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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp + GROSSES le 20 OCTOBRE 2023 à
Me Estelle GARNIER
Me Marie QUESTE
ABL
ARRÊT du : 20 OCTOBRE 2023
N° : – 23
N° RG 21/02779 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GOT5
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BLOIS en date du 27 Septembre 2021 – Section : ACTIVITÉS DIVERSES
ENTRE
APPELANTE :
S.C.M. MUTUANOT Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège,
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLEANS, Me Gregory HANIA, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
ET
INTIMÉE :
Madame [C] [R]
née le 13 Avril 1959 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Marie QUESTE, avocat au barreau de BLOIS
Ordonnance de clôture : 6 juin 2023
A l’audience publique du 08 Juin 2023
LA COUR COMPOSÉE DE :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 20 OCTOBRE 2023, M. Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité, assisté de M Jean-Christophe ESTIOT, Greffier lors du délibéré, a rendu l’arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [C] [R], née en 1959, a été engagée à compter du 16 juillet 1997 par Maître [T] [V], notaire, en qualité de secrétaire qualifiée Niveau 1, T1, coefficient 125 + 4 points supplémentaires suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein régularisé le 26 octobre 2001 suite à l’entrée en vigueur de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001. Elle était affectée au siège social à [Localité 4].
Par avenant du 1er octobre 2008, Mme [R] a exercé les fonctions de secrétaire au bureau annexe de [Localité 6] le jeudi et le vendredi suivant les besoins, le samedi matin, jusqu’au retour d’une activité normale au service négociation.
Par un second avenant du 30 septembre 2009, elle a été engagée à compter du 1er septembre 2009 par la SCM Mutuanot qui a repris le personnel de l’étude de Maître [V] et s’est vu attribuer des fonctions de secrétariat général et de formalités, d’accueil des clients, publicité pour la négociation et la gestion locative pour une rémunération correspondante à sa classification et son coefficient de technicien niveau 1 + 20 points complémentaires mais en perdant la commission de 3% sur les émoluments de négociation sur les ventes et les baux.
Mme [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie d’origine non-professionnelle du 22 septembre 2010 au 2 janvier 2011.
Le 26 août 2011, elle s’est vu notifier un avertissement.
Elle a de nouveau été placée en arrêt maladie du 1er février au 8 mai 2016. Elle a repris son activité à mi-temps thérapeutique du 9 au 20 mai 2016, selon avenant du 9 mai 2016, puis à temps complet comme secrétaire d’accueil selon avenant du 23 mai 2016.
Elle a fait l’objet d’un nouvel arrêt maladie du 20 au 25 novembre 2017 puis à compter du 19 décembre 2017.
Le 17 janvier 2018, le médecin traitant de Mme [R] a formé une demande rétroactive d’accident du travail en date du 18 décembre 2017 et a établi le certificat médical initial suivant : ‘syndrome anxieux réactionnel à un choc émotionnel dans le cadre de son travail.’ La Caisse Primaire d’Assurance Maladie n’a toutefois pas admis la salariée au bénéfice de la législation sur les risques professionnels selon décision du 29 juin 2018.
Entre temps, Mme [R] a été convoquée le 27 mars 2018 à un entretien préalable en vue d’un licenciement, fixé au 9 avril 2018.
Le 19 novembre 2018, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude à tout poste
en précisant « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. »
Le 13 décembre 2018, Mme [R] a été de nouveau convoquée à un entretien préalable en vue d’un licenciement, fixé au 4 janvier 2019, et a été licenciée pour inaptitude le 11 janvier 2019.
Par requête du 19 décembre 2019, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois aux fins de voir dire le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse, de voir reconnaître l’existence d’un harcèlement moral et d’obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence.
Suivant jugement du 27 septembre 2021, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :
> Dit que le licenciement de Mme [R] est sans cause réelle et sérieuse
> Condamné la SCM Mutuanot à payer à Mme [R] les sommes suivantes :
– 1472,22 euros au titre de rappel d’indemnités de licenciement,
– 38 542,40 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 15 457,22 euros au titre des indemnités de licenciement doublées pour inaptitude d’origine professionnelle,
– 7 226,70 euros au titre des indemnités de préavis,
– 722,67 euros au titre des congés payés afférents,
– 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 2 500 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité,
– 2 500 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et de tenue d’entretien professionnel,
– 1 204,45 euros au titre des dommages et intérêts pour défaut de notification du licenciement à la commission nationale paritaire de l’emploi,
> Débouté Mme [R] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel,
> Condamné la SCM Mutuanot à payer à Mme [R] la somme de 50 euros par jour de retard pour l’ensemble des documents à compter du 16 jour après la notification de ce jugement au titre de l’astreinte pour la communication des documents de fin de contrat conformes au jugement à intervenir : notification pôle emploi, certificat de travail, bulletin de salaire et solde de tout compte,
> Dit que la décision à intervenir produira intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction,
> Débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,
> Condamné la SCM Mutuanot à payer à Mme [R] la somme de 2000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile,
> Condamné la SCM Mutuanot aux entiers dépens.
Selon déclaration du 20 octobre 2021, la SCM Mutuanot a relevé appel de cette décision. Mme [R] a, par voie de conclusions, formé appel incident.
Par ordonnance de référé du Premier Président de la cour d’appel d’Orléans du 18 mai 2022, la SCM Mutuanot a été déboutée de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire dont se trouve assorti le jugement du conseil de prud’hommes de Blois du 27 septembre 2021 pour un montant de 21 680 euros ainsi que de ses demandes subsidiaires de consignation de la somme de 10 840 euros ou de constitution par Mme [R] d’une garantie réelle. Elle a été condamnée à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) remises au greffe le 31 mai 2023, la SCM Mutuanot demande à la cour de :
> La Déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
> La Déclarer recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et y faire droit ;
> Débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence:
> In limine litis : juger recevables l’appel et la demande portant sur l’infirmation du jugement en ce qu’il a alloué à Mme [R] une somme de 1.472,22 euros au titre d’un rappel d’indemnité de licenciement ;
> Infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de Mme [R] est sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [R] les sommes suivantes :
– 1.472,22 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;
– 38.542,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 15.457,22 euros au titre d’indemnités de licenciement doublées pour inaptitude d’origine professionnelle ;
– 7.226,70 euros au titre de l’indemnité de préavis ainsi que la somme de 722,67 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
– 2.500 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité ;
– 2.500 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et de tenue d’entretien professionnel ;
– 1.204,45 euros au titre de dommages et intérêts pour défaut de notification du licenciement à la commission nationale paritaire de l’emploi ;
> Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à fournir à Mme [R] les documents de fin de contrat modifiés sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;
> Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [R] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
Statuant à nouveau :
> Déclarer le licenciement de Mme [R] justifié et qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse ;
> Déclarer que Mme [R] a été intégralement remplie de ses droits relativement à son indemnité légale de licenciement, son préavis et l’ensemble des congés payés y afférents ;
> Déclarer qu’elle n’a commis aucun fait de harcèlement à l’endroit de Mme [R] ;
> Déclarer que les conditions de travail n’ont pas entraîné une dégradation de la santé physique et mentale de Mme [R] et que son inaptitude n’a pas une origine professionnelle ;
> Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel ;
> Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] du surplus de ses demandes;
En conséquence :
> Débouter Mme [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
> Rejeter l’appel incident de Mme [R] et débouter celle-ci de toutes ses demandes au titre de son appel incident ;
En conséquence :
> Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel;
> Confirmer le jugement en ce qu’il a fait application du barème fixé par l’article L.1235-3 du code du travail et, si la Cour devait confirmer le jugement en ce qu’il jugé que le licenciement de Mme [R] est sans cause réelle et sérieuse, Infirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [R] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 16 mois de salaire et ramener cette indemnité à une somme correspondant à 6 mois de salaire, soit la somme de 13.986 euros bruts sur une base d’un salaire moyen 2.331 euros bruts ;
En tout état de cause,
> Condamner Mme [R] à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 9 mai 2023, Mme [R] demande à la cour de :
> Déclarer que ses demandes sont recevables et bien fondées,
> Débouter les prétentions, fins et conclusions contraires de la société SCM Mutuanot,
In limine litis
> Juger irrecevable l’appel de la société SCM Mutuanot portant sur le chef de jugement
lui ayant alloué une somme de 1 472,22 euros à titre de rappel de l’indemnité de licenciement,
A titre principal
> Déclarer la société SCM Mutuanot irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l’en débouter ;
> Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Blois le 27 septembre 2021 en ce qu’il a :
– dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SCM Mutuanot à lui verser les sommes suivantes :
. 1 472,22 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,
. des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 15 457,22 euros au titre des indemnités de licenciement doublées pour inaptitude d’origine professionnelle,
. 7 226,70 euros au titre de l’indemnité de préavis,
. 722,67 euros au titre des congés payés afférents,
. 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
. 2 500 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité,
. 2 500 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et de tenue d’entretien professionnel,
. 1 204,45 euros au titre des dommages et intérêts pour défaut de notification du licenciement à la commission nationale paritaire de l’emploi,
– condamné la SCM Mutuanot à lui payer la somme de 50 euros par jour de retard pour l’ensemble des documents à compter du 16 jour après la notification de ce jugement au titre de l’astreinte pour la communication des documents de fin de contrat conformes au jugement à intervenir : notification Pôle emploi, certificat de travail, bulletin de salaire et solde de tout compte,
– dit que la décision produira intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction,
– condamné la SCM Mutuanot à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCM Mutuanot aux entiers dépens.
> La Déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et en l’intégralité de ses demandes,
> Infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
– ne lui a alloué qu’une somme de 38 542,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au lieu des 56 000 euros réclamés,
– l’a déboutée du surplus de sa demande de dommages et intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel,
– l’a déboutée du surplus de ses demandes,
Et statuant de nouveau
> Déclarer le licenciement dont elle a fait l’objet comme sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements commis à son encontre,
> Prononcer que la société Mutuanot aurait dû respecter les règles applicables au licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle,
> Constater que la société Mutuanot est incapable de produire la notification du licenciement à la commission nationale paritaire de l’emploi,
> Constater que la société Mutuanot est incapable de produire le justificatif témoignant du fait qu’elle n’aurait pas de représentant du personnel,
Condamner en conséquence la société Mutuanot au paiement des sommes suivantes:
– 1 472,22 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,
– 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 15 457,22 euros à titre d’indemnité de licenciement doublée,
– 7 226,70 euros à titre d’ indemnité de préavis,
– 722,67 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité,
– 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de formation et de tenue d’entretien professionnel,
– 1 204,45 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de notification du licenciement à la commission nationale paritaire de l’emploi,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel,
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,
> Ordonner la communication des documents de fin de contrat conformes au jugement à intervenir, et notamment l’attestation Pôle emploi, le certificat de travail, le bulletin de salaire et le solde de tout compte, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
> Ordonner que la décision produira intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
> Condamner la société Mutuanot à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la procédure d’appel,
> Condamner la société Mutuanot aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’appel portant sur le chef de jugement ayant alloué à Mme [R] une somme de 1472,22 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement
L’article 954 du code de procédure civile dispose que les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
En l’espèce, la salariée soulève l’irrecevabilité de l’appel de l’employeur portant sur la somme de 1 472,22 euros allouée par les premiers juges à titre de rappel d’indemnité de licenciement aux motifs qu’il n’a présenté aucun moyen de fait et de droit à cet égard.
Cependant, ainsi que le fait valoir avec pertinence l’employeur, la cour est saisie des prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Aucune sanction d’irrecevabilité n’est encourue en cas d’absence de motivation de la critique d’un chef de dispositif.
La demande d’irrecevabilité de l’appel portant sur ce chef de jugement sera donc rejetée.
Sur le licenciement pour inaptitude
Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse si l’inaptitude physique est la conséquence des agissements fautifs de l’employeur, notamment lorsque ce dernier a manqué à l’obligation de sécurité à laquelle il est tenu.
En l’espèce, Mme [R] soutient que l’inaptitude dont elle a fait l’objet est la conséquence directe des agissements de son employeur à son égard et de ses conditions de travail extrêmement difficiles.
Ainsi, elle fait valoir qu’elle a régulièrement changé de poste sans bénéficier nécessairement de formation, ce qui a été source d’un stress important. Elle dit n’avoir pas davantage bénéficié d’augmentation en termes de salaire, se voyant même privée d’une rémunération variable. Elle expose avoir également dû changer de lieu de travail. Elle précise que c’est à raison des décisions de gestion et de restructuration de la direction qu’elle a été contrainte d’abandonner des postes qu’elle affectionnait. Elle se plaint encore d’une surcharge de travail lorsqu’elle a été affectée auprès d’un clerc pour l’aider à rédiger des actes de vente ou qu’il lui a été demandé d’effectuer les tâches d’une salariée licenciée en sus des siennes alors qu’elle reprenait une activité professionnelle après un burnout survenu en 2016. Elle affirme avoir vainement alerté son employeur de cette situation anormale, ce qui l’a conduite à être remplacée de manière subite avant d’être reléguée à des tâches subalternes. Elle conteste que ce nouveau changement ait eu pour finalité de la soulager comme le prétend l’employeur, lequel n’a jamais répondu à ses deux courriers des 20 décembre 2017 et 4 janvier 2018 dans lesquels elle faisait valoir qu’elle avait été remplacée et n’avait ni bureau, ni matériel, ni mobilier ni tâche à accomplir.
Elle estime en conséquence que son inaptitude doit être considérée comme ayant une origine professionnelle dès lors que son employeur ne pouvait ignorer que son état de santé était lié, ne serait-ce qu’en partie, à ses conditions de travail et à la ‘placardisation’ dont elle a été la cible, même si la CPAM ne l’a pas admise au bénéfice de la législation sur les risques professionnels.
De son côté, l’employeur se défend d’avoir commis le moindre manquement à l’obligation de sécurité dont il est débiteur envers sa salariée et affirme que l’inaptitude professionnelle de celle-ci n’est pas en lien avec ses conditions de travail. Il en veut pour preuve l’historique de la relation de travail qui selon lui démontre qu’il a fait toujours fait droit aux demandes professionnelles de la salariée, l’a affectée à des postes en adéquation avec ses compétences professionnelles ou exigences personnelles, lui a offert des perspectives d’évolution et lui a assuré des formations professionnelles, a fait preuve de confiance à son égard, se montrant par ailleurs à l’écoute de ses difficultés et aménageant son poste au regard de son état de santé. Il conteste toutes conditions de travail ‘extrêmement difficiles’ et ‘placardisation’ ainsi que l’allègue la salariée.
Il s’avère que Mme [R] a été engagée à compter du 16 juillet 1997 par Maître [V], en qualité de secrétaire qualifiée suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein régularisé le 26 octobre 2001. Elle était alors affectée au siège social à [Localité 4] puis a exercé ses fonctions en partie au bureau annexe de [Localité 6], ‘jusqu’au retour d’une activité normale au service négociation’ selon les termes de l’avenant du 1er octobre 2008 avant que son contrat de travail ne soit transféré à la SCM Mutuanot par un nouvel avenant du 30 septembre 2009.
Elle s’est alors vu attribuer des fonctions de secrétariat général et de formalités, d’accueil des clients, publicité pour la négociation et la gestion locative pour une rémunération correspondante à sa classification et son coefficient mais en perdant la commission de 3% sur les émoluments de négociation sur les ventes et les baux. En 2009, l’employeur a fait le choix de supprimer le service négociation, ce qui a entraîné la modification de la rémunération de la salariée. M. [Z], ancien collègue de Mme [R], atteste que lui-même a été convoqué par l’employeur pour évoquer cette restructuration et s’est vu proposer une rupture conventionnelle qu’il a acceptée le 12 septembre 2009. Il sera observé que le changement de stratégie de l’employeur est concomittant au transfert du contrat de travail de la salariée et est à l’origine de la perte de commissions.
La salariée évoque ensuite qu’à son retour de congé maladie en janvier 2011, elle n’a pas retrouvé son poste, qui aurait été laissé à sa remplaçante. Mme [R] a été positionnée à cette date sur un poste de rédactrice d’actes. Les 11 et 12 juin 2012, elle a bénéficié d’une formation pour la rédaction d’un acte. Bien que Mme [R] communique une liste des actes préparés par ses soins à compter du 11 janvier 2011, cette seule pièce ne suffit pas à établir que le changement de poste visé a entraîné une surcharge de travail pour Mme [R].
En revanche, il ressort des pièces versées aux débats que cette mission était trop difficile pour elle, ce qui a motivé sa demande de changer de service en octobre 2014. Elle a été mutée aux formalités préalables pour vente et succession, ce qui lui a convenu.
Elle prétend que début septembre 2015, elle a été repositionnée à la rédaction des actes, assumant seule ce poste depuis mi-novembre, sa collègue, Mme [O], clerc habilité, étant alors en congé maladie-maternité. L’employeur reste taisant sur cette période mais il doit être constaté que la salariée a été placée en arrêt maladie du 1er février au 8 mai 2016 pour un état d’épuisement professionnel. Le médecin du travail a informé l’employeur selon courrier du 29 février 2016 que l’état de santé altéré de la salariée ne lui permettait pas de reprendre son poste de travail mais aussi qu’il avait suivi les réorganisations successives de l’étude depuis 2009 et qu’ ‘on sait que les réorganisations avec changement de fonction sans cohérence aux yeux des salariés lorsque cela s’accompagne d’un déni de reconnaissance peuvent être délétères en terme de santé des salariés et cela doit être pris en compte.’
Mme [R] a ensuite repris son activité à mi-temps thérapeutique du 9 au 20 mai 2016, puis à temps complet comme secrétaire d’accueil. Elle indique dans un courrier à son employeur du 13 avril 2018 qu’elle aimait vraiment ce dernier poste et s’y sentait bien jusqu’au licenciement de sa collègue, [M] [K], le 28 septembre 2017, date à laquelle elle a repris les attributions de cette dernière, formaliste, en sus des siennes, scannant et imprimant les éléments nécessaires à la constitution des dossiers pour Mme [W] en ses lieux et place, jusqu’au 11 décembre 2017. Il sera rappelé qu’elle a fait l’objet d’un nouvel arrêt maladie du 20 au 25 novembre 2017 pour palpitation sur terrain anxieux.
L’employeur, dans un courrier en réponse, conteste que le travail de Mme [K] a été réaffecté à Mme [R], écrivant ‘faire des scans et des impressions est avant tout un travail de secrétariat.Je vous renvoie à notre guide pratique qui le rappelle. De plus, je vous rappelle que Mme [W] a tous les outils d’impressions disponibles à distance.’ Il ajoute ‘il est un peu cavalier de rapporter tout votre retard au désordre causé, selon vous, par le départ de [M]…vous vous plaignez donc de faire du travail de secrétariat, poste que vous dites affectionner particulièrement…il n’y avait pas que cela d’entasser dans votre bureau, et ce de longue date…par ailleurs, une utilisation conforme du logiciel Planot vous dispense largement d’un tel recours…sur l’ensemble des sites, vous êtes la seule à ne pas parvenir à mettre de l’ordre, alors que tout le monde a les mêmes consignes et le même matériel.’ Il ne justifie cependant pas de ses critiques à l’endroit de la salariée, si ce n’est par un mail du 22 novembre 2017 de la salariée à Maître [X] aux termes duquel Mme [R] indique qu’elle vient de se voir donner ‘un tas de courriers à scanner…des ventes’ alors qu’elle a déjà du retard dans les successions. La salariée indique alors ‘je ne comprends plus rien….il est l’heure…je rentre chez moi…Dsl’, ce qui est de nature à établir le surmenage de la salariée. L’employeur ne démontre pas davantage l’organisation mise en place par ses soins pour pallier l’absence de Mme [K] alors qu’il admet dans son courrier ‘considérer que vous êtes la seule à être impactée par un départ n’est-il pas excessif ‘ Toute l’étude s’est organisée auprès de ce départ. Tout le monde l’a accepté sauf vous ‘. Il doit donc être constaté que l’employeur a considéré que Mme [R] devait s’adapter aux conséquences du licenciement de Mme [K], niant ainsi la surcharge de travail de celle-ci et refusant de prendre en considération ses difficultés.
Mme [R] indique enfin avoir été évincée de son poste le 18 décembre 2017 à 9 h 15 et en avoir conçu une grande souffrance après ses efforts pour mener de front son travail et celui de sa collègue non remplacée avant le 11 décembre. Elle a une nouvelle fois été placée en arrêt maladie à compter du 19 décembre 2017 et n’a jamais repris son travail. Elle a été considérée inapte à son poste le 19 novembre 2018 , ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’ selon l’avis du médecin du travail. L’employeur conteste cette présentation des faits sans apporter cependant aucun élément factuel contraire.
Il y a donc lieu de considérer qu’il est établi qu’un homme a pris ses fonctions le 18 décembre 2017 au sein de l’étude notariale, s’est installé dans le bureau de Mme [C] [R], qu’aucun autre poste n’a été proposée à la salariée, que celle-ci n’a plus disposé d’un emplacement de bureau, de matériel informatique et téléphonique, d’accès à ses emails, d’aucun mobilier (bureau et chaise) et qu’aucune tâche ne lui a été confiée, ainsi que l’intéressée l’expose dans un courrier recommandé avec avis de réception du 20 décembre 2017 resté sans réponse comme celui du 4 janvier 2018 (pièces n° 14 et 16 du dossier de la salariée).
Il doit également être relevé que le 27 mars 2018, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement. Il ressort du compte-rendu de cet entretien qui a eu lieu le 9 avril 2018 que l’employeur a souhaité signifier par cette procédure son ‘mécontentement sur un aspect général de son comportement surtout en termes de motivation lié à sa fonction, ce qui entraîne une inadaptabilité aux méthodes de travail [mises en place]’ mais a admis qu’il avait fait appel à un prestataire pour délester Mme [R] ‘dans la lourdeur de ses tâches’. Il n’est pas justifié de la suite donnée à cette décision, étant précisé que Mme [S], conseiller de la salariée, a fait relever au terme de l’entretien que les faits reprochés à la salariée étaient prescrits.
Par courriers des 26 octobre et 8 novembre 2018, le médecin du travail a informé l’employeur que l’état de santé de Mme [R] laissait présager une incompatibilité avec les conditions de travail actuelles caractérisant son poste. Il a également sollicité de le rencontrer pour réaliser une étude du poste et des conditions de travail de la salariée, précisant que ‘Mme [R] rapporte une organisation du travail et un management qui pourraient être mis en lien avec son état de santé ce que mes constatations cliniques et mes investigations sur son travail confortent.’
La salariée verse également aux débats deux attestations d’anciens collègues, Mme [K] et M. [U] lesquels décrivent un manque de considération de leur employeur à l’égard du personnel ainsi qu’une forte pression.
Il s’évince de l’ensemble de ces éléments que si effectivement les postes au sein d’une entreprise sont soumis à une évolution conjoncturelle comme s’en prévaut l’employeur, il n’en demeure pas moins qu’il incombe à celui-ci d’assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail et à l’évolution des emplois, des technologies et des organisations mais aussi de préserver leur santé au travail. Or, il est apparu que Mme [R] s’est trouvée une première fois en difficulté en 2014 sur un poste de rédactrice d’actes, trop générateur de stress pour elle, auquel elle a pourtant été réaffectée en septembre 2015 dans des conditions de travail extrêmement dégradées, sa collègue étant en congé maternité. Il s’en est suivi un épuisement professionnel constaté médicalement. Si à sa reprise de poste en mai 2016, il a été tenu compte de cet antécédent, celui-ci a été omis entre septembre et décembre 2017, plaçant une nouvelle fois la salariée, déjà éprouvée, en situation de surcharge de travail et de surmenage ainsi que l’illustre parfaitement le mail du 22 novembre 2017 produit par l’employeur dont il résulte qu’à fin de sa journée de travail, Mme [R] n’était plus en état de faire face aux travaux qui lui étaient donnés en sus des siens. L’employeur ne saurait lui en faire le reproche alors qu’il a failli à son obligation de sécurité et de formation en lui demandant ‘d’accepter’ comme ses collègues de pallier les conséquences du départ d’une autre salariée avant de la remplacer sans ménagement à son poste.
Par conséquent, l’inaptitude de la salariée à son poste au sein de la SCM Mutuanot constatée par le médecin du travail le 19 novembre 2018 apparaît en lien avec les conditions de travail de la salariée, qui les mois précédant son arrêt-maladie, a été placée en situation de surmenage, en dépit d’un ‘burn out’ constaté dix-huit mois plus tôt. Mme [C] [R] a été privée de ses attributions le 18 décembre 2017 et l’employeur n’a pas répondu aux courriers des 20 décembre 2017 et du 4 janvier 2018 qui lui ont été adressés par la salariée, en arrêt maladie, aux fins de se voir expliquer les raisons de son éviction et de se voir confier un nouveau poste. Ces agissements de l’employeur sont fautifs et ont contribué à la dégradation de l’état de santé de la salariée. L’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, le licenciement de Mme [C] [R] est sans cause réelle et sérieuse. La décision déférée sera donc confirmée de ce chef.
S’agissant du salaire brut moyen de Mme [R], le montant avancé par la salariée correspond à son dernier bulletin de salaire de sorte qu’il sera retenu à hauteur de 2408,90 euros ainsi que l’ont justement apprécié les premiers juges. Il sera donc fait droit à la demande de rappel d’indemnité de licenciement en découlant pour la somme de 1 472,22 euros. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Mme [R] est par ailleurs bien fondée à solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclame la somme de 56 000 euros à ce titre considérant que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail n’ont pas vocation à s’appliquer au cas présent.
Toutefois, les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la convention précitée (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R). Dans ces conditions, le préjudice de Mme [R] pour la perte injustifiée de son emploi sera indemnisé sur ce fondement.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (60 ans), de son ancienneté au moment de la rupture (21 ans), des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation et en l’état des éléments soumis à l’appréciation de la cour, il lui sera alloué la somme de 38 542,40 euros en réparation de la perte injustifiée de son emploi, confirmant le jugement déféré sur ce point.
Sur les demandes au titre des indemnités spécifiques liées à la reconnaissance du caractère professionnel de l’inaptitude
Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
L’application de ces règles n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.
Aux termes de l’article L. 1226-14 du code du travail la rupture du contrat de travail pour inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit pour le salarié qui ne peut exécuter son préavis à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-5 du code du travail ainsi qu’à une indemnité spécifique de licenciement, qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement.
Le salarié ne peut prétendre à l’indemnité conventionnelle du préavis mais seulement à l’indemnité légale de préavis, qui, ayant un caractère indemnitaire, n’ouvre pas droit dans cette hypothèse à l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
L’indemnité spécifique de licenciement correspond au double de l’indemnité légale de licenciement, le doublement de l’indemnité conventionnelle de licenciement étant envisageable seulement si la convention collective applicable le prévoit.
En l’espèce, Mme [R] sollicite l’application des règles relatives à l’inaptitude d’origine professionnelle et l’allocation d’une indemnité de licenciement doublée (15 457,22 euros) ainsi qu’une indemnité de préavis (7 226,70 euros) outre les congés payés afférents (722,67 euros). Elle expose que l’employeur avait connaissance de son état de santé pour avoir été destinataire de ses arrêts de travail prescrits pour ‘burn out’ et qu’il était informé de sa demande de reconnaissance de son arrêt de travail au titre de la législation professionnelle.
L’employeur se prévaut de l’absence de caractère professionnel de l’inaptitude de la salariée arguant qu’il a tout mis en oeuvre pour lui offrir des conditions de travail et des tâches adaptées à ses souhaits, ce que confirme la position de l’assurance maladie qui a considéré que les arrêts de travail de Mme [R] ne relevaient pas d’un accident du travail. Il rappelle qu’il se devait de licencier l’intéressée compte tenu de son inaptitude totale sans recherche de reclassement. Il souligne l’attitude partiale du Docteur [I], médecin du travail, aux motifs qu’elle conclut dans son avis du 19 novembre 2018 que l’état de santé de la salariée s’est dégradé en raison de ses conditions de travail sans jamais préciser que l’inaptitude de Mme [R] est d’origine professionnelle.
Ainsi qu’il a été exposé, l’inaptitude physique de Mme [R] est liée à ses conditions de travail du fait des manquements de son employeur à ses obligations en matière de sécurité et santé au travail mais aussi de formation en ce qu’il l’a en premier lieu affectée à un poste qu’elle avait demandé de quitter ne se sentant pas en capacité de l’exercer, provoquant son épuisement professionnel, puis en second lieu lui a demandé de pallier, à tout le moins en partie, le départ d’une collègue sans considération de ses antécédents médicaux et de sa charge de travail.
Dans l’écrit adressé le 28 décembre 2017 au docteur [F], le docteur [I], médecin du travail, relate que Mme [C] [R] est en arrêt de travail pour un syndrome anxiodépressif réactionnel à sa situation professionnelle. Ce praticien considère que la salariée est « logiquement effondrée par une placardisation qui ne peut être vécue que comme une injustice chez une salariée qui s’est investie depuis 20 ans dans cette étude » et estime que la « violence des événements du 18 décembre 2017 […] relève de la déclaration d’accident du travail ». Cet écrit emporte la conviction de la cour, étant précisé que Mme [C] [R], placée en arrêt de travail le 19 décembre 2017, n’a pas repris son poste et que le caractère partial de l’attitude du médecin du travail ne ressort d’aucun élément du dossier.
Il s’en déduit que l’inaptitude de Mme [R], constatée par le médecin du travail, a, au moins pour partie, pour origine un accident du travail survenu le 18 décembre 2017, consécutif à l’émotion ressentie par la salariée brutalement privée de ses attributions.
L’employeur ne saurait utilement soutenir qu’il ne pouvait soupçonner l’origine professionnelle de l’inaptitude de sa salariée dès lors qu’il a été régulièrement tenu informé par le médecin du travail de l’état de santé de celle-ci, étant rappelé que ce praticien lui a indiqué par courrier du 26 octobre 2018 dans les termes suivants parfaitement éclairants : ‘Mme [R] rapporte une organisation du travail et un management qui pourraient être mis en lien avec son état de santé ce que mes constatations cliniques et mes investigations sur son travail confortent.’ Au surplus, il n’ignorait pas la demande de reconnaissance de prise en charge au titre de la législation professionnelle des risques déclarés par la salariée, demande faite par médecin traitant de la salariée le 17 janvier 2018. Dans ces conditions, il est avéré que l’employeur, au moment du licenciement de Mme [R], notifié le 11 janvier 2019, avait connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude.
En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a accordé à Mme [R] les sommes de 15 457,22 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement de l’article L. 1226-14 du code du travail et de 7 226,70 euros au titre de l’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-5 du code du travail. En revanche, s’agissant d’une indemnité forfaitaire, elle n’ouvre pas droit au paiement de congés payés, de sorte qu’il convient d’infirmer la décision entreprise sur ce point et de débouter la salariée de sa demande à ce titre.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au soutien de sa demande, Mme [C] [R] invoque la « placardisation » dont elle a fait l’objet au retour de son arrêt-maladie et après les plaintes qu’elle a été obligée de formuler (conclusions, p. 33).
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, Mme [C] [R] a été privée de ses attributions le 18 décembre 2017, une tierce personne ayant été affectée à son poste de secrétaire d’accueil et installée dans son bureau. L’employeur n’a pas répondu aux courriers des 20 décembre 2017 et du 4 janvier 2018 adressés par la salariée aux fins de se voir expliquer les raisons de son éviction et de se voir confier un nouveau poste.
Il en est résulté une dégradation de l’état de santé de la salariée, constaté le 28 décembre 2017 par le docteur [I], médecin du travail.
Ces faits laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur ne rapporte pas la preuve de ce que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il y a donc lieu de retenir l’existence d’un harcèlement moral et de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à la salariée la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre.
Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité
Aux termes des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de santé et sécurité au travail et doit prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire, en ce inclus des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
En l’espèce, Mme [R] invoque au soutien de sa prétention à ce titre les mêmes moyens que celles présentées à l’appui de sa demande au titre du harcèlement moral, à savoir que la société a commis de graves manquements à son égard en la ‘placardisant’ après son retour d’arrêt maladie et après les plaintes qu’elle a formulées. Elle relève que l’employeur est dans l’incapacité d’apporter la preuve des mesures de prévention qu’il a mises en place.
L’employeur de son côté conteste ces griefs faisant valoir qu’il s’est constamment adapté à la situation et à l’état de santé de Mme [R] afin de lui garantir les meilleures conditions de travail possibles et éviter tout éventuel impact sur son état de santé.
Cependant, en privant la salariée de ses attributions et en ne justifiant pas de la suite qui aurait été donnée aux deux courriers des 20 décembre 2017 et du 4 janvier 2018, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. Il convient donc de faire droit à la demande indemnitaire à ce titre en allouant la somme de 2 500 euros à Mme [R] ainsi que l’ont exactement décidé les premiers juges.
Sur la demande en paiement de dommages-intérêts au titre de l’absence de formation et d’entretien professionnel
Les dispositions de l’article L. 6315-1 du code du travail ont été modifiées par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014. Auparavant, il était imposé à l’employeur d’organiser un entretien individuel avec le salarié si celui-ci en faisait la demande, pour effectuer un bilan d’étape professionnel, au terme de deux ans d’activité puis tous les cinq ans. Sous l’empire de la nouvelle loi, sans qu’il soit nécessaire que le salarié en ait pris l’initiative, l’employeur est tenu d’organiser un entretien professionnel avec le salarié, tous les deux ans, cet entretien ne portant pas sur l’évaluation du salarié mais étant destiné à permettre d’apprécier ses perspectives d’évolution professionnelle notamment en termes de qualifications et d’emploi, un état des lieux écrit et récapitulatif du parcours professionnel du salarié devant intervenir tous les six ans pour permettre de vérifier le suivi d’au moins une action de formation.
Les dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail ont évolué entre 2008 et 2019 mais ont toujours imposé à l’employeur d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, ce par la proposition de formations et l’organisation d’entretiens destinés à définir les besoins du salarié et ses projets professionnels.
En l’espèce, Mme [R] sollicite la somme de 2 500 euros pour ne pas avoir bénéficié d’entretiens professionnels au cours de sa carrière et avoir reçu seulement 42 heures de formation en 21 ans de services. Elle rappelle qu’il s’agit d’une obligation légale incombant à l’employeur.
Ce dernier rappelle qu’il a mis en place des formations et qu’avant 2014, les entretiens professionnels étaient effectués à la demande de la salariée, laquelle ne s’est pas manifestée.
L’employeur ne justifie d’aucun entretien professionnel avec la salariée tout au long de sa carrière même après que celui-ci, destiné à permettre d’apprécier les perspectives d’évolution professionnelle notamment en termes de qualifications et d’emploi, a été rendu obligatoire. La salariée n’a bénéficié que de 42 heures de formation en 21 ans de service, ce qui apparaît insuffisant alors même qu’il était demandé une grande adaptabilité professionnelle à l’intéressée. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a accordé la somme de 2 500 euros à la salariée à ce titre.
Sur la demande au titre du défaut de notification du licenciement de Mme [R] à la commission nationale paritaire pour l’emploi
L’article 12.2 de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001 dispose : «La procédure de licenciement est régie par les dispositions du code du travail, complétées par celles du présent article. Le licenciement doit, dans le mois de sa notification, être signalé par lettre recommandée avec AR par l’employeur à la commission nationale paritaire de l’emploi dans le notariat, [Adresse 2], sous peine d’une pénalité, au profit du salarié, égale à un demi-mois de salaire calculé sur les mêmes bases que l’indemnité de licenciement ».
En l’espèce, Mme [R] demande la somme de 1204,45 euros aux motifs que l’employeur ne justifie pas que son licenciement a été notifié à la commission nationale paritaire de l’emploi dans le notariat, considérant que le moyen de l’employeur tiré du fait qu’il n’est pas un office notarial mais une étude est inopérant dans la mesure où il est établi que son emploi relevait de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001.
L’employeur objecte que Mme [R] ne travaillait pas au sein d’un office notarial mais d’une société civile de moyens de sorte que l’article 12.2 de la convention collective du notariat ne lui est pas applicable.
Dans la mesure où la convention collective du notariat est applicable à la relation de travail, il importe peu que la salariée n’ait pas été employée par l’étude notariale où elle était affectée mais par une société civile de moyens. Dès lors, l’employeur ne justifiant pas avoir satisfait à l’obligation impartie par le texte conventionnel, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande indemnitaire de la salariée à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel
Il résulte de l’application combinée de l’article L. 2313-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 1382, devenu 1240, du code civil et l’article 8, § 1, de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, que l’employeur qui n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été
établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Soc., 15 mai 2019, pourvoi n° 17-22.224).
En l’espèce, Mme [R] sollicite la somme de 5 000 euros pour absence d’institutions représentatives du personnel, son préjudice en découlant. L’employeur adopte les motifs du conseil de prud’hommes pour s’y opposer.
L’employeur n’a pas satisfait à ses obligations de mise en place d’institutions représentatives du personnel. Il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, d’allouer à Mme [R] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les intérêts moratoires
Les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes à titre de rappel d’indemnité de licenciement, d’indemnité spéciale de licenciement et d’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail produiront intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2019, date de réception par l’employeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation.
Les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2021, date de prononcé du jugement du conseil de prud’hommes, à l’exception de la condamnation à des dommages-intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel.
Sur la demande de remise des documents de fin de contrat
Il y a lieu d’ordonner à la SCM Mutuanot de remettre à Mme [R] une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt, dans un délai d’un mois suivant sa signification, sans qu’il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.
Mme [C] [R] ne justifie pas de la nécessité de remise d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire et d’un solde de tout compte. Il y a lieu de la débouter de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La SCM Mutuanot qui succombe principalement sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort :
Déclare recevable l’appel de la SCM Mutuanot portant sur le chef de jugement ayant alloué à Mme [C] [R] une somme de 1 472,22 euros à titre de rappel de l’indemnité de licenciement ;
Infirme le jugement rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Blois mais seulement en ce qu’il a condamné la SCM Mutuanot à payer à Mme [C] [R] les sommes de 722,67 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1226-14 du code du travail et en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne la SCM Mutuanot à payer à Mme [C] [R] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Mme [C] [R] de sa demande de condamnation de la SCM Mutuanot à lui payer la somme de 722,67 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1226-14 du code du travail ;
Dit que les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes à titre de rappel d’indemnité de licenciement, d’indemnité spéciale de licenciement et d’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail produiront intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2019 ;
Dit que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2021, à l’exception de la condamnation à des dommages-intérêts pour absence d’institutions représentatives du personnel ;
Ordonne à la SCM Mutuanot de remettre à Mme [C] [R] une attestation Pôle emploi conforme aux dispositions du présent arrêt, dans un délai d’un mois suivant sa signification sans qu’il y ait lieu au prononcé d’une astreinte ;
Déboute Mme [C] [R] de sa demande de remise d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire et d’un solde de tout compte ;
Condamne la SCM Mutuanot à payer à Mme [C] [R] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute la société de sa demande à ce titre ;
Condamne la SCM Mutuanot aux dépens de l’instance d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID