 du code de procédure civile disposent que :

‘Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion’.

Force est de constater que si la salariée invoque dans le corps de ses conclusions en pages 17 et 18 le non-paiement d’une prime d’ancienneté, le dispositif des conclusions ne formule aucune prétention à ce titre, de sorte que la cour n’a pas à statuer sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire pour les années 2015 et 2016, la salariée fait valoir que l’ensemble de ses heures supplémentaires et de majorations pour le travail dominical ne lui ont pas été réglées pour ces deux années et produit en pièces 32 et 33 des décomptes à ces titres.

Il doit ainsi être considéré que les éléments produits par la salariée sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que celle-ci prétend avoir accomplies afin de permettre à la société, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société conclut au débouté des demandes en se référant expressément à un courrier de l’inspection du travail daté du 25 juillet 2016 en réponse aux interrogations de la salariée, faisant valoir qu’elle a accordé aux salariés travaillant le dimanche une rémunération majorée, que la salariée a été rémunérée de l’ensemble des heures supplémentaires effectuées et des majorations pour les dimanches travaillés.

Il ressort effectivement des éléments d’analyse de l’inspection du travail, au vu des plannings et bulletins de salaire de la salariée, que l’ensemble des heures supplémentaires et des dimanches travaillés ont été rémunérés, incluant les majorations applicables.

L’employeur justifiant avoir rempli la salariée de ses droits à paiement d’heures supplémentaires et dimanches travaillés, il convient de débouter la salariée de sa demande de ce chef et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

La salariée conclut au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en ce qu’il n’a pas réagi lorsque l’équipe l’a informé du harcèlement moral et de l’attitude vexatoire de M. [Y], son supérieur hiérarchique à son égard, que son état de santé et de stress au travail a continué à s’amplifier de sorte qu’elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 11 au 19 juin 2016.

La société conclut au débouté de cette demande, considérant qu’elle n’est pas fondée.

En application des articles L. 1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

La salariée produit une lettre datée du 30 mai 2016, signée par Mmes [W] [U], [P] [N], [B] [I] et elle-même, toutes salariées travaillant dans le magasin ‘Autour de bébé’ de Sainte Geneviève des Bois, portant à la connaissance de l’employeur le comportement inapproprié de M. [A] [Y], directeur du magasin, à leur égard sans se référer à des faits précis et datés, ainsi qu’un certificat médical d’arrêt de travail pour la période du 11 au 15 juin 2016, prolongé jusqu’au 19 juin 2016 sans mentionner d’éléments sur l’état de santé de la salariée.

La société indique sans être contredite avoir reçu la salariée dès le mois de juin 2016 pour s’entretenir avec elle des faits dénoncés et avoir entendu M. [Y] et d’autres salariés de l’entreprise, ce dont il ne peut se déduire que l’employeur n’a pas pris de mesure propre à faire cesser la situation portée à sa connaissance.

Par ailleurs, il n’est pas produit de pièce permettant de retenir un lien entre les conditions de travail de la salariée et son état de santé.

Dans ces conditions, il n’est pas établi de manquement à l’obligation de sécurité.

La salariée sera déboutée de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée à la salariée qui fixe les limites du litige est rédigée dans les termes qui suivent :

‘(…)

Malgré les trois avertissements qui vous ont déjà été notifiés et nos divers rappels à l’ordre, nous constatons que vous persistez à faire preuve de graves négligences professionnelles dans l’exécution de vos obligations contractuelles.

De plus, depuis l’entretien que vous avez eu au mois de juin dernier avec Monsieur [T] [V], Directeur, et à l’issue duquel vous lui avez indiqué faire dorénavant le «minimum syndical», ce qui est inadmissible, vous avez adopté un comportement particulièrement hostile, méprisant et agressif envers vos supérieurs hiérarchiques.

Nous vous avons également, depuis cette date, reproché votre totale désinvolture et le non-respect, volontaire et répété, des instructions données et des règles internes.

Vous avez ainsi omis de nous signaler que les catalogues de l’enseigne sont en rupture depuis plusieurs mois. Or, vous n’ignorez pas qu’il s’agit là d’un support de vente et de communication avec nos clients et prospects indispensable pour le développement de notre activité. Votre comportement irresponsable compromet la bonne marche de notre entreprise et sa réputation.

Les statistiques de vente ont d’ailleurs chuté de 40% depuis le début de l’année, ce qui démontre de surcroît, votre manque d’implication et de motivation.

De très nombreuses erreurs de stock ont, en outre, été constatées : vous omettez systématiquement de saisir les entrées et les sorties, malgré nos demandes réitérées. A titre d’exemple, concernant le siège auto de type Nuna, le stock physique est de 30 alors que 67 sont enregistrés informatiquement. Cette mauvaise gestion du stock, qui vous est directement imputable, est extrêmement préjudiciable à notre performance et à notre rentabilité et nous expose à un fort mécontentement de la part de nos clients.

D’autres manquements ont récemment été découverts.

A titre d’exemple, des bons de livraison ont été trouvés par terre, non saisis par vos soins ; des avoirs ont été faits sans indiquer le nom du client ; les bons de fidélité n’ont pas été envoyés aux clients depuis plusieurs mois.

Vous ne nous fournissez pas les informations nécessaires pour les commandes sur les listes de naissance, entraînant des plaintes de nos clients, qui reçoivent leur marchandise avec retard.

Par ailleurs, certains articles ne sont pas mis de côté pour les clients alors qu’ils sont déjà réservés, ce qui démontre votre absence de rigueur.

Nous vous avions demandé de remonter correctement l’expo de la poussette de type xari, ce qui n’a pas été fait.

Vous n’assurez pas non plus le service après-vente alors que cette tâche vous incombe. Diverses demandes n’ont à ce jour toujours pas été traitées alors que certaines d’entre elles datent du mois de juillet dernier.

Le retour aux fournisseurs n’est pas assuré dans les délais, ce qui nous expose à un refus de prise en charge.

Vous n’avez également pas voulu communiquer à votre responsable les codes informatiques, alors qu’il s’agit de l’ordinateur du magasin et qu’il a été impossible de s’en servir le 26 octobre dernier.

Enfin, votre comportement génère des tensions internes grandissantes au sein notamment de l’équipe de vente, certains salariés vous reprochant votre attitude irrespectueuse à leur égard.

De plus, les rapports que vous avez avec certains de vos collègues sont très souvent conflictuels, instaurant un climat tendu et impactant fortement l’ambiance de travail.

Vous avez en outre une attitude peu adaptée avec notre clientèle. Nous vous avions déjà alerté sur ce point, sans constater toutefois d’amélioration, ni de changement de votre part.

Nous avons d’ailleurs reçu des plaintes de plusieurs de nos clients mettant en cause votre attitude à leur égard (notamment de l’Association Jumeaux et de Monsieur [L] [O]).

(…)’.

La salariée soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que les faits reprochés qui ne sont pas objectifs et matériellement vérifiables ne sont pas établis, que certains faits ne lui sont pas imputables, que son licenciement constitue en réalité une mesure de rétorsion de l’employeur à, notamment, sa demande de régularisation d’heures supplémentaires.

La société fait valoir que le licenciement est fondé sur une faute grave en ce qu’à la suite de son refus de la promouvoir responsable, la salariée s’est désengagée de son travail et a, malgré trois avertissements, fait preuve de carences répétées, d’une insubordination manifeste et de problèmes comportementaux vis-à-vis de sa hiérarchie, de ses collègues et de la clientèle.

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur qui l’invoque.

S’agissant de la première série de griefs tenant aux carences répétées et à l’insubordination manifeste

Force est de constater que la société ne produit aucune pièce au soutien des faits relatifs à l’omission de signaler que les catalogues de l’enseigne étaient en rupture depuis plusieurs mois, aux erreurs de stocks, aux bons de livraison trouvés par terre non saisis, aux avoirs sans indiquer le nom du client, à l’absence d’envoi des bons de fidélité aux clients depuis plusieurs mois et à l’absence de remontée correcte de ‘l’expo’ de la poussette de type xari. La matérialité de ces faits ne peut donc être tenue pour établie.

Les bons de commande saisis par la salariée produits en pièce 18 mentionnent les noms des clients, contrairement à ce qu’indique la société dans ses écritures.

S’agissant de la chute de 40 % des statistiques de vente depuis le début de l’année et l’imputation de cette baisse au manque d’implication de la salariée, les pièces 10 et 11 auxquelles il est renvoyé dans les conclusions de la société qui concernent des bulletins de salaire de la salariée n’établissent pas les faits allégués. Les pièces 16 et 17, non visées dans le corps des conclusions, qui sont des tableaux relatifs aux encaissements par vendeurs en 2015 et 2016 sont insuffisantes à établir un lien entre la baisse du chiffre d’affaires et une insuffiance de la salariée dans l’exécution de ses obligations professionnelles, et ce, alors que la salariée invoque une réduction des horaires d’ouverture du magasin, le fait que l’équipe était constituée de quatre personnes et qu’elle n’était qu’adjointe et non décisionnaire.

S’agissant des autres faits reprochés dans cette première série de griefs dans la lettre de licenciement, la société produit des attestations manuscrites rédigées par Mmes [S] [E], [D] [I] et [C] [G], anciennes collègues de la salariée et M. [M] [X], commercial qui a travaillé avec elle, rédigées en des termes vagues et généraux, qui portent des appréciations subjectives sur le comportement de la salariée sans se référer à aucun fait précis, daté et circonstancié. La cour relève ici que Mme [E] et M. [X] excluent tout caractère délibéré dans les manquements estimés de la salariée au regard des termes employés, la première évoquant des oublis et le second des erreurs.

La matérialité des autres faits ne peut par conséquent être tenue pour établie.

S’agissant de la seconde série de griefs tenant aux problèmes de comportement à l’égard de la hiérarchie, des collègues et de la clientèle

Outre les attestations sus-analysées qui ne sont pas suffisamment précises pour établir les faits reprochés à la salariée, la société produit un courriel adressé par M. [O], client du magasin, le 26 octobre 2016 informant la société d’un litige avec la salariée qui, à la suite de sa réclamation, lui a dit : ‘qu’elle s’en fout et qu’il faut voir avec la direction’. Cet écrit suffit à matérialiser un comportement non professionnel de la part de la salariée à l’égard de ce client. Toutefois, son caractère isolé ne permet pas de justifier un licenciement pour faute grave en raison de la disproportion existante entre ce fait et la sanction intervenue, et ce, même si des avertissements avaient été notifiés à la salariée dans la mesure où celle-ci les avait contestés de manière circonstanciée.

Il résulte de tout ce qui précède que le licenciement n’est pas fondé sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu le caractère réel et sérieux du licenciement.

La salariée a par conséquent droit aux indemnités de rupture telles qu’exactement retenues par les premiers juges, à savoir l’indemnité compensatrice de préavis pour un montant de 3 600 euros, l’indemnité compensatrice de congés payés incidents de 360 euros, l’indemnité légale de licenciement de 1 275 euros, ainsi qu’à un rappel de salaire au titre de la période correspondant à la mise à pied à titre conservatoire qui n’était pas justifiée, de 1 200 euros et au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents de 120 euros. Le jugement sera confirmé sur ces points.

En application de l’article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la salariée peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Agée de 26 ans au moment du licenciement, la salariée présentait une ancienneté de trois années complètes dans l’entreprise. Elle ne fournit aucune explication, ni ne produit aucune pièce sur sa situation au regard de l’emploi postérieurement au licenciement.

Dans ces conditions, le préjudice nécessairement causé par la perte injustifiée de son emploi sera réparé par l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 7 200 euros que la société sera condamnée à lui payer. Le jugement sera infirmé sur ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, la société sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à la salariée la somme de 3 000 euros au titre de l’indemnité pour les frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en ce qu’il dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il déboute Mme [F] [J] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société LABN2 à payer à Mme [F] [J] la somme de 7 200 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société LABN2 aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société LABN2 à payer à Mme [F] [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties des autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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