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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 1- A
ARRET DU 24 MAI 2023
(n° /2023, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08511 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOZY
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Septembre 2022 -Conseiller de la mise en état de PARIS – RG n° 21/6752
APPELANTE
S.A.S. COORDINATION CONCEPTION INGENIERIE IMMOBILIER Sigle ‘2 CZI’
[Adresse 1]
[Localité 3]
N° SIRET : 352 670 517
Représentée par Me Laëtitia FRUCHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0102
INTIME
Monsieur [L] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
né le 10 Juillet 1978 à [Localité 5]
Représenté par Me Jouba WALKADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A265
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Christine DA LUZ, Présidente de chambre
Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre
M. Fabrice MORILLO, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nicolette Guillaume dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière présente lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, greffière présente lors de la mise à disposition.
***
Par déclaration transmise par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 26 juillet 2021, M. [L] [S] a interjeté appel d’un jugement rendu le 21 juin 2021 par le conseil de prud’hommes d’Évry dans le litige l’opposant à la SAS Coordination Conception Ingénierie Immobilier (2CZI).
Par ordonnance rendue le 22 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a :
– prononcé l’irrecevabilité des conclusions de la société 2CZI,
– débouté la société 2CZI de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société 2CZI aux dépens de l’incident
– rejeté toutes autres demandes.
Par requête formalisée dans le délai de l’article 916 du code de procédure civile, le 6 octobre 2022, la société 2CZI a déféré cette ordonnance à la cour. Elle lui demande de :
– réformer l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 22 septembre 2022′;
– déclarer ses conclusions communiquées le 12 janvier 2022 recevables, ainsi que toutes ses autres conclusions ;
– prononcer la nullité de la déclaration d’appel régularisée le 26 juillet 2021 par M. [S] ;
A titre subsidiaire,
– prononcer l’irrecevabilité des conclusions déposées par M. [S] le 9 septembre 2021 mais non notifiées entre avocats ;
en tout état de cause,
– condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner que les dépens soient supportés par M. [S].
Par conclusions responsives déposées le 3 janvier 2023, M. [S] demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 22 septembre 2022′ ;
En conséquence,
– juger irrecevables les conclusions au fond déposées par la société 2CZI les 12 janvier 2022 et 26 juillet 2022 ainsi que toutes conclusions à venir ;
– juger irrecevable la demande de nullité de la déclaration d’appel formée par la société 2CZI’ ;
– débouter la société 2CZI de sa demande de nullité de la déclaration d’appel ;
– débouter la société 2CZI de sa demande « d’irrecevabilité des conclusions de M. [S] en date du 09/09/2021 »
Y ajoutant,
– condamner la société 2CZI à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société 2CZI aux entiers dépens.
L’ordonnance de fixation a été rendue le 3 mars 2023 pour une audience devant se tenir le 7 avril 2023 à 9 heures.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
À l’issue des débats, les parties ont été informées de la date de délibéré fixée au 24 mai 2023.
MOTIFS
Sur la régularité de la déclaration d’appel :
La nullité qui sanctionne la déclaration d’appel qui ne vise pas expressément les chefs du jugement critiqués est une nullité pour vice de forme au sens de l’article 114 du code de procédure civile.
Contrairement aux allégations de la société 2CZI, il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir.
Selon l’article 114 du code de procédure civile : ‘Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.’
La nullité invoquée est prévue par l’article 901 4° du code de procédure civile selon lequel : « La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
(…)
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’
Par ailleurs selon l’article 74 alinéa 1er du code de procédure civile : ‘Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.’
En l’espèce, la société 2CZI a conclu au fond sous le RG 21/06752 le 12 janvier 2022, sans soulever la nullité de la déclaration d’appel, et ce n’est que le 26 juillet 2022, soit plus de 6 mois après, qu’elle a soulevé dans ses conclusions au fond et dans ses conclusions d’incident cette exception de procédure qui sera donc déclarée irrecevable. L’ordonnance sera donc réformée en ce sens.
Sur les conclusions de l’intimée
Il ressort du récapitulatif expédié par le greffe le 5 août 2021 que la déclaration d’appel déposée le 26 juillet 2021 indique que l’appel est limité aux chefs de jugement expressément critiqués ayant débouté M. [S] de ses demandes qui sont ensuite énumérées.
Le jugement querellé a effectivement ‘débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes’.
Il s’agit donc d’un appel partiel limité à un seul chef de décision à savoir le rejet des demandes de M. [S]. La cour en est valablement saisie.
Le jugement a aussi débouté la société 2CZI de sa demande reconventionnelle, laissant les dépens à la charge des parties.
Le dispositif des conclusions déposées le 12 janvier 2022 par l’intimé est rédigé dans les termes qui suivent :
‘
PAR CES MOTIFS
Vu les articles 2044 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 6 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu la transaction signée entre les parties,
Vu la jurisprudence citée
Vu le jugement rendu le 21 Juin 2021
A titre principal
DECLARER Monsieur [S] irrecevable en son action,
DEBOUTER Monsieur [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,
A titre subsidiaire, et si par impossible la résolution de la transaction intervenue entre les parties était prononcée
CONDAMNER Monsieur [S] à restituer à la société 2CZI la somme de 15 000 euros
REQUALIFIER la prise d’acte de Monsieur [S] en démission,
DEBOUTER Monsieur [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires
CONDAMNER Monsieur [S] à verser à la société 2CZI la somme de 3.250 € au titre de l’indemnité de préavis.
A TITRE RECONVENTIONNEL ET EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER Monsieur [S] à régler à la société 2CZI, la somme de 5 000 euros au titre du caractère abusif de la procédure diligentée.
CONDAMNER Monsieur [S] à régler à la société 2CZI la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.’
Le dispositif des dernières conclusions sur le fond déposées le 26 juillet 2022 par l’intimé est rédigé dans les mêmes termes.
Or il ressort de la lecture des conclusions déposées par la société 2CZI devant le conseil de prud’hommes le 4 mars 2021 que le dispositif est identique, sauf la référence au ‘jugement rendu le 21 Juin 2021″ et la demande de rejet de pièce formée en première instance et qui n’a pas été maintenue à hauteur de cour.
Dès lors, le jugement querellé ayant expressément débouté la société 2CZI de sa demande reconventionnelle, il sera retenu que l’intimé a formé un appel incident et pas une demande reconventionnelle. Son argumentation en ce sens doit donc être écartée.
Il est en outre constant que l’intimé ne forme dans le dispositif de ses conclusions déposées le 12 janvier 2022 aucune demande de confirmation ou d’infirmation du jugement.
L’article 910-1 du code de procédure civile dispose :
« Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige ».
L’article 954 du même code dispose :
« Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. (‘)
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs ».
L’article 542 du même code de procédure civile :
‘L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.’
Or l’appel incident n’est pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet, les conclusions de l’appelant, qu’il soit principal ou incident doivent déterminer l’objet du litige porté devant la cour d’appel, et l’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l’article 909 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954. Il convient donc de retenir que les conclusions de l’intimé ne comportant aucune prétention tendant à l’infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, elles ne constituent donc pas un appel incident valable, de sorte que les conclusions de la société 2CZI déposées les 12 janvier et 26 juillet 2022 sont effectivement irrecevables et que l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a jugé à ce titre.
Sur la recevabilité des conclusions de l’appelant
Selon l’article 902 alinéa 3 du code de procédure civile :
‘Le greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration avec l’indication de l’obligation de constituer avocat.
En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l’avocat de l’appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d’appel).
A peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat’.
Il est constant que l’intimé s’est constitué le 6 septembre 2021, la signification de la déclaration d’appel lui ayant été faite le 9 septembre suivant, le greffe de la cour ayant adressé un avis à l’appelant le 27 août précédent.
Pour autant, la notification à l’avocat de l’intimé qui n’était pas initialement constitué n’est pas prescrite à peine de nullité de la déclaration d’appel.
Enfin, il n’y a pas lieu de déclarer irrecevables les conclusions de l’appelant valablement déposées le 19 octobre 2021dans le délai de trois mois de la déclaration d’appel prescrit par l’article 908 du code de procédure civile, étant précisé qu’aucune conclusions n’ont été déposées le 9 septembre 2021.
L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a jugé de ce chef.
Partie perdante, la société 2CZI sera condamnée aux dépens de l’incident. Elle ne peut prétendre au remboursement de ses frais irrépétibles. Elle sera condamnée à payer la somme de 2 000 euros à M. [S] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant en déféré, par arrêt mis à disposition au greffe,
CONFIRME l’ordonnance déférée, sauf en ce qu’elle a débouté la société 2CZI de sa demande de nullité de la déclaration d’appel,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
DÉCLARE irrecevable la demande formée par la société 2CZI tendant à la nullité de la déclaration d’appel,
CONDAMNE la société 2CZI à payer à M. [S] la somme 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
RENVOIE le dossier référencé sous le RG 21/06752 à la mise en état pour fixation,
CONDAMNE la société 2CZI aux dépens de l’incident.
La greffière La présidente de chambre