Conclusions d’appel : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02397

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Conclusions d’appel : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02397

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/02397

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVCZ

AFFAIRE :

S.A.R.L. P&M BUSINESS

C/

[D] [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : E

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Bertrand BURMAN

la SARL JACQUET – DUVAL AVOCATS

Expédition numérique délivrée à Pôle emploi le 06-09-2023

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. P&M BUSINESS

[Adresse 1]

[Localité 3] / France

Représentant : Me Bertrand BURMAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1941 substitué par Me Gille GOASGUEN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

Représentant : Me Marlène ELMASSIAN de la SARL JACQUET – DUVAL AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [D] [K] a été engagé par la société P&M Business suivant un contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité à compter du 14 septembre 2011 jusqu’au 13 décembre 2011 puis du 9 janvier 2012 au 8 novembre 2012, en qualité de commercial, coefficient 150, avec le statut employé.

La relation de travail s’est ensuite poursuivie suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2012, avec une reprise d’ancienneté au 9 janvier 2012.

En dernier lieu, le salarié exerçait son activité en qualité de commercial, coefficient 150, avec le statut employé.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Le 9 novembre 2018, la société P&M Business a présenté à M. [K] le contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre du 19 novembre 2018, l’employeur a licencié le salarié pour motif économique.

Contestant son licenciement, le 20 juin 2019 M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la condamnation de la société P&M Business au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 8 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

– dit que M. [K] doit être placé au coefficient 300, statut cadre en référence aux dispositions de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire,

– fixé la rémunération mensuelle de M. [K] à 2 960,88 euros bruts,

– condamné la société P&M Business à verser à M. [K] les sommes suivantes :

* 2 960,88 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis (1 mois cadre), outre 296,09 euros au titre de congés payés afférents,

* 3 219,02 euros à titre de « rappel » d’indemnité légale de licenciement,

* 2 127,05 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

* 24 613,28 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à décembre 2018, outre 2 461,33  euros au titre de congés payés afférents,

* 4 566,15 euros net au titre du préjudice pour un montant minoré de l’aide au retour à l’emploi et des droits au chômage,

* 23 687,04 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 285,00 euros au titre du remboursement de la majoration de l’amende forfaitaire,

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [K] de ses autres demandes,

– dit qu’il n’y a lieu d’ordonner une exécution provisoire du jugement au-delà des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail,

– dit qu’il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil qui fixent les règles du calcul de l’intérêt légal,

– débouté la société P&M Business de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société P&M Business aux dépens.

Le 22 juillet 2021, la société P&M Business a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par ordonnance d’incident du 5 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a notamment :

– déclaré irrecevables les conclusions d’intimé de M. [K] du 17 janvier 2022 en ce qu’elles forment appel incident,

– dit que l’appel incident de M. [K] est irrecevable,

– débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 mai 2023, la société P&M Business demande à la cour de :

In limine litis :

– dire et juger que l’appel incident de M. [K] dans le cadre de ses demandes à titre principal, à titre subsidiaire et en tout état de cause est irrecevable, que la cour de céans n’est saisie d’aucun appel incident,

– dire et juger M. [K] ne peut prétendre à un statut de cadre à compter de février 2013 et en particulier au coefficient 300 à compter de juin 2016, en conséquence infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que M. [K] doit être placé au coefficient 300, statut cadre en référence aux dispositions de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire,

– fixé la rémunération mensuelle de M. [K] à 2 960,88 euros bruts,

– l’a condamnée à verser à M. [K] les sommes suivantes :

* 2 960,88 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis (1 mois cadre), outre 296,09 euros au titre de congés payés afférents,

* 3 219,02 euros à titre de « rappel » d’indemnité légale de licenciement,

* 24 613,28 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à décembre 2018, outre 2 461,33  euros au titre de congés payés afférents,

* 4 566,15 euros net au titre du préjudice pour un montant minoré de l’aide au retour à l’emploi et des droits au chômage,

* 23 687,04 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [K], si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisi d’un appel incident, de ses demandes visant à fixer la rémunération mensuelle brute de M. [K] à 2 400 euros et à la condamner à lui verser les sommes suivantes :

*19 200 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 609 euros à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement,

* 1 842,58 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

* 7 226 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à décembre 2018, outre 722,60 euros au titre des congés payés afférents,

– confirmer, si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisie d’un appel incident, le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros pour manquement s’agissant du suivi de l’évolution professionnelle,

– confirmer, si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisie d’un appel incident, le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande au titre du travail dissimulé à hauteur de 17 765,28 euros et de 136,71 euros de rappel d’heures supplémentaires, débouter à titre subsidiaire, M. [K], si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisi d’un appel incident, de ses demandes visant à la condamner à hauteur de 14 400 euros au titre du travail dissimulé et 110,81 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires,

– confirmer, si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisie d’un appel incident, le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande d’indemnisation de l’attitude vexatoire à hauteur de 1 000 euros,

– confirmer, si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisie d’un appel incident, le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice né du retard de transmission des documents de fin de contrat à hauteur de 2 000 euros,

– confirmer, si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisie d’un appel incident, le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande de remboursement de frais à hauteur de 1 172,75 euros,

– à titre principal, dire et juger que le licenciement pour motif économique de M. [K] est bien fondé, en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [K] la somme de 23 687,04 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– à titre subsidiaire, sur le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si, par extraordinaire, le jugement était confirmé,

– fixer le montant de l’indemnité due à ce titre dans des proportions plus raisonnables sans se référer à la rémunération mensuelle brute correspondant au coefficient 300,

– confirmer si par extraordinaire la cour de céans considérait être saisie d’un appel incident, le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] de ses demandes visant à la condamner à hauteur de 10 595,95 euros, à titre principal, et 6 026,15 euros, à titre subsidiaire au titre du préjudice pour perte de bénéfices liés au contrat de sécurisation professionnelle,

– en tout état de cause, infirmer le jugement en ce qu’il la condamne à verser à M. [K] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamner M. [K] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais engagés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 février 2023, M. [K] demande à la cour de :

– à titre liminaire, juger que son appel incident est recevable, y faisant droit, infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] des demandes portant sur le non-respect de l’obligation de formation et d’adaptation, le travail dissimulé et non rémunéré, l’attitude vexatoire de la société P&M Business, le non-remboursement des notes de frais, le non-respect des critères d’ordre, la tardiveté de remise des documents de fin de contrat, le préjudice lié au contrat de sécurisation professionnelle, confirmer le jugement en l’intégralité de ses autres dispositions,

– à titre principal, confirmer que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu’il relevait du statut cadre, niveau 7, coefficient 300 et les conséquences qui en découlent, débouter la société P&M Business de l’ensemble de ses demandes, condamner la société P&M Business, à lui payer les sommes suivantes :

* 17 765,28 euros à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

* 3 219,02 euros à titre de « rappel » d’indemnité légale de licenciement,

* 136,71 euros au titre du rappel d’heures supplémentaires pour le samedi non déclaré,

* 10 595,95 euros net au titre du préjudice pour perte des bénéfices liés au contrat de sécurisation professionnelle,

– à titre subsidiaire, fixer sa rémunération mensuelle brute à 2 400 euros, condamner la société P&M Business, à lui payer a minima les sommes suivantes :

* 19 200,00 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 14 400 euros à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

* 609,00 euros à titre de « rappel » d’indemnité légale de licenciement,

* 1 842,58 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

* 7 226,00 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à décembre 2018,

* 722,60 euros au titre des congés payés afférents,

* 110,81 euros au titre du rappel d’heures supplémentaires pour le samedi non déclaré,

* 6 026,15 euros nets au titre du préjudice pour perte des bénéfices liés au contrat de sécurisation professionnelle,

* 1 142,45 euros nets au titre du préjudice pour un montant minoré de l’aide au retour à l’emploi et des droits au chômage,

– en tout état de cause, condamner la société P&M Business au paiement des sommes suivantes : * 1 000 euros au titre du préjudice lié au retard de transmission des documents de fin de contrat,

* 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour absence d’entretiens professionnels obligatoires et pour défaut de formation et d’adaptation,

* 2 000 euros au titre du non-respect de son obligation de loyauté,

* 2 960,88 euros pour non-respect de l’obligation de fixer des critères d’ordre,

* 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner à la société P&M Business de rembourser la somme de 1 172,75 euros au titre du remboursement des notes de frais,

– faire courir les intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision,

– ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement à intervenir sous astreinte journalière de 100 euros par jour de retard.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 16 mai 2023.

MOTIVATION

La cour rappelle à titre liminaire les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile :

Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la recevabilité de l’appel incident de M. [K]

Les conclusions de M. [K], signifiées le 17 janvier 2022, ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 5 décembre 2022.

M. [K] a signifié des conclusions postérieurement le 1er décembre 2022 et le 16 février 2023.

Or, les conclusions signifiées postérieurement au 21 janvier 2022, correspondant au délai de trois mois prévu par l’article 909 du code de procédure civile pour former appel incident, doivent être également déclarées irrecevables.

Par conséquent, l’appel incident de M. [K] est irrecevable.

Sur le repositionnement conventionnel

L’employeur fait valoir que le jugement n’a pas motivé la reclassification au coefficient 300, statut cadre, se contentant d’un sophisme à l’appui de sa décision. Il soutient que la juridiction doit apprécier la classification conventionnelle au regard des fonctions réellement exercées par le salarié, et que le salarié ne démontre pas qu’il aurait dû bénéficier d’un statut de cadre.

En l’espèce, le jugement du conseil de prud’hommes a conclu à un positionnement au coefficient 330 avec le statut de cadre au motif que le salarié exerce indubitablement des fonctions allant bien au-delà de ce que définit la convention collective pour le coefficient 150.

En cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l’emploi effectivement occupé et la qualification qu’il requiert.

En l’espèce, il n’est pas démontré que la nature de l’emploi que le salarié occupait effectivement et que la qualification qu’il requiert correspondait à un autre niveau que le coefficient 150, avec le statut d’employé.

Le salarié doit être débouté de sa demande de reclassification et de rappel de salaires y afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, le jugement du conseil de prud’hommes a fait droit à une demande de rappel de salaire à hauteur de 24 613,28 euros de juin 2016 à décembre 2018, outre 2 461,33 euros au titre des congés payés afférents, sans mentionner de motifs.

Force est de constater que le salarié ne présente pas d’éléments de faits suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies. Il doit, par conséquent, être débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

« Nous vous rappelons que suite à la proposition de Contrat de Sécurisation Professionnelle, vous avez 21 jours depuis la remise du document d’information sur la CSP pour nous faire connaitre votre réponse, soit d’ici au 30 novembre 2018.

Si, à la date du 30 novembre 2018, vous ne nous avez pas fait connaître votre choix, ou vous avez refusé la proposition de Contrat de Sécurisation Professionnelle, cette lettre recommandée constituera la notification de votre licenciement.

Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique, justifié par les éléments suivants :

Nos clients dont vous représentez les marques actuellement ‘ Lustucru ; Krüger et Polli ‘ n’ont pas resigné de contrat pour 2019 avec notre entreprise. Et nous n’avons pas signé de contrat avec un nouveau client pour le début de l’année 2019.

C’est avec regret que nous sommes contraints de supprimer votre poste.

Sachez bien qu’avant de prendre la décision de procéder à votre licenciement pour motif économique, nous avons examiné les possibilités éventuelles de vous reclasser au sein de l’entreprise, malheureusement nous n’avons aucun poste à vous proposer qui débute à l’issue de votre préavis.

Nous vous informons néanmoins des postes actuellement à pourvoir au sein de notre société, mais, sur un plan pratique, vous ne pourrez pas y répondre favorablement, car votre préavis de deux mois prendra fin aux alentours du 21 janvier 2019 (il est à supposer que vous réceptionniez la présente le 20 novembre 2018) :

-contrat CDI à compter du 06 décembre 2018 : commercial en GMS pour des pâtes à tarte et des produits d’entretien, basé à [Localité 7], rémunération mensuelle de 1750 € brut + 200 € brut de prime variable avec indemnité repas quotidienne de 11,00 €.

-contrat CDD de 3 mois à pourvoir immédiatement : promoteur des ventes en GMS pour des pâtes et riz, basé à [Localité 6], rémunération mensuelle de 1550 € brut + 150 € de prime variable avec indemnité de repas quotidienne de 11,00 €.

-contrat CDD de 3 mois à pourvoir immédiatement : promoteur des ventes en GMS pour des pâtes et riz, basé à [Localité 5], rémunération mensuelle de 1550 € brut + 150 € de prime variable avec indemnité de repas quotidienne de 11,00 €.

Nous avons cherché également un poste disponible au siège de notre société mais tous les postes sont pourvus (Assistante des chefs des Ventes, Directeur des Ventes, Directeurs des missions, Directeur commercial, Assistante Ressources Humaines, Directeur des ressources humaines, Comptables), en dehors du fait que vous n’avez pas les compétences requises pour ces postes.

Votre préavis, d’une durée de deux mois, débutera à la date de la première présentation de cette lettre à votre domicile. […]. »

Sur le motif économique

L’employeur indique que le licenciement du salarié est fondé sur des difficultés économiques rencontrées du fait de la fin des contrats avec les marques Lustucru, Krüger et Polli et de l’absence de nouveaux clients pour l’année 2019, à l’origine d’une baisse du chiffre d’affaires de la société.

En l’espèce, le jugement du conseil de prud’hommes a considéré que les trois contrats cités représentaient moins de 7% du chiffre d’affaires pour l’année 2018 et que l’employeur avait reconnu que les clients ne concluaient pas des prestations pour une durée longue, les contrats variables sur la durée pouvant s’étaler sur quelques mois, six mois ou un an, renouvelables de façon négociée. Il a conclu que le motif économique du licenciement n’était pas établi.

Aux termes de l’article L. 1233-3 1° du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.

En l’espèce, l’employeur produit les comptes de résultats des exercices 2018 et 2019 de la société montrant que le chiffre d’affaires est passé de 4 244 332 euros en 2018 à 3 629 437 euros en 2019, et a connu une diminution de 14,5% sur l’ensemble de l’année, laquelle était prévisible fin 2018 en raison notamment de la perte de trois contrats pour lesquels travaillait le salarié : Lustucru, Krüger et Polli.

Il s’en déduit que le licenciement est fondé sur un motif économique établi résultant de difficultés économiques liées à une baisse de chiffre d’affaires.

Sur l’obligation de reclassement

L’employeur indique que des offres de reclassement ont été proposées au salarié qui étaient sérieuses, précises et loyales et qu’aucun autre poste n’était à pourvoir au sein de la société.

En l’espèce, le jugement du conseil de prud’hommes a considéré que les efforts de reclassement n’ont été ni loyaux, ni sincères, l’entreprise allant même jusqu’à soutenir que certains de ces emplois ne pouvaient lui être proposés au seul motif de l’échéance de son préavis.

Aux termes de l’article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

L’employeur a informé le salarié, que plusieurs postes étaient à pourvoir au sein de la société, mais lui a opposé le fait, dans la lettre de licenciement, qu’il devait exécuter son préavis et ne pourrait y répondre favorablement. Il a donc, en réalité, considéré qu’aucun poste ne pouvait être proposé au salarié.

Or, il se déduit de la lettre de licenciement de l’employeur que plusieurs emplois étaient disponibles relevant de la même catégorie que celui occupé par le salarié, assortis d’une rémunération quasiment équivalente, nécessitant une expérience et une formation cohérentes avec le parcours du salarié tels 2 postes en contrats à durée déterminée de promoteur des ventes basés à [Localité 6] et à [Localité 5], un contrat à durée indéterminée de commercial en grande et moyenne surface pour des pâtes à tarte et des produits d’entretien basé à [Localité 7].

En outre, dans ses écritures, au vu du registre d’entrée et sortie du personnel de janvier 2018 à juin 2020 versé aux débats, l’employeur indique que d’autres postes sont devenus disponibles tel un contrat à durée déterminée de promoteur des ventes en Bretagne, cinq postes de commercial en contrat à durée indéterminée sur les secteurs de Besançon (à compter du 18/1/2019), de Marseille (à compter du 18/2/2019), de Toulouse (à compter du 11/2/2019), d’Ile de France (à compter du 12/2/2019) et de Bordeaux (à compter du 19/2/2019).

Ainsi, l’employeur est mal fondé à se prévaloir d’une offre qui aurait été faite au salarié sur le poste situé à [Localité 7], la lettre de licenciement ayant explicitement mentionné que le salarié ne pouvait y répondre en raison de son préavis. En outre, l’employeur avait connaissance que le poste situé à [Localité 5] allait être disponible au moment du licenciement.

Il s’en déduit que l’employeur n’a pas procédé de façon loyale et sérieuse à des recherches de reclassement. Le licenciement de M. [K] doit donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences pécuniaires

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié qui compte une ancienneté de plus de sept ans et qui est âgé de 35 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et huit mois de salaire brut.

Il sera alloué à M. [K] une somme de 19 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [K] a été rempli de ses droits concernant l’indemnité compensatrice et les congés payés afférents, il sera débouté de sa demande à ce titre.

M. [K] a également droit à un rappel d’indemnité légale de licenciement d’un montant de 609 euros, quantum non contesté par la société appelante.

Il n’est pas démontré qu’une indemnité compensatrice de congés payés est due au salarié. M. [K] sera débouté de sa demande à ce titre.

M. [K] ne démontre pas qu’il a subi un préjudice résultant d’allocations d’aide au retour à l’emploi minorées et des droits au chômage. Il sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur le remboursement de l’amende forfaitaire

Le jugement du conseil de prud’hommes a condamné l’employeur à payer la somme de 285 euros au titre d’une majoration de l’amende forfaitaire relevée le 3 février 2018.

L’employeur ne sollicite pas l’infirmation de ce chef de condamnation.

Sur l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société P&M Business aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société P&M Business succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Dit que l’appel incident de M. [P] [D] [K] est irrecevable,

Infirme le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société P&M Business à payer à M. [P] [D] [K] les sommes suivantes :

24 613,28 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à décembre 2018 outre 2 461,33 euros au titre des congés payés afférents,

2 960,88 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis, outre 296,09 euros au titre des congés payés afférents,

3 219,02 euros à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement,

2 127,05 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

4 566,15 euros net au titre du préjudice pour un montant minoré de l’allocation d’aide au retour à l’emploi et des droits au chômage,

23 687,04 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute M. [P] [D] [K] de sa demande de reclassification conventionnelle et de rappel de salaires et congés payés afférents,

Condamne la société P&M Business à payer à M. [P] [D] [K] les sommes suivantes :

19 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

609 euros de rappel d’indemnité légale de licenciement,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute M. [P] [D] [K] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés, de sa demande au titre du préjudice pour un montant minoré de l’aide au retour à l’emploi et des droits au chômage,

Ordonne le remboursement par la société P&M Business à l’organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à M. [P] [D] [K] dans la limite de six mois d’indemnités,

Condamne la société P&M Business aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller, pour le président empêché, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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