Conclusions d’appel : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/06986

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Conclusions d’appel : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/06986

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 27 juillet 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 21/06986 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPJE

S.A.R.L. ASSISTANCE ET SERVICES AUX PERSONNES MEDOC (ASAP

M EDOC)

S.E.L.A.R.L. PHILAE

S.E.L.A.R.L. ARVA

c/

Madame [T] [Y]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 décembre 2021 (R.G. n°F20/00396) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 22 décembre 2021.

APPELANTES :

S.A.R.L. ASSISTANCE ET SERVICES AUX PERSONNES MEDOC (ASAP M EDOC) agissant poursuites et diligences de son Gérant domicilié en cette qualité au siège [Adresse 1]

S.E.L.A.R.L. PHILAE anciennement dénommée SELARL MALMEZAT-PRAT-LUCAS-DABADIE, agissant en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de la Société ASSISTANCE ET SERVICES AUX PERSONNES MEDOC

domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

S.E.L.A.R.L. ARVA anciennement dénommée ‘SELARL Vincent MEQUINION’, prise en sa qualité d’Administrateur à la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de la Société ASSISTANCE ET SERVICES AUX PERSONNES MEDOC domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]

Représentées par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistées de Sophie BAILLOU-ETCHART, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me DEMAR

INTIMÉES :

[T] [Y]

née le 03 Octobre 1967 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Représentée et assistée par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5] Association déclarée, représentée par sa Directrice nationale, Madame [X] [V], domiciliée en cette qualité au siège [Adresse 6]

Représentée par Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée de Me CAILLON substituant Me HONTAS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 avril 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 11 septembre 2014, la société Assistance et Services aux Personnes Médoc (ci-après société Asap Médoc) a engagé Mme [Y], en qualité d’assistante de vie, à temps partiel pour une durée de 100 heures par mois.

Par un avenant du 1er juin 2015, la durée mensuelle de travail de Mme [Y] a été augmentée à 151,67 heures.

Au mois de janvier 2017, Mme [Y] a été victime d’un accident de travail.

Du mois d’octobre 2017 au mois d’octobre 2018, Mme [Y] a fait l’objet d’un temps partiel pour motif thérapeutique.

Par courrier du 1er mars 2019, la société Asap Médoc a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 13 mars 2019.

Par courrier du 20 mars 2019, Mme [Y] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 3 juin 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Asap Médoc et a désigné la société Malmezat en qualité de mandataire judiciaire et les sociétés Arva et Mequinion en qualité d’administrateur judiciaire.

Le 17 mars 2020, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de voir:

– juger son licenciement nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

– fixer au passif de la société Asap Médoc diverses sommes à titre de dommages et intérêts, à titre de rappel de salaire et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par demande reconventionnelle, la société Asap Médoc a sollicité du conseil de prud’hommes qu’il condamne Mme [Y] au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 7 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

– constaté la créance de Mme [Y] et l’a fixée au passif du redressement judiciaire de la société Asap Médoc comme suit :

– 1 590 euros à titre de rappel de salaire des mois de mars, avril et mai 2019,

– 7 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rendu le jugement opposable au Cgea de [Localité 5] dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut les sommes allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens à la charge du passif du redressement judiciaire.

Par déclaration du 22 décembre 2021, les sociétés Asap Médoc, Philae et Arva, ces dernières ès-qualités, ont relevé appel du jugement.

Par jugement du 20 avril 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a arrêté le plan de redressement de la société Asap Médoc, a désigné la société Arva en qualité de commissaire à l’exécution du plan, rappelé que la société Philae demeure en fonction en sa qualité de mandataire judiciaire.

Par leurs dernières conclusions, enregistrées le 8 septembre 2022, la société Asap Médoc, la société Philae, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Asap Médoc, et la société Arva, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Asap Médoc, demandent à la Cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– débouté la société Asap Médoc, la société Philae, ès-qualités de mandataire judiciaire de la Asap Médoc, la société Arva, ès -qualités d’administrateur judiciaire de la Asap Médoc, de leur demande visant à voir dire et juger que le licenciement de Mme [Y] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

– jugé le licenciement de Mme [Y] sans cause réelle et sérieuse,

– constaté la créance de Mme [Y] et l’ a fixée au passif du redressement judiciaire de la société Asap Médoc ainsi :

* 1 590 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars, avril, et mai 2019,

* 7 800 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure,

– rendu le jugement opposable au Cgea de [Localité 5] dans la limite légale de sa garantie,

– les a déboutées de leur demande visant à voir condamner Mme [Y] à leur verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les a déboutées de leur demande visant à voir condamner Mme [Y] aux entiers dépens

– mis les dépens à la charge du passif du redressement judiciaire;

Statuant à nouveau,

Sur la demande ayant trait à la nullité du licenciement :

A titre principal,

– juger irrecevable la demande tendant au versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article L.1235-3-1 du code du travail, faute pour Mme [Y] d’avoir sollicité la réformation du jugement rendu,

En conséquence,

– débouter Mme [Y] de sa demande de versement de la somme de 15 000 euros présentée à ce titre,

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la demande était jugée recevable,

– juger infondée la demande tendant au versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article L.1235-3-1 du code du travail, le licenciement n’étant pas nul,

En conséquence,

– débouter Mme [Y] de sa demande de versement de la somme de 15 000 euros présentée à ce titre;

Sur la demande ayant trait à la cause réelle et sérieuse du licenciement :

A titre principal,

– juger que le licenciement de Mme [Y] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, – débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes;

A titre subsidiaire et si par extraordinaire le licenciement était jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– fixer à de plus justes proportions l’indemnisation allouée à Mme [Y];

Sur la demande de rappel de salaire :

A titre principal,

– juger la demande irrecevable en application des dispositions de l’article L.1234-20 du code du travail,

En conséquence,

– débouter Mme [Y] de sa demande de versement de la somme de 1 591,65 euros présentée à ce titre;

A titre subsidiaire et si par extraordinaire la demande était jugée recevable :

– juger la demande infondée, la réduction du temps de travail ayant été initiée par Mme [Y],

En conséquence,

– débouter Mme [Y] de sa demande de versement de la somme de 1 591,65 euros présentée à ce titre;

En tout état de cause :

– juger l’arrêt à intervenir opposable au Cgea de [Localité 5],

– condamner Mme [Y] aux entiers dépens de l’instance d’appel et à verser à la société Asap Médoc la somme de 2 000 euros en appel et 1 500 euros en première instance, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, enregistrées le 22 novembre 2022, Mme [Y] demande à la Cour de :

– la juger recevable et bien fondée en son appel incident,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a été considéré que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement déféré en ce que la demande de rappel de salaire est légitime,

Statuant à nouveau,

– condamner la société Asap Médoc à lui payer les sommes suivantes :

– 15 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article L.1235-3-1, et à défaut, sur le fondement de l’article L.1235-3,

– 1 591,95 euros à titre de rappel de salaire, outre 159,95 euros de congés payés y afférents,

– 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– à titre subsidiaire, fixer au passif de la société Asap Médoc les sommes suivantes:

– 15 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article L.1235-3-1, et à défaut, sur le fondement de l’article L.1235-3,

– 1 591,95 euros à titre de rappel de salaire, outre 159,95 euros de congés payés y afférents,

– 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– garantir le paiement des sommes par le Cgea,

– condamner l’appelante aux dépens et aux éventuels frais d’exécution forcée.

Par ses dernières conclusions, enregistrées le 16 juin 2022, l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5] demande à la Cour de :

A titre principal :

– juger que de par l’effet attaché à l’adoption de ce plan de redressement, la société Asap Médoc est à cet instant in bonis et que dans ces conditions à titre principal, le Cgea de [Localité 5] sera mise hors de cause et subsidiairement que les demandes de Mme [Y], si elles sont accueillies, ne pourront pas être garanties par la concluante;

Sur la demande ayant trait à la nullité du licenciement :

A titre infiniment subsidiaire,

– juger qu’en cause d’appel, dans le dispositif de ses conclusions, Mme [Y] ne sollicite pas la réformation du jugement entrepris sur le chef de sa demande ayant trait à ce que son licenciement soit le cas échéant jugé nul et que dans ces conditions, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel sur cette prétention,

– juger que la garantie du Cgea de [Localité 5] ne peut pas être recherchée de ces chefs;

A titre très infiniment subsidiaire,

– confirmer le jugement déféré et juger que le licenciement n’est pas nul,

– juger que le licenciement de Mme [Y] n’est pas nul et la débouter de sa demande tendant à voir fixer au passif de la Asap Médoc la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef,

– juger que la garantie du Cgea de [Localité 5] ne peut pas être recherchée de ces chefs;

Sur la demande ayant trait à la cause réelle et sérieuse du licenciement :

– juger recevable et bien-fondé l’appel incident du Cgea de [Localité 5] et réformer les chefs du jugement en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement de Mme [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– fixé au passif de la société Asap Médoc la somme de 7 800 euros à titre de dommages

et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A titre infiniment subsidiaire :

– juger mal fondée Mme [Y] de sa demande soutenue à titre subsidiaire tendant à dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et de fixer au passif de la société Asap Médoc la somme 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– juger que la garantie du Cgea de [Localité 5] ne peut pas être recherchée de ces chefs;

A titre très infiniment subsidiaire,

– débouter Mme [Y] de sa demande soutenue à titre subsidiaire tendant à dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et de fixer au passif de la société Asap Médoc la somme 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– juger que la garantie du Cgea de [Localité 5] ne peut pas être recherchée de ces chefs;

A titre infiniment subsidiaire, sur le rappel de salaire,

– juger recevable et bien-fondé l’appel incident du Cgea de [Localité 5] et réformer les chefs du jugement déféré en ce qu’il a fixé au passif de la société Asap Médoc la somme de 1 590 euros à titre de rappel de salaire des mois de mars, avril et mai 2019;

A titre infiniment subsidiaire,

– juger Mme [Y] irrecevable en sa demande de paiement de rappel de salaire en raison de l’existence d’un reçu pour solde de tout compte non dénoncé,

– juger que la garantie du Cgea de [Localité 5] ne peut pas être recherchée de ces chefs;

A titre très infiniment subsidiaire,

– juger recevable et bien-fondé l’appel incident du Cgea de [Localité 5] et réformer les chefs du jugement déféré en ce qu’il a fixé au passif de la société Asap Médoc la somme de 1 590 euros à titre de rappel de salaire des mois de mars, avril et mai 2019,

– juger Mme [Y] mal fondée en sa demande de paiement de rappel de salaire et la débouter de sa demande tendant à fixer au passif de la société Asap Médoc la somme de 1 590 euros pour les mois de mars, avril et mai à titre de rappel de salaire et l’en débouter,

– juger que la garantie du Cgea de [Localité 5] ne peut pas être recherchée de ces chefs;

En tout état de cause,

– juger que la mise en cause du Cgea de [Localité 5] dans la présente instance ne peut avoir pour objet que de lui rendre opposable le jugement à intervenir et non d’obtenir une condamnation au paiement qui serait dirigée à son encontre et ce à défaut de droit direct de Mme [Y] à agir contre lui,

– juger que la garantie du Cgea de [Localité 5] est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi et ce dans les limites des articles L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail et des textes réglementaires édictés pour son application,

Sur l’article 700 du code de procédure civil et les dépens :

– juger que la demandes de Mme [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ne sont pas garanties par le Cgea de [Localité 5].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rappel de salaires

Aux termes de l’article L.3123-12 du Code du travail lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail , alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée de travail dans un des cas et selon des modalités préalablement définies dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement dés lors que cette modification n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec l’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figure dans le document écrit communiqué au salarié en application du 3° de l’article L. 3123-6.

Lorsque la rémunération est fixée par le contrat de travail elle ne peut être modifiée par l’employeur sans l’accord exprès du salarié. Une clause du contrat de travail qui autoriserait l’employeur à à modifier unilatéralement la rémunération contractuelle est considérée comme illicite et donc dépourvue de tout efficacité.

Au soutien de sa demande en rappel de salaire, Mme [Y] fait valoir, en substance, que le rappel de salaire est dû par l’employeur qui ne démontre pas que la diminution des horaires lui est imputable et ajoute que le quantum doit être rectifié au motif d’une erreur de calcul des premiers juges. Elle détaille sa créance comme suit: 1 591,95 euros outre l’indemnité compensatrice de congés payés d’un montant de 159,95 euros, son salaire de base mensuel étant de 1 557,65 euros et son salaire réduit d’un montant de 1 072 euros.

La société Asap Médoc, la société Philae, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Asap Médoc, et la société Arva, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Asap Médoc font valoir en réponse, en substance, que c’est à la demande de la salariée de lui retirer des interventions chez les clients mécontents que ses heures ont été réduites; qu’elle ne s’est jamais plainte de la réduction de ses heures à 100 h pendant plusieurs mois; qu’elle a signé son reçu de solde de tout compte le 22 mai 2019 et a saisi le conseil de prud’hommes le 17 mars 2020 soit bien après le délai de 6 mois prévu à l’article L. 1234-20 du code du travail.

En l’espèce, la cour retient que l’article L. 1234-20 du code du travail expose que le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

Partant, aucune somme au titre de rappel de salaire pour les mois de mars, avril et mai 2019 ne figurant sur le reçu de solde de tout compte de la salariée, sa demande de rappel de salaire est recevable.

Si la société Asap Médoc, la société Philae, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Asap Médoc, et la société Arva, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Asap Médoc font état du consentement de Mme [Y] à la réduction de ses heures de travail et partant de sa rémunération, elles ne produisent aucun élément établissant l’existence d’un tel consentement; elles ne produisent ainsi ni avenant au contrat de travail ni courrier visant une réduction des heures de travail et de la rémunération, éléments essentiels du contrat de travail, peu important que la salariée n’ait pas contesté la réduction de ses horaires.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé de ce chef et infirmé sur le quantum qu’il convient de fixer à la procédure de redressement judiciaire pour un montant de 1 591,95 euros outre l’indemnité compensatrice de congés payés d’un montant de 159,19 euros, le salaire de base mensuel de Mme [Y] étant de 1 557,65 euros et son salaire réduit d’un montant de 1 027 euros.

Sur le licenciement nul

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau de pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954 alinéa 3 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer des chefs du jugement critiqué doit formuler des prétentions en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d’appel.

Il s’en déduit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures de Mme [Y] et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont évoqués dans la discussion.

En l’espèce, Mme [Y] sollicite au dispositif de ses dernières écritures la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a considéré que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A défaut d’avoir relevé appel principal du jugement déféré ou d’avoir sollicité la réformation du jugement déféré au dispositif de ses écritures, sa demande portant sur la nullité de son licenciement et ses demandes d’indemnisation à ce titre seront déclarées irrecevables.

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

L’article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

Il appartient à l’employeur de déterminer si le salarié a commis une faute et d’apprécier la gravité de cette faute.

La société Asap Médoc, la société Philae, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Asap Médoc, et la société Arva, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Asap Médoc font valoir en substance que le licenciement de la salariée repose bien sur une cause réelle et sérieuse au motif de la dégradation évidente de la qualité du travail fourni par l’intéressée à partir de la fin de l’année 2018, que cette dégradation est démontrée par les pièces versées aux débats et singulièrement les réclamations des clients mécontents.

Pour s’y opposer Mme [Y] soutient que les griefs visés dans la lettre de licenciement sont imprécis et ne suffisent pas à caractériser un manquement pouvant fonder son licenciement.

Elle ajoute qu’elle a une ancienneté datant de 2014, que son temps de travail a régulièrement été augmenté et que son licenciement est en lien avec la dégradation de son état de santé.

En l’espèce, la lettre en date du 20 mars 2019 qui fonde le licenciement et fixe les limites du litige est libellée comme suit:

‘ Ce courrier fait suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé le 13 mars 2019 à 15h, pour lequel vous étiez assistée par un conseiller.

Nous vous rappelons la situation à laquelle nous sommes confrontés : compte tenu de votre comportement inapproprié et la qualité de votre travail, de nombreux clients (une dizaine) ne souhaitent plus ou pour certains d’entre eux refusent catégoriquement votre présence à leur domicile pour les motifs d’ailleurs très précis : « nettoyage mal fait, n’a pas nettoyé sanitaire, n’arrête pas de souffler, se plaint beaucoup trop, parle beaucoup, fume dans la voiture, ma s’ur en a peur, se plaint d’avoir mal à une jambe, travail moyen’etc »

Bref nous avons un véritable florilège de réclamation clients.

De ce fait votre comportement donne une image négative de l’entreprise. Les clients mécontents totalisent une cinquantaine d’heures d’intervention, ce qui rend impossible

l’exécution de votre contrat.

Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

(…)’.

Si la société Asap Médoc, la société Philae, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Asap Médoc, et la société Arva, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Asap Médoc soutiennent que la dégradation du travail de Mme [Y] est démontrée au vu des pièces versées aux débats, elles ne produisent aucun élément laissant supposer l’existence d’une telle dégradation ou manquement de la salariée de nature à justifier son licenciement alors que Mme [Y] n’a aucun passé disciplinaire au sein de la société Asap Médoc; ainsi les sept rapports téléphoniques faisant état de clients mécontents en termes généraux et imprécis ne sont pas confirmés par des attestations de ces clients, six d’entre eux ( 19 décembre 2018, 28 décembre 2018 janvier 2019, 9 janvier 2019, 5 mars 2019) indiquent que la priorité du message est faible et celui du 8 mars 2019 fait état d’une priorité moyenne; en l’état des pièces produites, l’employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la matérialité des griefs et manquements qu’il impute à Mme [Y]; les pièces qu’il produit ne sont pas probantes pour être non signées, établies unilatéralement par lui sans être confirmées par des éléments complémentaires, Mme [Y] versant pour sa part aux débats les attestations de deux clients (Mme [W] et M. [U]) satisfaits de ses interventions à domicile et de la qualité de son travail. Le jugement déféré sera ainsi confirmé dans ses dispositions qui jugent le licenciement de Mme [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

S’agissant des dommages-intérêts sollicités sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail à raison du caractère injustifié du licenciement dont Mme [Y] a fait l’objet, il sera observé que l’intéressée était âgée de 52 ans et justifiait de plus de quatre années d’ancienneté au jour de la rupture de son contrat de travail. Dans ces conditions, en application du barême prévu par les dispositions précité prévoyant une indemnité comprise entre 3 et 5 mois, il sera alloué à Mme [Y] la somme de 7788,25 euros ( 1557,65 x 5), au paiement de laquelle la société sera condamnée. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la mise hors de cause de l’Unedic délégation AGS

Il résulte des dispositions de l’article L.625-3 du code de commerce que les sommes dues par l’employeur en raison de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l’adoption d’un plan de redressement, qu’il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective.

Suivant les dispositions de l’article L.3253-8 alinéa 1,1°, du code du travail, l’assurance des salariés contre le risque de non-paiement en cas de redressement ou de liquidation judiciaire couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

En l’espèce, les créances dont le montant est fixé sont dues en raison de l’exécution et de la rupture du contrat de travail avant l’ouverture de la procédure collective; il en résulte que les sommes correspondantes restent soumises au régime de la procédure collective et qu’il n’y a pas lieu de prononcer la mise hors de cause de l’Unedic délégation AGS, la circonstance que la société Asap Médoc est redevenue in bonis étant sans emport.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions qui déclarent la décision opposable à l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Asap Médoc qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d’appel, qui seront fixés à la procédure de redressement judiciaire. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

L’équité commande de ne pas laisser à Mme [Y] la charge des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d’appel. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société Asap Médoc sera condamnée à lui verser la somme de 2500 euros.

Il n’y a pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d’exécution forcée d’une décision dont l’exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l’article L.111-8 du code de procédures civile d’exécution qui prévoit la possibilité qu’ils restent à la charge du créancier lorsqu’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, étant rappelé qu’en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d’exécution forcée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré dans ses dispostions qui jugent que Mme [Y] dispose d’une créance de rappel de salaire et d’une créance de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sur la procédure collective ouverte au bénéfice de la société Assistance et Services aux Personnes Médoc, qui fixent la créance de Mme [Y] au passif de la procédure de redressement judicaire ouverte au bénéfice de la société Assistance et Services aux Personnes Médoc à la somme de 1000 euros pour les frais exposés non compris dans les dépens, qui mettent les dépens à la charge de la procédure de redressement judiciaire, qui déclarent la décision opposable à l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5];

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DECLARE irrecevables la demande de Mme [Y] en nullité de son licenciement et sa demande d’indemnisation subséquente;

FIXE sa créance de salaire pour les mois de mars, avril et mai 2019 au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société Assistance et Services aux Personnes Médoc à la somme de 1 591,95 euros, outre 159,19 euros pour les congés payés afférents;

FIXE sa créance de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société Assistance et Services aux Personnes Médoc à la somme de 7788,25 euros;

DEBOUTE l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5] de sa demande de mise hors de cause et JUGE que la présente décision lui est opposable;

CONDAMNE la société Assistance et Services aux Personnes Médoc à payer à Mme [Y] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

DIT que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective;

DIT n’y avoir lieu à statuer sur les frais d’exécution.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps M.P. Menu

 


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